Mécanisme et facteurs de risque du syndrome de Brugada

Mécanisme et facteurs de risque du syndrome de BrugadaMécanisme électrophysiologique de sus-décalage ST :

L’hétérogénéité de repolarisation du potentiel d’action entre l’épicarde et l’endocarde explique à la fois l’aspect ECG et les troubles du rythme.

A la différence des cellules endocardiques, qui disposent d’un potentiel d’action de morphologie classique, celui des cellules épicardiques a un aspect dénommé “pointe et dôme” ou “encoche”. Le principal responsable, mais non le seul, de la différence de potentiel d’action (PA) est un courant potassique sortant transitoire, dit “Ito”, présent au niveau des cellules épicardiques et quasi absent dans les cellules endocardiques.

La distribution d’Ito est aussi différente entre les régions du coeur, plus importante dans les myocytes du ventricule droit (VD) que dans ceux du ventricule gauche (VG).

En cas de Br, l’anomalie fonctionnelle des canaux sodiques a pour conséquence une sur-activation relative (absence d’inactivation) des courants repolarisants potassiques Ito, entraînant une perte du dôme des cellules épicardiques et une augmentation du gradient de courant transmural entre épicarde et endocarde, qui conduit à son tour à la surélévation du segment ST. La distribution préférentielle d’Ito dans l’épicarde du VD explique la présence des anomalies ECG uniquement dans les dérivations droites.

Si la repolarisation épicardique précède la repolarisation endocardique, l’onde T va rester positive et donner l’aspect en selle. Une accentuation plus importante de ce phénomène va s’accompagner d’un allongement du PA, de telle sorte que le gradient transmural va s’inverser et conduire au développement de l’aspect de type 1. Si la perturbation est encore plus importante, on constate une perte totale du dôme du PA, aboutissant à une aggravation de la dispersion épicardique et transmurale de la repolarisation. Cette aggravation peut engendrer les conditions idéales pour un trouble du rythme, par réentrée de phase II (extrasystole et fibrillation ventriculaire).

Le syndrome de repolarisation précoce typique est aussi lié à une dépression du PA épicardique, entraînant un gradient de courant entre épicarde et endocarde, lui-même conduisant à l’élévation du point J.

L’acétylcholine (secondaire à l’hypertonie vagale liée à l’entraînement) va déprimer la phase en plateau du PA dans l’épicarde du VG et non dans l’endocarde, provoquant un gradient de courant et l’aspect de sus-décalage du segment ST. Le courant Ito étant peu représenté dans l’épicarde du VG, le risque arythmogène est donc quasi nul. Cet aspect est réversible sous atropine. Bien que l’acétylcholine seule soit capable de causer la perte du dôme du PA in vitro sur du tissu d’épicarde de ventricule, elle n’est pas capable, in vivo, de provoquer des réentrées de phase II. Ceci explique pourquoi le syndrome de repolarisation précoce n’est pas en lui-même associé à un risque de mort subite.

Facteurs favorisant la mort subite :

Même si les morts subites du Br surviennent essentiellement au repos et pendant le sommeil, l’activité physique n’est pas toujours anodine. De multiples circonstances favorisantes ont été décrites, dont certaines peuvent être rencontrées au cours de la pratique sportive.

L’hyperthermie :

La dysfonction des canaux sodiques retrouvée dans le Br est parfois thermosensible.

L’apparition d’anomalies ECG de type Br ou de troubles du rythme ventriculaires graves a été décrite au cours d’hyperthermie, chez des patients sans antécédents personnels ou familiaux et sans anomalies ECG. A distance des épisodes fébriles, les ECG étaient normaux, se modifiant de manière inconstante au cours des tests pharmacologiques (test à la flécaïne ou à l’ajmaline). Dans des conditions normales, l’effort physique augmente la température corporelle de façon proportionnelle à l’intensité de l’exercice. Cette sensibilité accrue des canaux sodiques à la température prédispose les porteurs de Br aux arythmies pendant un état fébrile ou pendant un effort physique intense.

L’hypokaliémie :

Les modifications de la kaliémie sont décrites au cours ou au décours de l’exercice physique. Ces perturbations sont insuffisantes pour produire des arythmies sur coeur sain. Elles ont cependant été incriminées lors de morts subites au cours d’effort chez des sportifs avec cardiopathie structurale.

Dans le Br, il a été décrit l’apparition de troubles du rythme, favorisés par une hypokaliémie chez des sujets initialement asymptomatiques et sans qu’il y ait de prolongation de l’espace QT.

Le dopage :

Les seules informations connues concernent la cocaïne, à forte dose, responsable d’aspects électriques de Br et potentiellement responsable d’arythmies ventriculaires. La cocaïne fait partie des substances utilisées seules ou en association dans le dopage (pot belge par exemple).

On peut imaginer aussi l’effet délétère des stéroïdes via une hypokaliémie chez les porteurs de Br.

L’insuline :

L’insuline en excès entraîne une dispersion du QT chez l’homme et majore les troubles de la repolarisation des sujets ayant un QT long.

Dans le Br, une charge en glucose, associée à une élévation de l’insuline, entraîne une majoration des sus-décalages du segment ST et peut être potentiellement arythmogène.

L’exercice intense et violent peut déclencher une surproduction de glucose à partir du foie, avec hyperglycémie paradoxale.

Rôle du système nerveux autonome :

Il existe un rôle important du système nerveux autonome dans le déterminisme des arythmies ventriculaires, y compris dans le syndrome de Br.

Les troubles du rythme ventriculaires malins surviennent au repos ou pendant la nuit et non au cours de l’exercice.

Cela a été très bien mis en évidence par l’analyse des événements rythmiques chez les patients porteurs d’un défibrillateur automatique implantable (DAI), ce qui confirme l’importance du tonus vagal dans le déterminisme de la mort subite.

Au contraire, la stimulation du système sympathique et l’exposition aux catécholamines, comme lors d’une activité sportive, auraient un effet protecteur sur les mécanismes arythmogènes du syndrome de Br.

A titre d’exemple, l’isoprotérenol, en normalisant le dôme du PA épicardique, normalise le sus-décalage du segment ST et est utilisé pour traiter les orages rythmiques du syndrome de Br. L’effort en lui-même pourrait réduire le risque de mort subite.

Cependant, l’adaptation chronique du système nerveux autonome lié à l’entraînement (augmentation de l’activité vagale et/ou diminution de l’activité sympathique) explique aussi les réactions exagérées aux stimulations vagales, comme la survenue de syncope en post-effort. Elle pourrait encore expliquer le risque potentiel, pour un porteur de syndrome de Br, de présenter des accidents rythmiques durant son sommeil ou immédiatement après un exercice.

Ces facteurs liés au sport viennent aggraver la dysfonction du système nerveux autonome, évoquée par certains auteurs et mise en évidence lors de scintigraphies au MIBG, réalisées chez des patients porteurs de syndrome de Br. Une hypofixation régionale, au niveau de la paroi postérieure du ventricule gauche, a été mise en évidence chez 47 % des patients (8/17), mais chez aucun des sujets contrôles. Ce résultat est sûrement du à une dénervation sympathique.