Diabètes insipides néphrogéniques

Diabètes insipides néphrogéniquesIntroduction :

Les connaissances moléculaires du fonctionnement rénal permettent maintenant la classification précise des diabètes insipides néphrogéniques (DIN). Les DIN héréditaires sont rares, mais leur identification a permis de comprendre la fonction de protéines indispensables à la réabsorption de l’eau comme les récepteurs de type 2 à la vasopressine (AVPR2) et l’aquaporine 2 (AQP2). Les transporteurs/canaux-clés dans l’établissement du mécanisme de contre-courant de la médullaire rénale incluent aussi le transporteur Na-K-2Cl, le canal potassique ROMK, le canal chlorure et sa sousunité ß, la barttine. Les diabètes insipides néphrogéniques héréditaires sont donc des équivalents cliniques des modèles animaux d’invalidation de ces différents gènes (knock-out). Le dépistage précoce et la prévention des épisodes de déshydratation sont les conséquences thérapeutiques de ces nouvelles données.

Définitions :

DÉFINITION RESTREINTE :

Le DIN inclut seulement les états de résistance à l’hormone antidiurétique.

DÉFINITION ÉLARGIE :

Le DIN inclut également les états pathologiques caractérisés par une impossibilité d’établir un gradient osmolaire corticomédullaire associé ou non à une résistance à l’hormone antidiurétique.

Mécanisme de concentration des urines par contre-courant :

ANATOMIE FONCTIONNELLE :

La concentration des urines n’est pas le résultat du transport actif de l’eau. Un tel système consommerait trop d’énergie. L’urine est plutôt concentrée, à peu de frais métaboliques, par une série d’interactions entre les anses de Henle, l’interstitium médullaire, les vaisseaux sanguins médullaires ou vasa recta et les tubules collecteurs. Le mécanisme de contre-courant doit son nom à l’arrangement anatomique particulier des tubules et des éléments vasculaires. En effet, dans le rein des mammifères, la partie médiane des néphrons est repliée sur elle-même en forme d’épingle à cheveux, appelée anse de Henle, du nom de l’anatomiste allemand qui l’a décrite. Les liquides tubulaires se déplacent du cortex à la papille médullaire en empruntant les tubules proximaux puis les branches de Henle descendantes. Chaque anse de Henle se dirige alors à « contresens » vers le cortex. Le sang dans les vasa recta descend, lui aussi, en direction de la papille avant de se diriger à « contresens » dans le cortex. Cet arrangement particulier des segments tubulaires et des vasa recta permet l’établissement d’un contre-courant échangeur et d’un contre-courant multiplicateur.

La production d’une urine concentrée ou diluée nécessite le contrôle indépendant de la réabsorption d’eau et de chlorure de sodium. Dans les conditions antidiurétiques habituelles, l’osmolalité de la médullaire rénale est voisine de 300 mOsm/kg à la jonction corticomédullaire, mais est de 1 400 mOsm/kg à l’extrémité de la papille. La moitié de cette hypertonicité médullaire dépend du NaCl, l’autre dépend de la concentration en urée. Dans ce schéma, on présume que la sécrétion de vasopressine est intacte ainsi que son action au niveau des cellules principales du tubule collecteur (cf. infra).

AQUAPORINES :

La perméabilité et les caractéristiques structurelles des éléments tubulaires et vasculaires responsables du mécanisme de contrecourant sont maintenant décrites à l’échelle moléculaire. La présence et l’abondance des canaux à l’eau, tous membres de la famille des aquaporines, déterminent la perméabilité à l’eau des structures tubulaires et vasculaires impliquées dans le contre-courant. La localisation, la régulation, la structure et la fonction de 10 aquaporines ou canaux à l’eau identifiées chez les mammifères ont été décrites dans de nombreuses revues récentes.

L’aquaporine 1 est insérée dans les membranes sous forme d’homotétramère. Chaque monomère est composé de six hélices insérées de façon oblique dans la membrane. Ces hélices délimitent le canal à l’eau. Les aquaporines 1, 2, 4, 5 et 10 sont sélectives à l’eau, tandis que les aquaporines 3, 7 et 9 sont des aquaglycéroporines puisqu’elles transportent du glycérol et d’autres particules.

L’aquaporine 1 à distribution ubiquitaire (AQP1) fut la première aquaporine à être caractérisée. Au niveau du rein, elle est présente à la fois au niveau des membranes apicales et basolatérales des cellulaires tubulaires proximales et de la branche descendante mince de l’anse de Henle. L’AQP1 est aussi exprimée de manière constitutive au niveau de l’endothélium des vasa recta descendants de la médullaire externe. L’AQP1 confère aux membranes des tubules rénaux proximaux une perméabilité exceptionnellement élevée puisqu’un flux unidirectionnel de 3 milliards de molécules d’eau par seconde par monomère d’aquaporine est prédit. La sélectivité du transport à travers l’AQP1 est aussi remarquable : l’eau passe mais les protons (ions H+) ne passent pas par suite :

– de la répulsion électrostatique imposée par l’arginine 195, un acide aminé cationique ;

– de la réorientation du dipôle de la molécule d’eau : l’atome d’oxygène va temporairement former des liens hydrogène avec les groupes amides de l’asparagine 192 et de l’asparagine 76 qui font protrusion dans le pore. Ceci réoriente les atomes d’hydrogène de la molécule d’eau : ils deviennent perpendiculaires à l’axe du canal et ne peuvent plus former des liens hydrogène avec les molécules d’eau adjacentes dans la chicane de constriction. Aussi le « câble de conduction des protons » est brisé. L’eau passe mais les protons ne passent pas. Il est probable que ce modèle s’applique aux autres membres de la famille des aquaporines.

RÉABSORPTION SÉLECTIVE DU SODIUM DANS LA BRANCHE ASCENDANTE DE L’ANSE DE HENLE : NKCC2, ROMK, CLCNK ET BARTTINE

Les branches ascendantes mince et large de l’anse de Henle sont complètement imperméables à l’eau car elles n’expriment aucun membre de la famille des aquaporines.

Le liquide isotonique (280 mOsm/kg) qui pénètre la branche descendante de l’anse de Henle, extrêmement perméable à l’eau (mais imperméable au Na+ et à l’urée) est concentré par soustraction d’eau. En conséquence, le liquide tubulaire qui pénètre dans la branche ascendante fine de l’anse de Henle a une concentration plus élevée en NaCl et une concentration plus basse en urée que l’interstitium médullaire environnant. Dans la branche fine ascendante imperméable à l’eau, l’efflux de NaCl excède l’influx d’urée, il en résulte une dilution du liquide tubulaire. Cette dilution avec hypotonicité progressive du liquide tubulaire se poursuit au niveau de la branche large ascendante de l’anse de Henle caractérisée par une imperméabilité à l’eau et un mécanisme puissant de réabsorption sodée responsable de 30 % de la réabsorption totale en NaCl du néphron. Cette réabsorption dépend d’une concentration intracellulaire basse en Na+ maintenue par la Na+-K+-ATPase basolatérale (pompe à sodium). L’entrée de Na et K au niveau luminal est réalisée par le transporteur (triporteur) Na+, 2Cl, K+ (NKCC2). Le K+ qui entre dans la cellule est recyclé dans la lumière par le canal potassique ROMK. Le recyclage du K+ a deux conséquences physiopathologiques majeures :

– la concentration du K+ luminale est restaurée et permet la continuation du transport de NaCl à l’intérieur de la cellule puis dans l’interstitium ; en l’absence de recyclage du K+, la quantité de NaCl réabsorbée serait considérablement moindre (cf. infra, Bartter de type II) ;

– le recyclage du K+ conduit à un voltage transépithélial avec positivité à l’intérieur de la lumière, positivité qui facilite le transport paracellulaire de Na+, Ca++, Mg++, K+, NH4+. Le chlorure quitte

la cellule par un canal (CLCNKB) dont la fonction dépend d’une sous-unité bêta appelée barttine.

Les identifications génétiques et fonctionnelles du cotransporteur Na-K-2Cl, des canaux ROMK et CLCNK et de la barttine ont été considérablement facilitées par le démembrement génétique et moléculaire du syndrome de Bartter (OMIM601678), maladie héréditaire caractérisée par une perte en NaCl, une alcalose hypokaliémique et une incapacité à concentrer ou à diluer l’urine. Les syndromes de Bartter anténataux avec hyperprostaglandinémie sont tous caractérisés par des syndromes polyuriques avec natriurèse et font partie des DIN congénitaux complexes (cf. infra).

ACTION DE LA VASOPRESSINE SUR LA RÉABSORPTION DE L’EAU :

L’hormone antidiurétique chez l’homme est l’arginine vasopressine (AVP). En sa présence, le tubule collecteur devient perméable à l’eau.

Le transport transcellulaire de l’eau est facilité par le gradient de pression osmotique entre l’interstitium médullaire concentré et le liquide tubulaire dilué. Pour le rein humain adulte, la concentration osmolaire maximale est de 1 200 mmol/kg ; l’excrétion osmolaire (urée, sulfates, phosphates, électrolytes) étant voisine de 600 mmol/j, le rein doit donc excréter un minimum de 0,5 l. La première étape de l’action antidiurétique de la vasopressine est sa liaison au récepteur V2 inséré dans la membrane basolatérale des cellules principales du tubule collecteur. La liaison hormonerécepteur est responsable de l’activation de l’adénylyl cyclase, enzyme membranaire dont l’activation permet l’hydrolyse de l’adénosine triphosphate (ATP) en adénosine monophosphate (AMP) cyclique. L’activation de l’adénylyl cyclase résulte de l’interaction du récepteur V2 activé avec une protéine Gs (guanine nucleotide binding protein). Les protéines G trimériques (a, b, c) ont une fonction d’interrupteur moléculaire (switch). Dans leur conformation en association avec la guanosine diphosphate (GDP), la sous-unité a est associée avec b c et la protéine est au repos en ce qui concerne son interaction avec l’effecteur (l’adénylyl cyclase). Le récepteur V2 activé par son agoniste (l’AVP) agit de façon catalytique pour libérer le GDP de la sous-unité a et permettre au GTP de se lier. Le GTP lié induit une conformation active (on) de Gsa. Le cycle G-protéine GTPase retourne à l’état de repos quand le phosphate terminal de GTP est clivé, que GDP est reformé et que la sous-unité a retourne à l’état quiescent (off). L’augmentation intracellulaire de l’AMP cyclique conduit à la phosphorylation de différents effecteurs par l’intermédiaire de PKA (protein kinase A) et à la fusion de vésicules endocytaires contenant les canaux à l’eau de type AQP2 à la membrane luminale. L’AQP2 est le canal à l’eau épendant de la vasopressine, elle est exprimée exclusivement au niveau des cellules principales du tubule collecteur. Elle est exprimée de manière diffuse dans le cytoplasme dans des conditions de surhydratation (diurèse aqueuse). Au cours de la déshydratation ou de l’administration de 1-désamino-8-D-arginine- vasopressine (dDAVP), la localisation de l’AQP2 est surtout apicale, observation qui confirme l’hypothèse de la navette des canaux à l’eau (navette entre un compartiment cytoplasmique et un compartiment membranaire apical) proposée il y a plus de 20 ans.

TRANSPORTEUR D’URÉE ET RECYCLAGE INTRARENAL DE L’URÉE :

L’urée est synthétisée par le foie et excrétée par le rein. L’urée représente 40 à 50 % de l’osmolalité urinaire, et sa concentration dans l’urine est remarquable (100 fois la concentration plasmatique d’urée chez l’humain, 250 fois chez les rongeurs). L’urée s’accumule dans la médullaire rénale, elle contribue ainsi au mécanisme de concentration urinaire et à la conservation de l’eau. Il existe deux grandes familles de transporteurs d’urée chez les mammifères :

– les transporteurs d’urée de type tubulaire rénal (UTA) ;

– les transporteurs d’urée de type érythrocytaire et vasculaire (UTB).

Cinq isoformes de UTA sont identifiées, toutes dérivant, par épissage alternatif, d’un seul gène. UT-A1 est exprimé au niveau des membranes apicales de la partie terminale du canal collecteur de la médullaire interne. L’expression de UT-A1 est augmentée par la vasopressine. UT-A2 est exprimé au niveau des branches descendantes fines des anses de Henle courtes. Le recyclage de l’urée comprend les éléments suivants :

– l’urée est concentrée au niveau du tubule collecteur ;

– l’urée diffuse du tubule collecteur terminal vers l’interstitium médullaire ;

– l’urée est reprise par les vasa recta ascendants ;

– l’urée est réintroduite dans les branches descendantes fines de l’anse de Henle et les vasa recta descendants ;

– l’urée retourne ainsi à la médullaire interne.

DÉFAUTS DE CONCENTRATION URINAIRES EXPÉRIMENTAUX PAR INVALIDATION GÉNIQUE :

Il est maintenant habituel de déterminer la fonction physiologique précise d’une protéine en utilisant des modèles d’invalidation génique. Dans ce but, des constructions géniques avec perte de fonction des protéines suivantes :AQP1, AQP2, AQP3, AQP4, AQP3 et AQP4, CLCNK1, NKCC2, AVPR2, AGT, ou UT-B ont été réalisées chez la souris. Les souris knock-out Aqp3,

Aqp4, Clcnk-1 et Agt n’ont pas d’équivalents reconnus en pathologie humaine, et les humains sans AQP1 n’ont qu’une altération très minime de leur pouvoir de concentration urinaire. Les souris avec mutations Aqp2-T126M ont une présentation clinique extrêmement sévère qui rappelle les caractéristiques phénotypiques des patients AQP2-T126M. Les souris avec invalidation du gène NKCC2 ont aussi des manifestations polyuriques semblables à celles observées chez les patients avec syndrome de Bartter.

STIMULATION OSMOTIQUE ET STIMULATION NON OSMOTIQUE DE LA VASOPRESSINE :

La régulation osmotique de l’AVP dépend de cellules osmoréceptrices de la partie antérieure de l’hypothalamus qui perçoivent les modifications de l’osmolalité extracellulaire, altèrent leur volume et modifient leurs influx nerveux dirigés vers les cellules magnocellulaires productrices de vasopressine des noyaux supraoptiques et paraventriculaires. Le volume cellulaire des osmorécepteurs est modifié par des solutions salines hypertoniques ou par du mannitol hypertonique. Au contraire, l’urée hypertonique n’est pas restreinte au milieu extracellulaire et pénètre rapidement dans les cellules : l’urée hypertonique ne modifie ni le volume des osmorécepteurs, ni la sécrétion d’AVP. Les données récentes sur l’osmo- et la tonoréception ainsi que la description des canaux cationiques membranaires inactivés par l’étirement responsable de l’osmoréception ont fait l’objet d’une revue récente. Les cellules osmoréceptrices sont très sensibles à des modifications minimes de l’osmolalité extracellulaire : en cas de déshydratation, une augmentation aussi faible que 1 % de l’osmolalité stimule la libération d’AVP. À l’inverse, suite à une ingestion d’eau, une diminution de 1 % de l’osmolalité supprime la libération d’AVP.

L’AVP peut être stimulée de manière non osmotique par des modifications importantes (> 10 %) du volume sanguin ou de la pression artérielle.

La stimulation osmotique de l’AVP obtenue par déshydratation et/ou par fusion de soluté salé hypertonique est utilisée pour déterminer la capacité de sécrétion de vasopressine par l’hypophyse postérieure. Le test direct de capacité sécrétoire consiste à mesurer l’AVP plasmatique à des niveaux variables de déshydratation et à les comparer à des valeurs normales. On corrèle ensuite les concentrations plasmatiques d’AVP obtenues à l’osmolalité urinaire.

Le test indirect de capacité sécrétoire de l’AVP consiste à mesurer l’action de l’AVP sur l’osmolalité urinaire plutôt que l’AVP ellemême.

Pour ce faire, les osmolalités plasmatiques et urinaires sont mesurées à intervalles réguliers pendant la déshydratation.

L’osmolalité urinaire maximale est alors comparée à l’osmolalité urinaire obtenue après injection de pitressine ou de dDAVP. Dans le diabète insipide central (neurogénique), la sécrétion de la vasopressine sera insuffisante ou abolie ; au contraire une sécrétion normale ou supranormale d’AVP sera observée dans le diabète insipide néphrogénique.

Les tests qui visent à explorer la sécrétion non osmotique (barorécepteur-dépendante) de l’AVP ne sont pas utilisés comme épreuves diagnostiques du diabète insipide central ou néphrogénique, car ils n’apportent que peu de renseignements supplémentaires et sont techniquement difficiles à réaliser.

Autres actions cellulaires de la vasopressine :

L’AVP se lie au moins à quatre sous-types distincts de récepteurs : les récepteurs V1a, V1b, V2 et OT (ocytocine). Ces récepteurs sont clonés et séquencés. Ils appartiennent tous à la très grande famille des récepteurs à sept passages membranaires dont la signalisation se fait par l’intermédiaire d’une protéine G hétérotrimérique. Les récepteurs V1a, V1b et OT interagissent sélectivement avec les protéines G de la famille Gq11. Ces protéines activent des isoformes distinctes de la phospholipase Cß et conduisent à l’hydrolyse du phosphatidyl-inositol-1,4,5 triphosphate et à la formation d’inositol-1,4,5 triphosphate (IP3). Cette petite molécule hydrosoluble et diffusible est le messager intracellulaire responsable d’une mobilisation du calcium à partir du réticulum endoplasmique. L’agrégation plaquettaire, la glycogénolyse hépatique et les effets presseurs de l’AVP sont médiés par les récepteurs V1a et par l’augmentation du calcium intracellulaire. Les récepteurs V1b sont exprimés au niveau de l’hypophyse antérieure.

Ces récepteurs sont responsables de la sécrétion d’adrenocorticotrophic hormone (ACTH) par l’antéhypophyse. Cette sécrétion d’ACTH est sous le double contrôle de la corticotropin-releasing hormone (CRH) et de l’AVP.

Comment exprimer de manière quantitative l’excrétion de l’eau ?

POLYURIES OSMOTIQUES ET NON OSMOTIQUES :

Le diabète insipide est caractérisé par l’excrétion de grandes quantités (> 30 ml/kg/j) d’urine hypo-osmolaire (< 250 mmol/kg) : il s’agit d’une polyurie non osmotique. Au contraire, la diurèse est osmotique (excrétion des solutés > 60 mmol/h) quand l’urine contient de grandes quantités de substances osmotiques exogènes (glycérol, mannitol, produits de contraste radiologiques) ou endogènes (urée, glucose). Les diurétiques de l’anse peuvent aussi induire une diurèse osmotique.

CLAIRANCE OSMOLAIRE, CLAIRANCE DE L’EAU LIBRE ET ÉQUILIBRE DE LA TONICITÉ :

Le débit urinaire peut être divisé en deux compartiments. Le premier compartiment est isotonique ; il est appelé clairance osmolaire (Cosm) : c’est le volume nécessaire pour excréter des solutés à la même concentration que celle du plasma. Le deuxième compartiment est appelé clairance de l’eau libre (CH2O) : c’est un volume théorique d’eau libre de soluté ; ce volume, positif ou négatif, doit être ajouté (clairance de l’eau libre TC H2O) à la portion isotonique de l’urine (COsm) pour créer une urine hypo- ou hypertonique. Le calcul de l’équilibre de la tonicité (tonicity balance) permet de démontrer que les hypernatrémies sont parfois d’origine iatrogène et guide le traitement.

Clinique et biologie des diabètes insipides néphrogéniques héréditaires :

Quatre-vingt-dix pour cent des patients avec un DIN héréditaire sont de sexe masculin avec un DIN à transmission liée à l’X (MIM 304800), en rapport avec des mutations dans le gène AVPR2 codant le récepteur V2 de la vasopressine. Ce gène est localisé en Xq28.

Dans moins de 10 % des familles étudiées, le diabète insipide néphrogénique héréditaire a une hérédité autosomique récessive ou autosomique dominante (MIM 222000 et 125800). Dans ces cas, les individus atteints portent des mutations dans le gène aquaporine-2 (AQP2). Ce gène localisé dans la région chromosomique 12q13 code le canal à l’eau AQP2 dont l’expression dépend de la vasopressine.

Le syndrome de Bartter (MIM 601678) et la cystinose (MIM 219800) sont aussi caractérisés par des syndromes polyuriques d’intensité variable mais parfois très sévère. Dans le syndrome de Bartter, le syndrome polyurique est impur car il s’accompagne d’un défaut héréditaire de la réabsorption en chlorure de sodium. Dans la cystinose, la polyurie fait partie d’un désordre tubulaire généralisé de type Fanconi.

DIN HÉRÉDITAIRES LIÉS À L’X :

Le DIN lié à l’X est une maladie rare. Nous avons calculé une fréquence de 8,8 par million d’habitants dans la province de Québec (Canada). Cependant, certaines communautés rurales de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick dans l’est du Canada ont une fréquence de cette maladie génétique beaucoup plus élevée. Le DIN lié à l’X est observé chez des familles caucasiennes, afroaméricaines, africaines, iraniennes, asiatiques, etc. Il semble donc qu’aucun groupe ethnique ne soit épargné.

CARACTÉRISTIQUES CLINIQUES ET DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL AVEC LE DIABÈTE INSIPIDE CENTRAL (NEUROGÈNE) AUTOSOMIQUE DOMINANT :

Les caractéristiques cliniques « historiques » de la maladie sont l’hypernatrémie, l’hyperthermie, le retard mental et les épisodes répétés de déshydratation. La détection précoce par diagnostic génétique dès les premiers jours de la vie devrait permettre de reléguer les caractéristiques ci-dessus mentionnées dans l’histoire de la médecine et de ne conserver, au début du XXIe siècle, que la difficulté d’hydrater et de nourrir ces patients pendant les premières années de leur vie. Pour nous, le retard mental, si abondamment décrit dans la littérature antérieure, est une conséquence directe des épisodes répétés de déshydratation méconnus ou traités trop tardivement. Donc, deux caractéristiques historiques suggérant un diagnostic de DIN lié à l’X sont l’aspect héréditaire et le retard mental lié chez les garçons atteints. Ainsi la famille décrite en 1892 par McIlraith et discutée par Reeves et Andreoli avait probablement un DIN lié à l’X. Lacombe et Weil ont, en revanche, décrit des diabètes insipides héréditaires à transmission autosomique dominante et sans retard mental. Les descendants de la famille décrite par Weil ont un diabète insipide central (neurogène) autosomique dominant. Ces patients conservent une capacité limitée pour sécréter de la vasopressine dans les premières années de la vie et ainsi ne souffrent ni de déshydratation ni de retard mental. La capacité de concentration urinaire en réponse à la vasopressine exogène est entièrement normale chez les patients avec diabète insipide central autosomique dominant.

La polyurie et la polydipsie sont présentes très précocement et nous avons observé des épisodes de déshydratation dès le 3e jour de vie.

La grossesse d’un enfant atteint ne s’accompagne jamais d’un polyhydramnios. Le polyhydramnios est exclusivement observé pendant la grossesse qui conduit à la naissance d’enfants avec syndrome de Bartter. Les enfants avec DIN lié à l’X sont irritables, pleurent presque constamment et, bien qu’assoiffés, vomissent fréquemment le lait qui leur est donné, sauf si le lait est précédé par l’administration d’eau. La constipation, la fièvre inexpliquée, l’incapacité à prendre du poids, l’absence de sudation, l’augmentation des symptômes en cas de temps chaud sont fréquemment observées. Les épisodes sévères de déshydratation peuvent conduire à la mort. L’absorption de grandes quantités d’eau et la restriction sodée et protéique peuvent conduire à un nanisme hypocalorique. L’évolution « historique » des enfants atteints est bien décrite par Mathieu et Loirat. Dans leur expérience, l’évolution initiale restait dominée par la fréquence des accidents de déshydratation ; ultérieurement l’adaptation spontanée des boissons aux besoins est excellente et la maladie devient compatible avec une parfaite santé physique. Nous estimons que les accidents de déshydratation sévère peuvent être tous prévenus par une détection et une surveillance autoritaires. La dilatation de l’arbre urinaire est secondaire à la polyurie. Elle n’est pas spécifique de la maladie, elle peut être observée quelle que soit l’étiologie de la polyurie, par exemple dans les diabètes insipides centraux ou dans les polydipsies psychogènes (ou potomanies). L’insuffisance rénale peut être le résultat d’épisodes répétés de déshydratation avec thrombose glomérulaire.

DIAGNOSTIC CLINIQUE ET BIOCHIMIE :

Il faut souligner l’importance d’une histoire familiale détaillée et de la construction d’un arbre généalogique précis. Des enfants de sexe masculin morts avant l’âge de 1 an sans diagnostic défini avec une mauvaise croissance staturopondérale et des vomissements répétés peuvent indiquer l’existence antérieure de la maladie. La construction de l’arbre généalogique est orientée sur la transmission liée à l’X. Dans la plupart des cas (70 % dans notre expérience), une histoire familiale est retrouvée mais plusieurs générations peuvent s’être écoulées avant la naissance, à nouveau, d’un garçon atteint.

Donc la plupart des cas représentent des mutations ancestrales mais de nombreux cas sporadiques peuvent correspondre à des mutations de novo.

Diagnostic génétique et reconnaissance précoce du DIN :

Idéalement, dans toutes les familles où la maladie est bien documentée par l’existence d’un garçon atteint du DIN, la mutation du gène du récepteur V2 devrait être déterminée (cf. infra) et toutes les femmes à risque et en âge de procréer devraient avoir leur statut dentifié (transmetteur ou non-transmetteur). Si une femme transmetteur de la maladie est porteuse d’un enfant de sexe masculin, il suffit d’obtenir rapidement à la naissance du sang du cordon, d’extraire l’acide désoxyribonucléique (ADN) et de réaliser une analyse mutationnelle. Le résultat d’une telle étude génétique peut prendre de 2 à 4 jours et il suffira, en parallèle, d’évaluer les symptômes et de mesurer l’osmolalité urinaire et la natrémie du nouveau-né à risque. Si le DIN est affirmé par analyse génétique et que l’osmolalité urinaire est inférieure à 100 mmol/kg, d’autres tests ne sont pas nécessaires et l’hydratation attentive de l’enfant et son traitement (hydrochlorothiazide, régime pauvre en sel) doivent commencer immédiatement.

Diagnostic phénotypique avant l’âge de 1 an :

La polyurie est nette, égale ou supérieure à 500 ml/24 heures, et atteignant 1 à 21/24 heures chez le nourrisson, avec, en période d’hydratation normale, une densité inférieure à 1005 et une osmolalité urinaire entre 50 et 100 mmol/kg. Le rapport U/POsm est toujours inférieur à l’unité. Ces caractéristiques sont bien différentes de l’excrétion urinaire normale. Si une sous-hydratation chronique ou des accidents de déshydratation sont survenus, avec une natrémie supérieure à 150 mEq/L et une osmolalité urinaire inférieure à 300 mmol/kg, on peut démontrer la résistance tubulaire à la vasopressine en administrant 1 μg de dDAVP (250 μl d’une solution contenant 4 μg/ml) par voie sous-cutanée ou intraveineuse lente (dans une poche à perfusion et en 20 minutes). L’urine est collectée toutes les 30 minutes au cours des 120 minutes suivantes.

Dans le cas du DIN lié à l’X, aucune augmentation de l’osmolalité urinaire n’est observée après dDAVP. Pendant cette épreuve de concentration urinaire à la dDAVP, l’eau ne doit pas être restreinte. L’épreuve de restriction hydrique est par ailleurs inutile lorsqu’on a enregistré les données biologiques plasmatiques et urinaires à l’occasion d’un accident aigu de déshydratation. Son seul but serait de faire le diagnostic différentiel avec la polydipsie psychogène, qui ne s’accompagne jamais de déshydratation, ou avec le diabète insipide central, exceptionnel à cet âge et répondant d’emblée à la dDAVP.

Diagnostic phénotypique complet (enfant et âge adulte) :

Ces épreuves ne sont indispensables ni au diagnostic ni au traitement mais il est utile d’étudier au complet au moins un enfant ou un adulte de sexe masculin atteint dans chaque famille. Ces épreuves et leur interprétation ont permis à mon équipe la caractérisation phénotypique stricte des DIN liés à l’X. Dans toutes les familles étudiées jusqu’à présent, l’homogénéité phénotypique va de pair avec l’homogénéité génotypique : nous avons toujours trouvé dans ces familles des mutations dans le gène du récepteur V2.

Épreuve de déshydratation :

Son but est de démontrer la résistance tubulaire rénale à la sécrétion endogène de vasopressine, sécrétion stimulée par la déshydratation. Cette épreuve doit toujours avoir lieu de jour, sous surveillance médicale immédiate. Elle ne doit jamais dépasser 4 heures. Des prélèvements plasmatiques (Na, Osm, vasopressine) sont pratiqués chaque heure. L’osmolalité et le volume urinaire sont mesurés toutes les 30 minutes. Les résultats de natrémie doivent être immédiatement disponibles après chaque prélèvement de sang pour éviter toute déshydratation sévère arbitrairement définie par une natrémie > 150 mEq/l. La soif doit être notée chaque heure en s’aidant d’une échelle visuelle.

Par exemple, un garçon de 8 ans (poids corporel 31 kg) avec un diagnostic clinique de DIN, continue à excréter 300 ml/h d’urine diluée (UOsm = 85 mmol/kg) pendant une épreuve de déshydratation de 4 heures. Il s’est plaint d’une soif intense. Sa natrémie maximale fut de 155 mEq/L (POsm = 310 mmol/kg). Le patient a reçu 1 μg de dDAVP en sous-cutané et on lui permit de boire de l’eau. Des mesures répétées d’osmolalité urinaire confirmeront la résistance à l’hormone antidiurétique.

Il aurait été dangereux et inutile de continuer la déshydratation dans notre expérience.

Épreuve au dDAVP :

Perfusion intraveineuse d’une dose pharmacologique de dDAVP (0,3 μg/kg de poids corporel jusqu’à un maximum de 24 μg)/ son but est de démontrer :

– la résistance urinaire à la dDAVP ;

– l’absence de réponse hémodynamique et coagulante à la dDAVP – l’absence de stimulation de l’AMP cyclique plasmatique par dDAVP.

Ce test a lieu sans déshydratation. Des prélèvements plasmatiques et urinaires sont réalisés toutes les 30 minutes. Après une période témoin de 60 minutes, une perfusion lente de dDAVP (0,3 μg/kg de poids corporel dans 100 ml de soluté salé physiologique perfusé en 20 minutes à l’aide d’une pompe proportionnelle) est réalisée et des prélèvements plasmatiques et urinaires sont effectués toutes les 30 minutes pendant les 150 minutes qui suivent le début de la perfusion. La dDAVP ne doit jamais être administrée rapidement par voie intraveineuse, car elle induit des hypotensions sévères chez les individus normaux. Chez les patients de sexe masculin avec DIN lié à l’X, l’osmolalité urinaire et la clairance de l’eau libre resteront inchangées ; ni la pression artérielle ni le facteur de von Willebrand ne varieront; l’AMP cyclique plasmatique ne sera pas stimulé. Ces résultats indiquent une anomalie de fonctionnement du récepteur V2 rénal et extrarénal (les récepteurs V2 extrarénaux sont mal définis mais ils expliquent la stimulation des facteurs de coagulation et l’hypotension observées après la dDAVP administrée à dose pharmacologique). Ces données indiquent également que le DIN lié à l’X est un défaut situé en amont de l’AMP cyclique. Cette hypothèse a été confirmée par la découverte de mutations dans le gène du récepteur V2 chez les familles avec DIN lié à l’X.

ANALYSE GÉNÉTIQUE MOLÉCULAIRE : MUTATIONS DU GÈNE DU RÉCEPTEUR V2, DÉTECTION DES TRANSMETTRICES :

Le clonage du gène humain du récepteur V2 de la vasopressine a été publié en 1992. Ce gène est appelé AVPR2, il est situé en Xq28 (la partie la plus distale du bras long du chromosome X). La découverte de mutations dans l’AVPR2, mutations qui déterminent le phénotype DIN lié à l’X, a confirmé l’identification de ce gène. Ce gène est petit (environ 2 kb), il contient trois exons et deux introns.

La séquence de l’ADN complémentaire prédit un polypeptide de 371 acides aminés (aa) avec sept domaines transmembranaires, quatre domaines extracellulaires et quatre domaines intracellulaires. La structure de ce récepteur est caractéristique de celle des récepteurs membranaires liés aux protéines G, vaste famille comprenant la rhodopsine, les récepteurs a et b adrénergiques, muscariniques, les récepteurs à la thrombine etc. L’analyse génétique de familles avec DIN lié à l’X est réalisée par séquençage direct après amplification par polymerase chain reaction (PCR).

À ce jour, plus de 183 mutations AVPR2 ont été identifiées dans 239 familles d’origines ancestrales différentes (consultez aussi la NDI Mutation Database à : http : //www.medicine.mcgill.ca/nephros/).

La moitié de ces mutations sont des mutations faux-sens, c’est-à-dire qu’un seul aa sauvage est remplacé par un autre aa mutant. Le reste des mutations se répartit comme suit : 27 % sont des mutations avec décalage du cadre de lecture par délétion ou insertion d’un ou plusieurs nucléotides, 11 % sont des mutations non-sens, c’est-à-dire qui génèrent un signal stop, 5 % sont des grandes délétions, 4 % sont des délétions ou insertions en phase et 2 % sont des mutations d’épissage. Des mutations ont été identifiées affectant chaque domaine du récepteur V2 de la vasopressine. Nous avons identifié des mutations uniques (dites « privées »), des mutations récurrentes et des mécanismes probables de mutagenèse. Dix mutations récurrentes (D85N, V88M, R113W, Y128S, R137H, S167L, R181C, R202C, A294I, et S315R) ont été identifiées dans 35 familles d’origines ancestrales indépendantes. L’expression in vitro de ces mutations AVPR2 indique que la majorité des récepteurs mutés sont retenus dans le réticulum endoplasmique : incapables de s’insérer dans la membrane plasmique, ils ont perdu leur fonction de signalisation. Ce défaut de transport intracellulaire est un mécanisme général partagé par de nombreuses maladies héréditaires dues à des mutations dans des gènes codant des protéines membranaires. Nous avons récemment démontré que des antagonistes non peptidiques du récepteur de la vasopressine pouvaient « replicaturer » les récepteurs AVPR2 mutants et augmenter l’osmolalité urinaire chez des patients avec DIN lié à l’X porteurs des mutations de l62-64, R137H et W164S.

DIABÈTES INSIPIDES NÉPHROGÉNIQUES AUTOSOMIQUES RÉCESSIFS ET DOMINANTS SECONDAIRES À DES MUTATIONS DU GÈNE AQP2 :

Des DIN avec transmission père-fils, défaut situé en aval de l’AMP cyclique et stimulation normale des facteurs de coagulation par la dDAVP chez des sujets de sexe masculin ont suggéré l’existence d’un autre type de DIN héréditaire. Un patient avec DIN congénital et stimulation normale des facteurs de coagulation par la dDAVP fut trouvé porteur de mutations (hétérozygote composé R187C et S217P) sur chaque allèle du gène AQP2. À ce jour, 32 mutations AQP2 ont été identifiées chez 40 familles avec DIN autosomique dominant ou autosomique récessif. Ces mutations se répartissent comme suit : 65 % de mutations faux-sens, 23 % de mutations avec décalage du cadre de lecture secondaire à des délétions ou insertions d’un petit nombre de nucléotides, 8 % de mutations non-sens et 4 % de mutations d’épissage (pour des informations additionnelles.

Les études d’expression des protéines mutantes AQP2 ont démontré, comme pour l’expression in vitro des mutants AVPR2, leur rétention intracellulaire et leur impossibilité d’atteindre une conformation compatible avec leur maturation intracellulaire et leur insertion dans des vésicules endocytaires.

Les mutations AQP2 responsables du DIN autosomique récessif sont distribuées dans tout le gène AQP2 dans sa partie carboxylterminale.

La famille avec phénotype autosomique dominant décrite par Ohzeki en 1984 fut séquencée et identifiée comme hétérozygote pour la délétion carboxyl-terminale 721delG.

Le phénotype dominant de ces mutations spécifiques peut s’expliquer par la formation d’hétérotétramères avec cheminement intracellulaire altéré.

POLYURIE, POLYDIPSIE ET DÉSHYDRATATION CHEZ LES PATIENTS AVEC CYSTINOSE :

La polyurie peut être minime et seulement induire une énurésie persistante, ou, à l’opposé, être sévère et même contribuer au décès par déshydratation chez des enfants avec gastroentérites.

POLYURIE ET TUBULOPATHIES HÉRÉDITAIRES AVEC PERTES DE SEL ET DE POTASSIUM :

Les enfants avec hypo- ou isosthénurie, hypercalciurie et dont la grossesse menant à leur naissance a été caractérisée par un polyhydramnios, ont une perte de fonction des transporteurs tubulaires de la branche ascendante de l’anse de Henle ROMK (gène KCNJ1) et NKCC2 (gène SLC12A1). Les patients avec polyhydramnios, polyurie sévère, hyponatrémie, hypochlorémie, alkalose métabolique et surdité neurosensorielle ont une perte de fonction de la barttine (gène BSND). La barttine est la sousunité ß du canal chlorure. Elle est exprimée au niveau basolatéral de la branche ascendante de l’anse de Henle et dans l’oreille interne. Ces nouvelles données confirment l’importance des protéines ROMK, NKCC2 et barttine pour transférer suffisamment de NaCl dans l’interstitium médullaire et générer, en conjonction avec l’apport d’urée, un milieu hypertonique-clé dans l’établissement et le maintien du contre-courant.

TRAITEMENT :

Les recommandations et les calculs théoriques réalisés par Mathieu et Loirat sont toujours d’actualité. Ces auteurs considèrent que l’osmolalité urinaire des patients atteints étant fixe, leur débit urinaire est en corrélation directe avec la charge osmotique. La charge osmotique peut être calculée par la formule :

QOsm = 2~ Na + K mmol ! + 4~ prote´ines g ! + ~ phosphore mg ! 31

On s’aperçoit qu’un régime désodé (1 mEq/kg/24 h) avec une restriction protéique limitée (2 g/kg/24 h) sont importants.

L’apport hydrique théorique est :

QOsm /UOsm + pertesextrare´nales (UOsm étant l’osmolalité urinaire en dehors des épisodes de déshydratation).

Une hydratation abondante et continue ainsi qu’une surveillance très attentive du poids et de la température sont nécessaires. On doit offrir de l’eau toutes le 2 à 3 heures, y compris la nuit !

L’hospitalisation de ces enfants est parfois indispensable ainsi que l’installation d’une sonde gastrique pour nutrition et hydratation entérale. L’hydrochlorothiazide (1 à 2 mg/kg/j) et l’indométacine (1,5 à 3,0 mg/kg) diminuent de 30 à 50 % l’excrétion de l’eau.

Les quantités considérables d’eau absorbées par ces patients exagèrent le reflux gastrooesophagien physiologique des enfants et beaucoup de jeunes patients vomissent après l’absorption de grandes quantités d’eau. L’utilisation de bloqueurs H2, de métoclopramide ou de dompéridone améliore ces symptômes. La majorité des patients adultes ne prennent aucun traitement.

DÉPISTAGE GÉNÉTIQUE PRÉCOCE DES PATIENTS AVEC DIABÈTE INSIPIDE NÉPHROGÉNIQUE :

Le dépistage précoce des mutations AVPR2, AQP2 ou de celles responsables du syndrome de Bartter (KCNJ1, SLC12A1, BSND) dans les familles déjà caractérisées par la présence d’un enfant atteint permet un diagnostic et un traitement précoces et évite, dans la majorité des cas, la survenue d’épisodes sévères de déshydratation (AVPR2, AQP2) ou de contraction de volume (KCNJ1, SLC12A1, BSND). Nous avons réalisé le diagnostic de DIN lié à l’X à partir d’échantillons de villosités choriales (n = 4), de cellules amniotiques cultivées (n = 5) ou de sang du cordon (n = 17).

Vingt-trois enfants furent testés, 12 garçons étaient atteints, sept garçons étaient indemnes et quatre filles furent identifiées comme non transmetteurs. Les garçons atteints sont systématiquement traités, dès la première semaine de vie, à l’aide d’un régime pauvre en sel avec de l’hydrochlorothiazide. Ces enfants nécessitent cependant une attention soutenue pendant les premières années pour éviter tout épisode de déshydratation et pour maintenir une courbe de croissance adéquate.

Diabètes insipides néphrogéniques acquis :

Les formes secondaires de DIN sont rarement complètes. Ainsi la possibilité d’élaborer une urine concentrée faiblement est conservée et la polyurie chez l’adulte est en général inférieure à 6 à 8 l/24 h.

L’étiologie la plus fréquente est l’administration chronique de lithium pour maladie psychiatrique (essentiellement dans les psychoses maniacodépressives). Sous surveillance stricte et répétée des lithémies, un régime pauvre en NaCl associé ou non à l’hydrochlorothiazide ou à l’amiloride diminue la polyurie et permet la diminution de la dose de carbonate de lithium nécessaire au maintien d’une lithémie efficace (» 1 mmol/l). La déméclocycline est utile dans le traitement des syndromes de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique, non contrôlés par les manoeuvres habituelles (traitement de la cause, restriction en eau).

Conclusion :

La polyurie, la polydipsie et la résistance tubulaire à l’arginine vasopressine sont les caractéristiques du DIN. Les mutations avec perte de fonction de l’AVPR2 ou de l’AQP2 entraînent un DIN pur classique avec perte hydrique exclusive. Les mutations avec perte de fonction du transporteur Na, Cl, K (NKCC2), du canal potassique ROMK ou de la sous-unité ß du canal chlorure, la barttine, induisent un DIN complexe avec perte de sel, d’eau et d’autres électrolytes. Le lithium reste l’agent exogène principal responsable des DIN secondaires. Le traitement du DIN s’appuie sur des mesures non spécifiques visant à diminuer la quantité d’eau présentée au canal collecteur et à éviter la déshydratation et la contraction de volume.