Équilibre potassique et dyskaliémies

Équilibre potassique et dyskaliémiesIntroduction :

La kaliémie est une valeur très finement régulée. En effet, le potentiel de repos transmembranaire des cellules nerveuses et musculaires est directement en rapport avec le différentiel de concentrations entre le potassium intracellulaire et le potassium extracellulaire. Si la kaliémie s’élève, le potentiel de repos des cellules s’abaisse, augmentant l’excitabilité de celles-ci.

La kaliémie est fonction de deux variables : la quantité totale de potassium dans l’organisme et la répartition du potassium dans les secteurs intracellulaire et extracellulaire.

La quantité de potassium (K+) dans l’organisme dépend du bilan entrée/sortie qui reste à l’équilibre chez le sujet normal. Le rein est l’organe unique de contrôle de l’homéostasie potassique de l’organisme.

Équilibre potassique :

DISTRIBUTION DU POTASSIUM DANS L’ORGANISME :

Le K+ est à 95 % situé dans le compartiment cellulaire, principalement dans les cellules musculaires (78 %), dans les cellules hépatiques (6 %) et dans les hématies (6 %). Seulement 2 % est situé dans le compartiment extracellulaire.

Dans les cellules, la concentration en K+ est maintenue très élevée, de l’ordre de 120 à 150 mmol/L d’eau cellulaire. Ceci se fait grâce à l’activité de la Na/K ATPase membranaire. Le K+ intracellulaire est acccompagné d’anions protéinates, de phosphates et d’anions organiques.

Dans le milieu extracellulaire, la kaliémie est maintenue basse entre 3,5 et 4,5 mmol/L.

La valeur régulée par l’organisme est le rapport des concentrations en potassium de part et d’autre de la membrane cellulaire (rapport kaliémie/kalicystie). En effet, c’est de ce rapport que dépend la valeur du potentiel de membrane, élément clé de l’excitabilité et de la contraction musculaire (qu’il s’agisse du muscle strié, lisse ou cardiaque).

le rapport potassium extracellulaire/potassium intracellulaire et non la kaliémie. Mais, même si la valeur régulée est le rapport potassium extracellulaire/potassium intracellulaire, en fait, la régulation porte uniquement sur la kaliémie car des fluctuations significatives de la quantité de K+ intracellulaire sont rarement observées.

ENTRÉES ET SORTIES DU POTASSIUM :

La seule entrée de potassium est l’alimentation, le potassium étant un constituant majeur des cellules végétales et animales. Les apports quotidiens sont de 50 à 150 mmol/j. L’absorption digestive du potassium ingéré est complète.

Il existe des sorties extrarénales et rénales. Les sorties extrarénales qui ne sont pas régulées se font essentiellement par les sécrétions digestives. Toutefois, elles correspondent à seulement 5 à 10% du potassium ingéré du fait du faible contenu en eau des selles normales. Les sorties digestives du potassium peuvent devenir très importantes en pathologie (diarrhées, vomissements, etc). L’autre sortie extrarénale de potassium est la sueur. Elle est très pauvre en potassium.

Les sorties rénales de potassium correspondent à 90 % du potassium ingéré. Cette sortie est finement régulée.

À l’état normal, le bilan entrée/sortie de potassium est stable, l’excrétion urinaire est égale à l’absorption digestive.

BALANCE INTERNE DU POTASSIUM :

La balance interne concerne les mouvements de l’ion potassium de part et d’autre de la membrane cellulaire sous l’action de processus physiologiques ou pathologiques.

Parfois, en un repas, le contenu total en potassium du secteur extracellulaire est ingéré (50 mmol). Dans les 15 à 30 minutes qui suivent un repas, plus de 70 % du potassium ingéré est transféré dans les cellules. Les éléments qui participent à cette balance interne sont des hormones, des neurotransmetteurs, l’équilibre acide-base et l’osmolalité.

Insuline :

Elle a un rôle permissif sur l’entrée du K+ dans les cellules en stimulant l’entrée de Na+ dans la cellule par l’échangeur Na+/H+ membranaire. L’élévation du Na+ intracellulaire stimule secondairement la Na/K ATPase, ce qui entraîne une entrée nette de K+ dans la cellule.

Aldostérone :

Elle améliore la tolérance à une charge potassique en favorisant la séquestration cellulaire du K+ et en favorisant la sécrétion de K+ par le côlon.

Catécholamines :

Elles ont un rôle permissif sur l’entrée de K+ dans la cellule en stimulant la Na/K ATPase.

Équilibre acide-base :

Il joue un rôle majeur dans les mouvements de K+ de part et d’autre de la membrane cellulaire. Au cours des acidoses et des alcaloses, les mouvements transmembranaires de K+ dépendent de la diffusibilité intracellulaire de l’ion qui accompagne l’ion H+.

Acidoses métaboliques aiguës :

Au cours des acidoses métaboliques aiguës minérales, c’est-à-dire caractérisées par l’addition d’ions H+ et Cldans l’espace extracellulaire (diarrhée), le proton diffuse dans la cellule alors que l’ion Clne peut pas pénétrer. Le respect de l’électroneutralité intracellulaire impose la sortie d’un ion potassium ou d’un ion sodium. L’augmentation de la kaliémie qui en résulte est très variable d’un sujet à l’autre de 0,2 à 1,7 mmol pour 0,1 unité de diminution de pH.

Au cours des acidoses métaboliques aiguës par apport d’acide organique (acidose lactique), le proton pénètre la cellule avec le cation qui l’accompagne, ce qui n’entraîne pas d’issue de K+ de la cellule. Une acidose lactique ne s’accompagne donc pas d’hyperkaliémie. Si celle-ci est présente, il faut en rechercher l’étiologie : insuffisance rénale, hypercatabolisme, etc.

Acidoses métaboliques chroniques :

Elles entraînent une hypokaliémie par augmentation de l’excrétion rénale de K+ (cf infra).

Acidose respiratoire

Le CO2, diffusant très facilement à travers les membranes cellulaires, l’acidose respiratoire ne s’accompagne pas d’hyperkaliémie.

Alcalose respiratoire aiguë :

Elle n’entraîne pas de modification de la kaliémie.

Alcalose respiratoire chronique :

L’hypokaliémie est constante mais modérée. Elle est secondaire à une fuite urinaire de potassium (cf infra).

Alcalose métabolique :

L’ajout de NaHCO3 dans le secteur extracellulaire induit une hypokaliémie car l’ion HCO3– ne peut diffuser dans la cellule. La sortie d’un proton de la cellule va donc entraîner l’entrée d’un K+ dans la cellule. Par ailleurs, l’alcalose métabolique induit une perte urinaire importante de K+ (cf infra).

Au total, l’insuline et les catécholamines sont les deux principales hormones régulant, en physiologie, la balance interne du K+.

Comportement rénal du potassium :

L’excrétion urinaire du K+ est égale à la différence entre le K+ filtré et le K+ réabsorbé plus le K+ sécrété :

Excrétion urinaire K+ = K+ filtré – K+ réabsorbé + K+ sécrété Le K+ filtré est égal au produit du débit de filtration glomérulaire

(DFG) par la kaliémie :

K+ filtré = DFG ´ kaliémie = 180 L/j ´ 4 mmol/L = 720 mmol/j

Le régime alimentaire occidental lui apporte entre 50 et 100 mmol/j de K+, ce qui correspond à la même excrétion urinaire, soit seulement 5 à 15 % de la quantité filtrée. Il existe donc essentiellement une réabsorption rénale de K+.

En cas d’apports importants, la quantité de K+ excrétée peut dépasser la quantité filtrée, ce qui témoigne d’une sécrétion nette tubulaire. La quantité excrétée peut aller jusqu’à 200 % du K+ filtré.

TUBE CONTOURNÉ PROXIMAL :

Quel que soit l’apport en K+, le tube contourné proximal (TCP) va réabsorber entre 55 et 60 % du K+ filtré.

La réabsorption se fait par diffusion passive paracellulaire le long du gradient chimique. Le gradient chimique de réabsorption du K+ est créé par la Na/K ATPase basolatérale. En favorisant la réabsorption du Na+, elle entraîne une baisse de l’osmolalité du fluide tubulaire, ce qui favorise une réabsorption passive d’eau. Une fois l’eau réabsorbée, la concentration en K+ dans le fluide tubulaire s’élève, ce qui provoque la réabsorption du K+ le long de son gradient chimique.

BRANCHE ASCENDANTE LARGE DE HENLÉ ET TUBE DISTAL :

Quel que soit l’apport en K+, la branche ascendante large de l’anse de Henlé et le tube distal vont réabsorber entre 30 et 40 % du K+ filtré.

La réabsorption se fait par deux mécanismes :

– diffusion passive paracellulaire liée à la différence de potentiel transtubulaire à lumière positive ;

– cotransport Na+/K+/2Cl, rendu possible par l’activité de la Na/K ATPase basolatérale qui entraîne la réabsorption du Na+ ; la diminution de l’osmolalité du fluide tubulaire entraîne une augmentation de la concentration en K+ de ce fluide, d’où réabsorption de K+ le long du gradient chimique par voie transcellulaire.

TUBE COLLECTEUR CORTICAL :

Le tube collecteur cortical (TCC) contient trois types cellulaires :

– les cellules principales, responsables de la sécrétion du K+, les plus nombreuses ;

– les cellules intercalaires alpha qui réabsorbent du K+ en même temps qu’elles sécrètent des protons (pompes H+/K+ ATPases luminales) ;

– les cellules intercalaires â qui pourraient sécréter du K+ en même temps que des ions HCO3– (pompes H+ ATPases basolatérales).

Dans le TCC, si l’apport en K+ est « standard », une petite sécrétion a lieu ; si l’apport en potassium est faible, la sécrétion est abolie et une réabsorption jusqu’à 99 % du K+ filtré va intervenir ; si l’apport potassique est massif, une sécrétion très importante va survenir.

L’excrétion urinaire de potassium dépend de deux facteurs :

– la concentration en K+ dans le fluide tubulaire ;

– le débit de fluide tubulaire.

La concentration en K+ dans le fluide tubulaire est dépendante de la sécrétion de K+ dans le TCC, sécrétion liée à trois éléments :

– une réabsorption électrogénique de Na+ qui génère une différence de potentiel transtubulaire à lumière négative ;

– un gradient de concentration chimique de K+ entre cellule et lumière tubulaire ;

– des mouvements de K+ à travers des canaux spécifiques de la membrane apicale des cellules principales.

Sécrétion passive par les cellules principales :

La Na/K ATPase basolatérale maintient la concentration en K+ intracellulaire élevée alors que celle de Na+ est basse. Le Na+ diffuse dans la cellule principale plus rapidement que le Cldu fait de canaux Na+ spécifiques dans la membrane luminale (on parle de réabsorption « électrogénique »). Ce canal appelé « canal épithélial sodique » est sensible à l’amiloride. Ces éléments expliquent que la différence de potentiel transtubulaire est franchement à lumière négative dans ce segment tubulaire, ce qui permet la sécrétion de K+.

Le K+ va diffuser passivement depuis la cellule vers la lumière tubulaire par les canaux potassiques. Ces canaux potassiques sont ouverts en cas d’apports potassiques importants et sous l’action de l’aldostérone et de la vasopressine.

Réabsorption active par les cellules intercalaires alpha :

L’H+/K+ ATPase luminale sécrète des protons, ce qui assure une réabsorption active de K+ . Une fois dans la cellule, le K+ va diffuser passivement vers le fluide interstitiel par des canaux potassiques basolatéraux. Cependant, en physiologie, la réabsorption nette de potassium par les cellules intercalaires alpha est faible.

Facteurs influençant l’excrétion urinaire du potassium :

APPORTS DE POTASSIUM :

L’apport alimentaire de potassium entraîne une augmentation ou une diminution de l’excrétion urinaire du potassium par le rein directement en rapport avec la quantité de potassium ingérée.

Quand l’apport de potassium est élevé, on constate :

– une augmentation du nombre et de l’activité de la Na/K ATPase située sur la membrane basolatérale des cellules principales, ce qui augmente le gradient de concentration chimique entre la cellule et la lumière tubulaire ;

– une sécrétion d’aldostérone qui va stimuler la sécrétion tubulaire de potassium (cf infra).

En cas d’apports faibles en K+, les événements inverses se produisent.

QUANTITÉ DE NA+ DÉLIVRÉE AU TUBULE DISTAL ET MINÉRALOCORTICOÏDES :

Les variations de l’apport en Na+ modifient peu l’excrétion urinaire de K+. Cette absence d’effet s’explique par les variations inverses de l’aldostérone.

L’aldostérone augmente la sécrétion de potassium par le tube collecteur cortical en stimulant directement la Na/K ATPase et en augmentant le nombre des canaux sodiques dans la membrane apicale. L’aldostérone empêche en fait les variations de kaliurèse liées aux apports sodés. En cas d’apports sodés importants, l’augmentation du flux tubulaire entraîne une sécrétion tubulaire de potassium. Mais, étant donné que la sécrétion d’aldostérone est inhibée, la fuite potassique est limitée. En cas d’apports sodés faibles, la situation inverse est observée.

GLUCOCORTICOÏDES :

Ils ne stimulent pas l’excrétion rénale de K+. La raison la plus probable en est que les cellules principales possèdent une enzyme, la 11-â-hydroxystéroïde déshydrogénase (11-â-HSD), qui métabolise les glucocorticoïdes en métabolites dépourvus d’affinités pour le récepteur aux minéralocorticoïdes.

Les glucocorticoïdes entraînent une sortie de potassium de la cellule avec du sodium et de l’eau. Cette sortie favorise l’excrétion urinaire de K+ observée sous corticoïdes aux posologies habituelles.

BICARBONATES DANS LES URINES :

La bicarbonaturie favorise la sécrétion urinaire de K+. La sécrétion de K+ semble liée à la présence d’un fluide tubulaire alcalin, particulièrement en présence de HCO3–.

Ceci est confirmé par

le fait que dans les situations cliniques associées à la présence de HCO3– dans le fluide tubulaire du tube collecteur cortical (vomissements, acidose tubulaires…), une excrétion urinaire anormalement élevée de K+ est présente.

HORMONE ANTIDIURÉTIQUE/VASOPRESSINE :

L’hormone antidiurétique (ADH) stimule la sécrétion nette de K+ par les cellules principales, par augmentation de la perméabilité apicale des canaux sodiques. Pourtant l’ADH n’augmente pas l’excrétion urinaire de potassium.

En situation d’hydropénie, le flux tubulaire est très diminué ce qui est un facteur très limitant d’excrétion potassique. Dans cette situation, l’ADH stimulée va maintenir l’équilibre potassique en stimulant la sécrétion de K+.

En situation d’inflation hydrique, le flux tubulaire est important (ce qui élève l’excrétion) mais l’absence d’ADH limite la sécrétion de K+ .

ÉQUILIBRE ACIDE-BASE :

En règle générale, l’alcalose favorise l’excrétion de K+ alors que l’acidose la réduit.

Effets de l’alcalose en général :

L’alcalose augmente la sécrétion de K+ dans le TCC par deux effets directs sur les cellules principales :

– l’alcalose stimule la Na/K ATPase ; les cellules du TCC se comportent ainsi comme toutes les cellules de l’organisme puisque sous l’effet de l’alcalose, l’entrée de K+ dans la cellule est stimulée ;

– l’alcalose augmente la perméabilité de la membrane apicale au K+ en augmentant l’ouverture des canaux potassiques.

L’alcalose métabolique chronique entraîne une déplétion potassique sévère par élévation de l’excrétion urinaire. En revanche, l’effet kaliurétique initial de l’alcalose respiratoire est transitoire et modéré.

Effets de l’acidose respiratoire ou métabolique aiguë :

Ce sont exactement les effets inverses de l’alcalose, avec inhibition de la Na/K ATPase et diminution du nombre des canaux potassiques sur la membrane luminale

Acidose métabolique chronique :

Elle entraîne plutôt une hypokaliémie secondaire à une fuite rénale de K+ par :

– une augmentation du flux tubulaire qui s’explique par la diminution de la quantité filtrée de HCO3– responsable d’une diminution de la réabsorption de sodium par échange Na+/H+ dans le tube proximal d’où l’augmentation de la quantité délivrée de sodium et d’eau au TCC ;

– un hyperaldostéronisme secondaire à la perte de sodium urinaire entraînant une contraction du volume extracellulaire.

Dyskaliémies :

EXPLORATION DES DYSKALIÉMIES :

L’excrétion urinaire de K+ dépend de deux facteurs :

– la concentration en K+ dans le fluide tubulaire du TCC ;

– le débit de fluide tubulaire dans le TCC.

La kaliurèse est le produit de la concentration en K+ dans le fluide du TCC ([K]TCC) par le débit de fluide dans le TCC (QTCC) :

KU = [K]TCC ´ QTCC

Il est possible de calculer la valeur des deux composantes de l’équation. Les avantages de cette approche, que nous devons au physiologiste canadien Halperin, sont multiples. En effet, le « standard » d’exploration d’une dyskaliémie repose sur l’excrétion urinaire du K+ sur 24 heures. Or, celle-ci est souvent mise en défaut.

Par exemple dans l’exploration d’une hypokaliémie, la perte de K+ peut être survenue dans un passé récent et ne pas être reflétée par la composition actuelle des urines. De même, on ne peut pas savoir quelle composante de la kaliurèse (augmentation de la concentration ou du débit de K+ dans le TCC) est en cause pour expliquer une fuite rénale de K+.

On peut calculer les deux composantes de l’équation à partir du moment où l’osmolalité urinaire est supérieure à l’osmolalité sanguine, ce qui signifie que l’ADH agit. En effet dans cette situation où l’ADH est présente, le composant majeur qui détermine le flux hydrique dans le TCC est le flux d’excrétion des osmoles (électrolytes et urée). Si on admet que ces osmoles ne sont pas réabsorbées dans la partie médullaire du tube collecteur, on peut estimer le flux hydrique en divisant le flux osmolaire par l’osmolalité à la fin du TCC (qui est égale à l’osmolalité du plasma quand l’ADH agit).

Si le malade dyskaliémique à explorer présente des urines diluées (osmolalité urinaire [OsmS] inférieure à osmolalité sanguine [OsmS]), il faut refaire les examens après restriction hydrique, ce qui permettra de concentrer les urines.

Rappels des formules d’osmolalité :

OsmS : 2 ´ natrémie + 10

OsmU : 2 ´ (Na+ + K+) + Urée

Na+, K+ et urée sont les concentrations en mmol/L.

On détermine ainsi :

– le flux hydrique dans le TCC (QTCC) :

QTCC = OsmU/OsmS ´ diurèse (L/j)

Exemple : OsmU : 430 mOsm/L

OsmS : 280 mOsm/L diurèse = 1,5 L/j

QTCC = 430/280 ´ 1,5 = 2,30 L/j

– le flux osmolaire dans le TCC :

Qosm TCC = QTCC ´ OsmS (mOsm/j)

Dans notre exemple, Qosm TCC = 2,30 ´ 280 = 645 mOsm/j

Il n’y a pas vraiment de valeurs normales du flux hydrique et du flux osmolaire dans le TCC puisque ces valeurs dépendent de l’apport hydrique et de l’alimentation, qui sont variables d’un sujet à l’autre.

Chez un sujet de 60 kg avec une alimentation standard, le flux hydrique dans le TCC est de 3 à 4 L/j et le flux osmolaire de 600 à 1 000 mOsm/j.

Le gradient transtubulaire de K (GTTK) :

Ce gradient représente la « force » de sécrétion du K+ dans les cellules principales du TCC. Il est directement le reflet de la sécrétion liée aux trois éléments (cf supra) :

– réabsorption électrogénique de sodium ;

– gradient de concentration chimique de K+ entre cellule et lumière tubulaire ;

– mouvements de K+ à travers des canaux spécifiques des cellules principales.

Le GTTK est le rapport de la concentration urinaire de K+ sur la kaliémie, elle-même corrigée par le rapport de l’osmolalité urinaire sur l’osmolalité sanguine. Cette correction permet de tenir compte de la réabsorption d’eau dans la partie médullaire du tube collecteur.

GTTK = [KU] x OsmS/OsmU ´ [Ks]

Le GTTK est plus fiable que la fraction d’excrétion du K+ car cette dernière dépend de la réabsorption de l’eau tout au long du néphron alors que le GTTK ne dépend que de la réabsorption de l’eau au niveau du tube collecteur médullaire. Ceci permet donc d’analyser les transports de K+ (sécrétion ou réabsorption) dans le TCC.

Le GTTK est fiable en dépit du fait qu’il ne tient pas compte de la réabsorption du K+ et des osmoles dans le tube collecteur médullaire. En fait, dans la grande majorité des situations cliniques, la réabsorption du K+ et des osmoles dans le tube collecteur médullaire est trop faible pour modifier le GTTK.

Comme pour QTCC et QosmTTC, il n’y a pas de valeur normale de GTTK. Toutefois, celui-ci se situe chez le sujet sain ayant une alimentation normale entre six et 12. En cas d’apport nul en K, il peut s’abaisser jusqu’à un. En cas de charge potassique, il peut monter jusqu’à 15.

Chez le malade hypokaliémique, il doit être inférieur à deux. Si tel n’est pas le cas, cela signifie que le rein est totalement ou partiellement responsable de l’hypokaliémie.

Chez le malade hyperkaliémique, le GTTK doit être supérieur à dix.

Si tel n’est pas le cas, cela signifie que le rein est totalement ou partiellement responsable de l’hyperkaliémie.

Une dyskaliémie d’origine rénale (c’est de loin la cause la plus fréquente d’anomalies de la kaliémie) peut avoir deux origines :

– un GTTK inadapté ;

– un débit anormal de fluide dans le TCC.

Anomalies du GTTK :

En pathologie, un GTTK trop élevé au regard d’une hypokaliémie peut venir de deux éléments :

– une réabsorption trop « rapide » de Na+ par rapport au Cldans le TCC, ce qui conduit à élever la différence de potentiel transépithéliale à lumière négative et donc à favoriser la sécrétion de K+ ; l’exemple classique est l’hyperaldostéronisme primitif où, sous l’influence de l’aldostérone, le Na+ est avidement réabsorbé ;

– une réabsorption trop « lente » de Clpar rapport au Na+ dans le TCC, ce qui conduit à élever la différence de potentiel transépithéliale à lumière négative et donc à favoriser la sécrétion de K+ ; ce phénomène intervient par exemple dans les situations cliniques où des ions bicarbonates sont présents dans le TCC (vomissements), les ions bicarbonates inhibant la réabsorption des ions Cl(par un mécanisme inconnu).

En pathologie, un GTTK trop bas au regard d’une hyperkaliémie peut venir de deux éléments :

– une réabsorption trop « lente » de Na+ par rapport au Cldans le TCC, ce qui conduit à diminuer la différence de potentiel transépithéliale à lumière négative et donc à inhiber la sécrétion de K+ ; l’exemple classique est l’hypoaldostéronisme primitif où en l’absence d’aldostérone, le Na+ n’est pas réabsorbé : il en est de même en cas de fermeture des canaux épithéliaux sodiques sous l’effet de l’amiloride ;

– une réabsorption trop « rapide » de Clpar rapport au Na+ dans le TCC, ce qui conduit à diminuer la différence de potentiel transépithéliale à lumière négative et donc à inhiber la sécrétion de K+ ; ce phénomène intervient par exemple dans les syndromes hyporénine-hypoaldostérone caractérisés par une réabsorption chlorée importante.

Débit anormal de fluide dans le TCC :

Un patient hypokaliémique du fait d’une prise inavouée de diurétiques aura un débit de fluide élevé dans le TCC alors que le GTTK sera normal.

À l’inverse un patient suivant scrupuleusement un régime sans sel aura un débit de fluide bas dans le TCC avec un GTTK normal.

SYNTHÈSE :

Au total l’exploration de base d’une dyskaliémie nécessite de disposer :

– d’un ionogramme sanguin avec réserve alcaline ;

– de l’urée sanguine ;

– d’un ionogramme urinaire avec urée urinaire (en quantifiant la diurèse des 24 heures).

Ces éléments permettent de calculer facilement QTCC, Qosm TTC et GTTK.

Éventuellement et en seconde intention, on demandera :

– des gaz du sang ;

– un dosage de la magnésémie ;

– un dosage de rénine et d’aldostérone ;

– des tests au Synacthène ou à la 9alpha-fludrocortisone.

HYPOKALIÉMIES :

Un malade est hypokaliémique si sa kaliémie est inférieure à 3,5 mmol/L. Dans la grande majorité des cas, l’hypokaliémie est découverte sur un bilan systématique, mais parfois il existe une symptomatologie clinique dominée par les signes musculaires.

Signes cliniques :

Atteinte cardiaque :

La clinique se limite à un souffle systolique, à une augmentation du différentiel de la pression artérielle par baisse de la diastolique et à une hypotension orthostatique. L’atteinte cardiaque doit être systématiquement recherchée sur l’électrocardiogramme. Celui-ci peut montrer :

– un affaissement du segment ST ;

– une baisse de l’amplitude de T ;

– l’apparition de l’onde U.

Si le différentiel entre kaliémie et kalicystie est important, l’électrocardiogramme révélera des troubles du rythme plus sévères : fibrillation auriculaire, extrasystoles ventriculaires, tachycardie et fibrillation ventriculaires, torsades de pointe.

On rappelle que la toxicité des digitaliques est accrue en cas d’hypokaliémie.

Atteinte du muscle lisse et du muscle strié :

L’hypokaliémie peut entraîner un iléus paralytique du tube digestif, une hypotonie avec diminution de la force musculaire, des accès de tétanie, des pseudoparalysies. Enfin, l’hypokaliémie favorise la rhabdomyolyse.

Atteinte rénale :

Une hypokaliémie aiguë n’a pas de conséquence rénale. En revanche, chez certains patients hypokaliémiques chroniques, il est constaté une diminution du pouvoir de concentration des urines et une baisse du flux sanguin rénal et du débit de filtration glomérulaire. L’histologie rénale retrouve une vacuolisation des cellules tubulaires proximales et du tube collecteur pouvant régresser après correction du déficit en potassium. Peuvent s’y associer : oedème et fibrose interstitielle et des infiltrats cellulaires focaux.

La néphrite interstitielle chronique hypokaliémique s’explique par l’infection urinaire. En effet, les cellules tubulaires en cas d’hypokaliémie se défendent moins bien contre les bactéries. De plus, l’hypokaliémie stimule la formation de NH4+, ce qui active le complément qui peut être à l’origine de lésions interstitielles.

Étiologies des hypokaliémies :

Elles sont de quatre types :

– carence d’apport ;

– hypokaliémie de transfert ;

– pertes digestives de K+ ;

– pertes rénales de K+.

Carence d’apport :

Elle peut s’observer en cas de jeûne total ou chez le malade de réanimation en l’absence d’apport parentéral en K. La kaliémie baisse de 1 mmol/L environ, avec une réponse rénale adaptée (GTTK < 2).

Déplétions potassiques d’origine digestive :

· Diarrhées aiguës et chroniques, tumeurs villeuses, fistules digestives

Au cours des diarrhées aiguës, une hypokaliémie avec acidose métabolique hyperchlorémique est observée car les selles sont riches en K+ et en HCO3–. Dans ce cas, le QTCC est bas, de même que le

GTTK, ce qui témoigne de la réponse rénale adaptée.

Au cours des diarrhées chroniques et de l’abus de laxatifs, la situation est beaucoup moins claire. L’hypokaliémie est constante mais peut s’accompagner soit d’une acidose métabolique (situation la plus classique) soit d’une alcalose métabolique. Une alcalose est constatée lorsque l’abus de laxatifs s’associe à une prise inavouée de diurétiques ou à des vomissements provoqués.

Si l’hypokaliémie s’accompagne d’une acidose métabolique chronique, le GTTK est inadapté pour la kaliémie. L’élévation de QTCC secondaire à la fuite rénale de Na+ participe aussi à la fuite rénale de K+. Si l’hypokaliémie s’accompagne d’une alcalose métabolique, le GTTK est aussi inadapté. Le QTCC est également élevé avec des osmoles essentiellement constituées de K+.

· Vomissements et aspiration gastrique

Il existe une hypokaliémie avec alcalose métabolique. La réponse rénale est stéréotypée avec un GTTK inadapté du fait de la bicarbonaturie et un QTCC variable. Celui-ci est soit bas, du fait de la déshydratation extracellulaire (réponse adaptée), soit élevé du fait de la fuite de Na+ avec le HCO3– à la phase active des vomissements.

Déplétions potassiques d’origine rénale :

· Réabsorption trop rapide de Na+

Elles se caractérisent par un GTTK inadapté alors que le QTCC est normal. Ce dernier peut toutefois s’élever si l’apport en Na+ augmente, ce qui majore ou fait apparaître l’hypokaliémie.

Sur le plan clinique, la réabsorption électrogénique du Na+ explique la tendance à l’inflation du secteur extracellulaire avec parfois hypertension artérielle (HTA). La rénine est toujours basse avec une aldostérone variable en fonction de l’étiologie.

Les étiologies sont indiquées ci-après.

Hyperaldostéronisme primitif ou syndrome de Conn.

Sur le plan endocrinien, il est caractérisé par une rénine basse et non stimulable et une aldostérone élevée.

Ce syndrome peut être en rapport avec :

– un adénome de la surrénale ;

– une hyperplasie surrénale bilatérale ;

– un cancer de la surrénale.

Une autre affection caractérisée par une HTA et une hypokaliémie donne le même profil hormonal. Il s’agit de l’HTA sensible à la dexaméthasone (DXM) aussi appelée hyperaldostéronisme suppressible par la DXM. Cette maladie familiale rare, à transmission autosomique dominante, est due à la présence d’un gène chimérique dont l’activité est celle de l’aldostérone synthétase et la spécificité tissulaire celle de la 11 â-hydroxylase. Il existe donc une production accrue de composés minéralocorticoïdes dépendante de l’ACTH qui peut être réduite par de petites doses de DXM et un antialdostérone.

Syndromes apparentés à l’hyperaldostéronisme primitif.

Sur le plan endocrinien, ils sont caractérisés par une rénine basse et une aldostérone basse.

Entrent dans cette catégorie :

– le syndrome de Cushing ;

– le déficit acquis en 11â-hydroxystéroïde déshydrogénase par intoxication à la glycyrrhizine ;

– le déficit héréditaire en 11â-hydroxystéroïde déshydrogénase appelé aussi syndrome d’excès apparent en minéralocorticoïdes.

Ces trois affections sont caractérisées par un déficit acquis ou héréditaire de la 11â-hydroxystéroïde deshydrogénase qui ne métabolise plus les glucocorticoïdes, ce qui leur permet d’avoir un effet minéralocorticoïde, d’où HTA et hypokaliémie.

Appartiennent également aux syndromes apparentés à hyperaldostéronisme primitif :

– l’hyperplasie congénitale des surrénales par déficit en 11â– hydroxylase ou en 17alpha-hydroxylase ;

– le syndrome de Liddle.

Le syndrome de Liddle est une affection rare, autosomique dominante, à l’origine d’une HTA sévère. Elle est en rapport avec une mutation génétique du canal épithélial sodique sensible à l’amiloride, ce qui va entraîner une expansion volémique. Le traitement repose sur le régime sans sel et les diurétiques épargneurs de K+.

À noter que les hyperaldostéronismes secondaires avec hypertension (tumeurs à rénine, HTA maligne, sténose artérielle rénale) ou sans hypertension (syndrome néphrotique, cirrhose hépatique, insuffisance cardiaque) ne s’accompagnent habituellement pas d’hypokaliémie. En effet, dans ces situations, la diminution du QTCC compense largement l’effet kaliurétique de l’hyperaldostéronisme (qui élève le GTTK).

· Réabsorption trop lente de Cl

Les déplétions se caractérisent par un GTTK inadapté alors que le QTCC est normal. Sur le plan clinique, la réabsorption trop « lente » du Clexplique la tendance à la déshydratation du secteur extracellulaire avec parfois hypotension. La rénine est toujours haute.

Les étiologies sont indiquées ci-dessous.

Syndrome de Bartter

Il s’agit d’une affection autosomique récessive liée à une anomalie du cotransporteur Na+/K+/2Clde la branche ascendante de l’anse de Henlé. Le diagnostic est souvent fait durant la petite enfance devant un tableau en tout point comparable à celui d’un malade sous diurétique de l’anse : fuite sodée urinaire, alcalose hypokaliémique, normomagnésémie et hypercalciurie.

Syndrome de Gitelman

Il s’agit d’une affection autosomique récessive liée à une anomalie du cotransporteur Na+/Cldans le tube distal dont on fait le diagnostic en général chez l’adulte jeune. Ce défaut est à l’origine d’un tableau clinique en tout point identique à celui d’un malade sous diurétique thiazidique avec fuite sodée urinaire, alcalose hypokaliémique, hypomagnésémie et hypocalciurie.

Déficit en magnésium

Il peut s’accompagner d’une hypokaliémie dont la pathogénie est inconnue. La correction du déficit en magnésium permet la correction de l’hypokaliémie.

Situations cliniques caractérisées par une bicarbonaturie :

– vomissements ;

– acidose tubulaire proximale et distale ;

– traitement par acétazolamide

Acidoses métaboliques chroniques.

Traitement par amphotéricine B (Fungizone)

L’hypokaliémie due à l’amphotéricine B par voie parentérale s’expliquerait par l’insertion de la molécule dans la membrane luminale des cellules tubulaires rénales. Ceci entraîne une fuite sodée, une hypomagnésémie et une acidose tubulaire.

· Augmentation du QTTC

Les étiologies sont des diurétiques thiazidiques et de l’anse, des apports importants en chlorure de sodium (dans ces deux situations, l’élévation de QosmTCC est liée aux ions Na et Cl), des diurèses osmotiques avec apports exogènes d’urée, glycosurie, mannitol (dans ces situations, l’élévation de QosmTCC est liée aux molécules non réabsorbables ou dont la réabsorption est limitée).

Hypokaliémies de transfert :

· Alcalose métabolique et respiratoire

En cas d’alcalose métabolique ou respiratoire chronique, l’hypokaliémie s’explique par deux mécanismes :

– transfert de K+ dans les cellules ;

– GTTK élevé par réabsorption trop rapide de Na+ ou par réabsorption trop lente de Clen fonction de l’étiologie de l’alcalose.

· Excès d’insuline et renutrition

Lors de l’administration d’insuline exogène à un malade diabétique, une hypokaliémie de transfert peut survenir pendant quelques heures.

En cas de renutrition d’un sujet dénutri, une hypokaliémie multifactorielle peut apparaître du fait de l’administration de glucose et de la reconstitution de la masse musculaire.

· Paralysie périodique hypokaliémique ou maladie de Westphal

Il s’agit d’une affection autosomique dominante associant des accès de paralysie des membres inférieurs et du tronc à une hypokaliémie de transfert avec GTTK bas. Le début des crises se fait durant la seconde décennie. Les crises sont souvent déclenchées par un repas riche en glucides, un repos après effort, une infection ou une consommation d’alcool. La prévention repose l’éviction des circonstances déclenchantes des crises et les diurétiques épargneurs de K+.

· Intoxication à la chloroquine

Au cours des intoxications à la chloroquine, une hypokaliémie est fréquemment constatée, probablement en rapport avec un transfert intracellulaire du K+ en dépit d’un pH sanguin plutôt acide.

Traitement :

Le traitement d’une hypokaliémie est évidemment celui de sa cause.

Le traitement symptomatique repose sur l’apport de K+ qui peut se faire par l’alimentation. Fruits et légumes frais et secs sont riches en K+. Le lait, la viande et les pommes de terre contiennent moins de K+.

La recharge potassique par voie intraveineuse peut utiliser tous les sels de K+ : chlorure de K+, citrate de K+, gluconate de K+ et phosphate monopotassique.

En cas de fuites rénales en K+, les diurétiques antikaliurétiques sont très utiles. On utilise soit la spironolactone (Aldactonet) en cas d’hyperaldostéronisme soit l’amiloride (Modamidet) en l’absence d’hyperaldostéronisme.

Les diurétiques antikaliurétiques sont formellement contre-indiqués en cas d’insuffisance rénale même minime.

HYPERKALIÉMIES :

Tout malade dont la kaliémie est supérieure à 5 mmol/L est hyperkaliémique. Il faut faire attention aux erreurs de dosage en rapport avec une hémolyse en cas de ponction veineuse difficile ou de garrot prolongé.

Dans la grande majorité des cas, l’hyperkaliémie est découverte sur un bilan systématique mais parfois il existe une symptomatologie clinique dominée par les signes musculaires.

Signes cliniques :

Atteinte cardiaque :

Elle est mise en évidence sur l’électrocardiogramme par :

– une augmentation d’amplitude de l’onde T ;

– une diminution d’amplitude de l’onde P, puis disparition ;

– un allongement de l’espace PR (bloc auriculoventriculaire) ;

– un élargissement de QRS (bloc intraventriculaire) ;

– des troubles du rythme ventriculaire : tachycardie ou flutter ou fibrillation ventriculaire.

Certains auteurs définissent des stades :

– stade 1 (kaliémie autour de 6 mmol/L) : augmentation d’amplitude de l’onde T ;

– stade 2 (kaliémie de 6 à 7 mmol/L) : disparition de P et élargissement de QRS ;

– stade 3 : bloc intraventriculaire et ralentissement de la fréquence cardiaque ;

– stade 4 : bloc auriculoventriculaire complet, arrêt circulatoire.

Signes neuromusculaires :

Ils surviennent souvent en même temps que les signes cardiologiques : paresthésies des extrémités, paralysies flasques, symétriques avec hypotonie musculaire.

Étiologies des hyperkaliémies :

Il existe deux grands types d’étiologies aux hyperkaliémies :

– les hyperkaliémies par défaut d’excrétion de la charge potassique, les plus fréquentes ;

– les hyperkaliémies par transfert cellulaire.

Hyperkaliémies par défaut d’excrétion rénale de K+ :

Le défaut d’excrétion du K+ peut être en rapport soit avec un GTTK inadapté (capacité de sécrétion du K+ dans le TCC trop basse) soit avec une diminution du flux hydrique dans le TCC, les deux troubles pouvant s’associer.

· Hyperkaliémies par GTTK inadapté

Elles se caractérisent par un GTTK inférieur à dix alors que le QTCC est normal. Ce dernier peut toutefois diminuer si l’apport en chlorure de sodium est bas, ce qui peut majorer l’hyperkaliémie.

Réabsorption trop lente de Na+

Dans cette situation une déshydratation du secteur extracellulaire est souvent présente en rapport avec une fuite rénale de Na+, la rénine est élevée. L’aldostérone est variable en fonction de l’étiologie.

Les étiologies sont :

– l’insuffisance surrénalienne ou maladie d’Addison (aldostérone basse) ;

– la diminution de la biodisponibilité de l’aldostérone induite par de nombreux médicaments : les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, l’Héparinet (qui diminue le nombre et l’affinité des récepteurs à l’angiotensine II dans la zone glomérulée de la surrénale), la Spironolactonet ;

– la fermeture des canaux sodiques épithéliaux ; de nombreux médicaments sont en cause : amiloride, triamtérène, triméthoprime, pentamidine ;

– une affection rare : le pseudohypoaldostéronisme de type 1 ; cette affection autosomique dominante serait due à un déficit de l’action cellulaire de l’aldostérone. Le diagnostic est fait peu après la naissance devant un tableau associant fuite urinaire sodée, hypotension, hyperkaliémie et élévation très importante de l’aldostérone ;

– l’hyperplasie congénitale des surrénales par déficit enzymatique en 25-hydroxylase.

Réabsorption trop rapide du Cl

Dans cette situation il existe une tendance à l’hyperhydratation du secteur extracellulaire par rétention rénale chlorosodique, la rénine est basse.

Les étiologies sont :

– certains médicaments comme les anti-inflammatoires non stéroïdiens ou la ciclosporine ;

– l’insuffisance rénale sévère : en effet, si l’apport potassique est normal, le patient insuffisant rénal ne développe une hyperkaliémie que pour des valeurs de débit de filtration-glomérulaire inférieur à 5 mL/min ;

– les syndromes hyporénine-hypoaldostérones observés au cours de la néphropathie du diabète, des uropathies obstructives, de certaines néphropathies interstitielles ou glomérulopathies aiguës (lupus érythémateux par exemple) ; le syndrome hyporéninehypoaldostérone s’observe volontiers chez le sujet âgé avec une réponse diminuée de la surrénale à l’hyperkaliémie ;

– le syndrome de Gordon ou pseudohypoaldostéronisme de type 2 ; il s’agit d’une affection rare autosomique dominante caractérisée par une hypertension avec acidose hyperkaliémique ; les diurétiques thiazidiques permettent de corriger l’HTA qui est volodépendante et l’hyperkaliémie.

· Diminution de QTCC

Au cours de ces affections, le QTCC est bas alors que le GTTK est adapté (supérieur à 15).

Les étiologies sont les suivantes :

– la déshydratation du secteur extracellulaire et l’apport sodé réduit ; dans ce cas le QosmTCC est bas du fait de la pauvreté des urines en Na+ et Cl;

– les régimes limités en protéines et les situations d’anabolisme où la charge en urée dans les TCC va être faible, ce qui se traduit par un QosmTCC bas du fait d’une urée urinaire basse.

Hyperkaliémies par transfert cellulaire :

Les étiologies en sont :

– les acidoses minérales ;

– le diabète déséquilibré ;

– les destructions cellulaires (rhabdomyolyse, écrasement musculaire, brûlures étendues, hémolyse, lyse tumorale, saignement digestif) qui ne peuvent s’accompagner d’hyperkaliémie que s’il existe un trouble de l’excrétion du K+ ;

– la digitaline (inhibition de la Na/K ATPase), les bêtabloquants ;

– la paralysie périodique familiale de Gamstorp qui ressemble à la maladie de Westphal mais dont les accès paralytiques s’accompagnent d’une hyperkaliémie.

Traitement :

Le traitement d’une hyperkaliémie est évidemment le traitement de sa cause. Différents traitements symptomatiques permettent de traiter l’hyperkaliémie elle-même.

Moyens du traitement de l’hyperkaliémie :

Régime pauvre en K+

Sels de calcium. Ils diminuent les effets de l’hyperkaliémie sans faire baisser la kaliémie. De plus, leur effet est passager, ne durant que le temps de l’augmentation de la calcémie qu’ils provoquent. On peut utiliser le gluconate de calcium à 10 % à la posologie de 10 à 30 mL par voie intraveineuse. Les sels de calcium sont contre-indiqués si le patient est sous digitalique.

Résines échangeuses de cations. On utilise le sulfonate de polystyrène sodique (Kayexalate) à la posologie de 30 à 120 g/j (en trois à quatre prises) par voie buccale ou rectale (lavements à garder 4 à 8 heures). Il s’agit d’une poudre à diluer dans l’eau, sachant que 1 g de Kayexalate échange 1 à 2 mmol de K+ pour 1 à 2 mmol de Na+. Du fait de l’apport sodique, l’HTA et l’insuffisance cardiaque sont des contre-indications relatives.

Le calcium sorbistérit a les mêmes propriétés que le Kayexalate mais échange du K+ contre du Ca++.

Alcalinisation. On peut utiliser :

– l’eau de Vichy ;

– le HCO3Na à 1,4 % (molaire) qui apporte 165 mmol/L de Na+ et de HCO3– ;

– le HCO3Na à 4,2 % (trois fois molaire) ;

– le lactate de Na molaire (apport de 1 000 mmol/L de Na+ et de HCO3–).

Tous ces solutés contiennent des quantités importantes de Na+ et ne peuvent donc être utilisés chez l’insuffisant cardiaque ou en cas d’oligoanurie.

Apport conjoint d’insuline et de glucose. L’effet est temporaire car après synthèse du glycogène, celui-ci est dégradé en glucose avec réascension de la kaliémie. La posologie est de 500 mL de G 30 % avec 15 unités d’insuline à passer en 1 heure.

Épuration extrarénale par hémodialyse ou dialyse péritonéale. C’est la technique la plus efficace et la plus rapide pour faire baisser de façon durable la kaliémie.

Bêtamimétiques. Ils entraînent une baisse modérée de la kaliémie.

D’efficacité inconstante, ils sont très peu employés.

Diurétiques de l’anse ou thiazidiques. Ils peuvent être utilisés chez les malades en surcharge vasculaire avec une hyperkaliémie moyenne.

Indications :

En cas d’hyperkaliémie modérée, le traitement repose sur la baisse des apports en K+, le Kayexalatet et l’eau de Vichy.

Si l’hyperkaliémie est moyenne, on peut alcaliniser par le HCO3Na ou faire un apport d’insuline/glucose.

En cas d’hyperkaliémie grave et en l’absence de surcharge vasculaire, il faut utiliser le lactate de Na+ et l’apport d’insuline/glucose précédé de gluconate de calcium. L’épuration extrarénale est souvent nécessaire.

En cas d’hyperkaliémie grave en présence de signes de surcharge vasculaire, le recours aux techniques d’épuration extrarénale est obligatoire.