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Corynebacterium

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GÉNÉRALITÉS SUR LES CORYNEBACTÉRIES :

La diphtérie est devenue exceptionnelle dans les pays riches, mais elle persiste dans les pays pauvres. Malgré sa rareté en France et en raison de la gravité, il est indispensable que les laboratoires de bactériologie soient capables d’identifier Corynebacterium diphtheriae. Avec les progrès de la bactériologie, on reconnaît d’autres corynébactéries qui peuvent être pathogènes-opportunistes lors des hospitalisations au long cours, notamment chez des sujets immunodéprimés.

I – CLASSIFICATION ET NOMENCLATURE :

La plupart des taxonomistes s’accordent pour restreindre le genre

Corynebacterium aux seuls organismes :

— dont la paroi contient

– de l’acide méso-diaminopimélique

– de l’arabinose, du galactose

-des chaînes d’acides mycoliques relativement courtes (22 à 38 atomes de carbone)

-unGC%de51 à 59 ;

— qui sont pour la plupart anaérobies facultatifs.

Il existe des relations entre les corynébactéries (humaines et animales), les mycobactéries et les Nocardia (ac. méso-diaminopimélique, arabinose, galactose, ac. mycoliques).

Les limites du genre Corynebacterium sont assez floues, avec certains représentants du groupe des « corynéformes », notamment Brevibacterium (ac. mésodiaminopimélique (+), GC % 60-64), Arthrobacter, Microbacterium…).

Il a été proposé récemment de sortir du genre Corynebacterium les espèces C. haemolyticum, C. equi, C. pyogenes ; C. haemolyticum devenant Arcanobacterium haemolyticum, C. equi : Rhodococcus equi et C. pyogenes : Actinomyces pyogenes.

De même, on a proposé de classer un certain nombre de corynéformes dans le genre Oerskovia.

II – HABITAT ET RÉPARTITION :

C. diphtheriae est une bactérie strictement humaine qui colonise essentiellement le rhinopharynx, plus rarement la peau. Il existe des porteurs sains. C. xerosis et C. pseudodiphtheriticum sont des hôtes normaux de l’homme.

D’autres espèces peuvent être pathogènes à la fois pour l’homme et les animaux.

C. ulcérons et C. bovis sont retrouvés chez les vaches (mastites), C. pseudotuberculosis chez le mouton et le cheval, C. pyogenes chez le chat, le mouton et le porc, C. equi chez le cheval, le porc et le chat. D’autres corynébactéries ou corynéformes peuvent être trouvées dans les eaux (C. aquaticum), le sol ou les plantes.

CORYNEBACTERIUM DIPHTHERIAE :

HISTORIQUE :

– En 1821, Bretonneau a individualisé la diphtérie et en a signalé l’aspect contagieux.

– En 1883, Klebs décrit le bacille dans les fausses membranes d’angines diphtériques et en 1884, Loeffler isole la bactérie, puis montre son pouvoir pathogène expérimental pour le cobaye.

-En 1888, Roux et Yersin montrent qu’une toxine thermolabile est sécrétée dans le milieu de culture par C. diphtheriae et que cette toxine, inoculée à l’animal, reproduit les manifestations générales de la diphtérie.

– En 1890, Behring et Kitasato immunisent des animaux avec de la toxine modifiée et montrent le pouvoir neutralisant du sérum de ces animaux vis-à-vis de la toxine diphtérique.

– En 1923, Gaston Ramon prépare un vaccin avec une toxine modifiée par la chaleur et le formol, l’anatoxine diphtérique.

I – PHYSIOPATHOLOGIE :

C. diphtheriae se multiplie préférentiellement dans les couches superficielles de certains épithéliums : rhinopharynx, plus rarement larynx ou peau ; on peut aussi le retrouver au niveau des conjonctives.

La multiplication s’accompagne d’adénopathies satellites, mais n’entraîne pas de bactériémie.

Les enzymes et la toxine produites, provoquent localement une réaction inflammatoire avec formation d’un exsudât épais : la fausse membrane. La toxine diffusant à distance du siège de la multiplicaiton bactérienne, par voie sanguine, va atteindre différents tissus, bloquer la synthèse des protéines dans les cellules cibles, et être responsable de complications (cardiaques, nerveuses,…).

II – POUVOIR PATHOGÈNE :

A – Expérimental :

Un certain nombre d’animaux sont sensibles à C. diphtheriae, ou plutôt à sa toxine. C’est le cas du singe, du cheval et du lapin, mais le cobaye est l’animal de choix.

L’inoculation sous-cutanée de 1 ml de culture pure de C. diphtheriae à un cobaye, provoque l’apparition rapide d’un oedème local, gélatineux, fibrino-hémorragique, riche en bacilles, suivi d’une adénopathie et de la mort de l’animal en 2 à 4 jours. A l’autopsie, on constate l’absence de germes dans le sang et les organes, et une surrénalite hémorragique due à la toxine. L’injection intra-dermique de toxine produit un effet nécrotique. La toxine possède également un effet cytotoxique observé in vitro sur cellules humaines ou animales.

B – Naturel :

La transmission de C. diphtheriae d’homme à homme est :

– le plus souvent directe par l’intermédiaire de gouttelettes salivaires (de malades ou de porteurs sains), ou par contact avec des plaies contaminées.

– plus rarement indirecte par l’intermédiaire d’objets, de poussières ou d’aliments souillés. Il s’agit d’un germe résistant plusieurs mois sur les objets ou dans les fausses membranes desséchées.

Dans la diphtérie, on reconnaît l’intrication de deux types de manifestations :

– locales : liées à la multiplication du germe au niveau de la porte d’entrée,

– générales : liées à la toxinogénèse responsable des formes malignes.

1. Diphtéries « communes » :

Le rôle de la toxine reste ici au second plan à condition toutefois qu’un diagnostic rapide permette l’instauration d’une sérothérapie précoce, sans délai.

Localisation pharyngée : c’est l’angine diphtérique commune ou angine à fausses membranes (amas fibrineux infiltrés de polynucléaires et de bacilles diphtériques).

Après une incubation silencieuse de 2 à 5 jours, survient une période d’invasion insidieuse marquée par un malaise général, une température (38°C) et une dysphagie qui précédent la période d’état caractérisé par :

– une angine à fausses membranes : enduits blancs, grisâtres, en fausses membranes adhérentes, cohérentes, se reproduisant in situ en quelques heures après ablation (extensives). Ces fausses membranes peuvent envahir les amygdales, mais aussi les piliers du voile, et engainer la luette « en doigt de gant » ; mais l’angine n’est pas toujours aussi typique (érythémateuse, pultacée, pseudo-gangreneuse).

– un coryza discret et des adénopathies cervicales modérées, accompagnent cette angine à fausses membranes.

– les signes fonctionnels (dysphagie) et généraux restent à l’arrière plan (pâleur, tachycardie, fièvre modérée).

Dans cette forme, si la sérothérapie est instituée rapidement, l’évolution sera bénigne. Toutefois en l’absence de traitement et parfois d’emblée, on se trouve devant les diphtéries graves voire malignes.

D’autres localisations se rencontrent :

– la forme laryngée ou « croup » est soit primitive, soit associée à la forme pharyngée ; elle comprend classiquement trois phases : la phase dysphonique (modification de la toux et de la voix), la phase dyspnéique et la phase asphyxique.

– plus rares sont les autres localisations (nasales, conjonctivales, oesophagiennes, cutanées, vaginales.

2. Diphtéries « malignes » :

Elles sont caractérisées par l’importance :

– des signes locaux (fausses membranes confluentes, muqueuse hémorragique, baleine fétide)

– des signes régionaux (jetage séro-sanglant, adénopathies cervicales donnant un aspect du cou proconsulaire)

– des signes généraux.

La mort peut survenir en quelques heures ou, après une amélioration passagère, plus tardivement dans le cadre du syndrome secondaire de Marfan (avec signes cardiovasculaires, rénaux, digestifs)

Les complications dues à la toxine peuvent survenir plus ou moins tardivement dans l’évolution de la diphtérie. Il s’agit :

– de myocardite qui succède à une diphtérie grave ou maligne, parfois à une forme commune tardivement traitée ;

– des paralysies favorisées par l’âge (adulte), par la gravité de la diphtérie initiale, et l’absence ou le retard de la sérothérapie. On observe dans l’ordre chronologique : la paralysie du voile du palais (2e semaine), la paralysie de l’accommodation, la paralysie des membres, d’autres paralysies peuvent être observées (nerfs crâniens…).

La gravité de l’infection est en rapport avec le retard mis pour instaurer le traitement, mais aussi avec l’existence de souches plus toxinogènes que d’autres (souches gravis) et des infections associées (streptocoques)…

3. Diphtéries cutanées :

Jusqu’à ces toutes dernières années, les diphtéries cutanées pures avec formation de pseudomembranes nécrotiques au niveau de la lésion avaient surtout été signalées en zone tropicale, or ces formes ne sont pas l’exclusivité de pays en voie de développement ; des pays tels que l’Allemagne, la Hollande, la Suède pour l’Europe et aussi le Canada et les USA en ont rapportées (en 1975, aux USA 56 % de toutes les souches de C. diphtheriae avaient été isolées à partir de prélèvements cutanés) ; il faut penser à ces formes en France en sachant que parfois C. diphtheriae est associé à S. aureus ou S. pyogenes.

III – CARACTÈRES BACTÉRIOLOGIQUES :

A – Caractères morphologiques :

C. diphtheriae se présente sous forme de bacilles de 1-8 um / 0, 3-0, 8 u.m, droits ou légèrement incurvés, avec des extrémités arrondies ou renflées (aspects en haltères ou en massues).

Les souches plus toxinogènes dites « gravis » contiennent des bacilles plus courts que les autres (intermedius et mitis).

Ces bacilles sont à Gram positif mais ils sont facilement décolorés par l’alcool.

On peut colorer spécifiquement les granules métachromatiques (coloration d’Albert, d’Emst-Neisser, de Del Vecchio) ou corps de Babes-Emst, contenus dans les extrémités renflées des bacilles ; ces granules sont des réserves de polyphosphates ou grains de volutine.

Ces bacilles sont caractérisés par leur groupement, qu’on les observe dans les fausses membranes (aspects en lettres ou petits amas) ou en culture (gros amas en paquets d’épingles, en palissades, caractères chinois, en chiffres romains ou lettres majuscules : L, M, N, V, …).

Ce mode de groupement s’explique par une séparation incomplète au moment de la division bactérienne car il existe un point d’attache entre les bacilles. Des formes d’involution granuleuses ou ramifiées peuvent être observées dans les cultures vieillies.

Structure de C. diphtheriae

On distingue :

a) une paroi formée de 4 couches visibles en microscopie électronique : couche externe irrégulière, couche centrale non homogène faite de 2 couches denses séparées par une couche de faible densité aux électrons.

Le peptidoglycane de type 1 contient de l’acide méso-diaminopimélique, avec pont interpeptidique

D-alanyl-acide diaminopimélique.

On trouve aussi dans les parois :

– un polysaccharide ou arabinogalactane (antigène 0 de Lautrop), donnant des réactions croisées avec les Mycobacterium et les Nocardia.

des acides gras, acides corynémycoliques et corynémycoliniques

– un glycolipide toxique ou « Cord Factor »

b) en surface, on trouve des antigènes K de nature protéique, qui jouent un rôle dans l’immunité et l’hypersensiblilité, et qui sont utilisés pour la classification sérologique.

c) un cytoplasme contenant :

– des lipides associés aux nombreux mésosomes

– des granulations métachromatiques, ou grains de volutine

– des organelles inhabituels dans les souches toxinogènes.

B – Caractères culturaux :

C. diphtheriae est une espèce aérobie-anaérobie facultative, possédant une catalase, des cytochromes a, b, c, mais pas d’oxydase.

La culture est obtenue à une température optimale de 36-37°C et un pH optimal à 7,4.

La culture peut être obtenue sur milieux ordinaires, mais la croissance :

– sur milieu enrichi est meilleure (gélose au sang, milieu de Mueller-Hinton, sérum coagulé de boeuf ou de cheval, milieu de Loeffler ou au sérum de bœuf coagulé), où l’on observe des colonies de 1-3 mm, lisses, grisâtres, crémeuses en 16 à 24 heures

– sur gélose au sang révèle une hémolyse bêta qui permet une première orientation

– sur milieux sélectifs, peut être nécessaire. On utilise classiquement des milieux contenant du tellurite de potassium, sur lesquels C. diphtheriae donne des colonies noires en réduisant le tellurite en tellure ; mais la culture sur gélose au sang à l’acide nalidixique donne de bons résultats.

Les colonies sont visibles en 16 heures sur milieux enrichis et en 48 heures sur certains milieux sélectifs.

Elles prennent un aspect différent sur gélose au sang contenant du tellurite, selon le type de souches :

gravis, grosses colonies « R » crénelées (à mamelon central)

intermedius, petites colonies lisses ou rugueuses

mitis, grosses colonies « S » bombées et brillantes.

Si pour la culture les souches sont assez peu exigeantes (facteurs de départ : acide oléique, source de carbone et d’énergie, facteurs de croissance variables avec les souches), elles le sont pour la toxinogénèse où la cystine et l’acide glutamique sont essentiels. D’autres acides aminés interviennent ainsi qu’une faible acidification (maltose), une agitation et surtout la concentration en fer (taux optimal 0,14 u.g/ml).

Il existe une corrélation entre le fer, la porphyrine et la production de toxine (on dispose, pour obtenir une bonne toxinogénèse, de milieux empiriques, semisynthétique ou synthétiques).

Si le bacille résiste bien à l’abri de l’air, il est détruit par la chaleur, la lumière, les antiseptiques et les antibiotiques. De plus, il est concerné par le phénomène d’antibiose, son développement étant inhibé par diverses espèces bactériennes (staphylocoques par exemple).

C – Caractères biochimiques :

Pour porter un diagnostic de C. diphtheriae, il importe de différencier cette espèce des autres bactéries « corynémorphes », fréquentes au niveau du rhinopharynx de l’individu normal.

La seule possession d’une catalase et d’une nitrate réductase ne suffit pas pour écarter toutes ces autres espèces (Tableau I).

TABLEAU 1 : caractères différentiels des principales espèces de Corynebactéries

L’étude du métabolisme glucidique est important ; on peut utiliser des milieux spéciaux, milieux liquides enrichis au sérum (tel le milieu de HISS) ; il y a fermentation sans production de gaz du glucose, de la dextrine, du galactose, du maltose. Il n’y a pas d’attaque du saccharose, du lactose du mannitol.

L’étude du métabolisme protéique donne des renseignements complémentaires : uréase (-) (recherché sur milieu de Lange), indole (-), gélatinase (-) et HS (+).

On signale des hémolysines non diffusibles, une neuraminidase.

D – Bactériophages :

n existe un grand nombre de souches lysogènes ou porteuses de phages défectifs.

Un système de lysotypie a été développé avec 22 lysotypes. Des études ont porté sur des bactériocines ou corynécines, et une bactériocinotypie a été proposée.

E – Caractères antigéniques :

La structure antigénique de C. diphtheriae est hétérogène. On distingue des antigènes 0 thermostables polyosidiques (de groupe) et des antigènes K thermolabiles protéiques (de type).

Les études antigéniques sont discordantes selon les auteurs, et n’ont pas débouché sur une nomenclature internationale.

IV – TOXINE DIPHTÉRIQUE :

La toxine diphtérique est l’une des toxines bactériennes qui a été le plus étudiée. Sa structure et les mécanismes cellulaires et moléculaires de son action figurent parmi les plus connus.

La production de toxine par C. diphtheriae est liée à l’état de lysogénie des

souches qui hébergent le phage bêta porteur du gène Tox. Ce bactériophage à ADN bicaté- naire s’intègre sous forme de prophage dans le chromosome bactérien. Les souches non lysogènes (Tox-) ne produisent pas de toxine mais peuvent être virulentes. Infectées par un bactériophage Tox+ elles synthétisent et excrètent la toxine.

La toxinogénèse est fonction de la teneur en fer du milieu de culture, elle est optimale lorsque cette concentration est basse. Il existe un répresseur codé par le génome bactérien qui ne serait actif qu’associé au fer agissant comme corépresseur.

Ce répresseur a été partiellement purifié, c’est une protéine contenant du fer qui, en présence de ce métal, se lie à l’ADN.

La toxine diphtérique est une exotoxine, protéine d’environ 58 kDa dont le gène a été clone dans E. coll. La séquence nucléotidique a été déterminée et traduite ; ainsi la séquence des 535 acides aminés est connue. Sous l’action de la trypsine, la toxine est hydrolysée en deux fragments A et B, ces deux polypeptides restent unis par un pont disulfure. Le fragment A (d’environ 21 kDa) NH2 terminal possède l’activité enzymatique. Le fragment B (d’environ 37 kDa) COOH terminal se fixe sur le récepteur cellulaire. Le premier fragment contient la séquence signal intervenant dans la sécrétion de la toxine par la bactérie. La chaîne B possède une région riche en acides aminés hydrophobes responsables de l’insertion de la toxine dans la membrane de l’endosome et par conséquent du passage de la chaîne A de l’endosome vers le cytoplasme. Le 148e acide aminé est probablement le siège du site actif.

SCHÉMA 1 : activation de la toxine diphtérique par la trypsine en présence de thiol

La région en noir, à COOH-terminal, est chargée positivement et reconnaît les récepteurs à la surface des cellules sensibles. La région en blanc, fragment A, à NH2-terminal, est la partie active de la molécule et est masquée si la toxine est intacte. La région en pointillés est la partie hydrophobe de la molécule.

La toxine diphtérique agît comme une enzyme. Elle inactive le facteur d’élongation EF2 composant essentiel dans la synthèse protéique qui permet la translocation du polypeptidyl-t RNA du site accepteur A au site donneur P du ribosome de la cellule eucaryote. La toxine catalyse le transfert sur EF2 de l’ADP ribose du NAD selon la formule suivante :

NAD+ +  EF2 -> ADP-Ribosyl-EF2 + Nicotinamide + H+ H-1-.

(actif)      (inactif)

Les anticorps dirigés contre le fragment A inhibent l’action de la toxine (ADP ribosylation) dans un système de traduction in vitro. Au contraire, les anticorps dirigés contre le fragment B, inhibent l’action sur les cellules mais pas sur les ribosomes.

La toxine diphtérique est donc une molécule spécialisée très active dont l’action enzymatique est portée par le fragment A. Une seule molécule est létale pour la cellule. Elle altère la synthèse des protéines en quelques heures.

En 1989, Chang a montré que la toxine diphtérique provoquait des lésions de l’ADN liées à une activité nucléasique et entraînait une cytolyse qui n’est pas la simple conséquence d’une inhibition de la synthèse protéique.

Titrage de la toxine diphtérique

H peut être réalisé in vivo et in vitro.

In vivo :

détermination du pouvoir létal (dose minimale mortelle, DMM ; dose létale 50 %, DL 50)

– neutralisation du pouvoir létal (L+, LO)

– neutralisation du pouvoir dermo-nécrotique chez le cobaye

– titrage en cultures cellulaires

In vitro :

floculation initiale (techniques de Ramon, de Dean et Webb ; détermination de la dose floculante LF)

– précipitation en milieu gélose.

V – DIAGNOSTIC BACTÉRIOLOGIQUE :

Le diagnostic bactériologique de la diphtérie repose sur l’isolement de C. diphtheriae, c’est le diagnostic direct (schéma 2).

SCHÉMA 2 : méthodes d’isolement et d’identification de corynebacterium diphteriae à partir d’une gorge

A – Prélèvements :

Le prélèvement de gorge pour la recherche de C. diphtheriae, doit être pratiqué devant toute angine à fausses membranes, mais de même que les angines diphtériques sont parfois atypiques, les angines à fausses membranes peuvent avoir d’autres causes qu’il importe de rechercher parallèlement et systématiquement (association fuso-spirillaire, angine à pyogènes, candidoses, mononucléose infectieuse, hémopathies malignes…).

Le prélèvement doit être effectué sous contrôle visuel et avant tout traitement :

– les fausses membranes prélevées à l’écouvillon ou à la pince au niveau du pharynx (ou du larynx lors de la trachéotomie)

– écouvillonnage à la périphérie de la fausse membrane (amygdale, voile, luette)

– plus rarement écouvillonnage nasal, de sérosités cutanées ou conjonctivales, en fonction du tableau clinique.

Le prélèvement doit être acheminé au laboratoire sans délai, avant dessèchement ; il doit comporter au moins deux écouvillons (examen direct et culture).

B – Examen direct :

On procédera sur les frottis

– à une coloration de Gram classique, éventuellement de Gram avec décoloration prolongée, à la recherche de bacilles à la morphologie évocatrice.

– à une coloration d’Ernst-Neisser pour la recherche de corpuscules métachromatiques.

– l’examen en immunofluorescence est signalé par certains auteurs.

Pressé par le clinicien, qui demande un diagnostic rapide, le microbiologiste pourra tout au plus indiquer à ce stade : « présence » ou « absence » de bacilles diphtérimorphes à l’examen direct, en sachant que la vision de tels bacilles correspondra plus souvent sous nos latitudes à C. pseudodiphtheriticum ou C. xerosis qu’à des C. diphtheriae. Le clinicien ne doit pas attendre un résultat bactériologique, s’il y a suspicion clinique il commencera sans retard le traitement spécifique, sans attendre les résultats de la culture.

C – Culture :

C’est une étape importante. On a décrit des techniques rapides donnant un diagnostic présomptif en 4 et 5 heures, écouvillon plongé dans du sérum coagulé, dans du sang tellure… (techniques de Folger, de Manzullon, de Sohier). Elles ne sauraient remplacer les techniques classiques avec cultures sur deux types de milieux.

Les cultures sur milieux riches (milieu de Loeffler ou à défaut Mueller-Hinton ou gélose au sang) donnent une culture en 12 à 18 heures.

Les cultures sur milieux sélectifs, surtout les milieux au sang tellure (Clauberg, Hoyie) ou agar-cystine-tellurite sur lesquels C. diphtheriae donne des colonies noires, (mais aussi quelques diphtérimorphes ou streptocoques) et à défaut, gélose au sang à l’acide nalidixique ou acide nalidixique/colistine. La résistance de C. diphtheriae. et des autres corynébactéries à la fosfomycine peut être utile, les géloses au sang pouvant être rendues sélectives par ajout d’un disque de fosfomycine (200 u.g).

Après une incubation de 18 à 48 heures on observe les colonies, procède à un Gram, éventuellement à une coloration métachromatique et à une recherche de catalase (si les milieux ne contiennent pas de sang). Sur les colonies suspectes, on réalise une galerie d’identification (nitrate-réductase, attaque des sucres, hydrolyse de l’urée) pour différencier C. diphtheriae des autres corynébactéries (Tableau I). Une galerie récemment commercialisée (API-Coryne) utilise 20 caractères.

Il est essentiel d’ensemencer en même temps un bouillon (milieu riche du type coeur-cervelle) qui permettra ensuite de réaliser le pouvoir pathogène expérimental.

Une sérotypie, une lysotypie, ou une bactériocinotypie peuvent être réalisées sur les souches de C. diphtheriae dans des laboratoires spécialisés.

Récemment, Rappuoli a pu, par une technique d’hybridation, obtenir une classification génomique des souches, permettant une analyse épidémiologique très fine et peut-être une dissociation de la toxinogénèse et des facteurs de virulence.

D – Recherche du pouvoir toxinogène  :

H est indispensable de prouver que la souche de Corynebacterium isolée est un C. diphtheriae producteur de toxine.

Cette recherche peut être réalisée selon deux méthodes :

in vivo :

soit par la mise en évidence du pouvoir létal par inoculation au cobaye (inoculation par voie sous-cutanée d’un bouillon de culture à un cobaye de 300 g environ non protégé et à un autre cobaye ayant reçu 250 unités de sérum antidiphtérique 2 heures avant l’injection ; l’animal non protégé meurt en 2 à 4 jours). Il est nécessaire de faire l’autopsie de l’animal (oedèmes viscéraux, hémorragies des surrénales).

– soit par recherche du pouvoir dermo-nécrotique après injection intradermique sur les flancs rasés d’un cobaye.

in vitro :

réaction d’immunoprécipitation en gel (Test d’Elek). On ensemence parallèlement sur la surface du milieu gélose la souche à étudier entre 2 souches de référence (Tox+ et Tox-), puis on dépose perpendiculairement une bande de papier filtre imbibée de sérum antitoxine diphtérique (schéma 3). On observe l’apparition d’arcs de précipitation, qui, s’ils sont spécifiques, doivent rejoindre les arcs observés avec la souche Tox+. Le délai de lecture est de 1 à 6 jours.

SCHÉMA 3 : test d’ELEK avec souche 1 de référence toxinogène souches 2 et 3, la 2 est toxinogène, la 3 ne l’est pas.

E – Diagnostic indirect :

II n’existe pas de sérodiagnostic permettant de porter a posteriori un diagnostic de diphtérie.

Par contre, on peut mesurer l’immunité antitoxique et non antimicrobienne. Elle peut être :

passive : transplacentaire (nourrissons de moins de 6 mois) obtenue par sérothérapie

(transitoire), active : du fait d’une infection naturelle, typique ou occulte, ou bien obtenue grâce à la vaccination.

L’immunité peut être testée par : le dosage des antitoxines sériques, la réaction de Schick : une injection intradermique de 0,1 ml de toxine diphtérique produit une réaction inflammatoire locale (plus de 1 cm en moins de 36 heures) chez les sujets n’ayant pas d’antitoxines ; l’injection de 0,1 ml de toxine par voie intradermique chez un sujet immunisé n’entraîne pas de réaction.

VI – SENSIBILITÉ AUX ANTIBIOTIQUES :

Les antibiotiques ont peu d’effet sur l’évolution de la maladie, mais le traitement de l’entourage et des porteurs permet de limiter la diffusion du germe. La réalisation d’un antibiogramme est importante car des résistances aux antibiotiques ont été signalées récemment.

On utilise pour l’antibiogramme, ou pour la détermination des CMI, le milieu de Mueller-Hinton, additionné de 5 % de sang de mouton. Pour certaines souches intermedius ou mitis, on a recours au milieu trypticase-soja, enrichi avec 10 % de sérum de veau foetal.

C. diphtheriae est sensible à la pénicilline, à l’érythromycine et à la majorité des antibiotiques actifs sur les germes à Gram positif ; cependant, des souches résistantes à l’érythromycine, à la clindamycine, aux tétracyclines ont été rencontrées.

Ainsi, 86 % des souches indonésiennes et 5 % des souches africaines résistent aux tétracyclines. Un support plasmidique de la résistance de C. diphtheriae à l’érythromycine a été décrit.

VII – TRAITEMENT – PROPHYLAXIE :

Tout sujet suspect de diphtérie doit être hospitalisé d’urgence.

A – Traitement curatif :

II repose sur trois éléments essentiels :

– sérothérapie : elle reste le traitement indispensable, elle doit être aussi précoce que possible, dès que le diagnostic est soupçonné sans attendre le résultat bactériologique. C’est une thérapeutique d’urgence. Elle doit comporter une injection unique, maximale d’emblée (IM ou SC) de 2 000 à 5 000 unités par kg avec un maximum de 120 000 unités.

– antibiothérapie : systématiquement associée, par la pénicilline G ou l’érythromycine (50 mg/kg/j durant 15 jours) selon la situation des résistances locales.

– repos strict au lit pendant plusieurs semaines.

En fonction des tableaux cliniques, on aura recours à des traitements spécifiques : croup (trachéotomie, corticothérapie), traitements symptomatiques (réhydratation,…), traitement de myocardite, des paralysies…

B – Traitement préventif :

II repose essentiellement sur la vaccination par l’anatoxine qui est de la toxine

détoxifiée par le formol à 4 %c et par la chaleur (39 à 45°C pendant 1 mois).

La vacination est obligatoire en France. Elle comporte 3 injections successives à 1 mois d’intervalle, suivies d’un rappel à 1 an, puis tous les 5 ans.

Le vaccin existe également en association DT, DT coq, DT coq polio.

Les réactions vaccinales sont minimes.

Il existe des contre-indications temporaires (eczéma, pyodermites, affections aiguës, réactions tuberculiniques récentes) ou permanentes (affections chroniques graves, tuberculose, néoplasies). En fait la seule vraie contre-indication est la néphropathie grave.

On trouve au bout de 5 ans 70 % de sujets protégés et 50 % après 10 ans.

Récemment un vaccin anti-diphtérique synthétique a été obtenu. Il est constitué de :

– un fragment peptidique situé à la jonction des deux fragments A et B de la toxine diphtérique, il s’agit d’une boucle de 16 acides aminés (PM 1 600) synthétisée in vitro constituant l’antigène,

– une molécule porteuse « carrier » faite d’une chaîne peptidique synthétique poly-D-alanine-poly-L-lysine,

– un adjuvant synthétique ou muramyl-dipeptide.

Les essais sur l’animal montrent un pouvoir immunogène.

D’autres mesures collectives sont à respecter en cas de diphtérie :

– la déclaration de la diphtérie est obligatoire (n° 6)

– cette maladie nécessite : l’isolement du malade, la désinfection en cours et en fin de maladie, le dépistage et un traitement des porteurs de germes dans l’entourage, une éviction scolaire pour le malade durant 30 jours après la guérison clinique et pour l’entourage de 7 jours s’il n’est pas correctement vacciné.

Malgré ces mesures le bacille diphtérique et la diphtérie n’ont pas complètement disparu. Une enquête récente sur le portage effectuée en Grèce a montré que 0,8 % des enfants étaient porteurs. Entre 1979 et 1983, 363 cas de diphtérie ont été enregistrés en Europe, soit 0,2 cas par année et par million d’habitants.

Chaque année, le nombre de diphtéries identifiées dépasse 100 cas pour la Turquie et 1000 cas pour l’URSS. En France, la diphtérie a presque disparu (figure 1), on a toutefois recensé 12 cas entre 1984 et 1987. En Suède, où la couverture vaccinale était supérieure à 95 % une épidémie est survenue. Aux USA, on considère que seulement 50 % des adultes sont correctement vaccinés. Ces faits doivent inciter à la vigilance tant sur le plan de la vaccination (rappel chez les adultes) que du diagnostic.

LES AUTRES CORYNÉBACTÉRIES :

L’incidence d’infections opportunistes dues à des bactéries corynéformes est croissante alors que les diphtéries diminuent.

Certaines espèces sont ainsi rencontrées chez des sujets immunodéprimés. Il s’agit de : C. xerosis, C. pseudodiphtheriticum (C. hofmannii), C. equi (Rhodococcus equï), C. matruchotii (Bacterionema matruchotiï) ainsi que des groupes définis par le

CDC d’Atlanta comme D2, A4, G2…

D’autres espèces sont isolées au cours d’infections chez des sujets non immunodéprimés. Ce sont : C. ulcérons, C. haemolyticum (Arcanobacterium haemolyticum), C. pseudotuberculosis (C. ovis) et C. minutissimum.

Il n’est pas question de passer en revue ici la pathologie induite par ces différentes espèces, seuls quelques points seront développés.

C. ulcérons. : il peut être responsable de pharyngites exsudatives et de tableaux pseudo-diphtériques. Les souches peuvent produire deux toxines dont l’une est neutralisée par l’antitoxine diphtérique, la seconde serait une phospholipase D.

C. pseudotuberculosis (C. ovis) : cette espèce a été signalée dans des lymphadénites granulomateuses et dans une pneumonie.

C. xerosis : on a signalé ce germe dans des endocardites sur valve, dans des bactériémies et des pneumonies chez des sujets immunodéprimés.

C. pseudodiphtheriticum (C. hofmannii) : cette espèce a pu être à l’origine d’infections sur prothèses et d’une infection fatale chez un transplanté rénal.

C.jeikeium (ex groupe JK) : a été trouvée dans diverses infections septicémiques, péritonéales, génito-urinaires, méningées et endocardites.

Elle est présente à l’état normal sur la peau et peut coloniser jusqu’à 25 à 35 % des patients hospitalisés. Après coloration, cette espèce apparaît sous forme de bacilles à Gram positif parfois très courts évoquant des streptocoques. L’antibiogramme révèle des résistances multiples, certaines souches ne sont sensibles qu’à la vancomycine.

C. minutissimum : peut être isolé de la peau dans les cas d’érythrasma.

C. pyogenes (Actinomyces pyogenes) – C. haemolyticum (Arcanobacterium haemolyticum) C. haemolyticum a été décrit dans des exsudais membraneux pseudo-diphtériques, mais également dans des septicémies et des abcès divers.

Il apparaît vraisemblable que ce groupe de bactéries est appelé à avoir une place croissante en pathologie. Elles sont sélectionnées par les antibiothérapies, favorisées par les instrumentations (cathéters) et par les terrains immunodéprimés. Il importe donc de savoir les reconnaître au même titre que C. diphtheriae qui garde une place à part sur le plan historique et sur le plan de la gravité.

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