Dyspnée

La dyspnée est une sensation de gêne ressentie de façon pénible par le patient à l’occasion d’une activité physique ordinaire et dans des conditions normales de pression atmosphérique et de température. Elle résulte d’une inadéquation entre l’exercice demandé et les capacités de l’appareil respiratoire et/ou du système cardiovasculaire.

Le patient la traduit sous des vocables différents : essoufflement, oppression, sensation de manque d’air, mauvaise tolérance à des efforts modestes ou minimes. La perception de la dyspnée, à sévérité égale, varie d’un patient à l’autre, et la non-perception de la dyspnée, fréquente dans certains asthmes graves, explique certains retards à consulter et certains décès inopinés.

En pratique clinique, deux situations s’opposent :

la dyspnée aiguë ou subaiguë, qui traduit l’apparition d’un phénomène nouveau ;

la dyspnée chronique, possiblement aggravée par l’effort, mais qui globalement reste semblable à elle-même tout au long de l’année.

Ces deux types de dyspnée correspondent à des étiologies fort différentes, même si certaines s’associent, comme la BPCO ( bronchopneumopathie chronique) et les manifestations d’insuffisance ventriculaire gauche.

SYMPTÔMES :

La sémiologie s’appuie sur différents critères :

– le caractère aigu ou chronique de la gêne respiratoire ;

– les modifi cations du mode respiratoire ;

– les dysrythmies respiratoires ;

– les principales circonstances de survenue ;

– les signes associés.

Modifications du mode respiratoire :

En fonction de la fréquence, on distingue :

la polypnée (plus de 25 cycles respiratoires/ min) ;

la bradypnée (moins de 15/min).

En fonction de la partie du cycle respiratoire concernée, on distingue :

les dyspnées à prédominance inspiratoire : elles portent sur le temps actif de la respiration, s’accompagnent de la mise en jeu des muscles respiratoires accessoires (scalènes, sterno-cléido-mastoïdiens), d’un tirage se traduisant par un creusement des creux sus-claviculaire et sussternal et des espaces intercostaux supérieurs, parfois d’un cornage ou de troubles de la voie ;

les dyspnées à prédominance expiratoire : elles traduisent l’existence d’un état bronchospastique, elles s’associent fréquemment à des sifflements intrathoraciques, mais parfois l’auscultation retrouve seulement un « allongement du temps expiratoire » qui est le reflet d’une difficulté du patient à expirer.

Les dyspnées à rythme rapide (polypnées) concernent habituellement à la fois le temps inspiratoire et expiratoire.

Les caractéristiques inspiratoires ou expiratoires de la dyspnée reposent essentiellement sur l’examen clinique (inspection et auscultation).

En effet, toute dyspnée est ressentie par le patient comme une gêne à la pénétration de l’air dans les poumons, et celui-ci est généralement incapable de différencier la partie du cycle respiratoire concernée.

Dysrythmies respiratoires :

Il existe des dyspnées particulières basées sur un rythme singulier :

la dyspnée de Kussmaul est une dyspnée à rythme lent comportant 4 temps : une inspiration profonde suivie d’une pause respiratoire puis d’une expiration profonde et à nouveau d’une pause expiratoire. Les anomalies concernent donc un cycle respiratoire. Liée à une acidose métabolique, elle était autrefois observée dans le coma diabétique ;

la dyspnée de Cheyne-Stokes s’exprime sur une succession de cycles : dysrythmie respiratoire souvent anarchique faite de mouvements respiratoires de plus en plus amples et de plus en plus rapides, suivis souvent d’une pause prolongée.

Autrefois observée dans l’insuffisance rénale chronique terminale, elle est également le fait d’un certain nombre d’affections neurologiques sévères, et traduit des perturbations au niveau des centres respiratoires bulbaires.

Principales circonstances de survenue :

Plusieurs éléments doivent être pris en considération :

– la survenue de la dyspnée à l’effort ou au repos ;

– la position du malade :

– dans le cas de l’orthopnée (le plus fréquent), la dyspnée est aggravée par la position couchée, notamment chez l’insuffisant cardiaque gauche,

– dans la p latypnée, la dyspnée est majorée par la position assise, et s’améliore en position couchée ; elle s’observe dans certains shunts cardiaques ( foramen ovale perméable) ou intraparenchymateux, comme les anévrismes artérioveineux pulmonaires ou les syndromes hépatopulmonaires. Considéré longtemps comme exceptionnel, le syndrome platypnée-orthodeoxie est confirmé par la mesure de la saturation oxyhémoglobinée en position couchée puis assise et l’inefficacité de l’oxygénothérapie ;

l’horaire : certaines dyspnées comme l’asthme et les manifestations d’insuffisance ventriculaire gauche surviennent volontiers la nuit ;

les facteurs déclenchants : l’exemple typique en est l’asthme allergique qui se majore à l’occasion d’une exposition aux allergènes auxquels est sensibilisé le patient.

Signes associés :

Ils constituent un argument essentiel pour orienter le diagnostic :

– les anomalies auscultatoires pulmonaires : préciser si le murmure vésiculaire est normal ou diminué, s’il existe un bronchospasme, des râles d’encombrement bronchique ou seulement la présence de crépitants secs aux bases ;

– les anomalies cardiovasculaires : systématiquement rechercher une symptomatologie évocatrice d’un problème cardiaque sous-jacent (tachycardie, modification de la pression artérielle, hépatomégalie avec reflux hépatojugulaire ou oedèmes des membres inférieurs) ;

– d’autres signes tels que les symptômes extrarespiratoires, la confusion, l’agitation, la cyanose, les troubles de conscience pouvant aller jusqu’au coma.

Nous exclurons de ce chapitre le syndrome d’apnée du sommeil, où la dyspnée n’est qu’un élément secondaire du tableau clinique.

MESURE DE LA DYSPNÉE ET EXAMENS COMPLÉMENTAIRES :

Échelles de dyspnée :

Sensation subjective, l’intensité de la dyspnée mérite d’être évaluée. Cette quantification de la dyspnée, essentielle face à une dyspnée chronique d’origine respiratoire ou cardiaque, a conduit à élaborer des « échelles de dyspnée » :

l ’échelle de Sadoul, la plus connue en pneumologie :

– stade I : dyspnée pour des efforts importants,

– stade II : dyspnée à la marche rapide ou en pente légère,

– stade III : dyspnée à la marche à plat en allure normale,

– stade IV : à la marche lente,

– stade V : dyspnée au moindre effort (toilette, déshabillage, repas) ;

l’échelle de la NYHA (New York Heart

Association), utilisée par les cardiologues, et qui associe une mesure de la distance parcourue par le patient en 6 minutes ;

– d’autres scores de dyspnée qui font appel directement au malade :

l e score de Borg : numéroté de 0 à 10, en fonction de la sévérité croissante de la gêne perçue par le patient,

l’échelle visuelle analogique (EVA) : simple ligne de 10 cm de long dont une extrémité porte la mention « pas du tout essoufflé » et l’autre « très essoufflé » ; le patient se situe sur cette ligne à un niveau qu’il estime correspondre à son niveau de dyspnée.

Malgré sa simplicité, l’EVA possède une bonne reproductibilité ;

l’index de Mahler, plus complexe, réservé à l’évaluation de la dyspnée dans certains protocoles thérapeutiques.

Examens paracliniques :

Une dyspnée aiguë est une urgence : l’examen clinique est prééminent, mais le diagnostic est difficile, notamment chez le sujet âgé où le déclin naturel de la fonction respiratoire et du système cardiovasculaire accroît la fréquence d’atteintes mixtes. Cependant, certains examens paracliniques peu nombreux et bien ciblés sont proposés :

– examens de première intention : radiographie de thorax, gaz du sang, mesure du débit expiratoire de pointe chez le patient bronchospastique et électrocardiogramme ; sur le plan biologique face à une suspicion de maladie thrombo-embolique : D-dimères ; en cas d’hésitation entre dyspnée d’origine cardiaque et dyspnée d’origine pulmonaire, dosage du Brain Natriuretic Peptide (BNP) ;

– examens de 2nde ligne adaptés à chaque cas : endoscopie d’urgence, écho-Doppler veineux des membres inférieurs, scintigraphie de ventilation perfusion, angioscanner ou échocardiographie.

Face à une dyspnée chronique, le praticien dispose d’un temps de réflexion et peut décider de mettre en jeu la gamme des explorations respiratoires ou cardiovasculaires classiques.

DIAGNOSTIC FACE À UNE DYSPNÉE AIGUË OU SUBAIGUË :

Le diagnostic d’une dyspnée repose avant tout sur un examen clinique complet. L’inspection du patient est un temps essentiel :

– l’expiration lèvres pincées lente difficile est caractéristique d’une bronchopneumopathie obstructive déjà sévère ;

– l’existence d’une déformation thoracique ( cyphoscoliose, rétraction thoracique) oriente vers une dyspnée liée à une composante restrictive, etc.

Cependant, pour orienter le diagnostic, il est pratique de distinguer deux groupes différents basés sur les données auscultatoires :

– les dyspnées avec anomalies de l’auscultation pulmonaire ;

– les dyspnées sans bruits pulmonaires anormaux.

Dyspnées avec anomalies de l’auscultation pulmonaire :

La dyspnée inspiratoire traduit un obstacle à la pénétration de l’air dans les voies aériennes.

D’origine laryngée ou trachéale haute, elle associe une bradypnée inspiratoire, un tirage, un cornage, parfois une dysphonie quand les cordes vocales sont impliquées dans le processus pathologique.

Les étiologies sont les suivantes :

l ’oedème de la glotte s’intègre souvent dans le contexte d’un choc anaphylactique (antibiotiques, allergie alimentaire, piqûre d’hyménoptères).

Il s’y associe un contexte évocateur avec des manifestations d’angiooedème et d’urticaire généralisée.

Traitement d’extrême urgence : adrénaline (à utiliser par voie intramusculaire à répéter au besoin) : forme auto-injectable ( Anapen®) dosée à 0,15 ou 0,30 mg, destinée respectivement à l’enfant et à l’adulte, à prescrire chez les patients à risque qui l’auront à leur disposition en cas d’accident aigu ;

l ’oedème angioneurotonique héréditaire présente un tableau analogue, mais survient dans un contexte familial : le diagnostic est confirmé par le dosage de l’inhibiteur de la C1-estérase.

Traitement : injection IV de ce facteur (à la disposition des services d’urgence auprès de l’Établissement français du sang) ;

– le corps étranger intrabronchique, notamment chez l’enfant, est caractérisé par un accès dyspnéïque suraigu avec toux, cyanose : c’est le syndrome de pénétration. Quelle que soit l’évolution ultérieure des symptômes, l’hospitalisation et la réalisation d’une endoscopie bronchique s’imposent ;

– chez l’enfant, une laryngite aiguë virale. Traitement : nébulisation de corticoïdes locaux et humidification de l’air inspiré ;

l ’épiglottite aiguë, chez l’enfant, est souvent en relation avec une infection à Haemophilus influenzae, le traitement de première intention est donc l’Augmentin®. Sa fréquence a fortement diminué depuis la vaccination systématique des nourrissons contre l’haemophilus ;

– un cancer du larynx ou une tumeur de trachée peut être révélé par ce type de dyspnée, dont le caractère inspiratoire est d’autant plus marqué que la lésion est proche de la glotte.

En urgence, le traitement est symptomatique.

Hors phase palliative, le malade doit être transféré par SAMU en urgence au centre hospitalier le plus proche pour être pris en charge en soins intensifs. Il faut mettre le patient en position demi assise, administrer de l’oxygène (8 à 10 L/min au masque, selon gravité), le perfuser, administrer des corticoïdes par voie intraveineuse (par exemple Solumédrol® 80 à 160 mg IV selon la gravité). Dans les cas extrêmes, on peut être amené à pratiquer une trachéotomie en urgence.

Les dyspnées expiratoires avec sibilants sont caractérisées par un état bronchospastique aigu, très fréquent. Elles relèvent de 3 étiologies principales :

une exacerbation d’une bronchopneumopathie chronique (BPCO), qui résulte souvent d’une infection bactérienne ou virale. Elle touche un patient fumeur ou ancien fumeur qui tousse et crache depuis longtemps, mais dont la dyspnée s’est récemment majorée. On recherche les signes de distension thoracique, l’existence d’une expiration lèvres pincées qui témoigne du collapsus bronchiolaire et incite inconsciemment le patient à maintenir une pression positive de fin d’expiration, une cyanose ou des stigmates d’hypercapnie : sueurs profuses, confusion, tremblement, poussées tensionnelles inexpliquées.

La radiographie de thorax permet d’écarter une complication (pneumothorax par exemple) ; les gaz du sang évaluent la gravité de l’exacerbation : l’hypoxie, l’hypercapnie, l’existence d’une éventuelle acidose gazeuse permettent d’orienter la prise en charge vers une structure d’urgence.

En l’absence de signes de gravité nécessitant l’hospitalisation, d’isolement et d’éloignement de la structure de soins, le patient peut être traité à domicile. Le traitement repose alors sur l’instauration ou l’augmentation des broncho dilatateurs ( béta 2 mimétiques plus ou moins atropiniques) par aérosols doseurs (que l’on peut coupler avec une chambre d’inhalation), le plus souvent d’une antibiothérapie ( amoxicilline ou amoxicilline acide-clavulanique per os 1 gr X 3, ou fluoroquinolone type Ofl ocetR 200 mg x 2/j) associée à une corticothérapie inhalée ou générale (cf.asthme, d’autant plus qu’il existe une composante spatique), d’une kinésithérapie respiratoire. En l’absence d’amélioration sous 48 h ou de l’apparition de signes de gravité, le malade devra être hospitalisé en urgence.

Le traitement repose alors sur l’administration d’oxgène à faible débit (0.5 à 1 L/min le plus souvent), d’aérosols de béta-2 mimétiques associés à un atropinique sous air (par exemple Bricanyl® et Atrovent®), le traitement de la cause (antibiothérapie avec les mêmes molécules que précédemment mais par voie intra-veineuse), souvent une corticothérapie générale brève ( Solumédrol® 80 mg IV initialement), la kinésithérapie respiratoire active biquotidienne et une anticoagulation à dose préventives (par exemple Lovenox® 0.4 mL SC une fois par jour en l’absence d’insuffisance rénale). Le tabac devra être dans tous les cas bien sûr arrêté. Dans les cas les plus graves, à l’hôpital, la ventilation non invasive peut être une alternative à la ventilation mécanique ;

une crise d’asthme, qui touche souvent des patients plus jeunes, aux antécédents allergiques.

Il est essentiel, face à une crise aiguë, d’en apprécier le niveau de sévérité :

– une crise aiguë simple est facilement contrôlée par la prise de bêta-2-mimétiques de courte durée d’action utilisés par voie d’inhalation (2 jusqu’à 12 bouffées à l’aide d’une chambre d’inhalation) associés à une corticothérapie systémique (40 mg de Prednisone ou Prednisolone),

– face à une crise aiguë sévère avec polypnée, tachycardie, cyanose, troubles de conscience ou agitation, l’hospitalisation et le transport par le SAMU s’imposent d’urgence : les gaz du sang réalisés dès l’arrivée au sas d’urgence permettent en fonction du niveau d’hypoxie mais surtout de la capnie (normo ou hypercapnie) de guider la conduite thérapeutique ;

– un pseudo-asthme cardiaque révélateur d’un oedème interstitiel, qui associe dyspnée, sibilants mais aussi crépitants aux bases. Des antécédents d’insuffisance ventriculaire gauche (hypertension artérielle, cardiopathie ischémique), l’existence d’une cardiomégalie et de signes d’oedème interstitiel sur le cliché de thorax aident au diagnostic. Cette pathologie touche électivement le sujet âgé, mais est souvent associée à une BPCO authentique.

Le traitement privilégie les bronchodilatateurs ( Salbutamol et Ipratropium), mais surtout les diurétiques et les dérivés nitrés intraveineux (Risordan) en fonction de la tolérance tensionnelle.

À distance, on introduira un traitement de fond de l’insuffisance cardiaque gauche.

Les dyspnées avec présence de râles crépitants constituent un contexte un peu artificiel et regroupent :

l ’oedème aigu pulmonaire (OAP) cardiogénique de diagnostic facile dans sa forme usuelle. Le traitement de l’OAP cardiogénique est traité dans la partie consacrée à l’insuffisance cardiaque.

Il repose sur le furosémide et l’oxygénothérapie nasale ;

– certaines pneumopathies infectieuses aiguës où l’on retrouve, outre le syndrome infectieux, des crépitants localisés en foyer. Le cliché de thorax confirme aisément le diagnostic et conduit à l’instauration d’un traitement antibiotique de type probabiliste (amoxicilline, éventuellement associée à une quinolone) ;

– les pneumopathies d’hypersensibilité (poumon de fermier ou poumon d’éleveur d’oiseaux), beaucoup moins fréquentes, rarement de survenue soudaine. La forme aiguë est le plus souvent réversible en quelques heures. Le traitement repose sur les corticoïdes et l’identification puis l’éviction de l’allergène. Il est le plus souvent symptomatique : admnistration d’oxygène et corticothérapie générale ( Cortancyl® 40 mg/j).

Le malade doit être confié au pneumologue afin de faire pratiquer les tests nécessaires. Un reclassement professionnel est souvent nécessaire ;

– les s yndromes hémorragiques alvéolaires représentant une autre forme de détresse respiratoire dont le diagnostic est affirmé par le lavage broncho-alvéolaire avec un liquide alvéolaire uniformément sanglant, reflet de l’hémorragie distale, s’inscrivant dans le cadre d’une glomérulopathie rapidement progressive, d’un syndrome de Goodpasture ou d’une maladie de Wegener ; ces hémorragies alvéolaires représentent une urgence majeure, mais demeurent exceptionnelles.

Le traitement est hospitalier et affaire de spécialiste. Au traitement symptomatique (oxygénothérapie, transfusion éventuellement…) s’ajoute le traitement causal (corticothérapie, immunosuppresseurs…) ;

les pneumopathies médicamenteuses (antibiotiques, sulfamides, amiodarone, etc.) : fréquentes et de diagnostic diffi cile ; plus de 100 drogues différentes ont été décrites, et seule l’évocation systématique de cette éventualité chez

les patients polymédicamentés permet de les identifier. Ces pneumopathies iatrogènes sont un piège difficile à déjouer, face au renouvellement incessant de la pharmacopée.

Dyspnées avec asymétrie auscultatoire :

Ce sont les pathologies pleurales où l’on oppose :

– la dyspnée lentement progressive de la pleurésie ;

– et l’accident aigu soudain et algique révélateur du pneumothorax.

Un examen clinique soigneux ne peut méconnaître ces diagnostics aisément confirmés par la radiographie de thorax.

Une rapide ponction évacuatrice peut soulager une pleurésie abondante ; elle découvre parfois dans un contexte traumatique un hémothorax.

Le pneumothorax aigu impose l’hospitalisation et parfois un drainage d’extrême urgence s’il est compressif.

Dyspnées aiguës sans bruits pulmonaires anormaux :

Ce sont les dyspnées non respiratoires. Elles sont dominées par les étiologies cardiovasculaires, au premier rang desquelles figurent la maladie thrombo-embolique, les troubles du rythme cardiaque et, à un moindre degré, les épanchements péricardiques.

L’embolie pulmonaire expose à un risque d’erreur diagnostique majeur. Très fréquente, elle se traduit cliniquement par l’apparition d’une dyspnée très variable dans son intensité, sa durée et les signes d’accompagnement : douleur thoracique inconstante, accélération du pouls, hypotension, sensation de malaise ou d’anxiété.

L’examen pleuropulmonaire initial et le cliché de thorax sont généralement normaux. Les gaz du sang objectivent un effet shunt associant hypoxie et hypocapnie. Le diagnostic est facile s’il existe une thrombophlébite des membres inférieurs, et le premier examen demandé doit être l’écho-Doppler des membres inférieurs. Dans la pratique, deux situations s’opposent :

l’embolie pulmonaire sur poumon antérieurement sain présente un tableau typique : on réalise l’étude des D-dimères, une scintigraphie de ventilation perfusion. Associée à la mise en évidence d’une thrombose veineuse par écho-Doppler, ces examens suffisent souvent au diagnostic ;

l’embolie pulmonaire sur poumon pathologique (cancer pulmonaire, BPCO, pneumoconioses, etc.) a une traduction clinique plus dégradée ; les symptômes sont atypiques, la dyspnée préexistait, l’étude des D-dimères est peu significative du fait d’un état infectieux associé ; la scintigraphie pulmonaire n’apporte pas de renseignements convaincants en raison des altérations préexistantes des rapports ventilation/perfusion dans les poumons. Il faut privilégier à nouveau l’écho-Doppler des membres inférieurs et, cette fois, l’angioscanner spiralé qui a l’avantage d’apporter des informations utiles sur l’embolie pulmonaire elle-même et l’affection causale associée. En cas d’hésitation et si l’état du malade l’autorise, l’angiographie pulmonaire demeure évidemment le « gold standard » du diagnostic de l’embolie pulmonaire.

Traitement de l’embolie pulmonaire : le malade doit être hospitalisé. En présence de signes de gravité, il sera hospitalisé en réanimation, si besoin après avoir été transporté par le SAMU à l’hôpital. Le traitement repose sur l’admnistration d’anticoagulants ( Innohep® 175 U anti Xa/ kg par jour ou Lovenox® 100 UI anti Xa/kg toutes les douze heures en l’absence d’insuffisance rénale (la clairance de la créatinine doit être supérieure à 30 mL/min) ; Calciparine® sinon en sous cutané à la dose de 500 UI/kg pendant 24 h répartie en deux ou trois injections par jour avec surveillance du TCA 4 à 6 h après la première injection). Rappelons que les plaquettes doivent être surveillées deux fois par semaine lors du traitement par HBPM. La mesure de l’activité anti Xa avec les HBPM n’est nécessaire qu’en cas d’âge avancé, de surpoids, d’accident des anticoagulants, d’insuffisance rénale (clairance supérieure à 30 mL/min). Le relais par anti-vitamine K ( Préviscan® per os, 1 cp à adapter à l’INR 72 heures après) devra être le plus précoce possible afin d’éviter la thrombopénie à l’héparine. Il devra être poursuivi six mois s’il s’agit du premier épisode, si le facteur déclenchant est réversible, s’il s’agit d’une mutation du facteur V Leiden ou du gène de la prothrombine.

Dans les autres cas, il devra être prolongé au moins un an voir indéfiniment, en particulier s’il s’agit d’un syndrome des antiphospholipides. Le malade devra rester alité 48 h après le début du traitement et porter des bas de contention.

L’oxygénothérapie est souvent nécessaire. Dans les formes graves, en réanimation, on peut être amené à pratiquer une thrombolyse, un remplissage voir l’administration d’inotropes en cas d’hypotension, rarement une intubation. Le recours à l’embolectomie chirurgicale est exceptionnel.

La pose de filtre cave sera décidée par le spécialiste (contre-indication au traitement anticoagulant, récidive d’embolie pulmonaire malgré un traitement satisfaisant, après embolectomie chirurgicale).

Il ne faudra pas oublier dans tous les cas de pratiquer l’enquête étiologique (penser en particulier, surtout en l’absence de cause évidente, à une anomalie de la coagulation chez le sujet jeune et à un cancer chez le sujet âgé).

Le traitement préventif concerne principalement les sujets hospitalisés. Chez un sujet ambulatoire à risque (thrombophilie constitutionnelle, cancer, syndrome des antiphospholipides…), on peut être amené à proposer un traitement préventif dans les situations à risque (principalement voyage en avion sur moyen ou long-courrier : injection d’HBPM ( Lovenox 0.4 ml SC une fois le plus souvent), port de bas de contention, hydratation suffi sante, déambulation, ne pas croiser les jambes.

L’apparition de troubles du rythme cardiaque (passage en arythmie complète par fibrillation auriculaire, flutter, tachysystolie, tachycardie ventriculaire) représente une cause fréquente de dyspnée aiguë. L’auscultation cardiaque et l’ECG assurent aisément le diagnostic : seule la levée du trouble du rythme permet l’amélioration du symptôme dyspnée.

La levée du trouble du rythme repose sur l’admnistration d’anti-arythmiques, sous couvert d’une anticoagulation efficace en particulier en cas d’ACFA (arythmie complète par fibrillation auriculaire) et souvent d’une oxygénothérapie.

Dans les cas graves avec troubles du rythme mal tolérés (tachycardie ou fibrillation ventriculaires le plus souvent), le cardiologue ou l’urgentiste auront recours au choc électrique externe.

Les épanchements péricardiques aigus (traumatiques, purulents ou néoplasiques) sont rares : la tamponnade associe une dyspnée à type d’orthopnée, une tachycardie avec assourdissement des bruits du coeur et une distension des jugulaires. Le diagnostique est évoqué s’il existe une cardiomégalie ; il est confirmé par l’échocardiographie qui guide la ponction du péricarde.

L’hospitalisation en réanimation ou en USIC est le plus souvent nécessaire en cas d’épanchement mal toléré. Le traitement repose d’abord dans ce cas sur la ponction péricardique en urgence ou chirurgicale, en plus des mesures symptomatiques (oxygène, remplissage) puis est étiologique.

DIAGNOSTIC FACE À UNE DYSPNÉE CHRONIQUE :

Le contexte est différent : le patient consulte pour un essoufflement parfois ancien, parfois émaillé de paroxysmes mais sans contexte d’urgence.

Le bilan, comportant systématiquement cliché de thorax, explorations fonctionnelles respiratoires (EFR) avec gaz du sang, électrocardiogramme et si nécessaire une échocardiographie, permet d’identifier de très nombreuses affections s’intégrant dans le cadre :

– d’une maladie pulmonaire chronique (asthme chronique, BPCO et pneumopathies infiltrantes diffuses) ;

– d’une insuffisance cardiaque progressive ;

– d’une hypertension artérielle pulmonaire primitive ou secondaire ;

– d’anomalies du transport de l’oxygène quantitatives (anémies) ou qualitatives (HbCO et methémoglobinémies).

Maladies pulmonaires chroniques :

Quand la dyspnée s’associe à un bronchospasme et un trouble ventilatoire obstructif, 2 étiologies doivent en priorité être discutées : l’asthme et la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). L’asthme chronique succède souvent à une longue histoire d’accès paroxystiques aigus qui s’effacent avec le temps.

Le terrain atopique, l’identifi cation d’un ou de plusieurs allergène(s), le caractère réversible sous bêta-2-mimétiques de l’obstruction bronchique authentifient la maladie asthmatique et la différencie de la BPCO qui, dans 85 % des cas, concerne d’anciens fumeurs, bronchitiques chroniques de longue date, chez qui l’apparition de la dyspnée signe l’avènement de la BPCO. Les EFR montrent un trouble ventilatoire obstructif (TVO) non réversible et des stigmates de distension aérienne (augmentation du volume résiduel et de la capacité pulmonaire totale) que confirment les données de l’inspection et la radiologie.

Le pronostic de la BPCO dépend en partie de la réduction du VEMS (volume expiratoire maximum seconde) et des altérations des gaz du sang. Chez certains asthmatiques âgés, le caractère réversible du TVO peut disparaître : c’est l’asthme vieilli bien difficile à différencier de la BPCO, surtout s’il est observé chez un fumeur ou un ex-fumeur.

Le traitement de l’asthme chronique repose sur l’éviction de l’allergène, les corticoïdes inhalés et les bêta-2-mimétiques de longue durée d’action.

Dans la BPCO, la prescription première est l’arrêt du tabac, les mesures de prévention de l’infection ( vaccination antigrippale et antipneumococcique) et les bronchodilatateurs anticholinergiques et bêta-2-mimétiques. Dans les 2 affections, on peut recourir aux associations fixes (bêta-2-mimétiques longue action et corticostéroïdes inhalés), mais leur indication dans la BPCO est strictement réservée aux formes les plus sévères.

Quand la dyspnée s’associe à un trouble ventilatoire restrictif, celle-ci peut être liée à :

– une pneumopathie infiltrante diffuse (anciennement dénommée fibrose interstitielle diffuse).

Elle se caractérise par une dyspnée progressive, une toux fréquente, la présence de crépitants secs prédominant aux 2 bases. Les EFR témoignent d’une restriction ventilatoire pure avec altération de la diffusion du monoxyde de carbone et une hypoxie. Leur fréquence croît avec l’âge, certaines sont dites idiopathiques, d’autres s’intègrent dans le cadre de maladies de système ( sclérodermie, polyarthrite rhumatoïde, etc.) ;

– une pneumoconiose comme l ’asbestose ou les pneumoconioses dues à l’inhalation de silice ou de poussières de charbon. L’anamnèse professionnelle et l’aspect radiologique sont hautement évocateurs ;

– une atteinte pariétale (rachis, sternum, gril costal) : cyphoscolioses graves, séquelles pleurales anciennes ou paralysies phréniques.

Le traitement de ces atteintes restrictives est souvent difficile et affaire de spécialiste. Il comporte dans tous les cas une part symptomatique (arrêt du tabac, vaccination anti-grippale, kinésithérapie respiratoire, oxygénothérapie si besoin, bronchodilatateurs si part obstructive réversible associée). Pour les pneumopathies infiltrantes diffuses, il repose principalement sur la corticothérapie générale, voir les immunosuppresseurs pour les formes associées aux connectivites ou la transplantation pulmonaire dans certains cas pour les formes idiopathiques.

Les facteurs déclenchants d’aggravation aiguë (infection, embolie pulmonaire…) devront être recherchés et traités. Pour les pneumoconioses, là encore, la prise en charge reste symptomatique (oxygénothérapie de longue durée, kinésithérapie, traitement des complications). Il ne faudra pas oublier la prise en charge sociale (réparation au titre des maladies professionnelles, reclassement ou mise en invalidité). Pour les atteintes pariétales, la prise en charge symptomatique est identique. On peut être amené à proposer un geste chirurgical sur une cyphoscoliose grave ou un amaigrisement important en cas d’obésité morbide.

Maladies cardiovasculaires :

La dyspnée d’origine cardiaque (retentissement cardiaque droit des maladies respiratoires chroniques et l’insuffisance ventriculaire gauche quelle qu’en soit la cause) est d’une grande fréquence.

Son traitement fera l’objet d’un chapitre particulier.

L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) primitive a récemment attiré l’attention, compte tenu des possibilités thérapeutiques nouvelles.

Elle se traduit par une dyspnée rapidement progressive survenue à tout âge ; l’examen clinique pleuropulmonaire, la radiographie de thorax sont peu modifiés. L’échocardiographie permet de quantifier le niveau d’HTAP et le retentissement sur les cavités droites. Elle va entraîner une enquête soigneuse pour éliminer une cause sous-jacente : hypertension artérielle pulmonaire post-embolique, connectivites, causes médicamenteuses au premier rang desquelles figuraient les anorexigènes désormais bannis, mais aussi certaines hépatopathies sévères et l’infection par le VIH.

Le traitement de l’HTAP est affaire de spécialiste.

Dans tous les cas, il repose, en l’absence de contre-indication, sur l’anticoagulation efficace au long cours, plus ou moins associée aux diurétiques ; en cas d’hypoxémie (Pa02 < 60 mmHg), il faudra administrer de l ’oxygène au long cours.

Selon les résultats du cathétérisme cardiaque et le degré de la dyspnée, on peut être amené à donner des inhibiteurs calciques (Tildiem® [diltiazem] par exemple, en cas de réponse au test au NO lors du cathétérisme) ou d’autres vasodilatateurs type inhibiteurs de la phosphodiesterase ( Révatio® [ sildénafi l]), antagonistes des récepteurs de l’endothéline ( Tracleer® [ bosentan]) ou analogues de la prostacycline dans les cas les plus graves ( Flolan® [ époprosténol par voie IV continue sur pompe] associés souvent aux autres traitements. Le traitement étiologique est nécessaire (arrêt de l’anorexigène, traitement anti rétroviral…). Dans les cas les plus graves, on peut être amené à proposer une transplantation pulmonaire.

Autres causes :

Les autres causes de dyspnée chronique sont :

les anomalies de transport de l’oxygène.

L’intoxication par l’oxyde de carbone demeure fréquente, le risque est permanent dans les habitations vétustes, favorisé par le recours encore trop fréquent aux feux à pétrole à l’intérieur des locaux. La méthémoglobinémie est devenue plus rare ; elle est souvent iatrogène : la dapsone (Disulone) employée dans le traitement de la lèpre ou de la polychondrite atrophiante en était un large pourvoyeur, mais d’autres médicaments sont en cause, notamment l’utilisation d’anesthésiques locaux (benzocaïne spray ou lidocaïne gel) lors des procédures endoscopiques, en chirurgie dentaire ou plus banalement chez le tout jeune enfant avec la crème Emla à application cutanée (association de lidocaïne et de prilocaïne). Le traitement de l’intoxication à l’oxyde de carbone nécessite une hospitalisation en urgence avec mesure en urgence de la carboxyhémoglobine.

Il repose sur l’admnistration d’oxygène pur à haut débit et éventuellement le passage en caisson hyperbare selon la gravité de l’atteinte et le taux de CO. Les complications éventuelles devront être également prises en charge (par exemple, oedème pulmonaire, convulsions…). Une enquête est nécessaire à domicile afin d’identifier et d’éliminer la source de CO (souvent, il s’agit d’un appareil de chauffage défaillant) ;

– certaines maladies rares comme le syndrome d’hyperventilation. Ces patients, souvent de sexe féminin, jeunes (entre 30 et 40 ans) se plaignent d’une dyspnée majeure ; toutes les investigations paracliniques sont négatives, mais le contexte psychologique (anxiété avec attaques de panique), la « sensation de ne pouvoir respirer à fond », la présence de pauses, de soupirs répétés, l’alcalose gazeuse observée permettent d’approcher ce diagnostic difficile. Le traitement du syndrome d’hyperventilation repose sur l’admnistration d’anxiolytiques (Euphytose®, 1 à 2 cps x 2 à 3 par jour ; XanaxR 0.5 mg 1 à 3 cps par jour) voir d’inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (Deroxat® 1 par jour) en cas de trouble panique avéré et une prise en charge psychothérapique douce qui peut être effectuée par le médecin traitant ;

– les anémies sévères parfois méconnues. Le traitement de ces anémies dépendra de leur cause ;

– les atteintes neuromusculaires et en particulier le vaste chapitre des myopathies.

CONCLUSION :

L’exploration d’une dyspnée exige toujours un examen clinique rigoureux adossé à quelques examens paracliniques simples. L’attitude diffère évidemment selon le caractère aigu ou chronique de la dyspnée : rapidité d’intervention et décision thérapeutique immédiate dans la première situation, appel plus large à la paraclinique quand la dyspnée existe de longue date.

Dans tous les cas, le diagnostic reste délicat, compte tenu de la grande diversité étiologique rencontrée. Mais nos moyens diagnostiques s’améliorent avec le temps comme le démontre l’introduction récente dans les services d’urgence de biomarqueurs, en particulier du BNP (Natriuretic Peptide). Ce peptide est secrété par les cardiomyocytes lors de l’insuffisance cardiaque et notamment quand existe une élévation de pression des cavités cardiaques. Face à une dyspnée aiguë, ce simple prélèvement sanguin aide à différencier une dyspnée aiguë d’origine cardiaque ou respiratoire, et il a été démontré très récemment qu’utilisée à titre systématique à l’entrée aux urgences, cette mesure réduisait le risque d’erreurs diagnostiques mais aussi la durée et donc le coût global de l’hospitalisation.

Malgré l’apport de la biologie moderne, il convient cependant de souligner que le diagnostic d’une dyspnée reste avant tout le travail du clinicien.