Principes du renforcement musculaire

Principes du renforcement musculaireIntroduction :

Le muscle est un élément primordial dans la performance du sportif et dans les activités motrices en général. Proposer du renforcement musculaire à un sujet ne peut se limiter à une simple mise en oeuvre de méthodes ou de procédés, mais consiste également à s’interroger et donc à analyser les processus en amont et en aval engendrés par ces pratiques :

– en amont :

– évaluation des capacités fonctionnelles musculaires des sujets (volume, extensibilité, raideur et compliance) ;

– lecture et paramétrage de la spécificité des contraintes engagées dans les gestuelles sportives ;

– en aval :

– répertorier et analyser les adaptations spécifiques musculaires.

Ces préalables semblent nécessaires afin que la musculation aboutisse à une transformation du sujet dans son système neuro-sensori-moteur (innervation, contrôle du mouvement, structure myotendineuse).

Trois objectifs sont prioritaires :

– qualitatif : améliorer une réponse musculaire spécifique adaptée aux contraintes du geste sportif ;

– préventif : « équiper » au niveau myotendineux et sensoriel le sujet afin de le prémunir d’éventuelles traumatologies ;

– quantitatif : augmenter la puissance mécanique myotendineuse pour que le sujet puisse faire face aux sollicitations de l’activité pratiquée.

Ces objectifs dans la prise en charge du sujet supposent pour le masseur-kinésithérapeute et l’entraîneur la maîtrise d’un triple champ de connaissances :

– connaissance des éléments fondamentaux de la physiologie musculaire liée directement aux activités motrices ;

– connaissance des activités physiques et sportives (APS) en termes de gestuelles, contraintes biomécaniques et énergétiques, régimes de contractions dominants, qualités physiques nécessaires et incontournables pour l’expertise ;

– connaissance des principes généraux de l’entraînement de la force , de sa planification, des modalités et charges d’entraînement.

Éléments de physiologie et de biomécanique du muscle :

MODÈLES MÉCANIQUES DU MUSCLE :

Suite aux modèles de Weber (1846) et de Hill (1936), celui de Shorten semble le plus complet ; il comprend trois éléments :

– une composante contractile ; elle correspond aux ponts et myofilaments glissants d’actine et de myosine dans le sarcomère ; elle est le siège de la transformation d’énergie chimique en énergie mécanique ;

– une composante élastique série (CES) avec :

– une partie active, située dans la partie contractile des ponts ;

– une partie passive, localisée essentiellement dans les structures tendineuses et dans le collagène intramusculaire ;

– une composante élastique parallèle (CEP), située dans le tissu conjonctif et le sarcolemme entourant la fibre musculaire.

Il faut noter que la réserve d’extensibilité, c’est-à-dire la compliance de la CES, est beaucoup plus faible que celle de la CEP.

Lorsque le muscle est au repos, la compliance de la composante contractile est élevée et diminue au fur et à mesure de la contraction du muscle.

Les structures viscoélastiques en série absorbent une partie de l’énergie contractile produite, ce qui permet un amortissement des contraintes en traction dues à la contraction. Dans des situations de type pliométrique, l’énergie absorbée par les éléments élastiques, par stockage, peut se surajouter à la force contractile (cf infra).

GRADATION DE LA FORCE :

Lors d’une contraction musculaire, la force augmente par l’intervention de deux mécanismes :

– recrutement d’un nombre croissant d’unités motrices (UM) ; ceci intervient pour 80 % de la force maximale (sommation spatiale) ;

– augmentation de la fréquence des impulsions nerveuses (20 % de la force maximale) ; cette activation répétitive se situe essentiellement dans les dernières UM recrutées (sommation temporelle).

Ainsi, force maximale et recrutement maximal ne sont pas forcément liés, excepté face à des situations de stress important où le sujet doit produire une « force du désespoir » en levant l’inhibition du circuit de Renshaw. En créant une déshabituation, un stress modéré constitue en pratique un moyen efficace de développement de la force par un recrutement plus massif d’UM, et une présence mentale d’attention et d’intention supérieures.

RECRUTEMENT DES UNITÉS MOTRICES :

Classiquement, on distingue trois grandes catégories d’UM : type I, ou slow twitch (ST), ou UM lentes ; type IIb, ou fast twitch (FT), ou UM rapides ; type I I a ou UM intermédiaires.

Chacune d’entre elles possède des caractéristiques physiologiques et biochimiques différentes, mais toutes sont dépendantes de l’innervation motrice qu’elles reçoivent. Ainsi sont d’entrée recrutées les ST quand la tension interne ou la charge à mobiliser est faible (jusqu’à 50 % de la résistance maximale [RM]) ; à l’opposé, une tension supérieure à 80 % de la RM sollicite les fibres IIB. En terme de terrain, déjà peut-on entrevoir une relation de cause à effet entre la force et la vitesse.

Quand l’exercice est lent et progressif (en rampe), il existe un ordre rigide de recrutement : size principle ou ordre de recrutement par la taille Henneman 1965, Costill 1980. Avec l’augmentation progressive de la tension, les « outils de la vitesse » (fibres IIB) sont recrutés en dernier.

Exceptions à cet ordre de recrutement :

– Pour des mouvements de type explosif (par un mécanisme d’abaissement du seuil de recrutement).

– Des UM recrutées sur l e mode concentrique pour des tensions élevées dans des exercices balistiques le sont à des seuils très bas pour des tensions faibles sur le mode excentrique.

– Une dernière exception concerne l’électrostimulation : il apparaît que, selon cette modalité, l’augmentation du temps de contraction est plus importante pour les stimulations faibles que pour des stimulations élevées, entraînant ainsi une exception à l’ordre de recrutement en stimulation volontaire.

Types de charges à utiliser pour la force explosive :

Cette force est fondamentale pour toutes les APS de type puissance, mais aussi en demifond. Pour remédier aux inconvénients des méthodes concentriques proposées par Zatziorsky en 1966 (méthodes des efforts maximaux, des efforts répétés, des efforts dynamiques), un compromis intéressant se trouve sans doute dans une forme générique de travail appelée méthode des contrastes ou méthode bulgare.

Principe : dans le délai le plus bref, faire se succéder des tensions très élevées, sur peu de répétitions, puis mobiliser des charges légères, voire très légères, sur également peu de répétitions. Il semble que ce principe produise un transfert de force vers la force explosive (mise en tension préalable), ainsi qu’une augmentation de la vitesse de contraction, et ce d’autant plus que le contraste est marqué, le travail à faible charge, voire uniquement le poids du corps, se réalisant alors avec une explosivité plus significative.

Ce principe générique de tout travail de vitesse (y compris en situation de technique des APS) répond à un souci de qualité et d’engagement mental (moins de fatigue), de non-habituation par l’alternance des tensions roposées, de vigilance et de maintien sensoriel de la vitesse dans ses coordinations intra- et ntermusculaires.

Renforcement musculaire et typologie musculaire :

Excepté quelques rares disciplines sportives d’endurance continue (longues distances en athlétisme, ski nordique etc), la performance dans toutes les autres est basée sur la vitesse, l’explosivité et la répétition intermittente d’explosivité. L’expertise se fonde donc sur le « rapide » et non sur des actions ou phases de jeu « lentes » ; ainsi posséder un pool plus important de fibres rapides apparaît être l’idéal pour un sportif.

S’il semble facile de passer du « rapide » au « lent », l’inverse reste problématique, même si en physiologie fondamentale les expérimentations de cross innervation ont démontré la possibilité d’une totale réversibilité, conférant ainsi un rôle primordial à l’innervation.

Si quelques études expérimentales et de terrain ont montré un accroissement modéré et transitoire du volume occupé par les fibres IIb par transformation des fibres IIa, il reste que cette possible réversibilité relève d’un « combat inégal ». En effet, dans une journée de 24 heures, rares sont les moments offerts pour recruter la totalité des UM et/ou créer des tensions musculaires extrêmes.

Par conséquent, s’il y a un choix à effectuer en termes de méthodologies pour contrer ce handicap et aller vers les spécificités neuromusculaires et énergétiques des APS, ce n’est certes pas celui d’en « rajouter » en terme de « lent », mais plutôt d’opter pour un développement de la force maximale et de la force balistique.

Régimes de contraction utilisés dans les activités motrices :

Toute APS consiste à propulser (engin, adversaire, ballon etc) ou à se propulser.

Historiquement, mais hélas encore trop souvent aujourd’hui, le mode concentrique a été massivement et systématiquement utilisé par les pratiquants. Or, non seulement très rares sont les sports qui font appel de manière exclusive à ce régime et, quand cela est, sa participation au geste est à pondérer, ce mode de contraction présentant plus d’inconvénients que d’avantages.

La quasi-totalité des APS, quelles que soient les actions réalisées et les groupes musculaires concernés, fonctionnent selon une alternance excentrique-concentrique. Cet enchaînement peut se réaliser dans un temps très bref (temps de couplage bref, pliométrie « percutée ») ou de manière moins violente dans un aller et retour avec temps de couplage plus long (type ressort, pliométrie « non percutée »).

Cette alternance, c’est en physiologie le cycle stretch-shortening, en biomécanique le cycle stockage-restitution ou résistance à l’étirement-détente, enfin en termes de terrain de la pliométrie ou mise en tension excentrique-restitution.

L’expertise est donc fondée sur une qualité musculaire d’enchaînement dont l’assise incontournable est la capacité du muscle à résister à son propre allongement sous l’effet de pressions externes ou de tensions internes élevées. Pour un muscle ou une chaîne musculaire, l’objectif est donc de posséder une raideur active importante (sans nuire à son extensibilité) mais aussi de pouvoir stocker, emmagasiner pendant un bref allongement (compliance) une énergie restituable sans délai, ce cycle ayant pour sites la CES et les stries Z.

Dans un souci de clarté, nous prendrons le modèle de fonctionnement de la perche.

Pour une même flexion de perche, la performance est différente en fonction de la raideur du matériau. Avec une faible vitesse de déplacement, le débutant (A) plie une perche « souple », compliante, qui de ce fait ne peut emmagasiner dans sa phase d’allongement et restituer dans sa phase de raccourcissement que très peu d’énergie.

L’expert (B), pour faire plier de manière identique une perche plus raide, doit arriver plus vite dans le butoir. La résistance du matériau à l’allongement entraîne un stockage puis une restitution quantitativement supérieurs, donc une meilleure performance.

Sans excès, l’analogie avec l’activité pliométrique du muscle est évidente et entraîne plusieurs remarques :

– la raideur active (contextuelle) n’est pas antinomique d’extensibilité (la perche peut toujours plier) ; l’inextensibilité serait de la raideur passive, constitutionnelle, et, pour un muscle, acquise par manque d’entretien ;

– plus l’enraidissement est important, plus l’effet stockage-restitution s’exprime quand le matériau est soumis à de fortes tensions ;

– pour un niveau de déformation optimal, une perche ne peut restituer plus que ce qu’elle a stocké ; cela signifie que pour toute forme d’impulsion (course, saut, dribble, mouvement musculaire d’aller-retour) l’objectif de terrain doit être d’optimiser l’entrée dans l’impulsion plutôt que sa sortie ; d’autres arguments, notamment sensoriels, viennent renforcer cette logique.

Ainsi, envisager les différents modes contractiles revient à présenter le muscle comme une structure à géométrie variable où le concept d’allongement est transversal.

L’isométrie consiste à maintenir un degré d’allongement et à lutter contre l’allongement.

Le concentrique consiste certes à créer du raccourcissement, mais en luttant contre l’allongement.

L’excentrique est de la pure résistance à l’allongement.

La pliométrie est d’abord une résistance active à l’allongement.

Cette entrée dans la réflexion par les modes contractiles doit nous conduire bien au-delà, dans une démarche qui concerne l’apprentissage, l’entraînement et la rééducation. Cette approche transversale doit mener l’éducateur et le rééducateur à envisager leurs actions dans lesquelles une totale interdépendance de trois concepts clés est constamment envisagée :

– résister à l’allongement (neuromoteur) ;

– développer l’allongement (extensibilité myotendineuse) ;

– percevoir l’allongement (proprioception).

Le seul développement musculaire, qui concerne l’aspect structurel, ne se suffit donc plus et doit devenir un développement neurosensorimoteur, dans sa conception comme dans sa mise en oeuvre.

MODE ANISOMÉTRIQUE EXCENTRIQUE :

En termes de gestuelle, résister à l’éloignement des insertions entraîne deux modalités de travail excentrique :

– le freinage pur, peu utilisé en pratique sportive, hormis dans des situations où il s’agit d’augmenter la décélération du corps (exemple : réceptions en gymnastique) ; dans ce cas il s’agit de bloquer rapidement l’allongement musculaire et de maintenir une posture ;

– la préparation à une contraction concentrique ; en prenant l’exemple d’une course, d’un dribble, d’une variation brusque de direction, plus il y a de flexion articulaire (chaîne des extenseurs), plus le temps de contact pied-sol augmente, plus il y a d’amortissement et d’absorption, moins il y a de transmission rapide des forces, plus une part importante de l’énergie stockée dans la CES se dissipe sous forme de chaleur ; l’efficacité de ces pratiques se situe donc dans la capacité à résister à l’allongement musculaire sur une durée brève et de très peu d’amplitude afin de restituer plus vite et en totalité l’énergie ainsi stockée.

Dans la littérature, on associe encore ce mode excentrique à une phase de freinage perçue comme négative. Cela est sans doute vrai en biomécanique pure, vrai aussi lorsqu’un sujet descend en marchant un chemin très pentu, vrai encore pour des sujets à la musculature trop compliante ; c’est au contraire une phase clé pour l’expertise, positive a postériori dans les domaines de l’explosivité et de la réactivité.

Sites et effets physiologiques du travail excentrique :

Composante élastique série :

Pour la partie active de la CES, le travail excentrique diminue la compliance du système contractile ; dans sa partie passive, il augmente la raideur du système tendineux par augmentation de la densité du collagène.

Cet aspect est particulièrement intéressant dans les APS, puisque si les tendons doivent être « souples » pour absorber les tractions et les tensions, ils doivent aussi être plus raides pour transmettre plus vite et favorablement la force aux leviers osseux.

Stries Z :

Le travail excentrique entraîne un certain nombre de courbature s qui sont essentiellement dues à des microlésions, voire des nécroses des stries Z, et notamment dans les fibres IIb qui possèdent des stries Z plus minces. Ce phénomène est non seulement transitoire et réversible, mais c’est un « mal nécessaire » pour accéder à un niveau fonctionnel supérieur.

Une force ne peut s’exercer qu’à partir d’un point d’appui. Pour résister à l’allongement mais également produire de la force en raccourcissement, les filaments d’actine doivent s’appuyer sur un ancrage solide aux stries Z. Il ne sert à rien de « gonfler » la machinerie métabolique entre deux stries Z si celles-ci ne sont pas plus solides, plus raides. Pour enraidir un tissu, il faut augmenter la masse et la densité du collagène (tissu conjonctif), phénomène rendu possible par la cicatrisation ; l’entraînement vise donc à destructurer volontairement ces stries Z afin de leur donner une résistance supérieure.

Une question a longtemps été posée : l’entraînement excentrique améliore-t-il les performances en concentrique ? La réponse est négative si l’on effectue les mesures juste après ou peu de temps après l’arrêt de cet entraînement (au contraire). En revanche, la réponse est dans tous les cas largement positive et durable pour un délai qui respecte la cicatrisation et la restructuration.

Adaptations neuromotrices :

Pour un sujet confronté à un travail excentrique intense, on observe une faciclitation de l’inhibition réciproque, une levée d’inhibition du réflexe myotatique inverse, ainsi qu’une régulation myotatique accrue.

Remarque : ce mode de travail est souvent décrié, car « dangereux ». En renforcement musculaire, tout peut être à risques et il convient d’appliquer un principe deprécaution simple, la progressivité. On peut en outre constater que des sportifs entraînés ne présentent aucune trace traumatique après restructuration et que les mêmes dommages sont constatés chez les nonexperts par des sollicitations concentriques.

Bilan du mode excentrique :

Avantages :

– Il permet dans certains cas un recrutement préférentiel des fibres de type IIb.

– Il accroît la raideur active musculaire, permettant ainsi une plus grande efficacité du cycle stretch-shortening et de la force explosive réactive.

– Il prédispose la réponse concentrique par facilitation de la boucle myotatique.

– Il permet de générer des tensions de 30 à 50 % supérieures à la force maximale volontaire isométrique.

– Il diminue le temps de couplage d’un geste pliométrique.

– Il améliore la force concentrique après restructuration des stries Z.

– Il abaisse la sensibilité des organes tendineux de Golgi (OTG).

– Il augmente la densité du collagène tendineux.

– Il correspond au fondement de la logique d’enchaînement des modes contractiles dans la quasi-totalité des gestes sportifs.

– Il est peu consommateur d’énergie métabolique.

– Il est peu consommateur d’énergie nerveuse (moins de recrutement d’UM pour un travail égal dans le mode concentrique).

– Il se révèle efficace dans la prévention des lésions myotendineuses et dans le traitement de ces lésions opérées et non opérées, ainsi que dans le traitement des instabilités articulaires.

– Il a peu d’effet sur le volume musculaire.

Inconvénients :

– Courbatures musculaires, les cinétiques de récupération et de surcompensation étant plus ou moins longues selon les tensions créées et les niveaux d’entraînement.

– Risque de lésions musculaires ou tendineuses en cas d’entraînement mal adapté.

– Prudence concernant les sujets jeunes, même si l’on constate dans leur motricité ludique habituelle l’emploi fréquent et spontané de ce mode contractile.

MODE ANISOMÉTRIQUE PLIOMÉTRIQUE :

C’est le régime utilisé dans la plupart de nos activités quotidiennes et sportives. Il s’agit, pour le même muscle, d’une alternance excentrique-concentrique réalisée dans le délai (temps de couplage) le plus bref.

Le stockage d’énergie réalisé lors de la phase excentrique est d’autant plus important que cette contraction est active, brève et de faible amplitude musculaire (peu de débattement articulaire).

La force développée lors de la restitution concentrique est nettement plus importante qu’elle ne l’aurait été sans cette résistance active préalable. Cette augmentation de la force s’explique par trois facteurs principaux :

– raideur du système myotendineux ;

– restitution de l’énergie stockée se surajoutant à la force contractile volontaire ;

– participation de la boucle myotatique favorisant la vitesse d’expression de la force concentrique.

Le temps de couplage constitue un moment capital pour la performance (sur la vitesse gestuelle et sur le rendement).

Mesure :

Son évaluation et sa mesure révèlent un niveau de qualité physique et un niveau d’expertise technique dans chaque APS.

Cette mesure s’effectue par l’ergo-jump de Bosco. Cette plate-forme, par ses multiples capteurs, mesure l’impulsion d’un sujet selon quatre modalités. Ici, c’est la détente verticale qui est mesurée (explosivité et réactivité musculaires), permettant d’obtenir aussi une assez bonne représentation de cette réactivité dans d’autres conditions de mouvement.

Quatre paramètres sont obtenus : temps de vol (TV) (ms-1) ; temps de contact pieds/sol (TC) (ms-1) ; hauteur de variation théorique du centre de gravité (CG) (cm) ; puissance exprimée (W) (kg-1) du poids du corps.

« Squat jump » (SJ) :

De la position 90° genoux, mains hanches, statique 1 seconde, produire la plus grande impulsion verticale. Le SJ évalue l’explosivité purement concentrique des membres inférieurs d’un sujet.

« Contre-mouvement jump » (CMJ) :

De la position debout, mains hanches, dans un mouvement d’aller-retour sans temps d’arrêt jusqu’à 90° genoux, il s’agit de produire la plus grande impulsion verticale.

Ce test évalue les qualités d’élasticité musculaire de la chaîne des extenseurs du sujet (différence CMJ/SJ). Étant donné un mouvement de grande amplitude musculaire, nous sommes en présence d’une phase excentrique peu active, donc d’une forme de pliométrie non percutée.

« Drop-jump » (DJ) :

À partir d’un contre-haut standardisé à 40 cm, se laisser tomber sur le tapis, mains aux hanches, et produire la plus grande impulsion verticale possible.

Nous sommes ici dans le domaine de la pliométrie percutée semblable à celle que rencontre le sujet dans les APS. Les rapports DJ/CMJ et surtout DJ/SJ témoignent de ses qualités de réactivité et d’explosivité musculaires.

Tous les auteurs s’accordent pour noter une progression de 5 à 6% CMJ/SJ et de 11 à 12 % DJ/SJ, cette progression représentant l’importance relative de l’élasticité et de la raideur active musculaire.

Remarques :

– à la suite de nombreuses mesures et afin d’obtenir une meilleure lisibilité des différents résultats, nous mettons en place un indice pliométrique : IP = TC/TV ; cet indice est bien corrélé par les résultats de puissance exprimée ainsi que les hauteurs du CG ; on peut considérer un sujet comme étant peu pliométrique au-delà d’un IP de 0,3 ;

– plus la raideur active excentrique aura été développée, plus les sujets auront des scores performants en DJ avec l’élévation du contre-haut : 60, 80, 100 cm ;

– tous les sujets voient leur score s’améliorer pour des DJ exécutés pieds nus (moins d’absorption mécanique par les semelles et moins d’« endormissement » des récepteurs sensoriels des muscles de la voûte plantaire) ;

– le SJ, le CMJ et le DJ réalisés avec l’aide des bras améliorent l’élévation de CG d’environ 25 % et permettent ainsi d’évaluer la coordination segmentaire des sujets.

« Rebond-jump » (RJ) :

Un quatrième test permet d’évaluer la déplétion de l ’ I P au cours d’un enchaînement de rebonds durant 15 ou 30 secondes. Ce test permet de mettre en valeur la capacité d’un sujet à faire durer ou non une qualité musculaire réactive.

L’ergo-jump est donc un outil indispensable pour apprécier les qualités physiques d’un sportif pour toutes les formes d’impulsion que les APS peuvent présenter. Ces différents tests doivent nous inciter à beaucoup de prudence quant à l’utilisation et la pertinence du Sargent-test vu ses conditions d’exécution et au regard des contextes sportifs.

Pliométrie et rendement :

En dehors d’une augmentation de la performance, la pliométrie permet une économie importante sur le plan énergétique (en course, par exemple, on vise la réduction du coût énergétique de la foulée). Par le travail antérieur de raideur active et la facilitation myotatique, la pliométrie ainsi construite entraîne une augmentation de rendement (rapport entre l’énergie mécanique produite et la dépense énergétique).

Tous les auteurs accordent au travail concentrique pur un rendement de l’ordre de 20 à 25 % pour avoisiner les 70 % lors de sauts et de courses à 32 km/h.

Si un sujet est contraint de faire son jogging à une allure inhabituelle (plus lente), une fatigue plus marquée est constatée. Pour chaque foulée, en effet, les tensions excentriques sont plus faibles, entraînant moins de stockage d’énergie sur cette phase ; les temps d’appui sont allongés, diminuant ainsi la restitution mécanique après la verticale de l’appui. Le sujet doit dans ce cas davantage « pousser », c’est-à-dire utiliser de manière préférentielle un mode contractile moins rentable et moins performant (concentrique).

Pliométrie et traumatologie :

Sans principe de précaution et sans le respect de certaines conditions , l’entraînement pliométrique peut entraîner des traumatologies immédiates par :

– utilisation exclusive et/ou abusive ;

– intensité trop élevée ;

– manque de placement et d’alignement corporel ;

– manque de concentration ;

– absence d’équipement musculaire préalable (excentrique).

Les chocs produits entraînent des pathologies articulaires et des périostites, la traction importante imposée aux jonctions myotendineuses et ténopériostées au moment de l’inversion des contraintes musculaires aboutissant à des tendinopathies.

Il est donc impératif d’aborder le travail pliométrique sous l’angle de la qualité et de la progressivité faisant suite (ou de manière simultanée) à un équipement du système myotendineux dans le sens de la raideur active.

En ce qui concerne le rapport de l’enfant à la pliométrie, ainsi que nous l’avons remarqué pour le travail excentrique, ce type de sollicitation leur est depuis longtemps habituel. Ce n’est pas le renforcement musculaire compris et adapté qui traumatise, mais bien plutôt les pratiques sportives elles-mêmes quand elles sont réalisées abusivement sans équipement interne suffisant, aboutissant de fait à des technopathies à moyen ou long terme.

Bilan du mode pliométrique :

Avantages :

– Il développe une force supérieure à la force maximale volontaire.

– Il diminue le temps de couplage.

– Il augmente la raideur active et diminue la compliance.

– Il augmente le rendement.

– Il améliore les coordinations intra- et intermusculaires.

– Il augmente la réactivité musculaire.

– Il augmente la sensibilité des fuseaux neuromusculaires.

– Il facilite la synchronisation de l’activité musculaire et l’activité myotatique par réduction des inhibitions.

– Il diminue la sensibilité des OTG.

– Il correspond aux gestuelles de la quasitotalité des APS.

– Il n’a pas d’effet sur le volume musculaire.

Inconvénients :

Risques traumatiques dans les conditions décrites plus haut.

MODE ANISOMÉTRIQUE CONCENTRIQUE :

C’est le régime le plus connu, le plus anciennement utilisé et encore aujourd’hui de manière quasi exclusive. En fait, dans les pratiques quotidiennes et sportives, le mode concentrique pur n’est que très rarement présent, et même si sa programation le légitime : en période de reprise de l’entraînement, dans le cadre d’un renforcement généralisé, en période précompétitive couplé avec de l’isométrie (statodynamique concentrique un temps), son emploi systématique reste insuffisant pour répondre aux contraintes musculaires des APS. S’il semble adapté à certains sports (pédalage, aviron), une analyse trop superficielle de certains mouvements risque de conduire à utiliser des formes de travail non conformes à la réalité. L’exemple du départ en starting-blocks laisse à penser que tous les extenseurs du membre inférieur fonctionnent en concentrique. Or, vu la configuration des starting-blocks (Duchateau 1993), le talon est laissé sans appui au moment de la poussée, imposant ainsi une contraction excentrique préalable.

Enfin, nous avons vu précédemment que pour développer la force concentrique à moyen et long termes l’idéal n’était pas toujours d’utiliser ce mode contractile.

Bilan du mode concentrique :

Avantages :

– Il facilite la récupération quand il termine une série en sollicitation excentrique. Par un travail en amplitude, il permet de conserver un capital de sarcomères en série.

– Il favorise la compliance du muscle : ainsi le muscle pourrait stocker davantage d’énergie élastique, mais, au regard des besoins des disciplines sportives, la question de l’utilité de ce type d’adaptation reste posée.

– Il agit sur les facteurs nerveux : en sollicitant pour une tension donnée un grand nombre d’UM, il se révèle efficace à l’échauffement et proche d’une compétition.

– Il a peu d’action sur les structures passives du muscle, donc peu de contraintes sur celles-ci, ce qui constitue un point positif en rééducation.

Inconvénients :

– Grand consommateur d’énergie métabolique comparé aux autres modes contractiles.

– Grand consommateur d’énergie nerveuse : innervation motrice.

– Régime le plus favorable à l’hypertrophie musculaire, avantage en cas d’amyotrophie mais objectif pas toujours recherché par les sportifs.

– Il développe peu de force comparé aux autres modes.

– Il ne correspond pas à la logique

d’enchaînement des régimes dans la quasitotalité des APS.

– Il a très peu d’action sur le développement de capacités d’intégration proprioceptive (codage du mouvement).

MODE ISOMÉTRIQUE :

Ce mode est en général bien connu et abondament utilisé par le masseurkinésithérapeute ; cependant, sa pertinence et son intérêt pour les APS restent à préciser.

Remarque : il faut distinguer deux types de situations isométriques en fonction du mode d’application de la résistance.

Isométrie à sollicitation « concentrique » :

Même sans déplacement, l’exercice va dans le sens d’un rapprochement des insertions (exemple : poussée contre un élément fixe).

Ce type d’exercice permet de développer une tension musculaire maximale isométrique en toute sécurité, la résistance étant asservie à la force volontaire du sujet.

Ce type de situation peut être considéré comme un étirement tendineux (étirement de la jonction myotendineuse en tension interne active).

Isométrie à sollicitation « excentrique » :

Il s’agit de maintenir une position articulaire en résistant à l’allongement musculaire. Ce type de situation peut être considéré comme une forme préliminaire d’exercices excentriques (force du sujet asservie à la résistance externe). Ce type de situation peut être considéré comme un étirement myotendineux (étirement de la jonction ténopériostée en tension interne active).

L’analyse de la courbe tension/longueur fait apparaître un maximum de tension totale (active et passive) pour la plupart des muscles à la longueur maximale et une tension active maximale en course moyenne.

Ces deux observations permettent de mieux doser les contraintes.

Bilan du mode isométrique :

Avantages :

– Il peut être mis en oeuvre facilement avec des moyens simples.

– L’augmentation de la force se fait principalement dans la position angulaire travaillée, ce qui permet d’optimiser les qualités d’un sujet pour une position segmentaire préférentielle dans une APS.

– Sa programmation peut se faire en fonction de la charge et/ou du temps de maintien.

– Il n’entraîne pas de frictions articulaires.

– Il augmente la raideur musculaire.

– Il développe une force supérieure (10 %) à la force maximale concentrique.

– Il permet un recrutement massif d’UM dont le tremblement observé du muscle serait le signe.

– Il permet de transformer le concept de charge additionnelle en concept de tension interne induite, minimisant ainsi les risques traumatiques par diminution du facteur quantitatif (de la charge et/ou du nombre de répétitions). Principe : faire précéder tout travail anisométrique par une sollicitation isométrique pour réduire l’aspect quantitatif en donnant à la séquence statique un rôle de prérecrutement d’UM.

Qu’il s’agisse de réduire le nombre de répétitions et/ou la charge, ce principe méthodologique générique est largement utilisé aujourd’hui par les méthodes modernes de renforcement musculaire, quel que soit le mode contractile envisagé. Il permet par un prérecrutement d’UM et une prétension, de minimiser les contraintes dynamiques, de conserver l’objectif de création de tension interne maximale sans laquelle il n’y a aucune espérance de transformation de la réponse musculaire ; enfin, il protège le sujet et permet aux plus jeunes l’accès à un renforcement musculaire sans risque.

Inconvénients :

– Bien qu’intéressant dans des tâches de fixation et de stabilisation segmentaire, il ne peut se suffir à lui seul, ne traduisant pas la richesse et la complexité de l’activité musculaire fonctionnelle dynamique des APS. Il ne constitue donc pas une finalité, mais sans doute une étape.

– Il n’augmente la force que dans la longueur musculaire travaillée.

– Par définition statique, il est défavorable aux coordinations inter- et intramusculaires.

– Par une utilisation abusive, il diminue la vascularisation intramusculaire.

– Il est peu favorable à la vitesse de contraction (sauf en statodynamique concentrique).

– Il est favorable à l’hypertrophie (ce qui peut constituer bien entendu un avantage en cas d’amyotrophie).

Interactions des paramètres de la force musculaire avec les activités physiques et sportives :

Les relations entre la vitesse d’exécution d’un geste, la force exprimée et la durée de cette expression doivent être pensées dans le contexte spécifique des APS afin que leur analyse débouche sur des contenus plus cohérents, répondant mieux ainsi aux besoins des sportifs.

RELATION FORCE/VITESSE :

Tous les sportifs cherchent à développer leur vitesse d’exécution ; s’il est admis que la force et la vitesse selon certains modes contractiles ont des expressions inversement proportionnelles, ce constat a trop souvent conduit l’homme de terrain à opposer ces deux concepts. Il nous semble au contraire, au vu des arguments déjà avancés, que pour une large part la vitesse dépende de la force.

En mode concentrique :

Une augmentation de la force maximale permet soit de développer une force déterminée à une vitesse accrue, soit de produire une tension contractile plus importante pour une vitesse donnée de raccourcissement musculaire. Dans les deux cas, il y a augmentation de la puissance P.

S’il est vrai que la relation diffère selon les charges utilisées à l’entraînement (l’utilisation de charges légères augmentant principalement la vitesse pour des résistances légères et inversement), cela doit renforcer l’emploi à l’entraînement de la méthode des contrastes afin de toucher toutes les zones de puissance ; l’expertise d’un pongiste ne se situe pas exclusivement dans sa raquette (légère), mais dans la vitesse de mobilisation d’une charge importante (son corps).

En mode excentrique :

La force maximale dynamique est supérieure aux forces maximales concentrique et isométrique. Cependant, il convient de remarquer que la mesure se fait sur la valeur de la charge résistante que le muscle doit freiner et que celle-ci ne traduit pas réellement le potentiel de force musculaire développée puisqu’il y a freinage, donc travail négatif : plus la charge est importante et plus la vitesse acquise en situation de freinage est élevée.

L’augmentation de la force maximale permet de mieux contrôler le freinage d’une charge donnée ou de résister à une vitesse identique pour une charge supérieure. Concernant le rapport au terrain sportif, nos analyses des modes excentrique et pliométrique suffisent à démontrer l’impossibilité d’améliorer la vitesse d’exécution sans développement de la force dans ces deux mode contractiles.

RELATION VITESSE/TEMPS ET/OU FORCE/TEMPS :

Ces relations font référence à la notion d’endurance. Traditionnellement, celle-ci est conçue comme la capacité à maintenir un effort d’intensité sous-maximale le plus longtemps possible : course longue concernant l’énergétique et grand nombre de répétitions concernant le renforcement musculaire. En fait, les APS proposent deux grands types de sollicitations :

– ou bien il s’agit de maintenir la plus grande vitesse possible sur une durée ininterrompue et dans ce cas cela concerne peu de pratiques sportives ; au pire, c’est maintenir très longtemps une vitesse sousmaximale ; au mieux, il s’agit d’endurance vitesse quand le temps d’action est relativement bref ;

– ou bien il s’agit de répéter souvent et longtemps (donc de manière intermittente) une explosivité musculaire et une vitesse maximale, et dans ce cas un grand nombre d’APS sont concernées.

Par conséquent et afin de répondre à ces relations, les procédés d’entraînement doivent prendre en compte la nature, la quantité et le mode d’expression de cette force ou cette vitesse spécifiques aux activités motrices. Ainsi, pour la plupart des APS, être endurant, c’est être capable de répéter souvent et longtemps des intensités maximales, et seule une attitude qualitative, intermittente et contrastée peut répondre à la logique de ces activités.

Méthodes de développement :

OBJECTIFS ET PRINCIPES :

Les principes méthodologiques proposés concernent en premier lieu le sujet sportif mais également l’ensemble des sujets qu’ils soient peu ou pas sportifs ; dans ce cas, les exigences et intensités sont corrigées sans que la logique proposée ne soit modifiée.

L’objectif central du renforcement musculaire dans le cadre des APS consiste à agir sur les relations existant entre la force et la vitesse, et ainsi obtenir un effet sur la force maximale, la puissance maximale, la force explosive.

La planification visant le développement d’une qualité dominante dépend du temps disponible, du niveau initial du sujet et se construit dans une succession de cycles de travail caractérisés par :

– leur durée (3 semaines intenses et 1 semaine de moindre sollicitation) ;

– un type de développement prioritaire ;

– un nombre de séances hebdomadaires ;

– une durée optimale des séances.

Chaque contenu de séance précise :

– un nombre d’ateliers de travail (correspondant aux groupes musculaires prioritaires et secondaires) ;

– un nombre de séries ;

– un nombre de répétitions dans la série ;

– un temps de récupération entre chaque série.

Une série de travail précise :

– le ou les modes contractiles utilisés (unique ou en alternance dans la série) ;

– la résistance utilisée : pourcentage de la résistance maximale, ou bien sans charge, en utilisant uniquement le poids du corps ;

– le nombre optimal de répétitions ou sollicitations.

De la planification annuelle émergent trois moments principaux :

– un cycle de reprise de l’entraînement ;

– six à huit cycles de développement et d’orientation spécifique de la force ;

– un cycle précompétitif.

Ceci s’applique dans le cadre d’une seule période de compétition ou d’objectif. En cas de double objectif (hivernal, estival), une double périodisation s’effectue sur la même durée totale. En ce qui concerne les APS ayant des compétitions régulières toute l’année, le renforcement musculaire ne doit pas être écarté sous prétexte que certains de ses effets pourraient avoir des conséquences négatives sur la « forme » des sportifs. Il semble que l’attitude à adopter doit être celle d’un dosage « homéopathique » continu de sollicitation, en maintenant l’intensité mais en diminuant la quantité de travail.

PRINCIPES DE MÉTHODES :

Principe de progressivité :

Si la recherche de tensions maximales s’avère nécessaire afin de provoquer les désadaptations attendues, on doit être attentif au niveau et à l’âge des sujets, et mettre en place des situations certes contraignantes, mais progressives et dosées dans certains modes contractiles (excentrique et pliométrique). L’introduction de l’isométrie en préalable à toute série de travail permet, pour le débutant comme pour l’expert, de diminuer les contraintes des charges additionnelles tout en maintenant une tension musculaire élevée.

Principe de qualité :

Produire et pouvoir répéter de la qualité gestuelle est le propre d’une APS. Il en va de même dans le renforcement musculaire où l’intensité des sollicitations et la totale implication mentale des sujets justifient un nombre limité de répétitions par série.

Principe de contextualisation :

La vitesse d’exécution et la réactivité musculaire étant des qualités physiques fondamentales pour les APS, elles sont présentes à chaque étape du développement, dans chaque série de travail. Ceci constitue un principe nécessaire d’une part pour contrebalancer certaines situations lentes, mais aussi parce qu’il est illusoire de penser qu’elles pourront se développer plus tard dans la planification. Un léger travail dynamique et/ou réactif est effectué à tout moment, devenant prépondérant au fur et à mesure de la construction du sujet.

Principe d’alternance :

Alternance des charges et/ou tensions :

L’alternance de mobilisation de charges lourdes et légères à l’intérieur d’une série préserve les coordinations inter- et intramusculaires pour des gestuelles nécessitant une grande vitesse d’exécution tout en respectant les modalités de recrutement d’UM. Ce contraste entraîne les mêmes effets en termes de tensions induites (introduction isométrique et charges réduites).

Exemples :

· une série = (2 ´ 90 %) + (6 ´ 40 %) + (2 ´ 90 %) + (6 ´ 40 %)

· ou une série = (2 ´ 90 %) + (6 ´ 40 %) + (2 ´ 90 %) + (6 ´ sans charge)

· ou une série = (iso 6 secondes ; 60 %) + (6 ´ 60 %) + (6 ´ sans charge).

Alternance des régimes :

Un certain nombre de travaux ont pu démontrer la plus grande efficacité de séries « mixtes » plutôt que l’utilisation unique d’un régime. À l’intérieur d’un cycle, d’une série, un régime est dominant dans la recherche d’un effet attendu majeur et associé aux autres modes pour minimiser ses propres inconvénients, entretenir ou anticiper des effets tirés des avantages connus des autres régimes.

Alternance dans l’année :

À partir de la connaissance des délais de récupération et de surcompensation pour chaque mode contractile, il devient possible de définir un ordre logique d’enchaînement de ces régimes et ainsi de planifier l’entraînement.

Délai de récupération :

Chaque régime impose un délai de restauration physiologique qui est fonction du niveau d’entraînement, de l’intensité et de la charge de travail, de la nature des mécanismes mis en jeu. Pour créer les désadaptations attendues, un sujet n’attend évidemment pas une totale récupération pour enchaîner ses séances.

Délai de surcompensation :

À la fin de chaque cycle débute un processus de surcompensation, plus basé sur un raisonnement théorique et une observation de terrain que sur de réelles expérimentations scientifiques. Cette surcompensation représente le délai à l’issue duquel les capacités fonctionnelles du sujet, non seulement sont revenues à leur niveau initial (compensation) mais continuent de progresser au-delà de ce niveau.

Sans entretien des qualités acquises, il se produit un retour graduel au niveau de départ. Ainsi, plus un mode contractile est destructurant, plus les délais de compensation et de surcompensation sont longs, et bien entendu plus ce régime est utilisé massivement loin d’un objectif compétitionnel. On peut aussi faire l’hypothèse que ce régime sera d’autant plus performant a posteriori qu’il aura entraîné sur l’instant une perte importante de ressources fonctionnelles.

Ainsi, la planification consiste à bénéficier des effets retardés de tous les régimes en les cumulant en vue d’un objectif précis.

CAS PARTICULIER : HYPERTROPHIE MUSCULAIRE

Effets :

– Augmentation du diamètre et du nombre de myofibrilles ; ceci concerne toutes les fibres mais surtout les fibres IIB (l’inverse est également observé dans l’amyotrophie).

– Épaississement du tissu conjonctif par augmentation de la masse et la densité du collagène.

– Augmentation de la vascularisation du muscle.

– Une hyperplasie encore controversée.

Méthodologie de développement :

– Utilisation des régimes les plus favorables à la prise de volume musculaire : concentrique et accessoirement l’isométrie.

– Grande quantité de travail : dix séries de dix répétitions, la onzième répétition devant être impossible à réaliser.

– Épuisement métabolique du muscle : mettre le muscle en difficulté de ravitaillement en ne lui accordant que deux minutes au maximum de récupération entre séries.

Ainsi, en utilisant 70 % de la RM à la première série, on assiste à une diminution de la charge à chaque série : pour « durcir » le travail, il est souhaitable de faire précéder ou suivre chaque série par des répétitions de régimes différents.

Remarques :

Le concept d’hypertrophie musculaire est très souvent et directement associé à la musculation : critiquée par les uns, recherchée par les autres, un certain nombre de précisions sont nécessaires.

Si mathématiquement la force d’une fibre est proportionnelle à son volume, dans bien des cas la force musculaire est plus importante que ne le laisse penser l’augmentation de la surface de section normale musculaire.

Le facteur premier de la prise de force est essentiellement « neurogène » avant d’être « myogène ». C’est le constat fait par le masseur-kinésithérapeute en voyant une augmentation de la force de ses patients sans pour autant avoir comblé leur amyotrophie.

C’est aussi l’augmentation de la force du groupe musculaire controlatéral à celui entraîné de manière unilatérale (en renforcement volontaire ou sous EMS).

Le sportif ne cherche pas à prendre systématiquement du volume musculaire, mais plutôt à augmenter sa force relative (force absolue/poids du corps).

Ainsi, et à condition que le volume d’entraînement soit « raisonnable », l’augmentation de la force plaide d’abord et davantage en faveur des facteurs nerveux et au moins d’un facteur structurel, la raideur myotendineuse. Ajoutons qu’en termes de terrain, l’hypertrophie est toujours plus facile à obtenir que toute autre qualité d’explosivité ou de vitesse.

CONCLUSIONS SUR LES MÉTHODES :

Pour des raisons d’écriture, les régimes sont cloisonnés, ce qui est loin de représenter la réalité des méthodes utilisées aujourd’hui basées sur l’alternance des tensions et des régimes.

Les trois types, force maximale, puissance maximale et force explosive, représentent la globalité des besoins des différentes pratiques physiques et sportives.

Force maximale :

Cet effet est spécifique de la vitesse de contraction ; en ce sens, ces procédés agissent plus sur la force absolue que sur la vitesse (même si les fibres IIB sont recrutées).

Par ailleurs, si le pic de force est amélioré, on constate peu d’effet sur la phase de montée en force (Schidbleicher 1985) ; en revanche, les effets sont plus conséquents sur la commande nerveuse.

Puissance maximale :

Les formes de travail se réalisant à une vitesse maximale par rapport à la charge ont une influence non négligeable sur le recrutement de fibres rapides.

L’inconvénient majeur se situe au niveau quantitatif : en effet, ces formes prédisposent à la prise de masse musculaire.

Force explosive :

Les effets de ces procédés résultent de la conjugaison de trois facteurs :

– raideur mécanique du système myotendineux ;

– recrutement massif d’UM dès le début du mouvement ;

– types de fibres recrutées.

Cette capacité à mobiliser la plus grande force possible dans le temps le plus bref correspond aux attentes des APS dans la création de mouvement (force de démarrage), et la lutte contre le freinage et l’amortissement.

Ces différents procédés supposent de travailler en absence de fatigue, avec une concentration maximale, en utilisant des charges certes légères, mais aussi importantes afin de lutter contre l’action freinatrice des antagonistes. Ce n’est pas la vitesse qui est importante mais son intention.

L’intérêt des biologistes pour la force et les effets de l’entraînement par le renforcement musculaire a conduit les praticiens à élaborer des contenus modernes performants. Ces méthodologies permettent non seulement de mieux cibler un objectif, de mieux servir les APS dans leur logique et leur diversité, mais aussi et peut-être surtout de transformer l’image de la musculation en la rendant plus sécuritaire et utile pour l’individu.