Traitements hormonaux substitutifs de la ménopause

La ménopause correspond à l’arrêt définitif des règles par épuisement du capital folliculaire ovarien. La petite fille naît avec un stock de follicules (200 000 à 500 000) qui s’épuisera au fil de la vie essentiellement par atrésie, mais aussi lors de l’entrée en phase de croissance des cohortes folliculaires permettant à l’un d’entre eux d’arriver au stade pré-ovulatoire.

En moyenne, la ménopause survient vers l’âge de 50 ans, stable à travers les siècles. Elle se traduit cliniquement par :

– le syndrome climatérique : bouffées vasomotrices, sueurs nocturnes, asthénie, frilosité, douleurs articulaires, troubles de l’humeur voire dépression, insomnie ;

– des troubles trophiques uro-génitaux ;

– une déminéralisation osseuse aboutissant à l’ostéoporose chez 30 % des femmes.

La ménopause est précédée d’une période de cycles irréguliers, plus courts (phase folliculaire raccourcie, ovulation au 10e, 11e jours du cycle) puis qui s’allongent avec anovulation. Les bouffées de chaleur et surtout les sueurs nocturnes peuvent précéder la ménopause de plusieurs mois ou années.

Le diagnostic est clinique : aménorrhée de 12 mois avec bouffées de chaleur chez une femme de 50 ans. Un test aux progestatifs permet de confirmer le diagnostic : adjonction 10 jours par mois d’un progestatif pendant trois mois ; l’absence de métrorragies de privation témoigne de l’absence d’imprégnation oestrogénique.

Il n’y a aucune indication à doser la FSH (Follicle-Stimulating Hormone) et la LH (hormone lutéïnisante) en dehors des patientes hystérectomisées.

Traitements hormonaux substitutifs de la ménopause
Traitements hormonaux substitutifs de la ménopause

INDICATIONS :

Jusqu’en 2002, le traitement hormonal substitutif (THS) de la ménopause était prescrit dans principalement trois indications : les signes climatériques, la prévention de l’ostéoporose et la prévention des accidents cardio-vasculaires.

Depuis la publication de plusieurs études randomisées américaines (HERS, étude de prévention secondaire, et WHI, étude de prévention primaire), les indications ont été restreintes par l’Anaes et l’Affsaps, bien que les produits utilisés étaient complètement différents de ceux qui sont utilisés en France et les populations traitées âgées (66 ans en moyenne dans HERS et 63 ans dans WHI) ne reflètent pas du tout les risques des femmes françaises à 50 ans.

Actuellement, la seule indication retenue est le traitement symptomatique des troubles climatériques pour la durée la plus courte possible et à la plus faible dose efficace.

La prévention des accidents cardio-vasculaires a été remise en question par les résultats de ces études ; en prévention secondaire, le THS est contre-indiqué du fait d’une augmentation du risque d’accidents sous THS (oestrogènes conjugués par voie orale et acétate de médroxyprogestérone) selon les résultats de HERS. En prévention primaire, les risques thromboemboliques veineux et artériels sont augmentés par l’administration du THS à l’Américaine ; en revanche une étude cas-contrôle française n’a pas montré de risque augmenté avec la voie extradigestive (étude ESTHER).

En ce qui concerne l’augmentation du risque de cancer du sein sous THS, elle semble être confirmée dans les études pour une utilisation supérieure à 5 ans en particulier avec les progestatifs de synthèse ; ceci explique que l’indication prévention du risque osseux a été retirée, l’Afssaps estimant que la balance bénéfi ces risque était défavorable. Le risque pourrait être différent avec l’oestradiol et la progestérone naturelle, mais le recul est encore faible (étude française E3N).

PRINCIPES DE TRAITEMENT :

OEstrogène :

L’oestrogène peut être administré par voie orale en l’absence de contre-indication métabolique ou vasculaire mais de préférence par voie ex tradigestive en patch, percutanée en gel ou en spray nasal. Le gel et les patchs ne doivent pas être appliqués sur les seins. Les recommandations actuelles sont de débuter aux doses minimales et d’adapter ensuite la posologie en fonction des symptômes.

Les patchs transdermiques sont hebdomadaires ou bihebdomadiaires et la posologie varie de 25 à 100 μg, la dose moyenne étant 50 μg/24 heures en patch soit 1,5 mg de 17-bêta-oestradiol en gel ; cette dose sera adaptée à l’âge, les besoins en estradiol diminuant en particulier au niveau osseux avec l’âge. L’application percutanée permet une adaptation individuelle en fonction des signes de sur ou de sous dosage. Il existe également un spray nasal ayant les mêmes avantages que les patchs : Aérodiol®. Des patchs combinés comportant l’estrogène et le progestatif existent et sont parfois intéressants lorsque l’on souhaite éviter le phénomène de premier passage hépatique y compris pour le progestatif. (Femsept Combi®, etc.).

Progestatif :

Le progestatif sera de la progestérone naturelle ou son dérivé (progestérone micronisée, dydrogestérone), ou un progestatif de synthèse proche (dérivé pregnane : acétate de chlormadinone, médrogestone, promégestone…). Son rôle est de prévenir l’apparition d’hyperplasie endométriale voire de cancer de l’endomètre. La posologie varie de 100 à 200 mg pour la progestérone selon le type de schéma choisi et la nécessité d’être plus ou moins atrophiant pour l’endomètre. Par exemple :

– Estreva® : trois pressions par jour de J1 à J25 ;

– progestérone 100 mg : 1 capsule le soir au coucher de J1 à J25.

Le schéma classique, sans règles, combiné comporte l’administration d’oestrogènes et de progestérone simultanément 25 jours par mois, en gardant quelques jours sans traitement.

Un schéma séquentiel est possible pour les femmes souhaitant conserver leurs règles et comporte alors 25 jours d’oestrogènes associés à au moins 12 jours de progestatifs alors à double dose e de ce qu’on administre en continu.

Exemple :

– OEsclim® 50 : 1 patch 2 fois par semaine, 3 semaines sur 4 ;

– progestérone : 200 mg de J14 à J25.

– Chez les femmes hystérectomisées, le consensus est de ne pas administrer de progestatif. Par exemple : OEstrodose®, 2 pressions par jour de J1 à J25, traitement pour 6 mois.

BILAN PRÉTHÉRAPEUTIQUE ET SURVEILLANCE :

Bilan :

Avant toute prescription de THS, il est nécessaire de confirmer le statut ménopausique (test aux progestatifs ou dosage de la FSH + LH si hystérectomie).

L’indication de THS sera portée si la patiente demande une prise en charge des signes climatériques qui altèrent sa qualité de vie.

Des contre-indications relatives ou absolues seront alors recherchées :

– antécédents personnels mammaires d’hyperplasie atypique ou de cancer du sein, et contexte familial évocateur de facteur de risque néoplasique particulier ;

– accidents cardio-vasculaires thromboemboliques veineux ou artériels ;

– associations de plusieurs facteurs de risque cardiovasculaire : hypertension artérielle, tabac, diabète, dyslipémie, obésité, terrain familial.

Théoriquement le THS est contre-indiqué dès lors qu’il existe des accidents vasculaires veineux ou artériels, infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral. Cependant une prescription prudente par une équipe spécialisée est possible si la qualité de vie est vraiment altérée par le syndrome climatérique, en particulier dans le cadre des accidents veineux. Il semble que la petite augmentation d’accidents artériels observés dans WHI et HERS ait été liée d’une part à des produits augmentant la coagulation (ce qu’on peut supprimer avec le THS « à la française ») et au décollement de plaques instables par les oestrogènes (dont on ignore le comportement avec nos traitements) expliquant la survenue d’accidents la première année d’utilisation…

Un bilan préthérapeutique comprendra au minimum :

– une mammographie de dépistage avant de débuter le traitement ;

– un bilan métabolique.

Surveillance :

L’efficacité du traitement devra être réévaluée au bout de trois mois puis tous les six mois à la recherche de signes d’hyperoestrogénie, en particulier les mastodynies qui imposeraient une diminution des doses d’oestrogènes.

La mammographie doit être renouvelée parfois plus tôt (18 mois voire 12 mois) du fait d’une augmentation de la densité mammaire rendant les mammographies moins sensibles et l’échographie mammaire doit être recommandée en cas de densité mammaire augmentée.

Des fenêtres thérapeutiques régulières sont indiquées pour évaluer la nécessité de poursuivre ou non le THS puisque les signes climatériques tendent à diminuer avec le temps. Si besoin, le traitement peut être poursuivi en proposant la plus petite dose efficace.

Des métrorragies sous THS nécessitent les mêmes explorations (échographie pelvienne, hystéroscopie) que toute métrorragie post-ménopausique, après avoir vérifié l’absence d’erreur d’utilisation de THS.

La consultation pour ménopause sera l’occasion de dépister :

– les troubles métaboliques par un dosage de la glycémie et des lipides, et l’hypertension artérielle, tabagisme, obésité ;

– les facteurs de risques néoplasiques, en particulier du sein et de l’endomètre ;

– les facteurs de risque d’ostéoporose (antécédents personnels de fracture avant 40 ans ou familiaux, immobilisation prolongée ou inactivité physique, indice de masse corporelle inférieur à 19 kg/m2, insuffisance ovarienne prématurée ou tout facteur de déficit oestrogénique, tabagisme, alcoolisme, faibles apports en calcium et vitamine D, corticothérapie au long cours, hyperthyroïdie, hyperparathyroïdie, syndrome de Cushing). Une ostéodensitométrie peut être proposée si une prescription de THS n’est pas envisagée ;

– les troubles urinaires et de la statique pelvienne qui peuvent s’aggraver. une rééducation périnéale peut être proposée.

Enfin, d’un point de vue médico-légal, compte tenu des données épidémiologiques, il faut informer la patiente de l’augmentation du risque de cancer du sein après 5 ans d’utilisation (risque relatif = 1,26, en rappelant qu’une fumeuse a un risque relatif de 20 de développer un cancer du poumon).

La consultation de ménopause est aussi l’occasion de préciser les bonnes règles hygiénodiététiques : alimentation pauvre en graisses, adaptée à l’indice de masse corporelle et aux risques éventuels, arrêt du tabac, exercice physique : au moins une demi-heure de marche rapide par jour ou 2 heures de sport par semaine.

ALTERNATIVES THÉRAPEUTIQUES :

En cas de contre-indication médicale ou si la patiente ne souhaite pas de THS, des alternatives peuvent être proposées.

Bouffées de chaleur :

Les bouffées de chaleurs peuvent être améliorées par :

– progestérone micronisée, 100 mg par jour en continu, le soir ;

– Abufène®, (bêta-alanine) 1 à 3 cp/j en cure de 5 à 10 jours, très bonne tolérance, efficacité très modérée ;

– Effexor®, à la dose de 25 à 37,5 mg/j, hors AMM ;

– le Livial® (tibolone) est un progestatif norstéroïde à potentialité androgénique et oestrogénique agissant à la fois sur les signes climatériques et sur la sécheresse vaginale. Il s’oppose à la baisse de la densité osseuse. Le risque thromboembolique est présent en théorie compte tenu de la classe du produit et les effets sur le sein et l’os à long terme (fractures) ne sont pas encore connus. une prise de poids et des manifestations d’hyperandrogénie sont possibles.

Il peut être utile de débuter à demi-dose ce qui en améliore la tolérance pondérale. Il est à réserver en deuxième intention à des femmes ayant des signes climatériques et une intolérance mammaire aux oestrogènes car il ne donne pas de mastodynies. Il n’est pas remboursé par la Sécurité sociale. Une étude anglaise récente (Million Women study) a rapporté une augmentation du risque relatif de cancers de l’endomètre avec la tibolone. Il peut s’agir de biais de prescription, les femmes ayant plus souvent pris des oestrogènes seuls avant la tibolone ; il est de toute façon impératif d’explorer les patientes qui ont des métrorragies post-ménopausiques que ce soit sous ou sans THS.

Sécheresse vaginale :

La sécheresse vaginale et la trophicité urogénitale peuvent être améliorées par l’apport d’oestrogènes locaux en crème et en ovules, par exemple :

– Colpotrophine® 1 capsule vaginale 2 fois par semaine ;

– Colpotrophine® crème, 1 application vulvaire 2 fois par semaine.

De nombreuses autres spécialités pharmaceutiques comportant soit de l’estriol ( Gydrelle®, Physiogyne®, Trophicrème®) soit de la promestriène (Colposeptine®, Colpotrophine®) existent sur le marché.

Risque fracturaire :

Le risque fracturaire peut être pris en charge par des mesures hygiénodiététiques associées à la prise de calcium et de vitamine D.

Une ostéoporose avérée par l’ostéodensitométrie en particulier à un âge jeune doit faire rechercher une cause secondaire (carence en vitamine D, hyperparathyroïdie…). Elle sera éventuellement traitée par l’apport de biphosphonates.

Ces traitements ne sont remboursés que dans l’ostéoporose avérée avec au moins une fracture.

Les SERMs (modulateurs sélectifs des récepteurs aux oestrogènes) peuvent êtres proposés dans la prise en charge de l’ostéoporose : Evista® et Optruma® (raloxifène) et ont prouvé leur efficacité en prévention et le traitement de l’ostéoporose avec 1 cp/j permettant une réduction des fractures vertébrales (mais non démontré pour les fractures de hanche). Il y a une augmentation du risque thromboembolique veineux contre-indiquant ces traitements en cas d’antécédents ou de terrain à risques. Les bouffées de chaleur peuvent être également aggravées. Comme les biphosphonates, ils ne sont remboursés que s’il existe au moins une fracture ostéophytique.

Phytoestrogènes :

Les phytoestrogènes ont dans 60 % des cas une bonne efficacité sur les bouffées de chaleur, mais l’absence d’études ne nous permet pas de les recommander. Ils n’ont aucune action sur la trophicité vulvovaginale.

En conclusion, il faut insister sur l’hygiène de vie plus que jamais importante à cette période de la vie de la femme pour passer au mieux ce cap, et si besoin utiliser au mieux le panel de médicaments à notre disposition.