Neuropsychologie et recherches en psychopathologie

Introduction :

La neuropsychologie traite des fonctions cognitives dans leurs rapports avec les structures cérébrales. À la psychologie, elle emprunte son langage car la sémiologie s’évalue en termes de comportement.

De la neurologie, elle garde la référence constante à la lésion ou à la désorganisation physiologique qui est responsable des troubles.

Structurée en tant que discipline, la neuropsychologie est fondée sur l’idée que le fonctionnement psychologique peut être mis en relation avec le fonctionnement cérébral.

Le terme neuropsychologie semble utilisé pour la première fois par Osler en 1913 pour désigner la science des relations entre les maladies mentales et le cerveau.

À côté de la neuropsychologie clinique traditionnelle qui, en France, s’est implantée dans la plupart des centres hospitalo-universitaires durant les 30 dernières années, la neuropsychologie cognitive ajoute une dimension nouvelle. Sa priorité est l’analyse purement cognitive des troubles observés chez les sujets cérébrolésés.

On ne privilégie plus l’étude des relations structure/fonction, mais les processus cognitifs eux-mêmes.

Par cognitif, il faut entendre la capacité du cerveau à sélectionner, traiter, stocker, produire et utiliser de l’information pour résoudre des problèmes, raisonner, s’adapter à l’environnement, répondre à des besoins et à des désirs. Aucune théorie de la cognition ne saurait cependant être complète si elle n’englobait les concepts d’émotion et de motivation.

Neuropsychologie et recherches en psychopathologie

Un des objectifs de la neuropsychologie est de mieux décrire les interactions et les dysfonctionnements entre cognition, émotion et comportement, initialement dans le champ neurologique, et plus récemment dans le champ psychiatrique.

Les concepts et les méthodes de la neuropsychologie sont utilisés par la psychopathologie cognitive dont les caractéristiques sont l’expérimentation et l’étude cognitive de la psychopathologie.

En psychiatrie, ce sont les recherches sur les schizophrénies et les troubles anxieux et dépressifs qui bénéficient des avancées de la neuropsychologie.

Un autre objectif pragmatique de la neuropsychologie est de proposer une prise en charge rééducative.

Pour les neuropsychologues qui s’intéressent aux patients cérébrolésés ou psychiatriques, il s’agit certes d’améliorer une fonction donnée prise isolément, telle que la mémoire ou l’attention, mais surtout de prendre en compte les répercussions de ces dysfonctionnements sur les comportements dans la vie quotidienne, de contrôler leur impact et d’aider les sujets à se réinsérer.

Histoire de la neuropsychologie :

Si la naissance de la neuropsychologie se confond généralement avec celle de l’aphasie, l’élaboration historique des connaissances est plus ancienne. « Si l’on examine un homme ayant la tempe enfoncée, lorsqu’on l’appelle, il ne répond pas, il a perdu l’usage de la parole » note le scribe.

Le rôle du cerveau dans la commande du mouvement et de la parole est décrit dans l’Égypte ancienne. Cependant, les Égyptiens, les Mésopotamiens et les Hébreux ne semblent pas avoir évalué les implications de ces observations qui tombent dans l’oubli.Pendant la période hellénistique, l’histoire des fonctions cérébrales se confond avec l’avènement des sciences mathématique et physique.

Pour Démocrite, pensée et sensations ont une base matérielle et dépendent d’une grande variété d’atomes répandus dans le corps et reliés au cerveau : « Le cerveau surveille comme une sentinelle la citadelle du corps confiée à sa garde ».

Platon situe la partie de l’« âme » responsable des sensations, de la raison et des mouvements dans le cerveau.

Cette thèse céphalocentrique est consolidée et enrichie par des observations d’Hippocrate.

Le cerveau devient l’interprète de la conscience. En revanche, pour Empédocle et Aristote, l’âme ne se situe pas dans le cerveau mais dans le coeur qui est l’« acropole du corps ».

Ces deux thèses restent en compétition jusqu’à la fin du Moyen Âge.

Cette préoccupation, qui consiste à rechercher une structure à l’âme, est le fondement même de la neuropsychologie.

La diversité du mot âme n’ayant d’équivalent que son imprécision, Galien la divise en trois facultés : motrice, sensible et raisonnable. Cette dernière comprend l’imagination, la raison et la mémoire. Avec l’avènement des anatomistes de la Renaissance, Vésale et Willis, le cardiocentrisme aristotélicien recule au profit de la doctrine céphalocentrique.

Les facultés sont localisées dans les ventricules, puis dans le cortex.
Willis, principal neuroanatomiste du XVIIe siècle, associe le sens commun et les mouvements volontaires au corps strié, l’imagination au corps calleux, la mémoire au cortex cérébral et le comportement instinctif à la partie centrale du cerveau.

La précision de ses travaux, l’étendue de ses vues, font de lui le précurseur des théories sur les localisations cérébrales des XIXe et XXe siècles.

Descartes, en opposant esprit et matière, prive l’esprit de son support physique. Il isole les états mentaux de leur terreau biologique et prépare le terrain d’une pensée mécaniciste et dualiste.

Au début du XIXe siècle, grâce aux travaux de Gall et Spurtzheim, une nouvelle doctrine, la phrénologie, va lier étroitement l’esprit et le cerveau et faire du cortex cérébral le siège des facultés intellectuelles.

C’est dans cette mouvance intellectuelle que Bouillaud localise le langage dans les lobules antérieurs du cerveau et que Broca présente à la Société d’anthropologie une communication connue sous le titre : « Perte de la parole, ramollissement chronique et destruction partielle du lobe antérieur gauche du cerveau ».

Il s’agit de la première observation anatomoclinique conduisant à l’individualisation d’un « centre » fonctionnel cérébral. Avec Gall, Bouillaud, Broca puis Wernicke, naît le courant localisateur.

Celui-ci constitue une véritable géographie du cerveau, sorte de cartographie psychoanatomique.

En opposition aux arpenteurs du cerveau, des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent contre les outrances commises à partir de ces schémas.

Initié par Marie, puis Von Monakow, qui séparent formellement la localisation d’une fonction d’avec celle d’une lésion, un nouveau courant violemment antilocalisationniste va se développer.

Ainsi, Goldstein est à l’origine du courant holistique à partir de l’étude des blessés de la Grande Guerre.

Après la Seconde Guerre mondiale, les conflits entre localisationnistes et globalistes s’estompent, bien que des modèles localisationnistes, connexionnistes se développent car la neuropsychologie doit intégrer l’apport de l’analyse statistique, de la linguistique, de la psychologie cognitive et des techniques d’imagerie cérébrale.

Après l’avènement de la cartographie bidimensionnelle du cerveau et avant la naissance du courant globaliste apparaissent des modèles hiérarchiques en trois dimensions.

Cette approche, resituée dans un cadre évolutionniste, ouvre non seulement la possibilité de voir le cerveau dans une organisation hiérarchique en strates, témoin de l’histoire de l’évolution des espèces, mais aussi de localiser la partie « animale » de l’homme, ses expériences émotives, dans la profondeur du cerveau.

Le neuroanatomiste Papez s’inspire de l’idée jacksonienne selon laquelle l’expérience émotive aurait son siège dans les couches inférieures du cerveau, telles que l’hippocampe, l’hypothalamus et l’amygdale.

En 1949, Mac Lean propose une conception hiérarchique et évolutionniste de la localisation de l’émotion.

Il conçoit les structures décrites par Papez comme une couche intermédiaire, avançant l’idée que le cortex cérébral de l’homme et ce système intermédiaire seraient superposables au modèle de fonctionnement proposé par Freud, c’est-à-dire au Moi rationnel et au Ça inconscient.

Le niveau intermédiaire occuperait les structures décrites sous le terme de système limbique, responsable de l’expression des émotions, en particulier de l’agressivité et du comportement sexuel.

Il reste à comprendre comment s’articule cette couche intermédiaire par rapport aux couches supérieures corticales, pour participer à l’émotion consciemment perçue et permettre la connaissance du monde selon un mode affectif.

Ce bref historique serait bien incomplet si nous ne disions quelques mots de Luria, qui considère les fonctions corticales supérieures comme le fruit du travail intégrateur de plusieurs zones cérébrales travaillant de concert.

Procédant à une synthèse heuristique des différentes conceptions neuropsychologiques, localisationnistes, associationnistes et globalistes, Luria a contribué à l’approche moderne de la neuropsychologie, qui intègre l’étude des fonctions cognitives mais aussi comportementales et émotionnelles.

Actuellement, cette approche se caractérise par la synthèse entre des données cliniques (évaluation détaillée des patients), biologiques (imagerie cérébrale, marqueurs biologiques) et théoriques (modèles cognitifs).

Le recueil des données cliniques est devenu plus objectif et scientifique grâce au développement d’outils d’évaluation tels que les tests, les échelles et les questionnaires.

L’évolution des techniques d’imagerie fonctionnelle cérébrale permet de visualiser et de mieux appréhender les structures et les réseaux cérébraux impliqués dans différents processus normaux et pathologiques d’origine neurologique ou psychiatrique.

Définitions de la neuropsychologie :

« Sous le terme neuropsychologie, il semble que l’on est en droit de délimiter un domaine particulier de la neurologie, principalement corticale, qui intéresse à la fois neurologues, cliniciens, psychiatres, psychologues, psychophysiologistes et neurophysiologistes.

Ce domaine concerne les troubles des activités mentales supérieures…, et plus spécialement les troubles du langage, du geste, de la perception… ».

Quoique restrictive, cette définition reste historiquement fondée.

Elle a été complétée en 1972 par Hecaen : « La neuropsychologie est à la charnière d’une part des neurosciences, d’autre part des sciences du comportement et des relations interhumaines… ».

Selon Botez, la neuropsychologie clinique, tout comme la neurologie du comportement, a comme objet l’étude des relations entre le cerveau et le comportement.

FONCTIONS MENTALES :

Toute activité mentale implique nécessairement une activité cérébrale.

Le vocabulaire neuropsychologique est héritier du concept de facultés mentales (langage, mémoire, perception…) qui n’expriment qu’une typologie du comportement.

Cette typologie, confrontée à un siège lésionnel, conduit à la notion de « fonctions cérébrales » ; on préfère parfois le terme d’« activités supérieures » parce que considérées comme plus physiologiques.

Ces activités qui nous permettent de connaître le monde, d’où le nom d’activités cognitives, s’expriment par des comportements. Les comportements sont considérés comme les réponses de l’individu dans un contexte donné.

Les activités supérieures peuvent être gestuelles, comprenant des mouvements finalisés de communication, d’utilisation, de construction, d’habillage (praxiques).

Elles peuvent être perceptives (gnosiques), verbales (phasiques), attentionnelles, mnésiques et intellectuelles. On y ajoute les fonctions exécutives, considérées comme la capacité d’anticiper, de planifier, d’initier une action finalisée et de la réaliser. Habituellement, les émotions sont exclues, mais de façon arbitraire, des activités dites supérieures.

Dans la préface de son ouvrage « Les fonctions corticales supérieures chez l’homme », Luria jugeait pertinent d’intégrer les nouvelles connaissances : « de nombreux travaux ont été consacrés, ces dernières années, à l’étude détaillée des fonctions des systèmes limbiques et aux perturbations de la sphère affective ainsi que des processus mnésiques qu’entraîne leur lésion ».

Les relations entre cognition et émotion restent l’objet de débats passionnés chez les chercheurs, les uns estimant que la cognition et l’émotion doivent être rigoureusement séparées et considérées comme des fonctions indépendantes, alors que, pour d’autres, l’émotion est un aspect de la cognition.

ÉMOTIONS ET COMPORTEMENT :

La notion d’émotion (du latin ex-movere, mouvement vers l’extérieur) inclut généralement les phénomènes physiques et mentaux qui accompagnent la perception, l’expression et l’expérience des affects, et les modifications somatiques qui les accompagnent.

Deux dichotomies majeures ont été mises en exergue dans les études concernant le substrat anatomique des émotions.

La première, classique, est en faveur d’une localisation sous-corticale des mécanismes cérébraux impliqués dans les émotions.

Il existe en effet une somme considérable d’arguments suggérant que les mécanismes des émotions et de la motivation sont sous-tendus par les structures grises du cerveau, telles que l’amygdale, les noyaux du septum, le striatum, l’hypothalamus.

Une seconde dichotomie, plus récente, suggère que les hémisphères droit et gauche ne sont pas impliqués de la même manière dans le comportement émotionnel et que l’hémisphère droit y jouerait un rôle critique. Certaines recherches plaident en faveur d’une dominance de l’hémisphère droit pour l’ensemble des manifestations émotionnelles, en particulier pour l’identification des expressions émotionnelles et faciales.

D’autres études suggèrent des spécialisations hémisphériques différentes selon la valence positive ou négative des émotions.

Il semble exister des relations étroites entre ces deux dichotomies car la supériorité hémisphérique droite pour les fonctions émotionnelles concerne davantage les niveaux élémentaires (sous-corticaux) des émotions, ainsi que les réponses automatiques du sujet, alors que l’hémisphère gauche serait davantage impliqué dans les fonctions corticales d’inhibition et de contrôle des mécanismes émotionnels sous-corticaux.

On a coutume de rassembler toutes ces structures sous le terme de système limbique.

Le cortex orbitofrontal est impliqué dans les comportements et l’affectivité. Cette zone cérébrale est liée aux capacités d’intention et d’attention, essentielles pour la perception des événements dans le temps et pour le contrôle verbal des fonctions motrices.

Le terme « frontal », appliqué à des patients cérébrolésés, désigne des troubles du caractère et de la personnalité, à type de désinhibition et d’égocentrisme par altération de la perception de la réalité ambiante.

À la lumière du cas Phineas Gage, Damasio a reconsidéré les anomalies observables dans ce type de lésions sous le terme de « sociopathie acquise ».

Le rôle du cortex orbitaire interviendrait dans l’ajustement social, la régulation du jugement moral et des comportements sous-tendus par des concepts d’éthique.

Les déficits de la motivation et de l’action sont connus sous différentes appellations : « apathie », « aboulie », « perte de l’autoactivation psychique » ou « syndrome athymhormique ».
Phineas Gage, âgé de 25 ans en 1848, eut le cerveau traversé par une barre à mine à la suite d’une explosion.

Une fois rétabli, apparemment guéri, son entourage s’aperçut qu’il n’était plus le même et que ses nouveaux traits de personnalité contrastaient de façon marquée avec la modération et la force considérable de caractère dont il avait fait preuve avant l’accident. Il était devenu, grossier, capricieux, instable et incapable de planifier et de faire des choix qui lui étaient autrefois familiers.

L’intelligence, évaluée par les tests, était normale. Il perdit tout statut socioprofessionnel et affectif, et mourut à l’âge de 38 ans, dans un état de dénuement et d’abandon total.

Grâce aux données actuelles de la neuroanatomie et de l’imagerie cérébrale, Damasio a mis en oeuvre une nouvelle technique appelée brainwox qui reconstruit le cerveau en trois dimensions. Cette technique informatique a permis, a posteriori, de visualiser avec précision les différentes lésions cérébrales du cerveau de Phineas Gage.

Ainsi, la barre avait endommagé la joue gauche, le lobe frontal gauche, puis la convexité crânienne.

Apports de la neuropsychologie aux recherches en psychopathologie

ATTENTION ET ANXIÉTÉ :

Anxiété :

En pratique clinique comme en recherche, les troubles anxieux renvoient à des catégories diagnostiques variées.

Dans le Diagnostic and statistical manual of mental disorders quatrième édition, ces troubles se répartissent en troubles anxieux généralisés, troubles paniques, troubles phobiques et syndrome de stress posttraumatique.

Des évaluations de l’anxiété selon d’autres critères et dimensions ont été proposées, par exemple avec l’échelle d’inventaire d’anxiété STAI de Spielberger. Spielberger distingue l’anxiété-trait correspondant à une composante structurelle, de l’anxiété-état réactionnelle à une situation ou à un événement spécifique.

Attention :

De nombreuses définitions de l’attention ont été proposées. Les uns considèrent l’attention comme la capacité à contrôler le champ d’application de l’activité intellectuelle.

On distingue schématiquement l’attention diffuse, qui correspond à un état général d’éveil de tous les sens, et l’attention sélective, qui suppose à la fois l’orientation et la concentration mentales vers une tâche spécifique et l’inhibition d’activités concurrentes. Le système réticulaire activateur ascendant, l’amygdale, l’hippocampe et le cortex frontal jouent un rôle important dans la réaction d’éveil et d’orientation à l’égard des stimulations.

Troubles de l’attention et anxiété :

Les recherches expérimentales concernant l’attention et l’émotion sont particulièrement importantes pour le développement de théories scientifiques rigoureuses des troubles émotionnels.

Les principales épreuves utilisées dans l’exploration des modifications attentionnelles induites par l’anxiété sont le test d’écoute dichotique (le sujet focalise d’un côté son attention sur un stimulus alors qu’un autre stimulus lui parvient en même temps à l’oreille opposée), des tâches de décision lexicale visuelle et auditive, des tâches non verbales de détection visuelle (visages, scénario) et des épreuves d’attention divisée.

En situation de traitement d’informations neutres, Shapiro et Lim ont montré que les sujets anxieux privilégient l’attention aux stimuli visuels périphériques au détriment du système visuel fovéal dévolu aux traitements stratégiques du signal, alors que les sujets non anxieux privilégient une stratégie visuelle attentionnelle centrale.

Ces résultats vont dans le sens d’une hypervigilance chez les anxieux en lien avec un hyperfonctionnement du système d’alerte caractéristique de la détection visuelle périphérique.

Quelles que soient les modalités du traitement de l’information (visuelle, auditive…), l’hypervigilance des sujets anxieux favorise la distractibilité et les détections non pertinentes lors de tâches attentionnelles complexes.

Le traitement attentionnel des informations à valence émotionnelle montre une sensibilité particulière des anxieux à la capture des stimuli menaçants par rapport à des stimuli neutres, en particulier chez des sujets présentant des troubles anxieux généralisés.

En outre, dans toutes les formes d’anxiété, il existe un biais attentionnel « préattentif » qui privilégie l’information menaçante avant même que le stimulus ne soit traité de manière détaillée.

MÉMOIRE ET DÉPRESSION :

Fractionnement de la mémoire :

Devant la complexité du phénomène, Ebbinghaus, en 1885, a proposé de fractionner la mémoire en fonction du temps, en mémoire à long terme et mémoire à court terme. Tulving a distingué la mémoire en fonction du contenu, en définissant d’une part la mémoire épisodique, d’autre part la mémoire sémantique.

La mémoire épisodique est le système de mémoire hiérarchiquement le plus élevé et le plus complexe. Son contenu est fréquemment connoté émotionnellement.

Les régions cérébrales impliquées dans son fonctionnement incluent les régions préfrontales et seraient plus étendues que celles impliquées dans les autres formes de mémoire.

Différents systèmes mnésiques sont définis pour affiner l’évaluation neuropsychologique : la mémoire sensorielle correspond à l’acquisition et au maintien de la forme et de la structure des objets et des mots ; la mémoire procédurale consiste en une mémoire automatique qui permet à un sujet d’apprendre des actions, d’acquérir des savoir-faire ; la mémoire épisodique fait référence au rappel d’événements survenus dans un contexte particulier (événements autobiographiques ordonnés/temps/lieux) ; la mémoire sémantique est liée au système de connaissance par stockage de faits généraux.

Les modes de récupération des événements en fonction des systèmes mnésiques décrits ci-dessus sont caractérisés par les termes mémoire explicite ou déclarative versus mémoire implicite.

Le premier terme fait référence aux souvenirs qui requièrent une récupération consciente d’un épisode d’apprentissage (explicite) versus les souvenirs indépendants d’une récupération consciente (implicite).

Troubles de la mémoire et dépression :

Chez les patients déprimés, le dysfonctionnement mnésique est positivement corrélé à la sévérité de la dépression. Bazin et al observent lors d’épreuves mnésiques explicites à la fois des anomalies quantitatives et qualitatives.

La valence affective (neutre, positive et négative) du matériel à encoder influence les performances mnésiques explicites, contrairement aux performances implicites. Markowitsch fait état de recherches sur les situations stressantes et dépressiogènes qui entraînent des réactions dissociatives et une détérioration cognitive.

Ainsi, des distorsions qualitatives et/ou des omissions ont été décrites dans le rappel d’événements traumatiques chez des soldats qui ont participé à la guerre du Golfe.

Ces situations entretiennent des relations avec l’impuissance acquise et conduiraient à des modifications de la disponibilité des neurotransmetteurs. Une hypothèse explicative du dysfonctionnement cognitif des déprimés concerne l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien en relation avec une hypersécrétion du cortisol. Les glucocorticoïdes interféreraient sur les récepteurs noradrénergiques de l’hippocampe.

Des études montrent que les patients dépressifs présentent une réduction du débit sanguin dans différentes régions du cortex préfrontal, ainsi que dans des structures sous-corticales comme l’amygdale.

Une dépression primaire avec détérioration cognitive souvent connue sous le terme de pseudodémence ou démence de dépression peut être considérée à tort comme une démence neurodégénérative.

Mais les patients dépressifs diffèrent de manière considérable des patients déments que caractérise l’effondrement de la mémoire sémantique et de l’amorçage.

En outre, les patients déprimés présentent une amélioration cognitive significative après traitement.

FONCTIONS EXÉCUTIVES ET SCHIZOPHRÉNIE :

Syndrome frontal et fonctions exécutives :

Les fonctions « exécutives », c’est-à-dire la stratégie, la planification, l’organisation, la résolution de problème, l’inhibition de stratégies non pertinentes, sont un des rôles des lobes frontaux.

Elles sont déficitaires chez les patients schizophrènes.

Dans la schizophrénie, de nombreuses épreuves cognitives et comportementales sont perturbées.

Des tests de mémoire ont permis d’étudier les structures temporales et septohippocampiques.

Des épreuves de motricité ont précisé les caractéristiques fonctionnelles des structures sous-corticales des ganglions de la base.

À cet égard, les troubles mnésiques observés dans la schizophrénie sont interprétés par Huron et Danion dans une relation de causalité circulaire : le déficit des processus stratégiques entraînerait une perturbation de la remémoration consciente, qui à son tour provoquerait un déficit de la mise en action des processus stratégiques.

Des études neuropsychologiques initiales ont proposé une analogie avec les lésions neurologiques.

Dans la recherche de Partiot et al, le déficit de performance en discrimination spatiale, d’une part de sujets schizophrènes, d’autre part de patients avec une atteinte frontale d’origine organique, suggérait une incapacité à inhiber un mécanisme mental en place plutôt qu’une incapacité à en générer un nouveau.

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) a permis d’objectiver et de confirmer des résultats initiaux obtenus par tomodensitométrie cérébrale (réduction des ventricules latéraux et du volume cortical). Certaines observations du cerveau au repos en IRM, corrélées aux épreuves cognitives, ont confirmé l’hypothèse d’une hypofrontalité, en particulier dans les formes chroniques de la schizophrénie.

Le développement d’épreuves d’activation cérébrale (cerveau en activité pendant l’exécution d’une tâche expérimentale) permet d’utiliser l’IRM dans une approche plus neuropsychologique qu’anatomoclinique.

Ainsi, Andreasen a mis en évidence une baisse du métabolisme du cortex préfrontal dorsolatéral chez des schizophrènes, dans des tâches d’exploration des fonctions frontales (planification, stratégie). Un tel déficit n’est plus interprété dans une perspective localisationniste. Il est analysé en termes de dysconnection fonctionnelle entre des aires cérébrales frontales et les circuits hippocampiques.

Perspectives :

La neuropsychologie clinique actuelle s’intéresse de plus en plus aux relations entre les données nouvelles de l’imagerie (IRM, IRM fonctionnelle, tomographie d’émission à positrons) et le fonctionnement des activités mentales, ainsi qu’aux facteurs de restauration et de plasticité cérébrale sous-tendant les fonctions mentales des sujets cérébrolésés.

La neuropsychologie cognitive, quant à elle, s’oriente vers la compréhension et la modélisation du fonctionnement normal à partir d’études concernant des lésions cérébrales limitées.

Les modifications cognitives qu’elles entraînent permettent d’inférer des règles de fonctionnement normal. De cette approche très féconde, à l’aide de cas uniques, sont issues plusieurs modélisations, dont le modèle de Morton sur les mécanismes de l’écriture et de la lecture, et celui de la mémoire de travail de Baddeley.

C’est la compréhension des processus cognitifs eux-mêmes vérifiés par l’étude des lésions qui prime.

La neuropsychologie réadaptive s’est constituée depuis plusieurs années, à partir de l’expérience auprès de patients cérébrolésés.

Elle utilise à la fois les données de la neuropsychologie clinique traditionnelle et les modélisations proposées par la neuropsychologie cognitive. Cette dernière a surtout influencé la rééducation des troubles directement cognitifs tels que les troubles de l’attention, du raisonnement logique et des fonctions exécutives.

Ainsi, des méthodes de rééducation appliquées aux syndromes frontaux ont fait l’objet de propositions structurées.

Les premières tentatives de rééducation ont privilégié la planification à travers la préorganisation de la tâche à accomplir et la régulation de l’activité par le langage.

Le développement de la neuropsychologie cognitive et l’application de ses principes à la rééducation ont permis l’élaboration de programmes thérapeutiques précis.

Ces programmes sont établis par la confrontation des données d’un bilan clinique initial détaillé, des hypothèses théoriques sur les mécanismes à l’origine des troubles et sur les méthodes à employer pour les réduire. Par ailleurs, les troubles du comportement et de l’adaptation sociale ont bénéficié de l’influence des théories cognitives et comportementales et des thérapies cognitivocomportementales appliquées dans différents secteurs de la pathologie.

Des observations privilégiées et rigoureuses ont démontré que la rééducation neuropsychologique était faisable, crédible et efficace, en particulier chez des sujets cérébrolésés.

Elle évalue et prend en charge de manière spécifique des déficits cognitifs induits par les lésions ou des dysfonctionnements cérébraux dans le but d’améliorer la qualité de vie des sujets.

Par une approche globale, elle étudie les répercussions des anomalies fonctionnelles ou organiques sur les différentes fonctions cognitives et psychoaffectives afin d’agir sur les comportements adaptatifs.