Bacilles de la Tuberculose

Parmi les nombreuses espèces de Mycobactéries, trois sont responsables de la tuberculose humaine. A côté de M. tuberculosis, la plus fréquente, il existe des cas dus à M. bovis ou à M. africanum.

Bacille de KochHISTORIQUE :

1865 : Villemin montre que la tuberculose humaine est transmissible par inoculation au lapin et au cobaye.

1882 : Découverte du bacille de Koch (actuellement nommé M. tuberculosis), culture sur sérum de boeuf coagulé.

1889 : Découverte du bacille de la tuberculose aviaire.

1902 : Dorset met au point un milieu de culture à l’oeuf qui sera amélioré par divers auteurs (Lôwenstein, Jensen, Coletsos, Petragnani).

1902 : Découverte de M. bovis, agent de la tuberculose bovine.

1921 : Calmette et Guérin obtiennent un vaccin, le bacille de Calmette et Guérin (B.C.G.), après 13 ans de subculture d’une souche pathogène de M. bovis sur pomme de terre biliée glycérinée.

1944 : Waksman découvre la streptomycine.

Années 1950 : Découverte du rôle pathogène éventuel d’autres Mycobactéries « non tuberculeuses » dites atypiques.

1968 : Description de M. africanum.

I – MORPHOLOGIE :

A – Microscopie optique :

D s’agit d’un bacille de 2 à 5 µg de long et de 0,3 p.m de large, rectiligne ou plus ou moins incurvé, aux extrémités arrondies et immobile. Ce bacille est non capsulé, non sporulé.

– Dans les produits pathologiques il se présente sous forme isolée ou en petits amas.

– En culture on peut observer des formes coccoïdes ou filamenteuses.

– A la coloration :

1. Il s’agit de bacilles difficilement colorables par les colorants usuels.

2. Les colorations de ZiehI-Neelsen et à l’auramine sont spécifiques des mycobactéries. Ces dernières contiennent dans leur paroi des acides mycoliques qui sont des structures lipidiques responsables de la propriété « d’acido-alcoolorésistance » des bactéries.

– Dans le cas de la coloration de ZiehI-Neelsen, le colorant utilisé est de la fuchsine phéniquée ; les mycobactéries apparaissent en rosé sur fond bleu en microscopie à immersion.

– Dans le cas de la coloration à l’auramine 0, les bacilles colorés ont une teinte vert-jaune en microscopie à fluorescence après excitation à 434 nm.

B – Microscopie électronique :

La structure de la bactérie est semblable à celle des autres bactéries ; chez les bactéries quiescentes on trouve des granulations de polyphosphates et de poly-P-hydroxybutyrate. L’ADN des bactéries en croissance est associé à des mésosomes.

II – CARACTÈRES CULTURAUX DES BACILLES DE LA TUBERCULOSE :

– Il s’agit de germes aérobies stricts, parfois microaérophiles (M. bovis ou M. africanum) et s’enfonçant alors dans le milieu de culture.

La culture est lente (3 à 4 semaines pour M tuberculosis, 45 à 60 jours pour M. africanum et M. bovis) ; le temps de génération est d’environ 20 h sur les milieux de culture. La croissance est plus lente pour certaines souches, particulièrement pour celles résistant à l’INH (hydrazide de l’acide isonicotinique).

– Ce sont des colonies habituellement R (eugéniques), en chou-fleur, de couleur crème pour M. tuberculosis ou S (dysgoniques) pour M. bovis et M. africanum.

L’aspect des colonies R est dû à la présence de bactéries groupées en cordes qui diffractent ainsi la lumière et rendent la colonie opaque. Au contraire, les colonies S (lisses) ont une texture homogène, permettant le passage de la lumière ; de ce fait ces colonies sont translucides.

Température optimum de croissance : 35 à 37°C.

pH optimum : 6,8 à 7,0.

De l’humidité est nécessaire à la culture ainsi que du CO2 (5 à 10 %) sur les milieux géloses.

Besoins nutritifs :

– Source d’azote : asparagine ou acide glutamique.

– Source de carbone : glycérol (0,75 %) pour M. tuberculosis. pyruvate sodique (0,48 %) pour M. bovis.

Sels (phosphates, potassium, magnésium, citrate de fer)

Les acides gras du milieu de culture ont une action inhibitrice sur la croissance bactérienne. Cette action peut être levée en diluant l’inoculum dans une solution d’albumine.

A – Milieux solides à l’oeuf coagulé :

Ils contiennent du vert malachite à 0,025 % pour inhiber la croissance des germes contaminants. Pour des échantillons très contaminés on peut les employer additionnés d’antibiotiques (ac. nalidixique et pénicilline G). En France, les plus utilisés de ces milieux sont le milieu de Jensen (ou Lowenstem-Jensen) et celui de Coletsos. Ils sont tous opaques.

1. Le milieu de Lôwenstein-Jensen est le milieu de référence pour la détermination de la nature eugonique ou dysgonique des colonies :

M. tuberculosis forme des colonies rough (R) (eugoniques) rugueuses, friables, en chou-fleur, opaques, difficiles à émulsionner, beige-crème et se détachant facilement du milieu de culture.

M. bovis forme des colonies smooth (S) (dysgoniques), petites et faciles à émulsionner.

M. africanum est le plus souvent dysgonique avec un centre acuminé.

Ces deux dernières espèces poussent mieux sur ce milieu additionné de pyruvate.

2. Le milieu de Coletsos donne souvent des colonies plus volumineuses que le milieu de Jensen. M. bovis y pousse plus facilement car ce milieu contient du pyruvate en plus du glycérol.

On décrit trois types de milieux de Coletsos :

– celui à 4 % de gélatine pour bactéries aérobies et en « bon état »,

– celui à 20 % de gélatine pour les bactéries plutôt microaérophiles,

– celui additionné de pulpe d’organes de singe.

Seuls les deux premiers sont utilisés actuellement.

L’avantage des milieux à l’oeuf est leur sensibilité, l’aspect caractéristique des colonies et leur faible prix de revient.

Leur inconvénient est leur qualité variable et leur opacité qui ne permet pas d’observer précocement l’apparition de colonies.

B – Milieux solides géloses (Milieux de Middiebrook et Cohn : 7H10 et 7H11) :

Ce sont des milieux transparents qui doivent être incubés sous 5 à 10 % de CO2 dans des sacs plastiques pour conserver l’humidité.

Avantages : leur transparence permet d’observer précocement, par microscopie au faible grossissement, l’apparition de colonies de mycobactéries ainsi que leur morphologie ; ceci est utile dans le cas de mélange de mycobactéries.

Inconvénients : ces milieux se contaminent facilement et donnent un moins grand nombre de résultats positifs que les milieux à l’oeuf. En outre leur prix de revient est élevé.

Pour la croissance de M. bovis on peut aussi enrichir ces milieux en pyruvate.

C – Milieux liquides :

1. Milieu de Sauton (sels minéraux, asparagine, glycérine) :

M. tuberculosis croît en 8 à 10 jours sous forme de voile.

Ce milieu est utilisé pour le repiquage des souches de B.C.G.

2. Milieu de Dubos et milieu de Youmans :

Les bactéries se déposent au fond du tube

3. Milieu 7H9 (dérivé du milieu de Dubos) :

III – CARACTÈRES D’IDENTIFICATION :

A – Caractères biochimiques :

1. Production d’acide nicotinique (niacin-test) :

M. tuberculosis libère de l’acide nicotinique dans le milieu de culture, sans l’utiliser (99 % souches) (test effectué après 28 jours de culture). M. bovis et le B.C.G. n’en libèrent pas. M. africanum peut en produire plus ou moins précocement ou pas du tout.

Cette recherche s’effectue entre le 28e et le 42e jour de culture.

2. Réduction des nitrates en nitrites (technique de Virtanen) :

Ce test s’effectue sur une culture âgée de 3 à 4 semaines.

M. tuberculosis est nitrate (+),

M. bovis est nitrate (-),

M. africanum est nitrate variable selon les techniques utilisées et selon les biotypes.

3. Catalase :

Toutes les mycobactéries possèdent une catalase, sauf les souches de M. tuberculosis et de M. bovis résistant à plus de 10 u.g/ml d’INH.

Propriété fondamentale : cette catalase est détruite par chauffage à 68°C, à pH 7 et pendant 20 minutes chez M. tuberculosis, M. bovis, M. africanum et le B.C.G., ainsi que chez 3 espèces de mycobactéries non tuberculeuses : M.gastri, M. haemophilum, M. malmoense (parfois M. chelonae et M. avium-intracellulare). Toutes les autres mycobactéries ont une catalase thermostable.

4. Amidases :

M. tuberculosis hydrolyse l’urée, la pyrazinamide et la nicotinamide.

M. bovis n’ hydrolyse que l’urée.

5. 13-glucosîdase et lipase :

Ces activités enzymatiques existent chez M. tuberculosis, mais pas chez M. bovis.

B – Sensibilité à des substances agissant sur le métabolisme de ces bactéries :

1. L’hydrazide de l’acide thiophène 2-carboxylique ou TCH à 2 µg/ml.

Toutes les mycobactéries y sont résistantes (moins de 1 % de survivants), y compris M. tuberculosis. Seul M.bovis et le B.C.G. y sont sensibles. M. africanum y est sensible ou résistant.

Il est à noter que la résistance à l’INH détermine une résistance croisée au TCH chez M. bovis.

2. La thioacétazone ou thiosemicarbazone Tb] à 10 fJg/ml M. tuberculosis et M. bovis sont sensibles à 10 µg/ml de Tbi alors que la plupart des mycobactéries non tuberculeuses (sauf M. kansasii, M. scrofulaceum et M. gastri) y sont résistantes.

M. africanum peut y être sensible ou résistant.

3. La pyrazinamide  M. tuberculosis et M. africanum y sont sensibles et M. bovis résistant.

IV – SENSIBILITÉ AUX AGENTS PHYSIQUES ET CHIMIQUES :

A – Agents physiques :

– Température : Ces germes sont sensibles à la chaleur et cette propriété est utilisée lors de la pasteurisation du lait pour détruire M. bovis (63°C pendant 30 mn).

Par contre ces bactéries résistent à + 4°C.

– Lumière : les bacilles tuberculeux sont sensibles aux rayons ultra-violets.

– Dessication : ils résistent aussi à la dessication et restent virulents dans les gouttelettes de Pfltigge desséchées.

La lyophilisation permet la conservation des souches.

B – Agents chimiques :

1.pH :

Les acides et bases détruisent les mycobactéries, mais moins vite que les germes banals. Cette propriété est mise à profit pour décontaminer certains prélèvements (crachats, urines) tout en conservant la viabilité des mycobactéries.

2. Alcool isopropylique ou éthylique

Ces alcools détruisent les germes de la tuberculose en quelques minutes ; ils sont utilisables sur la peau.

3. Mélanges savon-phénol utilisant l’o-phénylphénol

Les mycobactéries sont tuées en 10 à 30 mn. L’action résiduelle est de 2 à 3 jours.

Ces produits sont utilisables sur la peau.

4. L’hypochlorite de Na

II est efficace dilué au 1/200e avec 10 à 30 mn de contact, mais il n’a pas d’action résiduelle.

5. Le formaldéhyde 3-8 %, le glutaraldéhyde alcalin à 2 % et le phénol à 5% sont aussi actifs.

6. Les ammoniums quaternaires n’ont pas d’action sur les mycobactéries.

Cette propriété est mise à profit dans certains protocoles de décontamination des prélèvements biologiques.

V – CONSTITUTION CHIMIQUE :

Les mycobactéries sont les bactéries les plus riches en lipides extractibles : 20 à 45 % du poids sec de la bactérie. Leur structure de base est un peptidoglycane lié de manière covalente à un mycolate d’arabinogalactane.

1. Peptidoglycane :

Sa composition est analogue à celle du peptidoglycane des autres bactéries.

2. Arabinogalactane :

Ce polyoside est caractéristique des bactéries des genres Mycobacterium, Corynebacterium, Nocardia.

C’est un haptène.

3. Acides mycoliques :

Ce sont des acides gras ramifiés et hydroxylés formés de 60 à 90 atomes de carbone.

Ces acides mycoliques sont responsables de l’acido-alcoolo-résistance des mycobactéries.

4. Mycolate d’arabinogalactane :

Le lipopolysaccharide des bacilles à Gram (-) est remplacé par le mycolate d’arabinogalactane.

5. Mycosides :

Ce sont des glycolipides et des peptidoglycolipides ayant en commun un saccharide terminal contenant du rhamnose 0-méthylé.

Ils sont associés à la paroi des mycobactéries et sont spécifiques de certaines souches :

– type A : souches de mycobactéries non tuberculeuses potentiellement virulentes (M. kansasii) et de M. tuberculosis de virulence atténuée.

– type B : souches M. bovis.

type C : souches aviaires ou saprophytes.

6. Le «cord-factor» (formé d’acide mycolique, de tréhalose, dimycolate de tréhalose) :

II est responsable de la formation de « cordes serpentines » chez M. tuberculosis en milieu liquide de Youmans : il s’agit d’amas de bacilles groupés en cordes à la coloration de Ziehi.

La présence de ces formations est corrélée à la virulence des bacilles tuberculeux.

Le cord-factor n’entraîne pas d’immunité antituberculeuse après injection.

7. Cires :

Ce sont des éléments de paroi extractibles par l’alcool-éther. Selon leurs propriétés physico-chimiques on en distingue 4 types : A, B, C et D. Les souches virulentes possèdent 6 à 8 % de cires D ; ces dernières peuvent remplacer les mycobactéries dans l’adjuvant complet de Freund qui est utilisé comme un facteur adjuvant de l’immunité humorale chez l’animal.

Topologiquement, la paroi bactérienne est formée, de l’intérieur vers l’extérieur, de la membrane cytoplasmique, du peptidoglycane, du polymère d’arabinogalactane et d’acides mycoliques mêlés au dimycolate de tréhalose.

8. Protéines :

Elles sont le support de l’activité tuberculinique et sont extraites du corps bactérien ou du filtrat de culture. Trois types de préparation les contiennent :

– la vieille tuberculine de Koch qui est un ultrafiltrat de culture concentré formé de protéines, de polyosides et d’acides nucléiques,

– la tuberculine de type IP 48, formée de glucides et de protéines,

– le PPD = « Purified Protein Derivative » de Seibert formé uniquement de protéines et qui sert d’étalon de référence international (= RT 23).

Ces protéines injectées par voie intra-dermique permettent de vérifier si un sujet a été au contact de M. tuberculosis ou de M. bovis :

si le sujet n’a jamais été tuberculisé, on n’obtiendra pas de réaction locale (ni infiltration cutanée, ni rougeur, ni papule),

– si le sujet a été tuberculisé, ces protéines provoqueront une réaction locale d’hypersensibilité retardée (HSR). Cette réaction est identique avec les différentes mycobactéries de la tuberculose. Il existe des réactions croisées avec des protéines analogues extraites d’autres mycobactéries et appelées sensitines.

VI – GÉNÉTIQUE DE M. TUBERCULOSIS :

A – Mutants résistants aux antibiotiques :

1. Mécanisme de résistance :

La résistance est due à des mutations chromosomiques ; aucun transfert de matériel génétique conduisant à une résistance n’a pu être mis en évidence.

Taux de mutation de résistance :

Streptomycine : 4.10-5

Isoniazide ou hydrazide de l’acide isonicotinique (I.N.H.) : 5.10-6

Rifampicine : 1.10-6

2. Caractères des mutants INH-résistants :

a/ La résistance à 0,1 ou 0,2 jig I N H I m l est liée à :

la résistance à de fortes concentrations d’éthionamide,

– la persistance de l’activité catalasique,

– la persistance de la virulence pour le cobaye.

b/ La résistance ai àlO f X g INHIml est liée à :

la persistance de la sensibilité à l’éthionamide,

– la perte ou la diminution importante de l’activité catalasique,

– une grande diminution de la virulence pour le cobaye.

3. Caractères des mutants éthionamide-résistants :

a/ Certains résistent au Tb]

b/ D’autres restent sensibles au Tb, mais résistent à de faibles concentrations d’INH (0,1-0,2 µg/ml).

B – Variations génétiques de M. tuberculosis :

Hongrie : colonies vertes sur milieu de Lôwenstein-Jensen, sensibles au TCH.

– Asie : colonies dysgoniques.

– Sud de l’Inde, Madagascar : 30 % de souches ont une activité catalasique faible et une virulence pour le cobaye diminuée et sont très résistantes à l’INH et au Tbi.

B.C.G. : variant de M. bovis.

C – Existence de nombreux mycobactériophages :

12 bactériophages permettent de distinguer 5 lysotypes : 3 types principaux (A, B et C) et 2 types secondaires (Ax et A2).

Il existe des différences géographiques dans les lysotypes.

VII – POUVOIR PATHOGÈNE CHEZ L’HOMME :

L’homme est très sensible à l’infection tuberculeuse, mais seuls 3 à 5 % des sujets infectés développeront une tuberculose pulmonaire ; ce pourcentage augmente chez les sujets stressés ou vivant dans un environnement confiné.

La tuberculose est une maladie encore très répandue ; 7 millions de sujets sont contagieux dans le monde, dont les 3/4 dans des pays en voie de développement.

Chaque année 3,5 millions de cas contagieux nouveaux sont recensés et le nombre de personnes infectées chaque année est estimé de 5 à 8 millions. Environ 2 à 3 millions de personnes meurent encore de tuberculose chaque année.

Incidence

La fréquence annuelle des nouveaux cas de tuberculose – maladie (= incidence) varie selon les pays :

– 300 à 500 cas pour 105 habitants dans certains pays d’Asie, ou d’Océanie,

– 250 cas pour 105 habitants en Afrique,

– 25 cas pour 105 habitants en France (1987),

– moins de 20 cas pour 105 habitants en Australie, Canada, Danemark, USA, Pays-Bas.

Mortalité

Elle diminue régulièrement partout.

En France : en 1910 : 288 pour 105 habitants ; en 1950 : 58 pour 105 habitants et en 1974 : 6 pour 105 habitants

Taux annuel d’infection : Pourcentage de population positivant sa réaction cutanée à la tuberculine chaque année : 1975 : 0,1 % en France, 0,01 % aux Pays-Bas, environ 2 % dans les pays en voie de développement.

Dans les pays industrialisés ce taux diminue de 10 à 11 % chaque année depuis 1950 mais il est constant dans les pays en voie de développement. La chute de l’incidence observée dans les pays développés résulte principalement de l’amélioration des conditions de vie, de la pasteurisation du lait, du diagnostic précoce, du traitement des malades et de la chimiothérapie des sujets contacts.

Actuellement en France, 99 % des tuberculoses humaines sont dues à M. tuberculosis et 1 % à M. bovis. Quant à M. africanum, il peut être rencontré en Afrique de l’Ouest essentiellement.

A-La tuberculose primaire :

Elle développe successivement : un chancre d’inoculation, des adénopathies et éventuellement une dissémination hématogène des bacilles dans tous les organes.

1. Le chancre d’inoculation :

Les bacilles inhalés (cas le plus fréquent) arrivent préférentiellement dans le lobe moyen ou le lobe inférieur droit et se déposent au niveau de l’alvéole, juste sous la plèvre. Il se produit alors une réaction inflammatoire locale aspécifique : les macrophages alvéolaires phagocytent les bacilles tuberculeux ; ceux-ci poursuivent leur multiplication dans la cellule et la détruisent ; ils sont ainsi libérés, repris par d’autres macrophages et le cycle recommence. Ce chancre d’inoculation réalise donc une alvéolite.

2. Les adénopathies :

Les bacilles diffusent de ce foyer primaire vers les ganglions loco-régionaux, c’est-à-dire les ganglions trachéo-bronchiques, et s’y multiplient, créant des adénopathies. L’infection se propage aux autres ganglions par voie lymphogène.

Parallèlement se développe la réaction d’immunité cellulaire afin de tenter de limiter la dissémination hématogène du germe.

3. Dissémination hématogène des bacilles dans tout l’organisme :

Par les lymphatiques efférents les bactéries peuvent gagner la circulation générale et parvenir à tous les organes.

B – Évolution de la tuberculose primaire :

1. Guérison :

C’est le cas le plus fréquent (95 % des cas), car durant les différentes phases de la tuberculose primaire le sujet développe une hypersensibilité à la tuberculine (4 à 12 semaines). Cette hypersensibilité s’accompagne d’une stimulation de l’immunité cellulaire par augmentation de l’efficacité des macrophages vis-à-vis des bacilles tuberculeux. On observe alors histologiquement la formation du follicule tuberculeux autour de la lésion d’alvéolite : les macrophages se différencient en cellules épithélioïdes et en cellules multinucléées géantes dites de « Langhans » qui se disposent en follicules autour de la lésion qui se caséifie. Le groupement de plusieurs follicules réalise les tubercules visibles macroscopiquement, et qui ont donné leur nom à la maladie.

Les bacilles présents dans les organes sont, soit parfois détruits et la guérison est définitive, soit plus souvent quiescents et aident à maintenir une population de lymphocytes T-mémoires spécifiques afin de prévenir toute réinfection par ce germe.

Cependant ces germes quiescents peuvent se réactiver (stress, cortocoïdes, irradiation, immunodépression). L’immunité spécifique est donc très imparfaite.

2. Tuberculose-maladie :

Elle se déclare parfois d’emblée après la primo-infection, ou plusieurs années après. Dans nos régions elle est le plus souvent due à un réveil de bacilles quiescents : c’est la tuberculose par réactivation endogène. Parfois la maladie est déclenchée par surinfection avec une nouvelle souche de bacille tuberculeux : c’est la tuberculose par surinfection.

Lors de la tuberculose-maladie, tout organe peut être atteint (rein ou articulation) sans atteinte pulmonaire. Chez les nourrissons on observera plus volontiers des méningites et des miliaires tuberculeuses ; à l’adolescence les séreuses seront atteintes plus fréquemment tandis que les localisations pulmonaires seront vues de préférence chez les adultes.

Dans le poumon, lorsque le caséum est mal oxygéné (caséum encore solide ou caséum ramolli non évacué), le nombre de bacilles décroît ; lorsque le caséum est en grande partie évacué (cavernes à bronche de drainage ouverte), l’oxygénation est satisfaisante et le nombre de bacilles élevé. La plus grande partie des lésions observées dans la tuberculose pulmonaire semble due à l’action toxique des macrophages activés par les lymphocytes T. Ces macrophages activés libèrent également beaucoup de cytokines (interleukine-1, TNF) qui peuvent avoir un rôle immunorégulateur : blocage de la réponse des lymphocytes T (d’où infection chronique), altération de la recirculation des lymphocytes (d’où faible réaction cutanée d’hypersensibilité retardée et baisse de l’immunité spécifique).

C – Transmission de la tuberculose :

M. tuberculosis étant un parasite strict de l’espèce humaine, l’homme est à la fois le réservoir et l’agent de transmission du bacille. Les malades possédant une caverne pulmonaire sont les principaux disséminateurs du bacille par l’intermédiaire de gouttelettes rejetées à l’occasion de la parole, de la toux ou de l’étemuement.

Les infections autres que pulmonaires, ont un rôle épidémiologique bien moindre.

Les animaux infectés au contact avec l’homme (chien, chat, singe) interviennent peu dans la dissémination de la maladie.

L’infection humaine à M. bovis s’effectue surtout par l’ingestion de produits laitiers contaminés. Les atteintes pulmonaires humaines à M. bovis peuvent être source de contamination pour d’autres sujets.

VIII – POUVOIR PATHOGÈNE EXPÉRIMENTAL :

A – Animal de choix : le cobaye :

II est sensible à M. tuberculosis et à M. bovis et toutes les voies d’inoculation sont efficaces ; de plus il n’est pas sensible à des germes pouvant contaminer les cultures (Bacillus). Les produits sont décontaminés par de la soude à 0,25 % (concentration finale), neutralisés puis injectés. En pratique, on effectue une injection sous-cutanée dans la face interne de la cuisse chez un cobaye ne réagissant pas à la tuberculine

– 10 à 15 jours après l’injection apparaît un nodule qui s’ulcère et forme un chancre qui persiste jusqu’à la mort de l’animal,

– puis apparaît une adénopathie satellite qui s’étend à tous les ganglions,

– enfin la mort de l’animal survient en un à trois mois.

A l’autopsie, des nodules blanchâtres sont observés dans la rate, le foie et les poumons ; ces organes contiennent des bacilles tuberculeux.

Cependant M. tuberculosis et M. bovis résistant à 10 u-g/ml d’INH ont une virulence très atténuée pour le cobaye. Le B.C.G. n’a pas de pouvoir pathogène pour le cobaye ; cependant à de très fortes doses apparaissent des lésions qui guérissent rapidement.

Cette inoculation n’est plus réalisée car les méthodes actuelles in vitro sont satisfaisantes et les cobayes sont insensibles à d’autres mycobactéries potentiellement pathogènes pour l’homme.

B – Le lapin :

II est sensible à 10 p.g de M. tuberculosis et M. africanum injectés par voie intra-veineuse : il se crée des lésions pulmonaires souvent peu importantes et régressives.

Par contre, 10 u.g de M. bovis provoquent par voie intra-veineuse, la mort de l’animal par tuberculose généralisée.

C – La souris :

Elle est sensible à M. tuberculosis et à M. bovis par voie intra-veineuse.

D – Le phénomène de Koch :

II s’agit d’un phénomène mis en évidence uniquement chez le cobaye. L’injection de bacilles tuberculeux par voie sous-cutanée produit un chancre d’inoculation d’apparititon tardive (15e jour environ). Une deuxième injection de bacilles tuberculeux est alors réalisée par la même voie en un autre site.

1e cas : les deux injections sont séparées de 40 jours et plus

On observe un chancre suppuratif au premier point d’injection ; celui-ci demeurera jusqu’à la mort de l’animal, et la lésion évoluera de façon lente et progressive avec dissémination des bacilles dans tout l’organisme du cobaye.

– Le deuxième point d’injection devient ecchymotique en 24 à 48 heures, se nécrose et forme un ulcère superficiel sans mycobactéries qui guérit en 10 à 15 jours. Il s’agit d’une évolution vive et précoce. Cette seconde inoculation n’évolue donc pas comme la première.

2e cas : les deux injections sont séparées de moins de 25 jours

Dans ce cas l’animal ne présente pas encore de sensibilité à la tuberculine et la deuxième inoculation évolue comme la première.

Le phénomène de Koch montre donc la présence de deux réactions de l’organisme :

– le phénomène de sensibilisation (ecchymose et escarre),

– le phénomène de résistance (blocage de la multiplication des bacilles et arrêt de leur dispersion).

IX – DIAGNOSTIC BACTÉRIOLOGIQUE DE LA TUBERCULOSE – MALADIE :

A – Diagnostic direct :

II s’agit de la mise en évidence du bacille par l’examen microscopique et par la culture.

1. Les prélèvements et leur traitement :

a/ Les prélèvements :

Crachats matinaux (5-10 ml) obtenus lors d’un effort de toux ou après aérosol d’eau salée à 10 %.

– Tubages gastriques le matin à jeun (ils correspondent à des crachats déglutis pendant la nuit). Si ces tubages doivent attendre plus de 4 heures avant d’être traités, il faut y ajouter 100 mg de NaHC03.

– Urines prélevées au milieu du jet (urines matinales et non de 24 heures).

– Les écouvillonnages peuvent être source de résultats faussement négatifs en raison de la faible quantité de matériel recueilli et de la difficulté de détacher les mycobactéries de l’écouvillon (rôle des lipides de l’enveloppe bactérienne).

– Sang prélevé soit dans un tube contenant de la saponine (système Du Pont Isolator) afin de libérer les mycobactéries des phagocytes, soit dans un tube avec anticoagulant si on utilise le système de culture radiométrique.

– Tissus, liquides pleuraux, péritonéaux, sang, pus, liquides articulaires.

Tous ces échantillons doivent être gardés à 4°C, particulièrement si un certain délai doit s’écouler entre le prélèvement et son traitement par le laboratoire.

b/ Traitement :

Produits stériles (LCR, ponctions, biopsies, sang hémolyse par la saponine) :

Concentrer les bacilles par centrifugation si les produits sont liquides ; pour les produits solides, les broyer au mortier avec du sable et centrifuger après décantation pour avoir un culot qui servira à l’examen direct et à la culture.

– Urines :

Concentrer les urines par centrifugation ; faire une lame avec une fraction du culot ; le reste du culot est décontaminé soit comme un crachat, soit par H2SO4 (2 % final) pendant 15 mn et neutralisé.

– Crachats :

II faut les homogénéiser, c’est-à-dire les rendre fluides et éliminer les germes banals. On décrit de nombreuses techniques :

– la technique Petroff (soude 2 % final), à 37°C pendant une heure sous agitation,

– la technique Tacquet et Tison (soude 0,5-0,7 % et SDS 1,5-2 %) pendant 40 mn sous agitation à température ambiante,

– la technique au chlorure de benzaikonium (ammonium quaternaire)-phosphate trisodique, pendant 30 mn sous agitation,

– la technique à l’acétylcystéine-soude pendant 15 minutes sous agitation,

– la technique au cétyl-pyridinium (ammonium quaternaire),

– la technique à l’acide oxalique 2,5 % pour les crachats contaminés par des Pseudomonas .

Après ce traitement, les culots obtenus après neutralisation et centrifugation, sont déposés sur une lame pour l’examen direct, et ensemencés.

2. L’examen direct :

Une fraction du culot est étalée sur une lame et colorée.

– Méthode rapide de dépistage par microscopie à fluorescence : la coloration à l’auramine 0 (objectif 40, bâtonnets jaune-vert fluorescents). Les mêmes lames peuvent être colorées au Ziehl pour confirmation d’un résultat positif.

– Coloration de ZiehI-Neelsen à la fuchsine phéniquée en microscopie classique à immersion. Une lame doit être observée 20 mn (objectif 100, bâtonnets rosés) avant de conclure à la négativité de l’examen.

L’abondance de bacilles acido-alcoolo-résistants observés doit être exprimée sous forme d’un résultat semi-quantitatif.

3. Culture :

a/ Milieux solides :

On ensemence des tubes de Lôwenstein-Jensen et/ou de Coletsos avec les culots.

Les produits à ensemencer peuvent être mis en suspension dans 1 à 2 ml d’albumine à 2 %o pH 6,8 pour favoriser les cultures.

Habituellement on ensemence, plusieurs tubes de milieux à l’oeuf, par prélèvement.

Certains auteurs préconisent d’ensemencer en outre un milieu gélose permettant un diagnostic précoce et un milieu à l’oeuf additionné d’antibiotiques (acide nalidixique, pénicilline) pour des prélèvements contaminés. Toute la surface du milieu doit être ensemencée ; il faut boucher au coton ou ne pas visser hermétiquement la capsule pour laisser sécher l’inoculum pendant 24 à 72 heures à 37°C. Enfin il faut capuchonner ou visser hermétiquement les tubes pour éviter la dessication du milieu. Ces cultures sont gardées trois mois à 37°C. Les milieux géloses sont incubés en présence de 5-10 % de CO2 dans des sacs plastiques.

Les prélèvements d’origine superficielle seront incubés quatre mois à 30°C et 37°C pour la recherche de certaines mycobactéries non tuberculeuses (M. marinum, M. ulcérons, M. haemophilum).

La première lecture s’effectue à la première semaine pour éliminer les tubes contaminés (jusqu’à 5 %, le taux de contamination est normal et acceptable) et pour repérer les mycobactéries à croissance rapide. Les bacilles tuberculeux poussent en trois semaines ou bien davantage, c’est pourquoi les cultures seront gardées pendant 3 mois environ et régulièrement contrôlées.

b/ Milieux liquides :

La culture des mycobactéries peut être réalisée directement en milieu liquide. Les prélèvement stériles et ceux décontaminés par traitement sont ensemencés dans des flacons hermétiques contenant un milieu liquide de Middiebrook additionné d’une association d’antibiotiques et d’antifongiques ( polymyxine B, amphotéricine B, acide nalidixique, triméthoprime et agiocilline).

Dans la méthode radiométrique (type Bactec), on utilise un milieu liquide 7 H12

additionné de palmitate marqué au 14C ; pour les hémocultures, ce milieu est encore

supplanté. On mesure 2 à 3 fois par semaine l’augmentation de 14CO2 dans l’atmosphère de culture. La croissance des mycobactéries de la tuberculose est détectable en moyenne dès la fin de la première semaine de culture. Les flacons sont contrôlés pendant 6 semaines.

Une autre méthode non radiométrique utilise un milieu biphasique. Des lames couvertes de milieux géloses (gélose chocolat, milieu 7H11 et milieu 7H11 additionné de P-nitro et acétylamino p hydroxypropiophénone) sont immergées régulièrement par retournement dans un milieu liquide 7H9. La croissance bactérienne s’observe en moyenne en 2 semaines.

4. Inoculation au cobaye :

L’inoculation au cobaye est très peu utilisée car les milieux de culture actuels sont plus performants.

Elle est parfois utile pour purifier des cultures de mycobactéries contaminées par des Bacillus ou dans le cas de produits très contaminés (ajouter alors des antibiotiques aux produits homogénéisés par la soude).

Elle sert surtout à confirmer le pouvoir pathogène d’une mycobactérie.

5. Identification des mycobactéries en culture :

II faut procéder dans l’ordre :

a/ Coloration de Ziehl :

Vérifier que les colonies, pigmentées ou non, à croissance rapide ou non, sont des bacilles acido-alcoolo-résistants.

b/ Vitesse de croissance à 37 °C et température de croissance :

M. tuberculosis, M. bovis, M. africanum, B.C.G. poussent lentement (3 semaines ou davantage). L’appréciation de la vitesse de croissance s’effectue sur une subculture de colonies isolées.

c/ Pigmentation et aspect des colonies :

Certaines mycobactéries sont pigmentées en jaune-orangé, soit à l’obscurité (scotochromogènes), soit uniquement après exposition à la lumière (photochromogènes). Les mycobactéries tuberculeuses sont de couleur crème.

L’aspect rugueux ou lisse des colonies peut orienter l’identification.

d/ Réactions biochimiques et résistance à des agents antibactériens :

a. diagnostic positif :

M. tuberculosis :

Colonies eugoniques (R) habituellement

Niacine (+)

Nitrate (+) (technique de Virtanen)

Catalase 68°C (-)

Af. bovis :

Colonies dysgoniques (S) à croissance très lente (6 semaines)

Niacine (-)

Nitrate (-)

Catalase 68°C (-)

TCH sensible

Pyrazinamide résistant

D-cyclosérine sensible

B.C.G :

Colonies eugoniques comme celles de M. tuberculosis

Biochimiquement il s’agit de M. bovis résistant à la D-cyclosérine et sensible aux autres antibiotiques anti-tuberculeux.

Vitesse de croissance semblable à celle de M. tuberculosis

M. africanum :

Colonies dysgoniques avec un centre acuminé sur milieu de Lôwenstein-Jensen

Niacine (+/-) ou positivité retardée (42e jour de culture)

Nitrate (-/+)

TCH et Tbi : sensible ou résistant Catalase à 68°C (-)

II existe souvent une discordance entre le nombre de bacilles vus à l’examen direct et le faible nombre de colonies observé à la culture.

M. africanum présente des caractères intermédiaires entre M. tuberculosis et M. bovis. Il pousse lentement et donne des colonies dysgoniques sur milieu de Lôwenstein-Jensen. On en distingue 3 types selon leurs réactions biochimiques (réduction des nitrates selon Tacquet) et de résistance aux agents antibactériens TCH et Tbi : types Rwanda, Dakar et Yaoundé. M. africanum est observé dans 30 à 40 % des tuberculoses d’Afrique Occidentale et Centrale.

b. diagnostic différentiel :

– Mycobactéries Niacine (+) M. tuberculosis, M . simiae (scotochromogène), parfois M. marinum (photochromogène), parfois M. chelonae (croissance rapide).

– En présence d’une mycobactérie à croissance lente, non pigmentée, niacine (-), nitrate (-) et catalase 68°C (-), il faut évoquer : M. bovis, le B.C.G., M. gastri, M. malmoense et parfois M. avium-intracellulare dont l’activité catalasique à 68°C est souvent faible. La sensibilité au TCH est un des caractères permettant de différencier M. bovis ; le B.C.G. doit être éliminé par la recherche de la sensibilité à la D-cyclosérine et/ou par l’inoculation au cobaye.

c/ Identification présomptive avec culture directe en milieu liquide :

Dans le système Bactec, les bactéries ayant poussé en milieu liquide sont transférées dans un autre flacon additionné du composé NAP (p-nitro et acétylmino, hydroxypropiophénone). La croissance des bactéries de la tuberculose est inhibée par ce composé, tandis que celle des autres mycobactéries continue à s’effectuer. Cette croissance est comparée à celle qui se produit dans un autre flacon dépourvu de NAP.

On étudie en outre la vitesse de croissance en milieu liquide (assez lente pour les mycobactéries de la tuberculose) et les propriétés morphologiques et tintoriales des mycobactéries. Cette différenciation entre bactéries tuberculeuses et non-tuberculeuses revêt une importance clinique et épidémiologique en raison de sa précocité. Cependant le BCG n’est pas différencié de M. tuberculosis et des méthodes complémentaires devront affiner l’identification.

d/ Identification à l’aide des sondes nucléiques spécifiques :

Des sondes d’acides nucléiques spécifiques du groupe tuberculosis, de M. avium-intracellulare, de M. kausasii et de M. gordonae permettent l’identification de certaines espèces ayant crû en milieux solide ou liquide. Elles sont utiles pour différencier les mycobactéries tuberculeuses des non-tuberculeuses et les résultats obtenus sont très satisfaisants. Elles permettent même de détecter des mycobactéries tuberculeuses dans des prélèvements très riches en bacilles. Leur inconvénient est encore leur radiomarquage.

6. Étude de la sensibilité aux antibiotiques antituberculeux :

a/ Méthode classique :

L’efficacité clinique d’un antibiotique dépend de la proportion de mutants résistants présents naturellement au sein de la souche. L’étude in vitro de la sensibilité d’une souche aux substances antituberculeuses s’effectue par la « méthode des proportions » réalisée en milieu solide et qui permet de détecter le taux de mutants résistants à chaque antibiotique au sein de la souche à étudier.

En pratique courante on utilise la méthode des proportions de Canetti, Rist et Grosset : un coffret d’antibiogramme est constitué de trois jeux identiques de milieux formés chacun de deux tubes de milieux de Lôwenstein-Jensen servant de témoins et de plusieurs tubes du même milieu additionné d’une concentration d’antibiotiques (INH, éthambutol…). Cette concentration s’appelle concentration critique.

On effectue une suspension de la souche à tester dans de l’eau distillée à une concentration de 1 mg/ml par comparaison avec un étalon, et on réalise trois dilutions : 10-1, 10-3 et 10-5. Pour chaque dilution on ensemence un jeu de tubes (0,2 ml/tube).

La lecture consiste à mesurer le pourcentage de bactéries résistantes pour chaque antibiotique testé. Ce pourcentage est comparé à un nombre appelé proportion critique qui diffère selon les antibiotiques. Si le pourcentage de survivants est supérieur à la proportion critique, la mycobactérie est considérée comme résistante ; si ce pourcentage lui est inférieur, elle est considérée comme sensible. La lecture s’effectue au 28e jour ; pour M. bovis il faut souvent attendre 40 à 50 jours avant de pouvoir lire l’antibiogramme.

Les concentrations critiques d’antibiotiques sont totalement différentes de la CMI de cet antibiotique ; la proportion critique n’a rien de commun avec le taux de mutation de résistance spontanée à cet antibiotique. Proportion critique et concentration critique sont caractéristiques d’un antituberculeux dans un milieu de culture donné. Ces deux nombres ont été déterminés sur des bases bactériologiques, pharmacologiques et thérapeutiques. La concentration critique diffère selon que l’antibiogramme est effectué sur milieu à l’oeuf ou sur milieu gélose car la présence des protéines de l’oeuf conduit à une moins grande biodisponibilité de certains antibiotiques ; de plus le chauffage à 85°C pendant 50 minutes nécessaire à la coagulation du milieu à l’oeuf peut réduire l’activité de certains antibiotiques.

Concentrations critiques d'antibiotiques et proportions critiques de mutants résistants
Concentrations critiques d’antibiotiques et proportions critiques de mutants résistants

A la dilution 10-5 on compte en moyenne 25 colonies par tube témoin. Aux dilutions 10-3 et 10-1 les cultures sont confluentes dans les tubes témoins et le nombre de bactéries par tube témoin est estimé respectivement à 25 x 102 et 25 x 104.

Le pourcentage de mutants résistants aux antibiotiques est calculé de la manière suivante :

Rifampicine : 50 / (25 x 104) = 2 x 10-4 = 0,02 % : souche sensible à la rifampicine.

Streptomycine : 110 / (25 x 10²) = 4 x 10-2 = 4% : souche résistante à la streptomycine.

Cette méthode permet d’effectuer un antibiogramme indirect à partir de la culture d’une mycobactérie ou encore un antibiogramme direct à partir d’un produit pathologique préalablement décontaminé, à condition que ce dernier soit suffisamment riche en bacilles (au moins 1 à 10 pour 10 champs à l’immersion).

L’étude de la sensibilité des mycobactéries à la pyrazinamide doit s’effectuer à pH acide (5,5). Il faut dont que les tubes témoins montrent une croissance à ce pH, ce qui est parfois difficile à obtenir. C’est la raison pour laquelle les tubes témoins utilisés (sans antibiotique) sont différents de ceux employés pour tester les autres antibiotiques antituberculeux.

b/ Méthode radiométrique en milieu liquide :

Un antibiogramme des mycobactéries du groupe tuberculosis peut être obtenu plus rapidement à l’aide du système Bactec (milieu 7H12 additionné d’un substrat marqué au 14C). La suspension de mycobactéries est ensemensée dans un flacon témoin ne contenant pas d’antibiotique et dans divers flacons contenant chacun un antibiotique (INH, streptomycine, rifampicine, éthamhitol, pyrajinamide). Un germe est considéré comme sensible à l’antibiotique testé si sa croissance, suivie par la production de 14C02, est inhibée de plus de 99% en présence de l’antibiotique par rapport à celle observée en l’absence d’antibiotique. Le résultat de l’antibiogramme s’obtient habituellement en une semaine au lieu des 3 semaines de la méthode classique.

Cette technique permet aussi une détermination rapide de la CMI d’un antituberculeux donné, en étudiant au minimum 3 concentrations différentes de ce produit.

La technique radiométrique présente l’avantage de la rapidité. Elle ne permet cependant pas encore de tester la sensibilité des mycobactéries dites atypiques.

7. Détection rapide et sensible de mycobactéries directement dans les produits pathologiques : laPCR

Une méthode d’amplification génique in vitro (PCR pour polymerase chain reaction) devrait être prochainement commercialisée (1992). Elle permettra de détecter et d’identifier simultanément des mycobactéries directement dans les produits pathologiques en quelques heures, sans passer par l’étape de la culture. Les résultats préliminaires obtenus par comparaison aux méthodes de culture sont satisfaisants. L’avantage de cette technique réside dans sa rapidité ; son incovénient est de ne pas permettre la réalisation d’antibiogrammes puisqu’aucune souche n’est isolée par PCR.

B – Diagnostic sérologique :

II n’est jamais entré en pratique et ne présente pas aujourd’hui d’intérêt diagnostique. En effet il peut exister des anticorps chez les sujets infectés, mais il en existe également chez les sujets vaccinés par le B.C.G. En outre il n’est pas encore démontré qu’ils représentent un bon marqueur d’infection ou d’absence d’infection ou d’efficacité d’un traitement antibiotique.

X – TRAITEMENT :

A – Curatif :

Une caverne tuberculeuse comporte environ 108 bacilles, donc contient spontanément 100 à 1 000 germes résistant à un antibiotique. Il faudrait donc au moins 2 antibiotiques pour réaliser un traitement efficace. En pratique on en associe trois à quatre car 5 à 10 % des souches infectantes sont résistantes d’emblée, avant tout traitement, à un antibiotique au moins. C’est la résistance primaire.

Actuellement la résistance primaire se répartit comme suit :

– streptomycine : 6 % des souches,

– INH : 3 %,

– rifampicine : 0,2 %,

– éthambutol : 0,1 %.

Cette résistance primaire est stable statistiquement.

Après 2 mois de traitement, si les cultures faites tous les mois sont négatives, on ne donne plus que deux antibiotiques parce qu’on possède alors l’antibiogramme et parce que la population bactérienne résiduelle est de l’ordre de 102 bactéries seulement. Si les cultures restent positives après quelques mois de traitement, il faudra refaire un antibiogramme car une résistance secondaire aura pu apparaître (traitement mal suivi).

Cette résistance secondaire tend à diminuer.

Les antituberculeux majeurs utilisés sont :

INH, rifampicine, éthambutol, streptomycine, pyrazinamide (ce dernier est inactif sur M. bovis)

En cas de résistance multiple on utilise des antituberculeux mineurs : PAS (acide para-aminosalicylique), kanamycine, D-cyclosérine, éthionamide, prothionamide, viomycine, capréomycine.

La durée du traitement est actuellement de l’ordre de 6 à 9 mois en l’absence de complications.

Signalons que les fluoroquinolones (ofloxacine) sont actives sur les mycobactéries de la tuberculose.

B – Traitement prophylactique :

1. Dépistage radiologique :

Étudiants, embauche (médecine du travail), travailleurs de laboratoires, médecins…

2. Chimioprophylaxie :

INH pour les sujets contact. Un seul antibiotique suffit car ces sujets sont très peu bacillifères. Il faut contrôler si la souche isolée chez le malade est sensible à l’INH.

3. Contrôle de la tuberculose bovine :

Les cas de tuberculose humaine à M. bovis diminuent parallèlement au contrôle de la tuberculose bovine et à la pasteurisation du lait.

4. Vaccination par le B.C.G :

Préparation

II s’agit d’une souche de M. bovis virulente à l’origine. Après 230 passages sur pomme de terre biliée glycérinée, cette souche a perdu son pouvoir pathogène pour tous les animaux et l’homme.

Le vaccin est préparé à partir du voile obtenu en milieu de Sauton ; il est soit broyé et mis en suspension en milieu liquide (stable 3 à 4 semaines), soit lyophilisé (meilleure conservation).

– Mode d’administration :

– Buccal (peu efficace)

– Injection intra-dermique : technique très efficace, bien quantifiable mais accompagnée de 5 % de réaction locale importante

– Scarification : technique très efficace, peu d’accidents, mais peu précise.

– Indications :

La vaccination s’effectue chez des sujets ayant une réaction d’hypersensibilité retardée négative à la tuberculine.

Les enfants sont souvent vaccinés au premier trimestre de la vie, mais la vaccination n’est obligatoire en France qu’à l’âge de 6 ans.

– Contre-indications :

S’agissant d’une souche vivante, les malades ayant un déficit immunitaire, et les femmes enceintes ne doivent pas être vaccinés. Autres contre-indications : eczéma du nourrisson, prématurité, corticothérapie, maladie aiguë évolutive.

Le B.C.G., une fois injecté, produit en trois semaines un chancre d’inoculation avec adénopathie satellite. L’immunité apparaît en même temps ou un peu plus tard que l’hypersensibilité retardée. L’efficacité de la vaccination est contrôlée par cuti-réaction 2 mois après l’inoculation.

L’immunité conférée par la vaccination est imparfaite ; elle n’est pas définitive non plus et des rappels peuvent être nécessaires.

Les incidents sont rares (moins de 1 %<?) :

– adénite fistulisée qui cède spontanément en quelques mois ou ulcération du nodule vaccinal,

– abcès sous-cutané en cas d’injection sous-cutanée,

– lupus post-vaccinaux, atteintes ostéo-articulaires (nourrissons) et B.C.G.ites mortelles dues à un déficit immunitaire ignoré lors de la vaccination.

– Efficacité du B.C.G. :

Depuis 1921, plusieurs centaines de millions de vaccinations ont été effectuées, mais le degré de protection conféré par le B.C.G. demeure l’objet de discussion.

Les huit essais principaux effectués ont donné des résultats contradictoires : pour les essais effectués en zone tempérée, la protection est d’environ 80 % ; pour des essais effectués en zone tropicale, la protection semble faible ou nulle.

Or en zone tropicale l’infection latente par des mycobactéries non tuberculeuses est très répandue, ce qui entraîne une hypersensibilité tuberculinique de faible degré et donc une certaine immunité contre la tuberculose, suffisante pour masquer l’effet propre du B.C.G., mais insuffisante pour protéger réellement les sujets contre la tuberculose.

Actuellement il semble que la vaccination par le B.C.G. exerce un effet protecteur en bloquant la dissémination hématogène des bactéries, limitant ainsi l’infection à des proportions subcliniques. Le B.C.G. n’empêche pas la primo-infection et n’a pas de rôle thérapeutique vis-à-vis d’une infection constituée ; il réduit surtout la probabilité de survenue d’une miliaire et d’une méningite tuberculeuse, surtout chez les jeunes enfants. C’est la raison pour laquelle, au plan international, on recommande la vaccination par le B.C.G. de tous les enfants vivant dans des zones où l’on observe un taux élevé de conversion spontanée des réactions d’hypersensibilité à la tuberculine.

Signalons enfin l’utilisation du B.C.G. dans certaines affections néoplasiques et dans le traitement de la lèpre lépromateuse comme moyen de stimulation non spécifique de l’immunité cellulaire.

C – Mesures de précaution au laboratoire :

Les personnes travaillant dans les laboratoires de bactériologie médicale font partie des sujets plus particulièrement exposés au risque de tuberculose. C’est pourquoi certaines précautions sont indispensables : en particulier il faut minimiser la dispersion de mycobactéries dans l’air et éviter l’inhalation de bacilles tuberculeux.

Le personnel travaillant avec des mycobactéries doit subir un examen médical une fois par an. L’hypersensibilité retardée à la tuberculine doit être contrôlée chaque année chez les sujets négatifs ; chez les autres, une radiographie du thorax doit être effectuée chaque année.

Les anses de platine peuvent être dangereuses à utiliser car le film de liquide qu’elles transportent peut se briser et disperser des germes tout alentour ; l’utilisation de pipettes Pasteur est préférable avec un dispositif de pipetage adapté. Le pipetage à la bouche doit être proscrit ; le lavage des mains doit être soigneux.

Les laboratoires seront équipés de hottes aspirantes (0,4 m/s) protégeant l’opérateur avec certitude, et sous lesquelles seront effectuées les opérations suivantes : transfert d’échantillons d’un tube à un autre, agitation de solutions virulentes, préparation des étalements sur lame, ensemencement de milieux. Un coton imbibé de désinfectant doit toujours être disponible sous la hotte afin de nettoyer les bords des tubes dans lesquels ont été transférées des solutions contaminées. Le plan de travail de la hotte doit toujours être désinfecté avant et après usage.

Les centrifugeuses et agitateurs doivent être situés dans des endroits spécialement ventilés.