Bordetella

HISTORIQUE :

En 1900, Bordet décrivait un bacille à Gram négatif comme agent de la coqueluche.

En 1906, Bordet et Gengou ont réussi à faire pousser ce bacille sur un milieu gélose peptoné à base de pomme de terre et additionné de sang.

La coqueluche a été longtemps une cause importante de mortalité infantile. La vaccination a permis de faire disparaître en France cette cause de mortalité. Néanmoins des épidémies pourraient réapparaître si la vaccination n’était pas suffisamment appliquée.

BordetellaI – DÉFINITION ET CLASSIFICATION :

Les Bordetella sont des coccobacilles (0,5 à 1 |J.m de long et 0,2 à 0,4 u.m de large) à Gram négatif, disposés seuls ou par paires mais rarement en courtes chaînettes ;

– aérobies stricts, à métabolisme respiratoire ;

– ne fermentant aucun hydrate de carbone et ne produisant pas de gaz ;

– exigeants en nicotinamide et en dérivés soufrés (cystéine), mais pas en facteur X ou V ;

– leur G + C % est compris entre 61 et 70 ;

– ayant un tropisme pour les muqueuses respiratoires des mammifères. Trois espèces principales, dont l’homologie ADN/ADN est très voisine, sont rencontrées chez l’homme : B. pertussis, B. parapertussis et B. bronchiseptica. B. aviwn est une espèce isolée chez les dindes et les dindonneaux.

II – POUVOIR PATHOGÈNE :

La coqueluche, maladie infectieuse des voies respiratoires supérieures, est généralement due à B. pertussis. Après une incubation silencieuse d’environ une semaine, la période d’invasion est marquée par un catarrhe rhino-trachéobronchique qui constitue la phase la plus contagieuse. Elle est suivie par la période des quintes où le diagnostic clinique est évident en raison de la toux paroxystique (chant du coq). Atteignant surtout les jeunes enfants, la coqueluche chez le nourrisson de moins de 3 mois est une maladie grave parfois mortelle, la mort survenant par asphyxie. Les infections secondaires et les complications neurologiques sont à redouter.

B. parapertussis peut aussi être responsable de syndromes coquelucheux.

B. bronchiseptica est un pathogène des voies aériennes supérieures des animaux domestiques, responsable de la rhinite atrophique du porc. Rarement isolée chez l’homme, cette bactérie provoque des pseudocoqueluches.

III – HABITAT – ÉPIDÉMIOLOGIE :

B. pertussis a comme réservoir unique l’homme. On pense que des adultes immuns puissent être les porteurs du bacille au niveau de leur muqueuse oro-pharyngée et le transmettre ainsi à des enfants non immunisés. La contamination se fait par voie aérienne.

La coqueluche évolue selon un mode endémo-épidémique. Dans les pays où la protection vaccinale est bonne, les épidémies sont rares. Par contre dans les pays où le taux d’immunisation des enfants est faible (inférieur à 50 %), des épidémies importantes peuvent survenir. Plus de 100 000 cas de coqueluche ont été observés en Grande-Bretagne en 1977. En 1982 plus de 1 000 cas par semaine y étaient notifiés.

En France on estime à 1000 par an le nombre de cas de coqueluche hospitalisés. Il s’agit d’enfants de moins de un an.

On a constaté une recrudescence de la coqueluche en Australie à partir de 1987.

L’incidence de la coqueluche dans les pays européens a diminué en grande partie grâce à la vaccination alors que cette maladie serait en augmentation aux USA.

B. pertussis a aussi été isolée fortuitement chez des malades atteints de Sida dont les sécrétions bronchiques avaient été ensemencées sur milieu BCYE pour recherche des Legionella.

IV – PHYSIOPATHOLOGIE :

La coqueluche, toxi-infection à B. pertussis est une maladie essentiellement broncho-pulmonaire, le bacille a un tropisme pour les cellules ciliées de l’épithélium respiratoire. Les bactéries adhèrent aux cils vibratiles des cellules, provoquent une paralysie des cils et une activation des sécrétions muqueuses. Les cellules lésées et les sécrétions sont éliminées par la toux.

A la phase d’état de la maladie, il n’y a plus de B. pertussis viables dans les sécrétions. Les signes cliniques observés sont alors dus à des facteurs de virulence libérés par la bactérie.

B. pertusis possède plusieurs antigènes, un antigène capsulaire polyosidique, un antigène somatique thermostable correspondant à l’endotoxine des bactéries à Gram négatif.

Plusieurs facteurs de virulence sont produits :

— la toxine pertussique (PT), c’est une toxine protéique libérée partiellement par le germe (différents synonymes ont été employés pour désigner cette toxine, reflétant ses diverses activités : HSF, histamine-sensitizing factor, LPF, lymphocytosis-promoting factor et IAP, islet-activating protein). Cette protéine oligomérique de 117 kDa agit sur différentes cellules eucaryotes en augmentant la concentration intra-cellulaire de l’AMPc (en particulier dans les cellules épithéliales du tractus respiratoire). Elle agit sur le site régulateur négatif ( G-protéine) de l’adénylate-cyclase membranaire en levant l’inhibition de cette enzyme par une réaction d’ADP-ribosylation. Elle provoque une hyperlymphocytose qui est un signe clinique important dans cette maladie.

— l’adénylate-cyclase exocellulaire de B. pertussis est excrétée sous la forme d’une protéine de 200 kDa dont un fragment de 43 kDa correspond à l’adénylate-cyclase, les autres parties possédant des fonctions de fixation et d’intemalisation, elle possède une activité hémolytique, elle est activée par la calmoduline intra-cellulaire. Son rôle essentiel est d’augmenter le pool d’adénylate-cyclase intra-cellulaire et de diminuer les fonctions phagocytaires des polynucléaires et des macrophages.

— les hémagglutinines sont impliquées dans l’attachement de B. pertussis aux cellules épithéliales. L’hémagglutinine filamenteuse ou FHA, est portée par des pili.

— d’autres toxines ont été décrites : une toxine dermonécrotique (HLT = heat labile toxin), une cytotoxine trachéale (TCT = trachéal cytotoxin) agissant sur les cellules ciliées.

V – DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE DE LA COQUELUCHE :

A – Isolement et identification de B. pertussis :

Schéma : receuil des mucosités
Schéma : receuil des mucosités

1. Le prélèvement :

II doit être précoce, dès l’apparition des premiers signes cliniques. En effet, les bactéries se raréfient dès l’apparition des quintes.

Le recueil des mucosités se fait soit à l’aide d’un écouvillon souple en alginate de calcium ou en dacron, introduit par la narine jusqu’à la fosse nasale postérieure, soit à l’aide d’une sonde souple montée sur une seringue. Les autres méthodes de recueil sont à déconseiller car elles donnent des résultats très inférieurs.

2. Milieu de culture :

Les milieux de culture doivent être ensemencés sans délai, au lit du malade ou à défaut en utilisant un milieu de transport (milieu de Regan et Lowe ou Stainer et Scholte).

Au sortir de l’organisme, B. pertussis ne pousse pas sur gélose ordinaire.

Le milieu de Bordet-Gengou

C’est un milieu gélose empirique constitué d’une infusion de pomme de terre, de glycérine et de NaCl auquel est ajouté 15 % de sang frais stérile dé fibrine de cheval, de mouton ou de lapin.

Le rôle du sang est de neutraliser certains inhibiteurs de la croissance de B. pertussis, tels les acides gras. Dans le milieu de Regan on ajoute également du charbon activé.

Le milieu peut être rendu sélectif par addition de méticilline à la concentration finale de 2,5 µg/ml ou mieux de la céfalexine à la concentration finale de 40 (Ag/ml.

Il existe également un milieu synthétique liquide, le milieu de Stainer et Scholte.

Incubation

Elle se fait à 35-36°C pendant 7 jours. Il est important d’utiliser un système permettant d’éviter la dessication de la gélose (ruban adhésif, papier d’aluminium ou jarre) pour réaliser une atmosphère humide favorable à la croissance.

3. Observation des colonies :

B. pertussis pousse lentement. Les colonies apparaissent rarement avant le 3e jour d’incubation.

– Au sortir de l’organisme les colonies sont minuscules, lisses, bombées, ont un aspect en « gouttes de mercure ». Elles s’entourent progressivement d’une zone d’hémolyse. Cela correspond à la phase I. Les colonies sont smooth et les corps bactériens coccoïdes.

– Après repiquage, les colonies prennent un aspect rugueux et poussent sur gélose ordinaire. Cela correspond à la phase IV, ou formes rough. Les corps bactériens peuvent être filamenteux.

4. Identification de B. pertussis :

L’identification est délicate compte tenu de nombreux caractères négatifs pour ce bacille. La recherche de l’oxydase est positive. Les différents caractères sont indiqués dans le tableau. L’identification peut être complétée ou confirmée par un test d’agglutination sur lame utilisant un sérum anti B. pertussis.

De même, on peut identifier B. pertussis par immunofluorescence directe à partir des colonies. Il a été décrit une aide à l’identification par la détermination des acides gras cellulaires par chromatographie en phase gazeuse.

B – Autres méthodes de diagnostic :

L’immunofluorescence directe. Faite sur les mucosités, c’est un examen qui a l’avantage de la rapidité de la réponse, mais son interprétation demande de l’habitude et il est moins sensible que la culture. L’interprétation est délicate et sujette à des erreurs, elle est fonction de l’expérimentateur. Il peut y avoir des faux positifs (réaction croisée avec Legionella) et des faux négatifs. On peut trouver 70 % de positivité dans les formes datant de moins de 3 semaines et seulement 10 % après la prise d’érythromycine.

-La mise en évidence des anticorps sériques est un examen dont le résultat tardif a peu d’intérêt pour le diagnostic. Un test ELISA a été développé mais ne peut remplacer la culture et il faut remarquer que cette technique est très peu performante chez les enfants de moins de 4 mois. Une recherche des IgA anti B. pertussis a été proposée à partir des sécrétions rhinopharyngées.

– La recherche de l’adénylate cyclase produite par le germe (AÇ)

Elle est réalisée à partir du frottis naso-pharyngé, immergé immédiatement pendant quelques secondes dans le milieu de Stainer et Scholte auquel sont ajoutés de l’ATP et de la calmoduline. Le milieu est incubé 18 heures à 37°C : l’AMPc formé est mesuré par une méthode de radiocompétition. Cette méthode, récemment introduite, est sensible, fiable et surtout rapide. Elle est d’une grande utilité pour le diagnostic de coqueluche chez les nourrissons de moins de 3 mois et les enfants immunodéprimés.

Les perspectives de diagnostic s’amélioreront avec la mise en évidence dans les prélèvements de PT ou/et FHA à l’aide d’anticorps monoclonaux et l’apport de sondes oligonucléotidiques de synthèse (gènes de PT ou FHA) et par amplification génique in vitro (PCR).

TABLEAU
TABLEAU

VI – AUTRES BORDETELLA :

A – Bordetella parapertussis :

Elle se caractérise par :

– sa croissance plus rapide (36 à 48 heures) sur gélose de Bordet-Gengou avec un halo d’hémolyse net

– une uréase (24 h)

– une subculture plus facile sur gélose nutritive ou en bouillon

– un brunissement de la gélose de Bordet-Gengou due à la présence d’une tyrosinase.

B – Bordetella bronchiseptica :

Se reconnaît par :

– sa croissance facile et rapide (24 h) sur gélose ordinaire

– la croissance sur gélose de Mac Conkey

– la culture sur milieu au citrate de Simmons

– sa mobilité due à une ciliature péritriche

– la réduction des nitrates en nitrites (milieu supplémenté en NAD)

– la présence d’une uréase très active (1 à 4 h), ce qui la distingue de Alcaligenes.

Des souches responsables de rhinotrachéite du dindon ont été désignées comme « B. bronchiseptica-like ». Elles se distinguent par l’absence de nitrate-réductase en milieu classique(mais cette réaction est positive si on ajoute du NAD) et d’uréase.

Elles sont aujourd’hui désignées comme B. avium.

VII – VACCIN ANTICOQUELUCHEUX :

A – Préparation et modalités d’administration :

C’est une suspension contenant 5 milliards de B. pertussis par ml, inactivée par un chauffage à 56°C.

II peut être administré à l’enfant dès l’âge de 3 mois (entre le 3e et le 6e mois) en sous-cutanée profonde à raison de 3 injections espacées d’un mois et un rappel après un an. Il peut être associé à d’autres vaccins.

B – Efficacité :

La vaccination a pratiquement fait disparaître en France les épidémies de coqueluche et la mortalité due à cette maladie.

Le vaccin confère une immunité de 3 à 4 ans dont la qualité peut varier d’un lot de vaccin à l’autre. Il entraîne une augmentation des agglutinines, mais il n’y a pas de parallélisme avec le degré de protection. La couverture vaccinale est de 80 à 95 % après 3 injections.

C – Critères d’activité :

Cette activité est jugée classiquement par une épreuve de survie de souris immunisées après injection intracérébrale de B. pertussis.

L’activité d’un lot de vaccin est comparée à celle d’un vaccin de référence par la mesure de survie chez des souris immunisées. Elle s’exprime en unités internationales et doit être supérieure ou égale à 4 UI.

Un modèle de protection de la souris contre une infection respiratoire par aérosol a été mis au point plus récemment. Il permet de juger de l’efficacité des antigènes protecteurs.

D – Inconvénients et contre-indications :

Le vaccin anticoquelucheux peut entraîner des réactions locales ou générales (fébricule). Mais ce sont les accidents neurologiques (encéphalopathies), dont le risque est évalué à environ 1 pour 300 000 vaccinés, qui sont la cause de désaffection pour ce vaccin dans certains pays. Le risque d’accident vaccinal grave est nettement inférieur au risque de mortalité par la coqueluche. Les antécédents neurologiques, même de « simples convulsions hyperpyrétiques » sont une contre-indication à la vaccination.

E – Perspectives :

Le vaccin actuel constitué par des corps bactériens entiers inactivés est efficace mais empirique. L’emploi de fractions bactériennes plus immunogènes et mieux tolérées comme la toxine pertussique ou l’hémagglutinine filamenteuse est toujours en cours d’étude. Deux vaccins acellulaires sont développés, l’un au Japon, l’autre en France, basés principalement sur deux antigènes FHA et toxine détoxifiée, leur efficacité sérologique est certaine mais la valeur protectrice des anticorps est difficile à apprécier en raison de la difficulté de comparer deux populations et de la régression du nombre de cas de coqueluche.

VIII – SENSIBILITÉ AUX ANTIBIOTIQUES :

L’antibiothérapie n’a pas une influence significative sur l’évolution d’une coqueluche déclarée dont les signes cliniques sont dus à des facteurs toxiques plus qu’à la présence de bactéries.

B. pertussis est résistant à la pénicilline et à la bacitracine.

Les antibiotiques actifs in vitro sont : l’érythromycine, la rifampicine, les tétracyclines, les céphalosporines de 3e génération, le chloramphénicol, les fluoroquinolones, le co-trimoxazole et la gentamicine. Il semble que l’érythromycine soit l’antibiotique le plus actif pour prévenir l’infection chez des sujets qui ont été en contact avec des coquelucheux.