Trouble obsessionnel compulsif chez l’enfant et l’adolescent

Définitions, histoire du concept et modèles théoriques :

Trouble obsessionnel compulsif chez l’enfant et l’adolescentTrauma et traumatisme sont des termes initialement utilisés en médecine et en chirurgie. Un trauma est, le plus souvent, une blessure avec effraction ; le terme de traumatisme serait, lui, plutôt réservé aux conséquences sur l’ensemble de l’organisme d’une lésion résultant d’une violence externe. Par extension, le terme de traumatisme désigne également un événement soudain et violent qui menace brutalement l’intégrité physique ou mentale d’un individu. On tend aujourd’hui à parler d’événement « potentiellement traumatique » ou « traumatogène ». En effet, parler d’événement traumatisant peut laisser supposer une action presque mécanique de l’événement sur l’individu, ne tenant pas compte de sa subjectivité. Or, un événement donné n’a pas d’effet traumatique sur tous les individus qui y sont exposés, même si, comme le faisait déjà remarquer Freud en 1920, au-delà d’une certaine intensité de l’événement, les facteurs individuels comptent peu. Pour éviter toute confusion avec un traumatisme physique, le terme de traumatisme psychique ou de psychotraumatisme est utilisé pour qualifier les effets traumatiques de l’événement sur l’individu. Les syndromes ou troubles psychotraumatiques comprennent l’ensemble des manifestations psychopathologiques qui sont observables après un événement potentiellement traumatique. L’état de stress posttraumatique (ESPT) (en anglais : posttraumatic stress disorder [PTSD]), défini par le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, 4th edition (DSM-IV) et par la Classification internationale des maladies, dixième révision (CIM-10), ou le syndrome de stress post-traumatique défini par la Classification française des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent (CFTMEA) en constitue l’exemple le plus saillant et le mieux connu, mais d’autres troubles sont également décrits.

La notion de trauma occupe une place centrale en psychanalyse.

Elle renvoie, pour Freud, à une conception économique : « Nous appelons ainsi une expérience vécue qui apporte à la vie psychique, en un bref laps de temps, un accroissement de stimulation si fort que la liquidation ou l’élaboration de celui-ci suivant les normes habituelles échoue, d’où résultent nécessairement des perturbations durables dans la gestion de l’énergie. ». Dans les débuts de la psychanalyse, l’étiologie de la névrose est rapportée à des expériences traumatiques infantiles. La théorie traumatique de la névrose se complexifie progressivement avec les notions de séduction et d’après-coup, les événements extérieurs traumatiques ne tirant leur force que des fantasmes qu’ils activent et de l’afflux d’excitation pulsionnelle qu’ils déclenchent. Le rôle étiologique du traumatisme réel dans la névrose s’estompe peu à peu, mais la reconnaissance des névroses de guerre renouvelle l’intérêt de Freud pour cette question. Il reprend une approche économique du traumatisme comme effraction du pare-excitation avec une mise hors-jeu du principe de plaisir, contraignant l’appareil psychique à une compulsion de répétition. La notion de traumatisme prend plus tardivement une place encore plus importante, notamment dans la théorie de l’angoisse dans Inhibition, symptôme et angoisse. La situation traumatique est alors définie par le surgissement de l’angoisse automatique face à laquelle le moi est débordé et sans recours. Le moi peut donc être attaqué du dedans comme du dehors ; une certaine symétrie est établie entre le danger interne et le danger externe.

Les études sur les névroses traumatiques vont se poursuivre au cours des deux guerres mondiales, notamment avec les travaux sur les survivants de la Shoah. Anna Freud et Burlingham en 1943 sont les premières à s’intéresser aux psychotraumatismes chez les enfants soumis aux bombardements de l’aviation allemande à Londres. Elles constatent que les enfants font mieux face au traumatisme quand ils sont avec des parents calmes et supportant la situation, mais que, toutefois, l’aide de l’entourage ne prévient pas des perturbations tardives. Pour Anna Freud, le trauma est lié à un événement soudain et inattendu de nature et d’intensité telles qu’il provoque un excès de stimulation et un débordement des capacités d’adaptation du moi qui ne permet pas d’attitudes défensives. Ses effets visibles et immédiats sont des signes tangibles de l’installation d’un trouble de l’équilibre du moi. Les premières études systématiques sont faites dans les années 1970 et 1980 après des catastrophes naturelles et accidentelles et des agressions, avec notamment l’étude de Terr en 1976 aux États-Unis sur des enfants pris en otage dans leur autobus scolaire. En 1980, l’ESPT est défini chez l’adulte dans le DSM-III, parallèlement au retour des vétérans du Viêt-nam aux États-Unis, dans un contexte sociopolitique donc bien défini entraînant une séparation entre victimes et agresseurs, et posant une équivalence entre souffrance et pathologie. La notion d’atteinte possible de l’enfant devient explicite dans le DSMIIIR en 1987 et dans la CIM-9 en 1989.

Sur le plan théorique, comme chez l’adulte, trois modèles de compréhension des traumatismes psychiques existent. Le premier est psychanalytique et renvoie aux travaux sur la névrose traumatique. Le second est cognitivocomportemental, avec l’hypothèse de l’existence d’évaluations négatives du trauma et d’un trouble de la mémoire autobiographique pour expliquer la persistance des symptômes de l’ESPT. Enfin, peuvent s’envisager une perspective biologique, avec l’implication de l’axe hypothalamohypophysaire et du système limbique, et une perspective neurodéveloppementale chez l’enfant.

Tableaux cliniques :

DESCRIPTIONS INITIALES DES TRAUMATISMES PSYCHIQUES CHEZ L’ENFANT :

Une description détaillée des signes cliniques des traumatismes psychiques de l’enfant a été proposée par Terr. Cet auteur différencie le trauma de type I, caractérisé par l’exposition à un unique événement soudain et massif, et le trauma de type II, dû à l’exposition à des événements répétés ou durables pouvant alors être anticipables. Quatre catégories de symptômes communs aux deux types de trauma ont été identifiés :

– des souvenirs intrusifs et répétitifs perçus avant tout visuellement (mais aussi au niveau tactile, olfactif ou proprioceptif) ;

– des comportements répétitifs, c’est-à-dire des mises en actes ou des jeux répétitifs recréant des aspects de la situation traumatique, les rêves répétitifs étant rares chez l’enfant et étant le plus souvent effrayants, sans contenu reconnaissable ;

– des peurs spécifiques liées au traumatisme et alors faciles àidentifier, ou des peurs qui peuvent s’étendre à d’autres objets ou situations non liés au traumatisme ;

– un changement d’attitude envers les gens, comme une perte de confiance, envers certains aspects de la vie et un pessimisme par rapport au futur.

Dans le trauma de type I, ces caractéristiques sont reconnaissables soit dans leur totalité, soit partiellement. Se retrouvent aussi l’évitement de situations rappelant le traumatisme, des défauts de perception de la réalité initialement et à distance du traumatisme (comme des fausses reconnaissances, des hallucinations visuelles, des illusions et des distorsions temporelles), et une recherche compulsive d’explications par rapport à l’événement. La symptomatologie survient classiquement dans les traumas de type I après un intervalle libre.

Dans le trauma de type II, il peut exister d’autres signes dont certains témoignent de réactions de défense face à la répétition des événements, comme un déni important, une anesthésie affective, des symptômes d’évitement plus sévères, une amnésie de pans entiers de souvenirs d’enfance, des réactions de dépersonnalisation et de dissociation, des manifestations de colère, d’auto- ou d’hétéroagressivité par identification à l’agresseur et par retournement de l’agression contre soi-même. Ces éléments posent la question du devenir de tels troubles et de leur responsabilité éventuelle dans la constitution de troubles de la personnalité. La distinction entre traumas de type I et de type II a cependant certaines limites, un événement unique et soudain pouvant induire préférentiellement des troubles du type refoulement, dissociation et dénégation. Par ailleurs, certains tableaux, lorsque l’événement traumatique produit des conséquences durables dans la réalité (mort d’un parent, handicap de l’enfant) réalisent des formes mixtes type I-type II. La problématique traumatique et celle du deuil semblent se potentialiser, entravant le développement et pouvant conduire à de graves syndromes dépressifs en plus des manifestations de type I et II.

Quelle que soit la situation, d’autres troubles sont susceptibles d’apparaître :

– des troubles anxieux, sous forme d’idées obsédantes, de manifestations phobiques, d’anxiété libre ou d’anxiété de séparation ;

– des troubles dépressifs ou dysthymiques ;

– des troubles du comportement avec une instabilité psychomotrice inhabituelle, des symptômes de déficit attentionnel avec hyperactivité ou de trouble oppositionnel ;

– des troubles somatiques, notamment des affections dermatologiques ;

– des comportements de type régressif (énurésie en particulier) ;

– des signes en rapport avec le développement précoce de troubles de la personnalité (borderline, narcissique, psychopathique…), plus souvent dans le cadre des traumas de type II.

ÉTAT DE STRESS POST-TRAUMATIQUE ET SES LIMITES :

La définition de l’ESPT, dans le DSM-IV, reprend certains de ces signes selon trois axes qui sont le syndrome de répétition, le syndrome d’évitement et l’hyperactivité neurovégétative.

L’expérience traumatisante revient de façon compulsive, répétitive, sous forme de reviviscences mnésiques (idées, images), de sensations, d’émotions, de réactions comportementales, de rêves, dans les jeux des enfants. Le sujet ne peut ni prévenir, ni empêcher cette réexpérience qui envahit sa vie et qui a toujours un caractère pénible.

Dans le syndrome d’évitement, peu à peu le sujet développe des stratégies plus ou moins conscientes pour lutter contre les répétitions. Par exemple, cela peut être une restriction des réactions affectives pour prévenir les affects liés à l’expérience traumatisante, avec un risque d’émoussement de l’ensemble de la vie émotionnelle.

Le retrait peut être très marqué car les réactions d’évitement peuvent prendre le dessus, se développer pour leur propre compte, en partie du fait de leur relative inefficacité. Les mécanismes sont variés, mais le plus coûteux est le clivage qui peut donner l’apparence d’une perte de cohérence et donner naissance à des troubles graves de la personnalité.

L’état d’alerte, d’hypervigilance, a aussi bien le sens d’une réaction adaptative venue trop tard par rapport aux événements que celui de prévenir, de préparer le sujet à de nouveaux événements. Cet état se traduit par des troubles du sommeil, des difficultés de concentration, une hyperémotivité avec irritabilité et parfois explosions de colère avec des attitudes de vigilance anxieuse par rapport à l’environnement.

La plupart des auteurs ont souligné que le modèle d’ESPT était insuffisant pour rendre compte de la clinique du traumatisme psychique, les autres manifestations des syndromes psychotraumatiques n’ayant pas été l’objet de la même attention, en particulier en recherche clinique. Ces auteurs insistent notamment sur la fréquence des manifestations psychosomatiques chez l’enfant et l’adolescent. Des affections dermatologiques (eczéma, pelade…), respiratoires (bronchite, asthme…), associées à de nombreuses plaintes somatiques (céphalées, douleurs abdominales…), peuvent survenir après des événements traumatisants. Les éventuelles répercussions sur le développement affectif et cognitif de l’enfant, mais aussi sur sa socialisation, devraient être aussi mieux connues.

VARIATIONS DE L’EXPRESSION CLINIQUE :

Différents types de facteurs sont à même de modifier l’expression clinique des troubles.

Nature de l’expérience traumatique :

Une autre typologie des événements potentiellement traumatiques peut être proposée en fonction de leur nature, sexuelle quand le sujet est confronté à la violence d’un désir sexuel incompréhensible pour lui, ou mortifère en cas de rencontre manquée avec la mort, et aussi en fonction de leur appartenance principale à la réalité externe ou à la réalité psychique interne, ces composantes étant, bien sûr, intimement mêlées. La distinction entre violence interhumaine intentionnelle et les autres types d’événements doit également être prise en compte. Ainsi, par exemple, la maltraitance répétée ou encore la contrainte à réaliser des actes de violence (comme pour les enfants-soldats) n’ont vraisemblablement pas les mêmes conséquences sur l’enfant que les situations de catastrophes naturelles, dans le sens où elles constituent une attaque de ce qui fonde l’identité du sujet et son rapport au monde. L’intrication entre symptômes post-traumatiques et travail de deuil est aussi possible.

Niveau de développement de l’enfant :

Les enfants d’âge préscolaire, de 3 à 6 ans, peuvent présenter des comportements et des dessins répétitifs, des conduites d’évitement, des comportements régressifs (énurésie et/ou encoprésie secondaires), des troubles du sommeil (cauchemars, terreurs nocturnes), des phobies (peur d’aller seul aux toilettes), des réactions d’agrippement et une angoisse de séparation, une tristesse, des manifestations somatiques (douleurs abdominales, céphalées).

Peuvent également être retrouvés des retards de développement (langage, psychomotricité). Chez les enfants en période de latence, des symptômes anxieux, dépressifs ou d’inhibition ainsi que l’expression d’une culpabilité peuvent se rencontrer. Une hypervigilance, des modifications dans les jeux, la perte ou le changement dans les intérêts habituels, les difficultés de concentration sont plus nets que chez le jeune enfant. Les difficultés scolaires et la baisse des performances peuvent être au premier plan.

À l’adolescence, le travail de construction de l’identité peut être bouleversé tant au niveau de l’inscription dans la filiation qu’au niveau de l’appropriation des affiliations, avec en particulier des processus de clivage ou d’excès de refoulement. Les adolescents peuvent présenter des troubles des conduites, des comportements auto- ou hétéroagressifs et des abus de substances (alcool ou autres).

L’agressivité reconnue lorsqu’elle a été dirigée contre l’ennemi se manifeste parfois dans le milieu familial ou dans le groupe des pairs, mais aussi dans le retournement sur soi, avec un risque de dépression, de perte de confiance envers l’avenir. Les impulsions autoagressives peuvent aussi s’interpréter comme des tentatives d’échapper à des états pénibles de vide ou d’émoussement.

Contexte culturel et social :

L’ESPT n’est pas la seule expression possible des traumatismes psychiques en situation transculturelle. D’autres tableaux cliniques, comme le susto en Amérique du Sud, le khal’a au Maghreb, peuvent traduire la même problématique, celle de la frayeur ou de l’effroi, mais ces aspects ont été jusque là peu étudiés chez l’enfant.

Pour Baubet et Moro, le concept de traumatisme psychique est pertinent en situation transculturelle ; cependant, les invariants culturels ne concernent pas tant des symptômes que des processus : l’effroi, le changement dans l’appréhension du monde et la métamorphose du sujet. L’appartenance culturelle va également influencer les attentes du patient et de sa famille par rapport aux soins, par rapport à la possibilité d’adhésion au modèle étiopathogénique qui sous-tend implicitement les manières de faire du thérapeute. Rousseau souligne l’importance du contexte de violence organisée, qui, au-delà de ses effets sur les individus, touche également les familles, les groupes, les communautés, conduisant à une dissolution du lien social.

Épidémiologie :

La plupart des études épidémiologiques disponibles utilisent la nosographie américaine et recherchent donc le plus souvent seulement des symptômes d’ESPT.

ÉTUDES EN POPULATION GÉNÉRALE :

Chez l’enfant, il n’y a pas d’étude épidémiologique sur de grands échantillons de population générale, comme il en existe chez l’adulte. L’étude de Kessler et al, dans le cadre de la National Comorbidity Survey (5 877 sujets répartis sur l’ensemble du territoire américain), a toutefois inclu systématiquement la tranche d’âge de 15 à 24 ans. Cette tranche d’âge, bien que moins exposée à ces événements, apparaissait plus sensible à l’ESPT. Certains auteurs se sont intéressés spécifiquement à des groupes d’adolescents. Giaconia et al. ont évalué 384 adolescents âgés de 18 ans. Plus de 40 % d’entre eux avaient vécu un événement potentiellement traumatique ; parmi eux, 14,5 % avaient présenté un ESPT (soit 6,3 % de l’ensemble du groupe). La prévalence de l’ESPT était plus élevée chez les filles que chez les garçons. Les adolescents ayant présenté un ESPT avaient aussi plus de difficultés sur le plan émotionnel, comportemental, relationnel, scolaire, et plus de conduites suicidaires et de problèmes somatiques. Ce qui est intéressant, c’est que les adolescents ayant vécu un événement traumatique, même s’ils ne présentaient pas d’ESPT, avaient aussi plus ce type de difficultés que ceux sans antécédents d’événements traumatiques. Ce qui montre bien que l’ESPT ne résume pas l’ensemble des troubles psychotraumatiques. Cuffe et al. ont retrouvé une prévalence de 3 % d’ESPT actuel chez les filles et de 1 % chez les garçons dans un groupe de 490 sujets âgés de 16 à 22 ans. Perkonigg et al. ont mené une étude en Allemagne, à Munich, sur 3 021 sujets âgés de 14 à 24 ans. La prévalence vie entière d’événements potentiellement traumatiques rapportés était de 26 % chez les hommes et de 17,7 % chez les femmes, et seulement 1 % des hommes et 2,2 % des femmes avaient présenté un ESPT durant leur vie. La prévalence était donc plus faible que dans les études nord-américaines, mais le risque de présenter un ESPT après un événement traumatique et l’association à une forte comorbidité psychiatrique étaient similaires.

ÉTUDES PARMI DES GROUPES DE POPULATIONS SPÉCIFIQUES OU SOUMISES À UN ÉVÉNEMENT PARTICULIER :

De très nombreuses études ont recherché des troubles psychotraumatiques chez des enfants et des adolescents soumis à différents événements traumatiques, même s’il n’existe que très peu d’études longitudinales. Tous les événements ne sont pas équivalents ; certains traumatismes sont dits extrêmes et certains intentionnels. Les événements traumatiques peuvent être des agressions physiques et/ou sexuelles, des catastrophes naturelles ou accidentelles, des actes de terrorisme ou des scènes de guerre, voire plus récemment des maladies somatiques ou des procédures médicales mettant en jeu le pronostic vital. Le développement de la psychiatrie humanitaire dans les situations de guerre ou de catastrophes a, par ailleurs, profondément renouvelé la réflexion sur le traumatisme.

Les résultats sont très variables selon les études. La prévalence des troubles psychotraumatiques chez l’enfant et chez l’adolescent est, en général, élevée et peut concerner jusqu’à 70 à 80 % des sujets après un événement traumatique majeur (par exemple, après le tremblement de terre en Arménie en 1988). Cette fréquence est, bien sûr, variable en fonction de l’événement traumatique et du temps écoulé depuis. Le diagnostic d’ESPT semble plus fréquemment porté chez les filles que chez les garçons. L’association à d’autres troubles (en particulier dépressifs ou anxieux) est souvent très élevée. Les formes partielles d’ESPT paraissent plus fréquentes que le tableau complet. Ces situations posent cependant la question de la possibilité de distinguer entre ce qu’on peut considérer comme une réaction pathologique, notamment en situation de guerre ou de violence organisée, de ce qui serait une réaction attendue et transitoire. Cette distinction est aujourd’hui trop souvent faite selon les critères de l’ESPT. Or, dans ce type de situation, la validité et la pertinence de ces critères chez l’enfant et l’adolescent restent, à notre sens, à démontrer.

Étiopathogénie et pathogénie, facteurs de risque et de protection, évolution :

Le risque de développer des troubles psychotraumatiques après l’exposition à un événement donné dépend de nombreux facteurs liés à l’événement traumatique lui-même, mais aussi de nombreux facteurs individuels ou familiaux (modèle de la vulnérabilité et des facteurs de risque). Dans une revue de la littérature portant sur 25 études, Foy et al. ont montré que trois facteurs étaient le plus souvent associés à la survenue de symptômes d’ESPT chez l’enfant : la gravité de l’exposition à l’événement, le temps écoulé depuis l’événement et la détresse des parents. Parallèlement au modèle de la vulnérabilité, un autre modèle a été proposé, celui de la résilience et des facteurs protecteurs. La résilience est une notion descriptive qui désigne la capacité de résister aux chocs et de continuer à se développer dans des conditions difficiles. Elle ne s’apparente pas à une invulnérabilité qui supposerait la capacité de tout supporter sans dommage. Pour Bourguignon, la résilience est approchée comme « processus de négociation du risque » . De nombreuses études ont cherché à identifier ces facteurs de protection.

Certains travaux en psychiatrie transculturelle et en sciences sociales ont permis de mettre en évidence que l’exposition de l’enfant et de l’adolescent à des événements potentiellement traumatiques pouvait conduire à l’acquisition de qualités et de capacités supplémentaires, et à une nouvelle créativité. Il faut donc prendre garde à ne pas assimiler systématiquement les conséquences d’événements potentiellement traumatiques à des phénomènes psychopathologiques.

L’évolution à long terme des traumatismes psychiques chez l’enfant et l’adolescent n’est pas parfaitement connue, mais il faut souligner que, même en ne prenant en compte que l’ESPT, le passage à la chronicité pendant plusieurs années est possible dans une proportion non négligeable de cas, et même en l’absence de répétition des événements.

FACTEURS LIÉS AUX CARACTÉRISTIQUES DE L’ÉVÉNEMENT TRAUMATIQUE :

L’événement traumatique est l’élément étiologique central des troubles psychotraumatiques. Ses caractéristiques de soudaineté imprévue ou de répétition prolongée (traumatismes de type I ou II) ont déjà été discutées (cf supra). Le degré d’exposition physique mais aussi émotionnelle à l’agent stressant est un autre facteur essentiel. Il faut rappeler que, même s’il n’y a que peu d’études sur ce sujet chez l’enfant, chez l’adulte la dissociation psychique au moment de l’événement pourrait être un facteur prédictif de survenue de symptômes d’ESPT. Par ailleurs, la perception de la menace vitale encourue est un autre facteur important ainsi que le type d’événement (provoqué par l’homme ou accidentel). Par exemple, le retentissement est différent selon que l’agresseur est un proche ou un étranger ou bien, en cas de guerre, selon qu’il s’agit d’une guerre civile ou d’une guerre contre un ennemi extérieur.

FACTEURS INDIVIDUELS ET FAMILIAUX :

õ Âge, niveau de développement, troubles préexistants La sévérité de la symptomatologie des traumatismes psychiques ne semble pas dépendante de l’âge des enfants exposés à l’événement, comme par exemple Pynoos et al. l’ont montré à la suite du tremblement de terre en Arménie en 1988. Le développement cognitif de l’enfant n’a pas non plus toujours d’influence sur la survenue des troubles. L’âge et le niveau de développement ont plus un rôle sur le type d’expression symptomatique des troubles que sur leur prévalence même si, bien sûr, la question de ce qu’est, chez l’enfant, une menace de mort ou une menace de l’intégrité physique de soi ou des autres dépend de son âge et de ses capacités perceptuelles et conceptuelles sur le plan cognitif et affectif, le concept de mort se mettant en place progressivement. C’est pourquoi, chez l’enfant, la protection des parents par rapport à l’impact traumatique d’un événement est très importante. Les troubles psychopathologiques préexistants sont, bien sûr, aussi un facteur de risque.

Sexe :

Les filles semblent présenter plus souvent de symptômes que les garçons, et peut-être de façon plus durable et plus sévère, mais c’est loin d’être constant dans les différentes études.

Support social :

Il correspond à la cohésion du groupe et au soutien mutuel de ses membres. Il serait un facteur de protection lorsqu’il persiste après l’événement. L’effet protecteur du support social paraît d’autant plus net quand l’événement constitue un traumatisme collectif et bouleverse l’organisation sociale du groupe.

Facteurs familiaux :

Pour de nombreux auteurs, les facteurs familiaux, c’est-à-dire la réaction des parents, leur disponibilité, leur fonctionnement psychique, leurs éventuels antécédents psychopathologiques et la qualité des interactions entre les différents membres de la famille, sont les facteurs qui influencent le plus le développement de syndromes psychotraumatiques chez l’enfant (et en particulier chez le bébé) et chez l’adolescent. Les parents peuvent amortir l’impact psychique de l’événement mais, à l’inverse, une réaction de détresse importante d’un des parents peut être l’agent du traumatisme psychique de l’enfant. Par ailleurs, le traumatisme a aussi dans certaines situations un impact transgénérationnel.

Comorbidité, diagnostics différentiels et méthodes d’évaluation :

Les troubles le plus souvent associés à l’ESPT chez l’enfant et chez l’adolescent sont les troubles dépressifs et les troubles anxieux (notamment l’anxiété de séparation). A aussi été retrouvée une comorbidité avec l’abus de substances, les troubles des conduites, les troubles oppositionnels et les troubles avec déficit de l’attention.

Ces troubles, comme tous les troubles comorbides, peuvent être une expression clinique des syndromes psychotraumatiques au même titre que l’ESPT ou, s’ils sont préexistants, peuvent s’aggraver après un événement traumatique.

Selon le DSM-IV, le diagnostic de trouble de l’adaptation peut être fait soit quand l’événement traumatique n’a pas le caractère extrême exigé pour le diagnostic d’ESPT, soit quand l’événement est bien extrême mais que les symptômes ne satisfont pas les critères de l’ESPT.

Les parents constituent, comme toujours chez l’enfant, une source d’information importante. Les circonstances de l’évaluation doivent être toujours bien précisées. L’entretien clinique est, bien sûr, le premier temps de l’évaluation à la recherche des différents symptômes des syndromes psychotraumatiques. Dans le cadre d’entretiens de recherche, des instruments non spécifiques, pour évaluer les troubles associés (en particulier anxieux et dépressifs), et spécifiques des symptômes d’ESPT peuvent être utilisés, à condition d’en connaître les limites. Ces derniers associent en général des entretiens diagnostiques structurés et des échelles permettant d’avoir une approche quantitative de la symptomatologie.

Ils visent principalement l’évaluation de l’ESPT, des symptômes dissociatifs et de l’événement traumatique lui-même.

Traitement :

Les modalités d’interventions thérapeutiques sont diversifiées pour répondre à des situations très différentes les unes des autres. De façon générale, les parents et la famille, qu’ils aient ou non vécu l’événement traumatique, sont toujours inclus dans la prise en charge. En fonction du contexte, le soin s’adresse uniquement à un sujet et sa famille ou est un acte collectif, par exemple dans des situations de guerres ou de catastrophes, par la mise en place de dispositifs spécifiques, tout en sachant qu’un modèle uniforme d’intervention ne peut s’appliquer mécaniquement quel que soit le contexte. Ces deux modalités peuvent s’associer, le choix de l’une ou de l’autre dépend notamment de facteurs individuels, familiaux, sociaux et culturels. Les psychothérapies sont d’inspiration analytique ou cognitivocomportementales en fonction de l’orientation théorique des intervenants. Le récit des événements traumatiques, l’abréaction ou le dévoilement du trauma, quand les conditions du récit sont établies, sont classiquement souhaitables, mais ne doivent se faire que dans le cadre d’une relation thérapeutique suffisamment solide tenant compte des défenses individuelles, familiales et culturelles. Il ne peut pas s’agir d’une catharsis forcée. La parole sur le trauma peut soit permettre une élaboration, soit, au contraire, être violente et effractante.

Parfois, il est plus important de parler autour de l’événement traumatique et de ses conséquences. La plupart des auteurs soulignent qu’il n’existe pas d’évidence soutenant l’opportunité de respecter ou, au contraire, de combattre le déni et l’évitement.

Ces symptômes peuvent avoir des effets délétères pour le fonctionnement psychique, mais peuvent aussi avoir des effets protecteurs et sont alors à préserver, au moins dans un premier temps. Il paraît important d’évaluer les potentiels protecteurs et pathogènes des mécanismes de défense érigés face aux effets du traumatisme, et d’adopter en fonction une attitude thérapeutique.

Le jeu entre plusieurs espaces thérapeutiques d’énonciation et de silence, entre plusieurs univers de sens et de non-sens, réintroduit un mouvement qui permet de sortir du temps suspendu et immobile qui suit le traumatisme (la sidération traumatique). Un traitement médicamenteux antidépresseur ou sédatif est rarement utile, ce d’autant qu’il n’existe pas de données établissant avec certitude l’efficacité des psychotropes chez l’enfant sur la symptomatologie post-traumatique, à moins qu’existe, bien sûr, une

symptomatologie dépressive associée et patente. L’intégration aux soins de la dimension culturelle comme élément dynamique et non comme obstacle à la prise en charge est indispensable pour pouvoir mettre en place des dispositifs originaux et métissés, aussi bien en situation humanitaire qu’avec des patients migrants ou enfants de migrants, et ne doit pas se résumer à un « traitement social » des troubles visant à promouvoir l’adaptation des patients à la société dans laquelle ils vivent. Il convient de rechercher les théories étiologiques individuelles, familiales ou sociales que les enfants ou leurs familles mettent en oeuvre pour penser l’événement et se reconstruire face à l’impensable et au non-sens traumatique. Ces théories servent alors de base à la reconstruction.

Conclusion :

Les enfants et les adolescents, comme les adultes, peuvent présenter, après de nombreux types d’événements violents (agressions physiques ou sexuelles, catastrophes, guerres…), des manifestations psychopathologiques variées et parfois sévères et, ce, quel que soit leur âge. L’état de stress post-traumatique décrit dans les classifications nosographiques (DSM-IV et CIM-10) avec sa triade symptomatique (répétition, évitement et hyperactivité neurovégétative) n’en résume pas l’ensemble. Le pronostic dépend du type d’événement traumatique, de la gravité de l’exposition à l’événement, du fonctionnement psychique de l’enfant ou de l’adolescent, de l’intensité de la détresse des parents et, bien sûr, de la prise en charge thérapeutique mise en place. Les modalités d’interventions thérapeutiques, pour éviter que l’histoire ne se transforme en destin, doivent tenir compte des dimensions individuelles, familiales et culturelles de chacune des situations.