Épicondylites

L’hypothèse biochimique des tendinopathies est remise à jour : de nouvelles recherches suggèrent l’implication de substances produites localement :

ÉpicondylitesDanielson P. Reviving the ‘‘biochemical’’ hypothesis for tendinopathy: new findings suggest the involvement of locally produced signal substances. Br J Sports Med 2009;43;265—8.

À la fin du xxe siècle, Kahn et ses collaborateurs ont relancé l’hypothèse que des médiateurs biochimiques intratendineux pouvaient intervenir sur les récepteurs nociceptifs locorégionaux. Cinq ans plus tard, la mise en évidence de production de substances par les ténocytes relance cette hypothèse.

La théorie inflammatoire potentiellement responsable des tendinopathies chroniques a été écartée sur plusieurs arguments :

• l’étude par microdialyse n’a pas retrouvé d’augmentation du taux des prostaglandines E2, comparativement aux sujets asymptomatiques ;

• l’étude histologique des tissus n’a pas retrouvé de cellules inflammatoires et a plutôt souligné le caractère dégénératif des tissus.

Une des théories sur la genèse des douleurs a été d’incriminer la séparation des fibres de collagène souvent constatée dans les tendinoses. Cette hypothèse a cependant été réfutée par Kahn qui souligne le caractère peu douloureux de l’excision d’un potentiel de fibres collagène dans les autogreffes au tendon rotulien. Cependant, la théorie mécanique de surcharge ou surutilisation reste l’hypothèse la plus avancée, d’autant que les tendons les plus fréquemment affectés sont ceux soumis à de fortes contraintes (tendon calcanéen, rotulien).

Cette hypothèse n’explique cependant pas tout puisque certains patients sédentaires souffrent de tendinose.

En 2000, Kahn a proposé une théorie biochimique selon laquelle il y aurait une augmentation des fibres neurologiques sensitives dans les tendinopathies. Bien qu’aucune étude ne soit venue confirmer cette hypothèse, un fait important a pu être avancé : il y a des afférences sensitives dans le tendon et les tissus avoisinants. Cela n’explique pas tout mais permet d’envisager que ces afférences sensitives puissent être affectées dans leur transmission soit par d’autres composants du tissu nerveux, soit par des substances produites au sein même du tendon.

Il semblerait que des fibres afférentes sensitives et des fibres afférentes sympathiques coexistent à l’intérieur de mêmes fascicules.

Dans les tendinopathies, la source des catécholamines serait les ténocytes eux-mêmes, contenant également des enzymes pour la synthèse d’acétylcholine. Ces enzymes n’ont pas été retrouvés dans des tendons contrôles. De plus, ils ont été mis particulièrement en évidence en cas de tendinopathie sévère résistante au traitement.

Il a été montré que l’acétylcholine, quand elle est appliquée sur la peau humaine, peut provoquer des douleurs.

Par ailleurs, chez le rat, le carbachol, analogue de l’acétylcholine, stimulerait les récepteurs nociceptifs (expérience in vitro sur la peau). Cela n’a pas été confirmé dans d’autres expériences.

Récemment, on a retrouvé dans les ténocytes des récepteurs au glutamate de même que des taux plus élevés de glutamate ont été constatés par microdialyse dans les tendons douloureux chroniques par rapport à ceux présents dans les tendons sains.

Il a également été mis en évidence des récepteurs à l’acétylcholine et à la substance P dans les parois des vaisseaux.

Or, des études en écho-doppler ont montré une augmentation de la vascularisation locale dans les tendinopathies pouvant provenir soit d’une vasodilatation de la circulation locale, soit de la formation de néovaisseaux.

Récemment, Scott et al. ont mis en évidence un facteur de croissance endothélial (vascular endothelial growth factor) dans des tendons rotuliens douloureux, absents dans des tendons sains, renforc¸ant ainsi la thèse des néovaisseaux.

Chez l’animal, l’acétylcholine et la norépinéphrine induisent l’expression des gènes de collagène dans les cellules myofibroblastiques hépatiques. Dans les tendinopathies, les cellules auraient des ressemblances avec les myofibroblastes. De plus, la stimulation prolongée des récepteurs de catécholamines de fibroblastes de rats induit une prolifération de ces cellules. Par ailleurs, la stimulation des récepteurs d’acétylcholine de fibroblastes pulmonaires provoque l’accumulation de collagène.

En résumé, les études de ces dernières années ont montré l’existence d’une production par les ténocytes de signaux chimiques habituellement situés dans les neurones, renforc¸ant la thèse biochimique d’une modification de la production locale de substances responsables de cascades d’évènements et source de douleurs.

Bien que de nouvelles études animales soient nécessaires, on peut d’emblée imaginer les implications thérapeutiques possibles de telles découvertes : blocage des neurotransmetteurs, modification de leur production locale. . .

Comme le disait Claude Bernard : « un fait en lui-même n’est rien. Il ne vaut que par l’idée à laquelle il se rattache ou la preuve qu’il apporte. ».

Suivi à long terme du traitement arthroscopique des épicondylites :

Baker Jr, Baker III. Long term follow-up of arthroscopic treatment of lateral epicondylitis. Am J Sports Med 2008;36:254—60.

Dans les épicondylalgies, la lésion, due à une surutilisation, est caractérisée par des microdéchirures du tendon de l’extensor carpi radialis brevis (ECRB) ; celle-ci est éventuellement colmatée par du tissu de réparation constitué de collagène désorganisé, de fibroblastes immatures et d’éléments vasculaires. Il n’y a pour l’instant aucun consensus concernant la meilleure fac¸on de prendre en charge les épicondylalgies. Si la plupart des patients répondent au traitement conservateur, les résultats de la littérature montrent que 25 % ont recours à la chirurgie. Plusieurs techniques chirurgicales ont été décrites avec, dans les séries publiées, de bons résultats à court terme.

Objectif de l’étude :

Évaluation à distance d’un traitement par arthroscopie des épicondylalgies.

Technique opératoire :

Une voie d’abord interne située à 2 cm en amont de l’épicondyle interne ; une voie d’abord externe ; débridement à l’aide d’un shaver des tissus lésés à l’insertion de l’ECRB et aux alentours ; désinsertion de ce tendon.

Classification descriptive des lésions :

• type 1 : capsule de l’articulation radio-humérale intacte, tendon de l’ECRB déchiré ;

• type 2 : déchirures linéaires de la capsule ;

• type 3 : rupture complète de la capsule.

Matériel et méthode :

Étude rétrospective ; suivi de 30 patients à 130 mois ; moyenne d’âge de 43 ans au moment de la chirurgie ; évaluation téléphonique selon trois items : douleurs du coude (repos, vie quotidienne, lors d’activités), échelle de Nirschl, échelle de la Mayo Clinic (12 items fonctionnels).

Résultats et discussion :

Le score douloureux moyen était de 0 au repos, 1 durant les activités (0—5) et 1,9 en cas d’activités contraignantes.

Tous les patients allant bien à court terme le restaient à long terme.

Sur l’échelle de Nirschl, 24 patients sur 30 (80 %) rapportaient n’avoir jamais eu de douleurs ou de manière très occasionnelle, tandis que les six autres avaient des douleurs seulement en cas d’activités physiquement contraignantes.

Résultats selon la classification des lésions : sept patients (23 %) avaient des lésions de type 1, 15 (50 %) de type 2 et huit (27 %) de type 3. Aucune différence statistique n’a pu être notée entre les différents groupes au niveau de la douleur ou des performances fonctionnelles.

Aucun des patients n’a eu recours à une nouvelle intervention chirurgicale ou à des infiltrations après l’arthroscopie ; 29 patients (97 %) se disaient améliorés ou très améliorés tandis qu’un seul (3 %) n’avait noté aucun changement dans ses douleurs ; 22 patients (73 %) avaient conservé leur emploi (huit travaux manuels, 14 emplois de bureau), six s’étaient arrêtés pour des raisons autres que leur problème de coude, un a dû changer de métier.

Conclusion :

L’étude montre que l’arthroscopie est une technique fiable. Elle permet, par ailleurs, la mise en route plus rapide d’une rééducation postopératoire et une reprise du travail plus précoce par rapport aux techniques traditionnelles.

Efficacité à court terme du laser, d’un brassard et des ultrasons dans le traitement de épicondylites latérales :

Oken O, Kahraman Y, Ayhan Y. The short-term efficacy of laser, brace, and ultrasound treatment in lateral epicondylitis: a prospective randomized controlled trial. J Hand Ther 2008;21:63—8.

Objectif de l’étude :

Comparer l’efficacité d’un laser basse fréquence au port d’un bandage ou aux ultrasons dans la prise en charge des épicondylites.

Matériel et méthode :

n = 58 ; étude randomisée.

Trois groupes :

• port d’un bandage toute la journée pendant deux semaines (n = 20) ;

• groupe ultrasons : mode continu, fréquence de 1 MHz, intensité de 1,5W/cm2, cinq minutes, cinq fois par semaine pendant deux semaines, auquel s’ajoute l’application d’un pack chaud (n = 18) ;

• groupe laser : cinq séances par semaine de dix minutes pendant deux semaines, associées à l’utilisation d’un pack chaud local.

Dans les trois groupes, apprentissage d’exercices d’étirement et de renforcement musculaires réalisés ensuite au domicile (dix séries, trois fois par jour).

Évaluation : force de serrage (Jamar), intensité de la douleur (EVA), évaluation globale (échelle de valeur à six niveaux).

Résultats :

Moyenne d’âge = 45,3±8 ans ; durée moyenne des symptômes = 4,7±5,1 mois.

Amélioration globale dans les trois groupes mais à six semaines, intensification de la douleur dans le groupe bandage tandis que les résultats continuent de s’améliorer dans les autres groupes. Même amélioration constatée au niveau de la force de serrage.

En ce qui concerne l’évaluation globale : aggravation dans le groupe bandage, aucun changement dans le groupe ultrasons, amélioration dans le groupe laser.

Discussion :

Tous les patients ont noté une amélioration de leurs symptômes à deux semaines. Le bandage a apporté un soulagement seulement lorsqu’il était porté de manière continue.

Bien que la littérature n’apporte pas des résultats probants, l’étude montre l’efficacité à six semaines du laser et des ultrasons sur la douleur dans les épicondylalgies. De plus, le traitement par laser améliore la force de serrage.

Limites de l’étude :

Effectif réduit dans chaque groupe, l’absence de suivi à long terme, la non évaluation des résultats sur les activités quotidiennes. Par ailleurs, l’adjonction d’exercices au traitement fausse l’interprétation des résultats.

Les trois temps de la scintigraphie osseuse dans les épicondylites chroniques :

Pienimäki T, Takalo R, Ahonen A. Three phase bone scintigraphy in chronic epicondylitis. Arch Phys Med Rehabil 2008;89:2180—4.

Objectif de l’étude :

Évaluer l’utilité des trois phases de la scintigraphie osseuse comme méthode diagnostique complémentaire chez un groupe de patients souffrant d’épicondylalgie chronique et comparer les résultats aux données de l’examen clinique.

Matériel et méthode :

n = 59 patients souffrant d’épicondylite chronique, n’ayant pas ressenti de soulagement malgré différents traitements essayés : immobilisations plâtrées, traitements oraux, application d’AINS locaux, traitements par rééducation, infiltrations de corticoïdes.

Recueil des données cliniques :

Interrogatoire, évaluation de la douleur par questionnaire (sept items), recherche de points douloureux locaux (palpation, manoeuvre de Mill. . .), force de serrage, performance isocinétique des fléchisseurs, extenseurs, pronateurs et supinateurs du poignet.

Critères d’inclusion :

• épicondylite médiale (sept) : point douloureux local à la palpation + positivité de deux à trois tests provoqués de la douleur ;

• épicondylite latérale : point douloureux local à la palpation + positivité d’au moins un test provoqué.

Scintigraphie :

Clichés à 30 secondes, six minutes et trois heures postinjection.

Interprétation par deux médecins radionucléaires indépendants par comparaison au côté opposé.

Résultats :

L’augmentation de la fixation est de 33 % chez l’homme et de 17 % chez la femme, au niveau du coude pathologique comparativement au côté opposé.

La fixation au temps précoce (vasculaire) semble être corrélée avec la durée des symptômes et la force de serrage.

La fixation au temps tardif (osseux) semble être en relation avec les aptitudes au travail et la force musculaire. Aucun lien n’a pu être établi avec les résultats aux tests manuels ou à l’évaluation subjective de la douleur.

Les réponses aux tests physiques de même que le nombre d’infiltrations reçues antérieurement ne modifient pas la scintigraphie.

Discussion :

L’hyperfixation osseuse peut traduire soit un phénomène de cicatrisation locale, soit une hyperutilisation.

L’hyperfixation vasculaire reflète une inflammation chronique.

Limites de l’étude :

La petite taille des échantillons, l’hétérogénéité des groupes concernant l’ancienneté des symptômes (aiguës, subaiguës, chroniques).

Absence d’efficacité d’un brassard de l’avant-bras, d’exercices de renforcement musculaire dans le traitement du tennis elbow : étude prospective randomisée

Luginbühl R, Brunner F, Schneeberger A. No effect of forearm band extensor, strengthening exercises for the treatment of tennis elbow: a prospective randomised study. Chir Organi Mov 2008;91:35—40.

Il existe différents traitements conservateurs pour le tennis elbow.

L’application d’une bande circulaire non élastique autour de l’avant-bras, en diminuant la force de contraction des extenseurs du poignet et des doigts, atténuerait la tension sur le tendon, facilitant ainsi sa cicatrisation.

Objectif de l’étude :

Déterminer le rôle d’un support mis à l’avant-bras et d’un programme de renforcement musculaire dans le traitement du tennis elbow.

Matériel et méthode :

Étude prospective ; n = 29 ; protocole thérapeutique : infiltration locale d’un mélange anesthésiant-corticoïde puis mise en route d’une des trois modalités thérapeutiques : soit le port d’un bandage diurne pendant trois mois (n = 9), soit un programme de renforcement musculaire pendant également trois mois (n = 10) (exercices isométriques de serrage puis, au bout de deux semaines rajout d’exercices contre résistance d’extension du poignet), soit une combinaison des deux (n = 10).

L’ancienneté des symptômes était de 10±11 mois.

Évaluation (préthérapeutique, six semaines, trois mois, un an) : amplitudes articulaires, force de serrage.

Résultats :

À six semaines, amélioration significative dans les trois groupes. Celle-ci s’atténue au fil du temps tout en conservant pour un certain nombre de patients un acquis : 18 patients se considèrent comme améliorés, 11 se disent similaires à la phase prétraitement, voire aggravés.

Dans le groupe bandage, deux patients ont interrompu le traitement avant la durée finale, l’un se sentant amélioré précocement, l’autre n’ayant noté aucune amélioration.

Dans le groupe exercice, six patients se sont montrés compliants.

Dans le groupe combiné, une patiente a stoppé prématurément le protocole en raison d’intensification des douleurs.

Elle a été opérée neuf mois plus tard.

Aucune différence n’a pu être notée entre les trois groupes concernant l’auto-appréciation, la force de serrage.

De meilleurs résultats ont pu être enregistrés chez les patients ayant eu 90 % d’amélioration après l’infiltration.

Discussion :

Aucune influence positive n’a pu être notée, tant par le port du bandage que par la pratique d’exercices de renforcement musculaire bien qu’il ait été difficile de contrôler la qualité et l’intensité de ceux-ci.

Considérant l’évaluation subjective des patients, indépendamment du type de traitement, 63 % se sentent mieux par rapport à leur état préthérapeutique. Ce résultat semble similaire à la série de Smidt qui rapportait 69 % de satisfaits après une infiltration de corticoïdes.

La pratique d’exercices tout en portant le bandage prête à discussion car celui-ci limiterait la contraction maximale des extenseurs du poignet et des doigts.

Limites de l’étude :

Le nombre peu important de patients dans chaque groupe, l’absence de témoins.

Conclusion :

Aucun bénéfice quant au port d’un bandage ou des exercices de renforcement n’a pu être démontré dans l’étude.

Commentaire général de la rédaction

L’épicondylite latérale est une pathologie chronique.

La pratique quotidienne montre que l’évolution spontanée est le plus souvent favorable quel que soit le traitement appliqué. Aussi, les études publiées demanderaient une méthodologie rigoureuse pour permettre de juger de l’efficacité réelle ou non d’une mesure diagnostique ou thérapeutique. Dans les travaux de cette revue de presse, comme dans beaucoup d’autres, on peut regretter l’hétérogénéité de la population et des pathologies étudiées, ne permettant pas de donner aux résultats trouvés toutes les implications souhaitées.