Moraxella – Branhamella

Ce sont des bactéries en forme soit de coccobacilles (Moraxella), soit de cocci (Branhamella). Les bacilles sont très courts et arrondis, parfois coccoïdes. Ils se présentent habituellement en paires ou en courtes chaînettes, souvent pléiomorphes, ils montrent des variations de taille, de longueur et sont fréquemment sous forme filamenteuse dans les cultures. Les cocci se présentent isolés ou en paire et leur morphologie est identique à celle des Neisseria.

Les Moraxella, immobiles à l’examen direct à l’état frais (absence de flagelles), sont cependant capables de déplacement par glissement ou par saccades lorsqu’ils sont en contact avec une surface appropriée (chambre à huile de Piéchaud et sur milieu semi-solide : Barker et Maxted). Cette mobilité est liée à la présence de pili.

Ils sont à Gram (-) mais ils se décolorent difficilement. Ils peuvent être capsulés.

Ils sont aérobies stricts, certaines espèces respirent les nitrates en anaérobiose. Ils possèdent une cytochrome C oxydase et en général une catalase.

Ils ne produisent pas de pigment, ne produisent pas d’acide à partir des hydrates de carbone et sont sensibles à la pénicilline.

Ce sont des bactéries chimio-organotrophes avec des exigences nutritives complexes, et dont les facteurs de croissance sont en général inconnus.

La température optimale de croissance se situe entre 33 et 35°C. Ce sont des saprophytes habituels des muqueuses de l’homme et des animaux à sang chaud. Leur pouvoir pathogène est en général limité, sauf sur terrain débilité où ils se comportent comme des pathogènes opportunistes.

MORAXELLA :

MoraxellaHISTORIQUE :

Morax (1896) et Axenfeld (1897) ont individualisé la conjonctivite due à un diplobacille sérophile dans le groupe mal défini des conjonctivites catarrhales. Ils ont cultivé la bactérie et montré son pouvoir pathogène. A. Lwolff (1939) crée le genre Moraxella pour le séparer iSHaemophilus.

I – CLASSIFICATION DES ESPÈCES – NOMENCLATURE :

Le regroupement du genre Moraxella en deux sous-genres Moraxella et Branhamella a été effectué sur la base d’études génétiques. L’ancienne dénomination de Moraxella oxydase (-) correspond actuellement au genre Acinetobacter.

Dans le sous-genre Moraxella, trois espèces sont étroitement liées du point de vue génomique M. lacunata, M. bovis, M. non liquefaciens.

M. osloensis, M. phenyipyruvica, M. atlantae ont plus- de différences génétiques entre elles et diffèrent des autres Moraxella. M.urethralis s’écarte beaucoup de ces espèces et a été rattachée au genre Oligella, un nouveau genre dans la famille des Neisseriaceae.

Il est proposé de rassembler Branhamella et Moraxella en une nouvelle famille, les Branhamaceae.

II – CARACTÈRES GÉNÉRAUX :

Sur milieu gélose les colonies sont irisées. La culture en bouillon présente un trouble homogène avec un voile en surface où l’on retrouve les mêmes formes courtes que sur gélose.

A l’isolement, le meilleur milieu de culture est constitué par la gélose au sang qui permet de satisfaire les exigences nutritives complexes des Moraxella. En dehors de M. lacunata, les autres espèces peuvent être cultivées sur gélose nutritive contenant de l’extrait de levure.

La sérophilie de M. lacunata s’explique par un besoin en acide oléique. Elle peut être reproduite en eau peptonée où la croissance est proportionnelle à la concentration en tween 80 (ester d’ac. oléique).

Un milieu minéral simple contenant un sel d’ammonium comme source d’azote et de l’acétate comme source de carbone est suffisant pour permettre la croissance de M. osloensis et 0. urethralis, caractère utile pour leur identification. Cependant ce type de milieu ne permet pas leur isolement.

III – MORAXELLA LACUNATA :

A – Morphologie :

Dans le pus conjonctival : gros bâtonnets droits, trapus à extrémités arrondies, groupées surtout en diplobacilles, parfois isolés ou en courtes chaînettes au milieu de polynucléaires et de cellules épithéliales.

En culture : plus polymorphes, diplobacilles, gros diplocoques. Présence de corpuscules métachromatiques.

B – Caractères culturaux et identification :

— sérophile : ne pousse jamais sur milieu ordinaire

— milieu d’isolement : gélose au sang, gélose chocolat

– gélose sérum : en 24 h à 35 à 37°C, petites colonies ayant souvent moins de 1 mm, grisâtres, semi-transparentes, grossissant par la suite avec un centre saillant et une périphérie plus mince.

– sérum coagulé : dès 24 h petites cupules de liquéfaction caractéristiques, (« lacunes ») qui augmentent par la suite. Le sérum est progressivement liquéfié.

– gélatine + sérum à 37°C : liquéfaction

– lait + sérum (aérobiose) culture, parfois coagulation.

C – Pouvoir pathogène naturel :

C’est l’agent de la conjonctivite subaigue diplobacillaire décrite par Morax.

Contagieuse, non épidémique, non saisonnière, peu fréquente, bénigne, le plus souvent bilatérale ou le devenant secondairement, elle évolue volontiers vers la chronicité.

Elle est caractérisée par un accolement matinal des paupières, une légère sécrétion mucopurulente, une rougeur limitée habituellement au rebord palpébral et à l’angle interne de l’oeil (caroncule), rarement compliquée. Une kératite peut être observée (ulcère grave, serpigineux avec hypopion). C’est une complication bactérienne éventuelle du trachome. Elle est guérie rapidement par les collyres au sulfate de zinc ou aux antibiotiques.

L’extrême sensibilité de ce germe aux antiseptiques et aux antibiotiques fait que M. lacunata n’est plus que très rarement isolé.

La classification actuelle rassemble M. lacunata et M. liquefaciens (M. duplex var. liquefaciens) qui étaient distinguées auparavant sur trois seuls critères (culture plus facile et plus rapide et sérophilie non obligatoire) et pouvoir pathogène plus prononcé pour ce dernier.

IV – MORAXELLA BOVIS (anc. M. duplex var. bovis) :

Cette espèce a été décrite par Hauderoy et coll. en 1937 puis par Bovre en 1979.

A – Caractères bactériologiques :

– Protéolytiques : gélatine et sérum coagulé liquéfiés

– Lait : coagulé et peptonisé

– Hémolytique

– Ne réduit pas les nitrates

– Pas d’uréase

– La présence de sérum favorise la culture.

B – Pouvoir pathogène :

C’est l’agent de la kérato-conjonctivite infectieuse des bovidés répandue dans le monde entier. Une espèce tout à fait semblable appelée M. equi est isolée chez les chevaux.

V – MORAXELLA NON LIQUEFACIENS (M. duplex var. non liquefaciens) :

Cette espèce a été décrite par Scarlett en 1916 puis par Bovre en 1979.

Les colonies sur gélose au sang ont 2 à 3 mm après 48 heures. Certaines sont très muqueuses et non hémolytiques, ces colonies bombées et coulantes peuvent faire penser à Klebsiella.

A – Caractères bactériologiques :

– La gélatine et le sémm ne sont pas liquéfiés

– Nitrates réduits en nitrites

Uréase présente chez quelques rares souches.

B – Habitat :

Dans le tractus respiratoire de l’homme, il est habituel dans les fosses nasales, qui est probablement son principal habitat naturel, il est présent dans la gorge et les crachats.

C – Pouvoir pathogène :

II est encore incertain. Il pourrait être un agent de surinfections secondaires et de certains cas de bronchites purulentes. Isolé dans des cas de méningites, de septicémies, les preuves formelles de son rôle pathogène ne sont pas toujours apportées.

VI – MORAXELLA PHENYLPYRUVICA :

Cette espèce a été décrite par Bovre et Henriksen en 1967.

Les colonies sur gélose au sang sont assez petites : 0,5 à 1 mm après 24 heures.

La croissance est lente, difficile, la présence de sérum l’améliore.

Le nom de l’espèce vient du fait que l’acide phényipyruvique est le produit de désamination de la phénylalamine et du tryptophane.

A – Caractères bactériologiques :

– Habituellement non hémolytique, mais on peut noter un verdissement de la gélose autour des colonies.

– Nitrates habituellement réduits en nitrites

– Gélatine et sérum coagule non liquifiés

– Uréase habituellement présente

– Très sensible à la pénicilline, des souches résistantes ont été décrites qui possèdent une bêta-lactamase.

B – Habitat :

II est mal connu. Des souches sont isolées des voies génito-urinaires, des urines, du sang, du LCR, de pus, de différentes lésions. Un abcès du cerveau a été décrit.

C – Pouvoir pathogène :

II est sans doute faible, et mal connu à l’heure actuelle.

VII – MORAXELLA OSLOENSIS :

Cette espèce a été décrite par Bovre et Henriksen en 1967, et isolée à Oslo pour la première fois. On peut mettre en évidence des inclusions de poly-bêta hydroxybutyrate (PHB) en cultivant les germes sur un milieu approprié contenant une source d’azote en quantité limitante.

Ce germe est souvent capsulé, les colonies sont lisses, souvent opaques. La croissance est assez facile. Il n’a pas d’exigences spéciales et peut être cultivé sur un milieu minéral simple avec de l’acétate comme source de carbone.

A – Caractères bactériologiques :

– Non hémolytique

– Sérum coagulé et gélatine non liquéfiés

– Réduction des nitrates par la moitié des souches

– Uréase rarement présente

– Pas de désamination de la phénylalanine

– Citrate rarement utilisé

Moins sensible à la pénicilline que les autres espèces, certaines souches sont résistantes et possèdent une bêta-lactamase.

B – Habitat :

II est mal connu. Cette espèce peut être isolée de l’appareil génito-urinaire, du sang, du LCR, du tractus respiratoire supérieur.

C – Pouvoir pathogène :

II est probablement faible. Quelques souches ont été isolées dans des cas d’infections sévères.

VIII – MORAXELLA ATLANTAE :

Cette espèce a été décrite par Bovre et coll. en 1976. Les colonies sont petites s’incrustant parfois dans la gélose. Cette espèce est rarement isolée du sang, du LCR, de la rate. Son habitat et son pouvoir pathogène ne sont pas définis.

IX – OLIGELLA (Moraxella urethralis) :

Sur la base d’études génétiques M. urethralis a été rattachée au nouveau genre Oligella où l’on distingue deux espèces : 0. urethralis et 0. ureolytica.

A – Caractères bactériologiques :

– Absence de réduction des nitrates

– Réduction des nitrites

– Peut être cultivé sur milieu minéral simple avec de l’acétate

– Présence d’inclusions de poly-bêta hydroxybutyrate

– Très sensible à la pénicilline

B – Habitat :

Cette espèce est isolée du tractus génito-urinaire, de l’urine et de l’appareil génital de la femme.

Son pouvoir pathogène est mal connu, elle peut être isolée chez des sujets immunodéprimés.

Principaux caractères d'identification des espèces des genres Moraxella et Oligella
Principaux caractères d’identification des espèces des genres Moraxella et Oligella

BRANHAMELLA :

BranhamellaSeule espèce de Branhamella isolée chez l’homme, B. catarrhalis était appelée auparavant Neisseria catarrhalis et a été séparée des autres Neisseria en 1970.

Trois autres espèces de Branhamella ont été récemment décrites. Elles sont isolées chez l’animal : B. caviae (chien), B. ovis (mouton), B. cuniculi (lapin).

Bien que présentant des caractères communs avec les Neisseria : cocci à Gram (-), oxydase (+), catalase (+), les Branhamella n’ont aucune parenté génétique avec ce genre.

L’opportunité de leur rattachement aux Moraxella dans le sous-genre Branhamella est actuellement discuté.

I – DIAGNOSTIC BACTÉRIOLOGIQUE :

Le diagnostic de cette espèce sera porté sur les caractères suivants :

– absence d’acidification des hydrates de carbone

– absence de pigment, et de synthèse de polysaccharides

– croissance sur milieux usuels

– hydrolyse de la tributyrine

– production de lipase et de DNase

– réduction des nitrates et des nitrites

– ni hémolyse ni verdissant de la gélose au sang.

Un faible pourcentage des souches est résistant à la colimycine et croît sur le milieu

VCF. La résistance de la vancomycine permet la fabrication de milieux sélectifs.

II – POUVOIR PATHOGÈNE :

n est actuellement mieux connu. Le rôle de B. catarrhalis a été montré dans :

– les infections broncho-pulmonaires : chez les personnes âgées, avec une insuffisance respiratoire (silicose, emphysème) ou cardiaque gauche ; chez les prématurés, les patients immunodéprimés…

– les infections ORL de l’enfant (otites moyennes, sinusites, rhinopharyngites)

– les septicémies et les méningites (exceptionnelles)

– les infections oculaires et vénériennes (rares).

Ces infections sont courantes en milieu hospitalier.

La présence concomitante de B. catarrhalis producteur de B-lactamase et de Streptococcus pneumoniae ou d’Haemophilus influenzae sensibles à la pénicilline dans les voies respiratoires a permis de développer la notion de pouvoir pathogène indirect : B. catarrhalis protégerait les autres agents pathogènes respiratoires de l’action de l’antibiotique permettant la prolongation de l’infection maigre un traitement a priori suffisant par ampicilline ou amoxicilline. Dans ce cas un traitement par une céphalosporine orale est justifié.

Cependant, il faut noter que B. catarrhalis est souvent le seul agent pathogène isolé au cours d’épisodes infectieux. Pour le moment, il n’a pas été mis en évidence de facteurs de virulence chez cette bactérie.

B. catarrhalis est souvent isolé de l’oro-pharynx de l’enfant mais il est peu fréquent chez l’adulte.

III – SENSIBILITÉ AUX ANTIBIOTIQUES :

B. catarrhalis est en règle générale sensible aux antibiotiques. Mais actuellement plus de la moitié des souches possède une B-lactamase hydrolysant les pénicillines.

Cette enzyme est constitutive et le gène porté par le chromosome. Inactive sur la cloxacilline et les céphalosporines, elle est inhibée par l’acide clavulanique.

B. catarrhalis est sensible aux macrolides et aux cyclines. Il est résistant au triméthoprime.