Comas non traumatiques

Le coma est défi ni par une altération profonde de l’état de conscience, liée au dysfonctionnement de la substance réticulée activatrice du tronc cérébral responsable de l’éveil physiologique.

Les atteintes de la conscience peuvent être plus ou moins marquées ( obnubilation, stupeur, coma), mais répondent à des étiologies similaires.

Dans le coma, stade ultime, il n’y a pas de communication ni d’ouverture des yeux, et le patient peut être difficilement, ou non, réveillé.

Un coma peut être le terme de l’évolution d’une pathologie chronique par altération progressive de la conscience ou entrer dans le contexte d’un polytraumatisme grave.

PRISE EN CHARGE IMMÉDIATE D’UN PATIENT COMATEUX :

Le coma est une urgence qui peut engager rapidement le pronostic vital. Sa prise en charge nécessite le recours rapide à une structure hospitalière de réanimation via le SAMU (centre 15).

En attendant les secours médicalisés, le patient doit être pris en charge de la manière suivante.

Vérification et évaluation de la profondeur du coma :

On recherche une ouverture des yeux spontanée ou à la demande, la réalisation d’un ordre simple verbal et la réaction à une stimulation douloureuse.

L’échelle de Glasgow (de 3 à 15 points) est la plus pratiquée et permet, par sa bonne reproductibilité, d’évaluer l’état de conscience et de suivre son évolution (tableau I). Un score de 15 points témoigne de l’absence de troubles de la conscience. La réponse motrice est cotée après stimulation douloureuse.

Une résistance à l’ouverture des yeux oriente vers une manifestation oppositionnelle postcritique ou une simulation.

La persistance d’une ouverture des yeux et de mouvements de suivi des globes oculaires évoque un « locked-in syndrome » (atteinte ischémique bilatérale du pied de la protubérance).

Évaluation et maintien des fonctions vitales :

L’altération de l’état de conscience retentit sur la ventilation et la perméabilité des voies aériennes supérieures. Les manoeuvres de libération des voies aériennes et le maintien d’une oxygénation satisfaisante sont nécessaires.

Lorsque le coma est profond, sans autres atteintes vitales (respiratoires ou hémodynamiques), la mise en position latérale de sécurité diminue le risque d’inondation bronchique en attendant un médecin capable de réaliser une intubation endotrachéale.

Les constantes hémodynamiques devront être maintenues si nécessaire au moyen d’un remplissage.

Tableau I. Score de Glasgow
Tableau I. Score de Glasgow

La mise en place d’une voie veineuse est nécessaire dès que possible.

Réalisation d’une glycémie capillaire :

L’injection de glucosé 30 % doit être réalisée au moindre doute d’hypoglycémie, ou s’il s’agit d’un patient diabétique traité par insuline ou sulfamides hypoglycémiant.

En cas de surdosage en opiacé :

Si le contexte est évocateur d’un surdosage en opiacé (myosis, point d’injection, etc.), l’injection de naloxone (1/2 ampoule IVL [intraveineuse lente]) peut être réalisée en cas de pauses respiratoires.

Anamnèse :

Le recueil auprès de l’entourage ou de témoins de données sur le mode d’installation du coma (circonstances, rapidité d’installation), la présence de symptômes inauguraux (fièvre, céphalées, convulsions, vomissements, déficit neurologique, etc.), la prise de médicaments, de drogue ou d’alcool, et l’existence d’une pathologie chronique sous-jacente (insuffisance respiratoire, hépatique ou rénale) est particulièrement utile pour la prise en charge ultérieure du patient.

PRISE EN CHARGE HOSPITALIÈRE :

L’évaluation et le maintien des fonctions vitales priment sur l’enquête étiologique.

L’examen neurologique recherche, dès que la ventilation et l’hémodynamique sont contrôlées :

– un traumatisme crânien passé inaperçu ;

– une morsure de langue ;

– un défi cit focalisé ;

– une raideur de nuque.

Des signes généraux, tels que la fièvre, une éruption ou des anomalies respiratoires, sont recherchés.

Si le coma est profond, l’étude oculaire permet de réaliser une approche lésionnelle en précisant les réflexe photomoteur, cornéen et les mouvements oculaires :

l’examen des pupilles et le réflexe photomoteur représentent le premier élément d’orientation :

– une pupille en mydriase peu réactive évoque un processus expansif intracrânien,

– les 2 pupilles en mydriases aréactives évoquent une atteinte mésencéphalique sévère ou une intoxication aiguë aux anticholinergiques,

– un myosis réactif bilatéral s’observe dans les encéphalopathies métaboliques et dans les intoxications aux opiacés et aux barbituriques ;

les mouvements oculaires spontanés et provoqués doivent être analysés à la recherche d’une atteinte du tronc cérébral (tableau II).

Une divergence oculaire est normale. L’abduction d’un oeil associée à une mydriase évoque une atteinte du nerf crânien III et l’adduction, une atteinte du VI. La « skew déviation » (un oeil plus bas que l’autre) témoigne d’une lésion cérébelleuse ou pontique. Une déviation horizontale conjuguée témoigne d’une lésion hémisphérique du côté de la déviation ou d’une lésion controlatérale du tronc ;

le réflexe cornéen (stimulation de la cornée par un coton) entraîne normalement une occlusion palpébrale bilatérale. Son abolition témoigne d’une abolition des connexions pontiques entre le V et les deux VII.

Les prélèvements sanguins permettent une analyse biochimique complète (glycémie, calcium, fonction rénale et hépatique, acidose, osmolarité, etc.) et des recherches toxicologiques (alcool, médicaments, carboxyhémoglobine, etc.).

Une imagerie par TDM ou IRM sera réalisée dès que possible (TDM), associée éventuellement à un électroencéphalogramme (EEG) et une ponction lombaire, si l’origine du coma reste inconnue ou suspecte d’être neurologique.

Tableau II. Huit réfl exes physiologiques du tronc cérébral
Tableau II. Huit réflexes physiologiques du tronc cérébral

ÉTIOLOGIES DES COMAS :

Coma toxique :

L’hypothèse d’une intoxication, cause la plus fréquente, est évoquée devant tout coma. La recherche de toxiques dans le sang et dans les urines est systématique, et peut être complétée par spectrométrie de masse.

Les comas pharmacologiques sont volontaires ou liés à un surdosage accidentel. Les barbituriques sont responsables d’un coma calme, hypotonique avec dépression respiratoire ; les antidépresseurs tricycliques entraînent un coma avec mydriase et risque de troubles du rythme et de convulsions.

Les causes exogènes à rechercher sont : intoxication oxycarbonée, alcoolique aiguë, produits organophosphorés, overdose aux opiacés (coma, myosis serré réactif, dépression respiratoire, traces de piqûres).

Coma métabolique :

Les atteintes métaboliques engendrent des troubles de la vigilance allant de la confusion au coma profond (progression rapide), avec des antécédents évocateurs :

les encéphalopathies respiratoires (anoxiques ou hypercapniques), hépatiques (hyperamoniémie) et rénales (hyperazotémie), où les troubles de la vigilance s’associent à des mouvements anormaux (asterixis, clonies, rigidité) ;

les encéphalopathies carentielles (Gayet-Wernicke par carence en vitamine B1) ou accompagnant des affections endocriniennes (hypothyroïdie sévère, insuffisance surrénale aiguë) ;

les autres anomalies métaboliques (hyponatrémies sévères, variations rapides de la calcémie, coma diabétique hyperosmolaire, coma hypoglycémique, etc.).

Quelle que soit la cause d’un coma, un facteur métabolique peut être surajouté.

Coma neurologique :

Un coma brutal évoque un saignement méningé, un hématome cérébral ou un infarctus du tronc cérébral ; les autres causes intracrâniennes donnent plus volontiers des troubles de la vigilance évoluant secondairement vers un coma profond. L’infarctus cérébral n’est à l’origine d’un trouble de la conscience que lorsqu’il est massif avec oedème cérébral et engagement temporal.

Le pronostic est alors très sombre.

Lorsque l’examen clinique retrouve des signes de localisation (défi cits focaux), l’imagerie cérébrale (TDM ou IRM) permet de rechercher des éléments pour :

– une h émorragie cérébrale ;

– un accident vasculaire ischémique ;

– une t hrombophlébite cérébrale du sinus longitudinal supérieur ou de la veine de Galien ;

– une encéphalopathie hypertensive ou un processus occupant avec hypertension intracrânienne (tumeurs primitives ou secondaires sus-tentorielles ou sous-tentorielles, hématome sous-dural chronique, abcès cérébraux, etc.).

Une atteinte méningée ( raideur de nuque) doit être systématiquement recherchée. Mais lorsque le coma est profond, la raideur de nuque peut disparaître. La ponction lombaire permettra de faire le diagnostic ; elle est réalisée devant tous les troubles inexpliqués de la vigilance.

Chez un patient fébrile, en présence d’un purpura ou si un scanner est réalisé avant la ponction lombaire (signe de localisation), la première injection d’antibiotique est réalisée immédiatement.

En dehors d’un contexte fébrile, on recherchera une hémorragie méningée par un scanner cérébral (présence de sang au scanner dans les espaces sous-arachnoïdiens) complété éventuellement par une ponction lombaire. Les étiologies sont essentiellement en rapport avec des malformations anévrismales du polygone de Willis.

Une crise d’épilepsie, même en l’absence de notion de crise tonicoclonique, est évoquée devant une perte d’urine, une morsure de langue, une respiration stertoreuse.

La phase post-critique d’une crise d’épilepsie excède rarement 20 à 30 minutes avant le retour à une conscience normal. Au-delà, il faut envisager une complication traumatique, vasculaire, tumorale, infectieuse, toxique ou métabolique.

En l’absence de phénomènes convulsifs cliniques, l’hypothèse d’un état de mal épileptique non convulsif justifie la réalisation d’un EEG (activité paroxystique infraclinique).

Diagnostic différentiel des comas :

Un patient qui garde les yeux ouverts mais n’obéit pas aux ordres n’est pas dans le coma.

S’il est capable de se mobiliser, il peut s’agir d’une aphasie globale ou d’un état psychotique hallucinatoire ou défi citaire. S’il ne bouge pas, on peut évoquer un « locked-in syndrom » ou un mutisme akinétique (atteinte frontale bilatérale).

Le diagnostic de coma hystérique est plus délicat.

Le malade :

– ne parle pas ;

– ne bouge pas ;

– et garde les yeux fermés.

On recherche des phénomènes d’opposition (résistance à la levée des paupières, évitement, tonus de fond lors de la mobilisation brusque contrastant avec l’absence de réactivité aux stimulations nociceptives, etc.).

TRAITEMENT :

Les traitements disponibles dépendent essentiellement de l’étiologie du coma associée à la prévention des lésions surajoutées.

L’hyperthermie, l’hypoglycémie, l’hypercalcémie, l’hypercapnie et l’hypoxie doivent être corrigées le plus rapidement possible.

L’hémodynamique est maintenue par remplissage vasculaire et drogues vasoactives.

La correction des troubles métaboliques est effectuée au cas par cas.

La ventilation mécanique avec intubation trachéale est systématique, en raison du risque d’inhalation, lorsque le score de Glasgow est ≤ 7. On peut y surseoir lorsqu’une amélioration rapide est attendue : antidote de type naloxone (NarcanR) pour les opiacés et l’alcool ou flumazénil (AnexateR) pour les benzodiazépines, phase post-critique d’une crise convulsive.

En raison du pronostic sévère des troubles de la conscience associés aux accidents vasculaires ischémiques, l’intubation doit être discutée en fonction du pronostic neurologique.