Mycobactéries, dites atypiques

HISTORIQUE :

– De 1880 à 1900 sont décrits chez l’homme les bacilles de la lèpre et de la tuberculose ; d’autres bacilles acido-alcoolo-résistants sont aussi observés chez des animaux.

En 1885 est décrit, chez l’homme, le « bacille du smegma », actuellement nommé Mycobacterium smegmatis.

Entre 1900 et les années 1950, des Mycobactéries « non tuberculeuses » sont observées chez l’homme à partir de divers prélèvements (amygdales, peau, liquide pleural, expectorations, urines).

Mais il était difficile d’associer clairement la présence de ces germes à une maladie humaine.

– A partir des années 1950, émerge le concept d’infections humaines à mycobactéries non tuberculeuses parce que les examens de laboratoire deviennent plus performants, que la fréquence de la tuberculose commence à diminuer grâce aux antibiotiques et que des corrélations bactério-cliniques sont effectuées.

– En 1954, un groupe dirigé par Runyon étudie plusieurs centaines de souches isolées de patients, ce qui aboutit, en 1959, à la classification par ces auteurs des mycobactéries.

Ces germes ont reçu plusieurs appellations : bacilles paratuberculeux, pseudotuberculeux, non classés, anonymes, non tuberculeux, atypiques, opportunistes, tuberculoïdes.

Actuellement, il vaut mieux parler de mycobactéries dites atypiques ou de bacilles autres que ceux de la tuberculose (MOTT = mycobacteria other than tuberculous).

I – CLASSIFICATION BACTÉRIOLOGIQUE DE RUNYON :

MycobactériesEn 1959, Runyon propose une classification bactériologique des mycobactéries non tuberculeuses. Cette classification ne comprend donc ni M. tuberculosis, ni M. bovis, ni M. africanum.

M. leprae, non cultivable, n’en fait pas partie. Cette classification est fondée sur la vitesse de croissance des bactéries in vitro et sur les conditions de pigmentation éventuelles de ces germes en culture.

– Vitesse de croissance :

L’obtention de colonies matures et macroscopiquement visibles en plus de 5 jours correspond à une croissance lente et en moins de 5 jours à une croissance rapide.

– Colonies photochromogènes :

Ce sont des colonies non pigmentées si leur croissance a eu lieu à l’obscurité et pigmentées après exposition à la lumière en présence d’oxygène.

Colonies scotochromogènes :

Ce sont des colonies pigmentées que leur croissance ait eu lieu à la lumière ou à l’obscurité.

Groupe 1

mycobactéries à croissance lente et photochromogènes

ex : M. kansasii, M. marinum, M. simiae, M. asiaticum

Groupe II

mycobactéries à croissance lente et scotochromogènes

ex : M. scrofulaceum, M. gordonae, M. flavescens, M.xenopi, M. szulgai

Groupe III

mycobactéries à croissance lente et non pigmentées

ex : M. avium-intracellulare, M . malmoense, M. gastri, M. haemophilum, M. nonchromogenicum, M. terrae, M. triviale, M. ulcérons

Groupe IV

mycobactéries à croissance rapide, pigmentées ou non

ex : M.fortuitum, M. chelonae, M. phlei, M. smegmatis, M. vaccae

Cette classification n’est pas absolue car certaines mycobactéries pigmentées peuvent perdre leur pigment après subculture ; par ailleurs, M. szulgai est photochromogène à 25°C et scotochromogène à 37°C. M. xenopi, scotochromogène à la primoculture uniquement, est souvent classée dans le groupe III en raison de ses nombreuses analogies avec les mycobactéries aviaires.

II – CLASSIFICATION CLINIQUE DES MYCOBACTÉRIES EN FONCTION DE LEUR POUVOIR PATHOGÈNE CHEZ L’HOMME :

A – Mycobactéries considérées comme toujours pathogènes :

A côté de M. tuberculosis, M. bovis, M. africanum et M. leprae il existe des mycobactéries rarement rencontrées :

1. M. ulcérons (groupe III) :

Responsable d’ulcères cutanés indolores, chroniques et extensifs, sans réaction cellulaire. C’est l’ulcère de Baimsdale ou de Buruli observé en Australie, en Afrique Centrale et en Amérique Centrale et qui pourrait être dû à une toxine sécrétée par la bactérie.

2. M. haemophilum (groupe III) :

Cette bactérie a été décrite pour la première fois en Israël en 1978, et est responsable de lésions cutanées disséminées (infiltrations cutanées, abcès, granulomes, fistules) avec réaction cellulaire.

3. M. szulgai (groupe II) :

Décrite en 1972, cette bactérie est surtout responsable d’affections pulmonaires simulant une tuberculose mais aussi de bursites (de l’olécrâne). Elle a été retrouvée aussi dans des adénopathies et des lésions cutanées.

Son habitat naturel est inconnu.

4. M. malmoense (groupe III) :

Décrite en 1977 à Malmô, cette bactérie a toujours été associée à des affections pulmonaires (Suède, Pays de Galles, Australie).

B – Mycobactéries souvent pathogènes :

1. M. marinum (groupe I) :

Cette bactérie est responsable de granulomes cutanés chroniques siégeant de préférence au niveau des membres. C’est le « granulome des piscines » qui guérit spontanément en quelques mois le plus souvent, ou qui provoque des ulcérations profondes avec réaction cellulaire (On observe parfois des tuméfactions étagées sur les voies lymphatiques, simulant une sporotrichose).

Le réservoir naturel du germe est représenté par les animaux à sang froid, particulièrement les poissons exotiques en aquarium, les piscines et le littoral des mers chaudes.

2. M. kansasii (groupe I) :

Cette espèce cause des affections pulmonaires pouvant ressembler à une tuberculose cliniquement et histologiquement. Mais on l’a retrouvée aussi dans des adénopathies, des affections cutanées, des bursites, des infections urogénitales et dans des méningites. Aux U.S.A. cette mycobactérie est assez fréquemment rencontrée comme cause d’infection pulmonaire.

Le réservoir naturel de ce germe est inconnu. On isole parfois la bactérie d’échantillons d’eaux et de lait et exceptionnellement chez des bovidés et des porcs.

Signalons que les souches ayant une forte activité catalasique sembleraient plus pathogènes que celles ayant une faible activité catalasique.

3. M. simiae (groupe I) :

Ce germe est parfois responsable d’affections pulmonaires chez l’homme ; on l’a parfois trouvé associé à M. tuberculosis chez certains patients. Le réservoir du germe est inconnu ; cette bactérie n’a été isolée que chez le singe et l’homme.

4. M. scrofulaceum (groupe II) :

D est responsable d’adénopathies sous-maxillaires purulentes chez les enfants de moins de 8 ans. Quelques cas d’affections pulmonaires ont aussi été décrits, en particulier chez des malades ayant déjà des cavernes d’origine tuberculeuse. Le réservoir du germe est mal connu et certaines souches ont été isolées du lait, d’huîtres, des eaux et du sol.

5. M. avium et M. intracellulare (groupe III) (ou bacille de Battey) :

Ces deux espèces ont été séparées initialement sur la base de leur pouvoir pathogène pour la poule et le lapin qui sont sensibles uniquement à l’injection de M. avium par voie intra-veineuse. Mais biochimiquement ces deux espèces ne peuvent être différenciées et font partie du complexe avium-intracellulare. Ce groupe n’est pas pathogène pour le cobaye. Chez l’homme ce complexe est responsable d’affections pulmonaires.

En outre, chez l’enfant, ce germe est parfois responsable d’adénopathies cervicales.

Des infections articulaires, génito-urinaires et méningées ont parfois été décrites.

Depuis le déclenchement de l’épidémie de SIDA, les mycobactéries atypiques, notamment celles du groupe M. avium-intracellulare, ont une fréquence d’isolement accrue. En effet, les mycobactérioses disséminées occupent, après les pneumonies à Pneumocystis carinii et les infections généralisées à Cytomégalovirus, la 3e place parmi les infections opportunistes terminales chez les malades atteints de SIDA. Les mycobactéries en cause peuvent être isolées par hémocultures, cultures de moelle osseuse ou par coprocultures. Ces mycobactéries du groupe avium-intracellulare sont trouvées dans les organes de près de la moitié des malades morts de SIDA aux U.S.A.

M. avium-intracellulare résiste habituellement à la plupart des antituberculeux, y compris à la rifampicine. L’efficacité clinique de l’ansamycine et de la clofazimine est discutée.

Le germe s’isole aussi chez les oiseaux atteints de tuberculose aviaire, chez les mammifères et dans l’environnement ; le germe semble rester viable et virulent dans le sol pendant plusieurs années.

6. M. xenopi (groupe II) :

Cette espèce est souvent responsable d’affections pulmonaires chroniques en Europe du Nord et en Australie. Elle vient, à Paris, en troisième place après M. tuberculosis et M. bovis. Parfois elle colonise d’anciennes lésions tuberculeuses ; elle a aussi été isolée d’amygdales.

Le germe a été trouvé dans de l’eau de robinet chaude ou froide, dans le milieu extérieur et rarement chez l’animal (porc).

C – Mycobactéries peu pathogènes :

1. Mycobacterium asiaticum (groupe I) :

Initialement isolée chez le singe, cette mycobactérie a été trouvée chez l’homme aux États-Unis et en Australie.

2. Mycobacterium fortuitum et M. chelonae (groupe IV) :

Ces deux bactéries sont souvent groupées sous le vocable de « complexe fortuitum ».

Ces germes peuvent se trouver partout dans l’environnement (eaux, sol, poussières) et chez les animaux à sang froid (poissons, grenouilles). C’est un commensal habituel de l’homme.

Chez l’homme ils provoquent surtout des abcès au point d’injection de produits médicamenteux.

On les trouve dans les infections après chirurgie orthopédique (évolution lente), ainsi que dans des kératites et des arthrites. De rares abcès pulmonaires ont été observés sur des lésions pulmonaires préexistantes, ou après inhalation de particules huileuses ou de corps étrangers.

Cependant, on peut observer des colonisations prolongées du tractus respiratoire, sans signes cliniques évidents.

C’est la mycobactérie le plus souvent responsable d’infections graves post-chirurgicales chez des malades soumis à un traitement immuno-suppresseur. Il s’agit d’infections à incubation et à évolution longues.

D – Mycobactéries considérées comme non pathogènes pour l’homme :

1. Des espèces pathogènes pour des animaux :

– M. paratuberculosis, agent de l’entérite diarrhéique hypertrophiante des bovidés (ou bacille de Johne), croissant sur des milieux supplémentés en mycobactine J (sidérophore des mycobactéries) ;

M. microti, agent de la tuberculose du campagnol ;

M. lepraemurium, agent de la lèpre murine (Bacille de Stefansky), difficile à cultiver, utilisé par Merkien et Cottenot pour le sérodiagnostic de la lèpre ;

M. farcinogenes, agent du farcin du boeuf du Tchad ;

M. sénégalaise, agent du farcin du boeuf du Sénégal.

2. Des espèces saprophytes trouvées tant dans l’environnement que chez l’homme :

– M. gordonae : c’est une mycobactérie saprophyte très répandue dans la nature ;

M. flavescens : c’est un saprophyte fréquent dans l’environnement et au laboratoire ;

– mycobactéries du complexe « radish » ou « terrae ». Ce sont aussi des saprophytes assez répandus : M. gastri. M. nonchromogenicum, M. terrae, M. triviale.

III – RÉSERVOIR DE GERME ET ÉPIDÉMIOLOGIE :

Les mycobactéries atypiques sont des bactéries largement répandues dans la nature. Ubiquitaires, elles ont été isolées de l’eau, de la terre, de végétaux et de nombreux animaux tant domestiques que sauvages, mais il n’existe pas à proprement parler de réservoir naturel dûment démontré comme c’est le cas pour M. tuberculosis ou bovis. Ces germes sont fréquemment isolés des circuits de distribution des eaux, y compris dans les hôpitaux.

Les sujets les plus exposés aux mycobactérioses sont ceux qui présentent un déficit global de l’immunité cellulaire (cancéreux, transplantés, sidéens), ou un déficit local de l’immunité par diminution de l’activité des macrophages alvéolaires (silicose, pneumoconiose). Ces infections peuvent produire des adénopathies chez les enfants.

Elles sont souvent bénignes, et ne touchent souvent qu’un ganglion lymphatique. La distribution de ces ganglions infectés suggère une colonisation localisée des muqueuses nasopharyngée, bronchique et aussi intestinale par des bactéries d’origine hydrique. L’homme s’infecte en buvant de l’eau contaminée ou étant exposé à des aérosols produits par de l’eau du robinet (douches). Il existe également des infections liées à l’introduction accidentelle de germes dans les tissus (seringues, implantation de matériel étranger contaminé).

IV – ORGANES LE PLUS FRÉQUEMMENT ATTEINTS :

A – Le poumon :

II représente la cible la plus fréquemment atteinte (80-90%) par ces mycobactéries, en particulier par M. kansasii, M. avium-intracellulare et M. xenopi. Plus rarement sont incriminés : M. scrofulaceum, M. szulgai, M.fortuitum-chelonae, M. malmoense, M. simiae, M. asiaticum. Différentes

formes cliniques existent, allant des lésions asymptomatiques découvertes lors d’une radiographie de routine, jusqu’aux lésions cavitaires accompagnées d’hémoptysie.

Le malade-type est un homme du sexe masculin, âgé de plus de 40 ans et présentant des lésions pulmonaires chroniques. Les mineurs, les soudeurs à l’arc sont particulièrement exposés.

Les facteurs favorisant l’éclosion d’une mycobactériose pulmonaire non tuberculeuse sont :

— les facteurs liés à la nature du germe infectant,

— les facteurs liés à la résistance de l’organisme infecté,

– le niveau de la résistance locale lié à des affections broncho-pulmonaires sous-jacentes (pneumoconioses, bronchite chronique, dilatation des bronches, séquelles de tuberculose, cancer pulmonaire)

– le niveau de la résistance générale.

Cependant des cas sont parfois observés chez des femmes, des hommes jeunes sans lésions pulmonaires préexistantes ou sans déficit de l’immunité cellulaire.

L’isolement de mycobactéries saprophytes à partir d’expectorations est fréquent.

C’est pourquoi le diagnostic de mycobactériose pulmonaire ne sera porté que sur la convergence des arguments suivants :

a/ absence de mycobactérie de la tuberculose (les infections mixtes étant fréquentes) ;

b/ isolement du germe à plusieur reprises,à plusieurs jours ou semaines d’intervalle avec un nombre important de colonies à la culture et/ou avec des examens microscopiques directs positifs (Ziehl) ;

c/ signes cliniques et radiologiques plus ou moins évocateurs d’une tuberculose ;

d/ éventuellement isolement de la mycobactérie directement dans les lésions après exérèse chirurgicale ou autopsie.

Contrairement à la tuberculose, ces mycobactérioses pulmonaires ne sont habituellement pas contagieuses d’homme à homme : les mycobactéries en cause proviennent de l’environnement.

B – Les ganglions lymphatiques :

La plupart des cas surviennent chez des enfants de moins de 5-8 ans (extrêmes : 7 mois à 12 ans). Ces adénopathies froides sont surtout cervicales, mais peuvent siéger parfois au niveau des membres ou dans la région parotidienne. Il s’agit d’adénopathies unilatérales peu ou pas douloureuses chez un enfant présentant une bonne conservation de l’état général. Habituellement ces lésions tendent à se fistuliser.

Parfois les adénopathies restent stables ou régressent spontanément. La guérison est habituellement spontanée, quoique des rechutes puissent être observées.

Trois espèces surtout sont en cause : M. scrofulaceum, M. avium-intracellulare, M. kansasii et parfois M. szulgai et M.fortuitum.

C – Les tissus mous, la peau :

II s’agit d’ulcérations cutanées (M. ulcérons), de granulomes chroniques (M. marinum), d’abcès localisés secondaires à des injections médicamenteuses (M.fortuitum-chelonae). M. haemophilum et M. szulgai ont également été trouvés dans ces localisations.

D – Os et articulations :

Les synoviales, les gaines de tendons, les bourses séreuses peuvent être infectées par M. avium-intracellulare, M. kansasii, M. fortuitum, M. szulgai et les os par M. fortuitum-chelonae.

E – Maladie généralisée :

Elle peut être observée chez des sujets immunodéprimés, notamment chez les malades atteints du SIDA. Les germes en cause sont surtout M. avium-intracellulare, parfois M. kansasii, M. szulgai et M. xenopi.

V – IDENTIFICATION DES MYCOBACTÉRIES AU LABORATOIRE :

A – Mise en évidence du germe :

Les techniques utilisées sont celles employées pour les bacilles de la tuberculose.

Cependant, certaines mycobactéries (M. fortuitum et M. chelonae) sont très sensibles aux décontaminants habituellement utilisés.

Par ailleurs, la culture de M. haemophilum exige des milieux spéciaux : gélose chocolat ou milieux additionnés d’érythrocytes lysés ou de 0,4 % d’hémoglobine ou de 60 µM d’hémine ; ou milieu de Lôwenstein-Jensen additionné de 1 % de citrate ferri-ammoniacal.

La température d’incubation est en général de 37°C ; mais pour les produits du revêtement cutané ou d’origine superficielle, elle doit être à la fois de 30°C et de 37°C.

B – Tests d’identification des mycobactéries :

1. Vérifier que ce sont des bacilles acido-alcoolo-résistants.

2. Vérifier la pureté de la souche car les associations de mycobactéries ne sont pas rares.

3. Étudier la vitesse de croissance du germe à diverses températures (28°C,

37°C, 42°C). La vitesse et la température optimale de croissance seront estimées sur une subculture de la souche présentant des colonies isolées.

4. Observer l’aspect des colonies :

Colonies rugueuses R (ou eugoniques), comme M. tuberculosis.

Colonies lisses S (smooth), comme M. hovis.

Aspect intermédiaire.

– Pigmentation : colonies photochromogènes, scotochromogènes, non pigmentées.

La recherche d’une pigmentation photo-inductible doit s’effectuer de la manière suivante : une suspension de la souche à tester est diluée de façon à obtenir des colonies isolées sur 3 tubes de milieu à l’oeuf. Deux de ces tubes sont enveloppés d’une feuille d’aluminium et le 3e reste non protégé de la lumière. Quelques jours après l’apparition de colonies sur le tube non protégé, on contrôle la croissance de la mycobactérie dans les tubes enveloppés et l’un d’eux seulement est exposé pendant 5 heures à une lampe de 100 W après avoir décapuchonné le tube ou avoir desserré le capuchon à vis pour favoriser l’oxygénation de la culture.

Toutes les cultures sont remises à l’étuve, et l’apparition d’une éventuelle pigmentation s’observe après 24, 48 ou 72 heures.

5. Propriétés biochimiques

a/ Synthèse et libération d’acide nicotinique dans le milieu (niacin-test)

b/ Étude d’activités enzymatiques : nitrate-réductase, catalase à 22°C, catalase à 68°C et à pH 7, arylsulfatase, hydrolyse du tween 80, uréase, pyrazinamidase, amidases, P-glucosidase, croissance en présence de fructose,…

6. Résistance à divers agents

NaCl 5 %, NaNO2, TCH (hydrazide de l’acide thiophène-2-carboxylique), Tbi (thiosemicarbazone), PAS, éthambutol, milieu de Mac Conkey sans cristal violet, acide paranitrobenzoïque, hydroxylamine, D-cyclosérine.

C – Identification proprement dite :

1. Bactéries à croissance lente et photochromogènes (Tableau I) :

Les études de photochromogénicité doivent être effectuées avec soin car elles sont importantes pour l’identification correcte de ces germes.

Les cultures à croissance confluente ou les colonies vieillies peuvent ne pas produire de pigment après exposition à la lumière.

Ces bactéries ont une catalase thermostable.

Si l’activité catalasique de M. kansasii est élevée, le germe est réputé plus pathogène que s’il a une faible activité. A la coloration de Ziehl, il présente un aspect granuleux.

TABLEAU I : principaux caractères d'identification des espèces de Mycobactéries du groupe 1
TABLEAU I : principaux caractères d’identification des espèces de Mycobactéries du groupe 1

2. Mycobactéries à croissance lente et scotochromogènes (Tableau II) :

Ces bactéries ont une catalase thermostable.

M. szulgai est photochromogène à 24°C et scotochromogène à 37°C.

M. xenopi n’est souvent pigmenté qu’à la primoculture. Ce sont de petites colonies de longs bacilles. M. xenopi pousse plus vite à 42°C qu’à 37°C.

TABLEAU II : principaux caractères d'identification des espèces de Mycobactéries du groupe 2
TABLEAU II : principaux caractères d’identification des espèces de Mycobactéries du groupe 2

3. Bactéries à croissance lente et non pigmentées (Tableau III) :

M. tuberculosis, M. bovis, M. africanum, M. malmoense et M. gastri ont une catalasc thermolabile à 68°C.

M. ulcérons est isolé de lésions cutanées ou sous-cutanées. Il croît à 30°C en 6 à 9 semaines seulement.

M. malmoense résiste à l’INH, à la streptomycine, au PAS, et à la rifampicine.

M. haemophilum pousse à 30°C, requiert de l’hémine ou pousse sur milieu de Lôwenstein-Jensen contenant 1 % de citrate ferri-ammoniacal.

Autres bactéries sans intérêt clinique : mycobactéries du complexe « radish » ou « terrae » : ce groupe est sensible à l’éthambutol.

TABLEAU III : principaux caractères d'identification des espèces de Mycobactéries du groupe 3
TABLEAU III : principaux caractères d’identification des espèces de Mycobactéries du groupe 3

4. Bactéries à croissance rapide (Tableau IV) :

Elles forment des colonies en 5-7 jours et se développent sur les milieux bactériologiques usuels géloses.

a/ Mycobacteriumfortuitum-chelonae

II s’agit de bactéries non pigmentées, croissant sur milieu de Mac Conkey sans cristal violet.

Parfois M.fortuitum absorbe le vert malachite et présente des colonies vertes sur milieu à base d’oeuf.

b/ Espèces pigmentées

II en existe un grand nombre sans intérêt médical, mais parfois rencontrées au laboratoire d’analyse : M. vaccae (photochromogène), M. auruin, M . parafortuitum, M. neoaurum, etc.

c/ Espèces thermophiles, plus ou moins pigmentées : M. phlei, M. thermoresistibile, M. smegmatis parfois utilisée comme stimulant non spécifique de l’immunité en cancérologie.

TABLEAU IV : principaux caractères d'identification des espèces de Mycobactéries du groupe 4
TABLEAU IV : principaux caractères d’identification des espèces de Mycobactéries du groupe 4

5. Identification par sondes nucléiques :

Des sondes nucléiques spécifiques permettent l’identification de certaines espèces de mycobactéries dites atypiques : M. aviumm, intracellulare, M. kausasii et M. gordonae. Les résultats obtenus sont très satisfaisants, mais ces sondes présentent encore le désavantage d’être radiomarquées.

VI – POUVOIR PATHOGÈNE EXPÉRIMENTAL :

– Le cobaye n’est pas sensible aux mycobactéries dites atypiques injectées par voie sous-cutanée.

– Le lapin et la poule sont sensibles à M. avium administré par voie intra-veineuse.

– La souris peut être utile mais n’est pas nécessaire pour différencier M. kansasii, M. marinum et M. ulcérons. M. kansasii injectée par voie intra-veineuse chez cet animal produit une maladie des organes internes seulement. La queue et les coussinets plantaires, dont la température est inférieure à 37°C, restent indemnes. Les deux autres espèces, après injection intra-veineuse ou dans les coussinets plantaires, produisent des lésions dans les parties les plus froides du corps comme la queue, les coussinets plantaires, le nez, le scrotum etc.

M. ulcérons se développe très lentement par rapport à M. marinum mais provoque des lésions plus graves.

VII – LES SENSITINES :

Les mécanismes de l’immunité et de l’hypersensibilité provoqués par les mycobactéries non tuberculeuses sont similaires à ceux de la tuberculose. Les sensitines sont des antigènes solubles dérivés de fractions cytoplasmiques après rupture de la paroi des bacilles.

Leur emploi est le même que celui de la tuberculine : déceler l’hypersensibilité retardée à une mycobactérie non tuberculeuse. Malheureusement il existe d’importantes réactions croisées entre les diverses sensitines, c’est-à-dire que l’infection par une mycobactérie donnée sera détectée par la sensitine homologue et par des sensitines provenant d’autres espèces de mycobactéries. Cependant la réaction homologue est en général plus importante que la réaction hétérologue, à condition d’utiliser des sensitines bien standardisées. Actuellement, on utilise des fractions purifiées de sensitines appelées PPD (« purified protein derivative »). Par exemple, dans le cas d’une infection à M. avium-intracellulare on effectuera en parallèle une intradermoréaction à la PPD-aviaire à un bras du malade et une autre à la PPD de la tuberculose à l’autre bras. On comparera les surfaces des deux réactions : la lecture devra être faite par deux observateurs au moins ; si la surface de la réaction à la PPD-aviaire est plus importante que celle de la réaction à la PPD de la tuberculose, on conclura à une infection par M. avium-intracellulare. En pratique, cette technique est utile chez de jeunes enfants n’ayant pas eu de contact avec d’autres antigènes mycobactériens, particulièrement dans le cas d’adénopathies. Chez l’homme adulte, la situation est plus complexe à envisager.

Les PPD sont fournies par le Statens Sérum Institut de Copenhague.

VIII – SÉROTYPIE DES MYCOBACTÉRIES DITES ATYPIQUES :

Certaines espèces de mycobactéries comprennent divers sérotypes, ce qui présente un intérêt pour les études épidémiologiques.

M. avium-intracellulare possède 28 sérotypes (1 à 28) (le sérotype 8 est le plus souvent rencontré chez l’homme)

M. scrofulaceum : 3 ou 4 sérotypes (41 à 43 ou 44)

M. marinum : 2 sérotypes (1 à 2)

M.fortuitum : 2 sérotypes (1 à 2)

M. gordonae : 7 sérotypes (1 à 7)

M. simiae : 1 sérotypes.

M. chelonae, M. szulgai et M. kansasii sont sérologiquement homogènes (un seul sérotype).

IX – THÉRAPEUTIQUE :

La sensibilité des mycobactéries dites atypiques est habituellement évaluée par la méthode des proportions en milieu solide.

Les mycobactéries dites atypiques sont presque toujours résistantes au PAS et à l’INH, et beaucoup sont sensibles à la D-cyclosérine (sauf M. szulgai et M. fortuitum-chelonae). Cependant la sensibilité observée in vitro ne se traduit pas toujours in vivo par une efficacité du médicament ; les raisons en sont mal connues.

L’antibiogramme par la méthode radiométrique n’est pas applicable aux mycobactéries dites atypiques. De nombreux protocoles alternatifs sont en cours d’étude, visant à une standardisation de l’antibiogramme des mycobactéries non-tuberculeuses.

M. kansasii répond habituellement bien à des traitements adaptés. Il est sensible notamment à la thiosemicarbazone, à l’éthambutol, à l’éthionamide et à la rifampicine. Cependant M. kansasii apparaît à tort résistant à la rifampicine sur les antibiogrammes classiques où la rifampicine est remplacée par la rifamycine SV, plus stable, et ayant la même activité vis-à-vis de M. tuberculosis. Or M. kansasii est résistant vis-à-vis de la rifamycine SV ; il faut donc mesurer la sensibilité de ce germe à la rifampicine vraie sur un milieu préparé extemporanément.

M. marinum : les infections guérissent souvent spontanément mais lentement (plusieurs mois). On a utilisé avec succès dans le traitement : l’association triméthoprime-sulfaméthoxazole, des cyclines ou l’association rifampicineéthambutol à laquelle le germe est souvent sensible in vitro.

M. avium-intracellulare, M. scrofulaceum, M. xenopi, M. szulgai et M. simiae sont habituellement multirésistants in vitro aux antibiotiques et répondent mal au traitement antibiotique. Pour les infections pulmonaires à M. avium-intracellulare on a proposé des associations incluant l’ansamycine (dérivé de la rifampicine) ou la D-cyclosérine. Le traitement chirurgical donnerait des résultats satisfaisants après stabilisation des lésions par un traitement antibiotique.

L’utilisation de clofazimine (anti-lépreux) de la clarithromycine et d’ansamycine a été préconisée dans les infections généralisées à M. avium-intracellulare.

Pour M. fortuitum-chelonae, l’amikacine, l’érythromycine, les cyclines, les sulfamides, l’éthionamide peuvent être efficaces.