Vibrions

DÉFINITIONS ET CLASSIFICATION :

La famille des VIBRIONACEAE :

VibrionsElle regroupe des bacilles à Gram négatif, mobiles par ciliature polaire ou mixte, aéro-anaérobies facultatifs, croissant sur milieux ordinaires, réduisant les nitrates en nitrites, fermentant les glucides et donnant une réaction d’oxydase positive.

Elle regroupe quatre genres : Vibrio, Plesiomonas, Aeromonas,

Photobacterium. Les Vibrionaceae sont des bactéries aquatiques. Les espèces des genres Vibrio, Aeromonas, Plesiomonas sont rencontrées en pathologie humaine.

Les bactéries du genre Photobacterium sont des bactéries de l’environnement.

Le tableau ci-dessous indique les principaux caractères différentiels de ces quatre genres.

TABLEAU I : caractères différentiels des différentes Vibrionaceae
TABLEAU I : caractères différentiels des différentes Vibrionaceae

Le genre VIBRIO :

Le genre Vibrio est maintenant bien individualisé, d’une part des genres énumérés précédemment, d’autre part des Campylobacter et des Spirillum, grâce à des critères morphologiques, métaboliques et au GC %., Campylobacter (28-35 %), Spirillum (36-65 %)

Les Vibrio sont des bacilles à Gram négatif généralement isolés, droits ou incurvés, assez courts (1,5 à 3,0 |im), parfois franchement coccobacillaires.

Quand ils sont cultivés en milieux liquides, ils sont mobiles par flagelles polaires entourés d’une gaine, monotriches ou plus rarement multitriches. En milieux solides, co-existence possible d’un double système de ciliature ; avec présence, en plus des flagelles à insertion polaire, de flagelles latéraux nus, de longueur d’onde plus courte que les précédents. Cette ciliature mixte s’accompagne souvent de phénomène d’envahissement (swarming).

Chimio-organotrophes, anaérobies facultatifs capables de métabolisme respiratoire et fermentatif ne dénitrifient pas, ni ne fixent l’azote.

Les Vibrio n’ont pas d’exigence nutritive particulière : ils sont isolés sur milieux ordinaires. La croissance est abondante en milieux peptonés simples. Mais les espèces halophiles ont besoin de sodium pour une croissance optimale, à la différence des espèces halotolérantes ne nécessitant que de faibles concentrations en NaCl.

Température de culture : 18-38°C, dans une zone de pH comprise entre 6 et 9.

On distingue des espèces halotolérantes

V. cholerae

– V. cholerae non 0:1 ou NC (non cholérique) ou NAG (non agglutinable par le sérum polyvalent 0:1).

V. mimicus

On distingue des espèces halophiles

V. fluvialis                                              – V. damsela

– V. metschnikovii                                 – V. hollisae

– V. anguillarum, V. vulnificus        – V. furnissii

– V. parahaemolyticus

– V.fischeri, alginolyticus, costicolus…

Une autre distinction peut être faite selon que les espèces sont retrouvées ou non en pathologie humaine :

– soit comme pathogènes pour l’homme : V. cholerae, V. parahaemolyticus

soit comme saprophytes ou opportunistes :

V. alginolyticus          V. fluvialis             V. metschnikovii

V. furnisii                     V. mimicus             V. vulnificus

V. damsela                  V. hollisae

VIBRIO CHOLERAE :

C’est l’espèce type du genre Vibrio.

HISTORIQUE :

Le choléra était jusqu’en 1817 une maladie endémo-épidémique limitée au delta du Gange avec quelques incursions en Chine et dans le Sud-Est asiatique.

A partir de 1817 se développe la première des 6 pandémies dues au vibrion classique. C’est au cours de la 5e pandémie que Koch a découvert à Calcutta (1884) l’agent du choléra: « Komma Bacillus ».

Entre 1910 et 1960, à part quelques épidémies (Egypte en 1957), le choléra semblait de nouveau limité aux Indes.

A partir de 1961, s’est développée la septième pandémie dont l’origine se situait dans l’archipel des Célèbes (Indonésie). Elle est due à un V. cholerae d’un biotype particulier, El Tor. Ce biotype isolé pour la 1e fois en 1905 au Lazaret d’El Tor dans le Sinaï, avait été jusque là considéré comme pathogène et non épidémique. Depuis cette date, cette souche s’est étendue dans le Sud-Est Asiatique, au Moyen Orient et au Continent africain (Afrique du Nord, Afrique Noire…) où il se maintient. Le continent Sud américain est touché actuellement par cette pandémie (épidémie de choléra au Pérou en 1991).

Le vibrion cholérique classique est réapparu en 1979 au Bangladesh. L’isolement à partir de 1974 à Guam de souches agglutinables par l’antisérum 0:1, mais non toxinogènes, a fait reconnaître à côté des V. cholerae toxinogènes toutes 0:1 (2 biotypes : classique et El Tor), l’existence de :

V. cholerae 0:1 atypiques (du milieu extérieur) non toxinogènes.

V. cholerae non-0:l (non agglutinable par 0:1) déjà connus produisant des toxines responsables de diarrhées.

I – HABITAT ET ÉPIDÉMIOLOGIE :

L’agent du choléra est éliminé en grande quantité par les malades dans les selles, ainsi peut-on retrouver de 106 à 108 vibrions par ml de selles. Il est présent également dans les vomissements. On peut retrouver V. cholerae dans le milieu extérieur. Relativement fragile, ce germe persiste de façon éphémère dans les eaux d’étangs ou de rivières. Sa survie est prolongée dans les eaux salées (lagune, …) ; il peut y survivre plus de 15 jours.

Il peut également persister dans certains aliments frais (lait, poisson…) durant plus de deux semaines.

L’homme est le principal réservoir de vibrions cholériques, qu’il soit malade ou porteur « sain ». Le vibrion est en général retrouvé durant 6 à 10 jours chez le porteur, parfois plus longtemps (porteur chronique). La contamination peut se faire surtout par contact manuel direct avec un porteur et surtout avec un malade ou un cadavre. Des travaux récents ont prouvé l’existence d’une niche écologique naturelle (à côté du réservoir humain). Les eaux d’estuaire et le zooplancton (USA, Europe, Inde…) qui s’y trouvent, constituent un réservoir naturel de V. cholerae surtout non 0:1, mais parfois même 0:1. Le zooplancton infecté peut être consommé par des fruits de mer (coquillages, crevettes, crabes et poissons) et les contaminer ; ceux-ci pourraient alors être à l’origine de cas sporadiques. De plus, dans un environnement défavorable, les cellules de V. cholerae sont capables de se transformer en microvibrions filtrables potentiellement pathogènes.

Dans les régions sèches, la transmission est uniquement interhumaine. En zone humide (côtière, lagunaire ou fluviale) la transmission est mixte, interhumaine et hydrique.

En zone sèche, les poussées sont plus explosives, pouvant toucher 30 voire 70 % de la population.

Les circonstances favorisant la diffusion de la maladie sont liées au bas niveau socio-économique et surtout aux mauvaises conditions de peuplement.

Quelques cas de choléra sont observés annuellement en France chez des voyageurs provenant de pays contaminés.

Choléra en France (août à octobre 1986)
Choléra en France (août à octobre 1986)

Mercredi 3 septembre 1986 ALGÉRIE

Le choléra a fait des dizaines de morts.

Alger – De nombreux foyers de choléra se sont déclarés dans différentes régions d’Algérie, faisant plusieurs dizaines de victimes parmi plus d’un millier de cas recensés sur l’ensemble du territoire, depuis le début de l’été. Aucune information officielle n’a été donnée sur l’apparition de la maladie, ce qui engendre les rumeurs les plus alarmistes parmi la population.

Le choléra a touché la plupart des régions du pays, y compris la capitale, indiquent des sources médicales qui se refusent toutefois à parler d’épidémie. Des foyers de méningite et de typhoïde ont été également recensés, en moins grand nombre cependant. Ces maladies, qui apparaissent chaque année, ont pris des proportions plus importantes à la faveur d’un été particulièrement éprouvant, marqué par une vague de chaleur sans précédent, qui a aggravé les conditions d’hygiène déjà précaires dans les campagnes et les quartiers populaires des grandes villes.

Dans certaines villes de l’intérieur du pays, qui souffrent cruellement du manque d’eau, la température a dépassé quarante degrés pendant plus d’un mois, alors qu’à Alger même, où des travaux sont engagés pour rénover un réseau de canalisations vétustés, les coupures d’eau quotidiennes dans certains quartiers sont fréquentes et souvent longues.

La presse algérienne appelle les habitants à respecter certaines règles d’hygiène pour se prémunir contre des maladies dont elle ne dit pas qu’elles aient fait des victimes. Elle a aussi violemment critiqué les responsables au niveau des communes, qui n’ont pas pris les mesures de prévention nécessaires en ne mettant pas d’eau de javel dans les réserves d’eau de boisson. Ces conseils semblent depuis avoir été suivis, notamment par les particuliers, puisque ce produit se fait rare aujourd’hui chez les droguistes – (AFP.)

II – PHYSIOPATHOLOGIE :

Après avoir franchi massivement la barrière gastrique, les vibrions se multiplient rapidement dans l’intestin ; ils traversent la couche de mucus et adhèrent aux entérocytes par leurs antigènes d’attachement. L’entérotoxine libérée provoque le tableau du choléra.

Les symptômes du choléra sont liés à une fantastique perte de liquides et d’électrolytes par l’intestin. Le volume quotidien des selles peut parfois dépasser 20 litres et la composition des selles est pratiquement isotonique.

Cette fuite liquidienne n’est pas due à une invasion des entérocytes de la muqueuse intestinale (pas de lésion de la muqueuse, pas de copro-leucocytes, pas de fièvre, hémocultures négatives), mais à la production d’une entérotoxine CT (CT : choiera toxin) qui provoque l’accroissement du taux d’AMP cyclique dans les entérocytes entraînant une fuite d’eau et d’électrolytes dans la lumière intestinale.

Ce mécanisme d’action est également celui observé pour la toxine LT (proche antigéniquement de la toxine CT) des E. coli E.T.E.C. Les IgG et IgA spécifiques présentes dans l’intestin peuvent avoir une action neutralisante sur le germe et sa toxine.

Les diarrhées dues aux Vibrio non-0:l sont provoquées, soit par leur toxine cholérique, soit par des entérotoxines analogues à celles d’E. coli.

III – POUVOIR PATHOGÈNE :

A – Expérimental :

1. Chez les animaux :

II est impossible de reproduire le choléra chez des animaux adultes après administration de V. cholerae per os. Par contre, administré par cette voie à des animaux nouveau-nés (lapin, chien) il est possible de reproduire la maladie.

En injectant de la toxine CT (environ 1 p.g) dans des anses ligaturées de lapin, on observe une fuite liquidienne vers la lumière intestinale. Ceci est obtenu tant avec la culture que le filtrat de culture de V. cholerae. Tout comme la toxine LT d’E. coli, l’exotoxine de V. cholerae produit un effet cytotonique sur cellules Yl surrénaliennes ou CHO (cellules ovariennes de hamster chinois).

2. Chez l’homme :

Des essais aux USA ont été pratiqués sur des volontaires ingérant des souches de V. cholerae 0:1,

– il faut 108 à 1011 germes pour provoquer une diarrhée sévère chez 50 % des volontaires ;

– par contre, si l’administration per os est accompagnée de bicarbonate, 104 bactéries suffisent pour provoquer une diarrhée sévère chez 70 % des receveurs.

En effet, l’acidité gastrique normale détruit les vibrions. L’hypochlorémie dans les états de dénutrition peut expliquer également la colonisation intestinale.

Seules certaines souches non 0:1 peuvent produire des diarrhées expérimentales chez des volontaires mais à des doses de 109.

B – Naturel :

1. le choléra dû à V. cholerae 0:1

Le choléra est une maladie strictement humaine. La durée d’incubation varie de quelques heures à 5 jours selon la dose infectante.

LE CHOLERA EN 1989 DANS LE MONDE

Tableau II - Situation mondiale du choléra, 1983-1989
Tableau II – Situation mondiale du choléra, 1983-1989

1.1. Les formes graves :

Elles réalisent un tableau typique avec un début brutal dominé par des douleurs épigastriques et abdominales, une sensation de malaise et une diarrhée entraînant rapidement des pertes liquidiennes importantes avec risque de déshydratation aiguë.

A la phase d’état, la diarrhée est caractérisée par des selles afécales faites de liquide clair, avec des flocons blanchâtres, aspect « eau de riz ». Elles sont sans odeur.

Le nombre de selles est variable : 10 à 50 selles par jour (3 à 15 litres peuvent être éliminés en 24 heures).

Les selles sont émises de manière incoercible ; le patient a des crampes musculaires liées aux pertes électrolytiques.

Ce tableau ne s’accompagne pas de fièvre, mais les vomissements sont fréquents.

En l’absence de réhydratation rapide et massive, l’évolution se fait vers un collapsus cardio-vasculaire avec anurie et acidose.

1. 2. Les formes bénignes :

Elles ne sont pas exceptionnelles avec simple diarrhée (1 à 20 selles par jour), selles fécales, douleurs abdominales, sans vomissements et une déshydratation modérée ou nulle.

1.3. Les formes atypiques :

Elles se voient surtout chez l’enfant, pouvant donner des formes pseudoméningées.

Chez l’adulte âgé ou débilité on peut rencontrer des cas de « choléra sec ». La mort survient avant l’apparition de la diarrhée. Des formes typhoïdiques peuvent se rencontrer.

Si le choléra est traité rapidement, la mortalité est de 1 à 5 % ; par contre, en l’absence de traitement, elle dépasse 50 % des cas.

2. Infections à Vibrio cholerae non-0′.l

Les sérotypes de V. cholerae non-0:l sont responsables de pathologies digestives : gastro-entérites, diarrhées simples ou cholériformes.

Les manifestations extra-intestinales sont observées surtout chez les immunodéprimés.

Les infections de plaies ou d’oreille font suite à des contacts avec l’eau de mer.

IV – CARACTÈRES BACTÉRIOLOGIQUES :

A – Morphologie et caractères culturaux :

– Classiquement : bacilles à Gram négatif, incurvé en virgule 2 p.m/0,5 |J.m, isolé, parfois groupé par 2 ou plus, mobile par cil polaire unique, non sporulé, non capsulé.

– Des morphologies atypiques peuvent être observées : sphères, aspects en poires, formes longues, incurvation manquante, voire formes immobiles.

V. cholerae a un métabolisme aérobie préférentiel, anaérobie facultatif. H est peu exigeant température optimale 30-40°C, résiste à 4°C.

. pH toléré 7,6-9,6, supporte les pH alcalins (milieux d’isolement)

. halotolérant (0,5-7 % de NaCl),

. résiste à la bile, aux sels biliaires et aux tensioactifs (milieux au Teepol)

– Culture. milieux liquides : culture rapide avec voile en surface

. milieux solides : en 24 heures, colonies plates et transparentes, grisâtres, aspect non irisé en transillumination oblique.

B – Caractères biochimiques :

– Métabolisme respiratoire : oxydase (+), catalase (+), nitrate-réductase (+)

– Métabolisme glucidique :

. glucose (+) fermenté sans gaz, saccharose (+)

. lactose (-) (ou lent), ONPG (+), arabinose (-)

. VP(-) pour biotype classique, (+) pour El Tor

– Métabolisme protéique :

. gélatine (+), indole (+). En eau peptonée nitratée, la présence simultanée de nitrite et d’indole produit en présence d’H2SO4 l’apparition d’une teinte rosé ou « choiera Roth ». Cette réaction historique n’est pas spécifique.

. LDC (+), ODC (+), ADH(-)

– Métabolisme lipidique :

. Estérase (+), lécithinase (+).

– L’hémolyse des globules rouges varie avec l’espèce animale et avec le biotype.

V. cholerae est sensible au composé vibriostatique 0/129 (2,4 diamino-6,7 diisopropylptéridine) et à la novobiocine.

Des souches résistantes au 0/129 ont été isolées au Zaïre et en Côte d’Ivoire. On sait que in vitro la résistance au 0/129 est transférable d’E. coli à V. cholerae.

L’apparition de telles résistances ne sauraient donc surprendre ; elle complique le diagnostic.

C – Différenciation en biovars :

On distingue au sein de l’espèce V. cholerae deux biovars, classique et El Tor.

Les principales différences sont regroupées dans le tableau ci-dessous.

TABLEAU III : diagnostic différentiel entre les Biovars classique et El Tor
TABLEAU III : diagnostic différentiel entre les Biovars classique et El Tor

Récemment une sonde oligonucléotidique correspondant au gène hly A codant lliémolysine a permis de distinguer les deux biovars plus efficacement que les tests classiques.

D – Constitution antigénique :

– Ag flagellaire H thermolabile, protéique

II n’est pas spécifique et des communautés antigéniques avec d’autres vibrions existent. La sérotypie n’est pas utilisée en pratique.

– Ag somatique 0 thermostable, polysaccharidique.

Il existe plus de 100 sérogroupes 0.

Les souches pathogènes de V. cholerae (biovar classique et El Tor) appartiennent au sérogroupe 0:1

Ce sérogroupe 0:1 comporte 3 spécificités antigéniques a, b, c aussi bien pour classique que pour El Tor ; la combinaison des antigènes aboutit à l’individualisation de 3 sérotypes, l’antigène a est toujours commun.

_vibrions_

Les sérotypes Ogawa et Inaba sont le plus fréquemment isolés.

Il existe des communautés antigéniques entre 0:1 et d’autres espèces bactéries (certains sérovars de Yersinia enterocohtica, Salmonella, Brucella), d’où des réactions croisées possibles.

E – Substances élaborées :

Le vibrion cholérique élabore de nombreuses enzymes extracellulaires (lécithinase, protéase, neuraminidase et mucinase) qui jouent un rôle important en favorisant la traversée de la couche de mucus (mucinase) et l’entrée en contact du vibrion sur la bordure en brosse des cellules intestinales.

Certaines substances jouent un rôle primordial dans l’adhésion aux cellules intestinales et dans la colonisation de celles-ci. Ce sont les pili ou fimbriae qui sont de deux types, l’un d’entre eux est appelé TCP (toxin coregulated pilus) car il est exprimé en même temps que la production de toxine CT.

L’hémagglutinine soluble (non inhibée par D-mannose et L-fucose) protéase qui clive la sous-unité A polypeptidique de la toxine CT à l’intérieur du pont disulfure en Al et A2, de même qu’un facteur dit facteur accessoire de colonisation (ACF) jouent un rôle en tant que facteurs d’adhésion complémentaires.

L’antigène 0:1 et le glycocalyx, interviendraient dans la fixation et l’adhésion de la bactérie à l’entérocyte.

Comme le sérotype 0:1, les souches de V. cholerae non-0:l produisent diverses enzymes extracellulaires : protéase, neuraminidase, mucinase… Une entérotoxine similaire à la toxine cholérique a pu être mise en évidence ainsi que des entérotoxines LT, ST, une cytolysine et une cytotoxine Shiga-like

F – Toxine cholérique :

C’est le prototype des entérotoxines provoquant une diarrhée par activation de l’adénylate cyclase (AC) des cellules épithéliales de l’intestin grêle.

La toxine cholérique est une protéine oligomérique thermolabile classée dans le groupe des exotoxines vraies.

La toxine native (84 kDa) est constituée :

– d’une sous-unité A centrale (28 kDa) et

– de 5 sous-unités B périphériques (11,5 kDa).

La sous-unité A et les sous-unités B sont liées de manière non covalente.

La sous-unité A comporte deux chaines peptidiques Al (22,5 kDa) et A2 (5,5 kDa) liées par un pont disulfure. La sous-unité A2 servirait de séquence-signal de la translocation de la sous-unité A 1 dans le cytoplasme.

Les sous-unités B se fixent aux gangliosides GM1 de la surface membranaire, ce qui entraîne un changement conformationnel de la toxine se traduisant par la création d’un canal hydrophile par lequel la sous-unité A est internalisée. La neuraminidase du germe transforme les di et trisialogangliosides membranaires en GM1.

La sous-unité Al stimule l’adénylate cyclase. Le mécanisme d’action est le suivant : l’adénylate cyclase membranaire est stimulée par le complexe protéine Gs-GTP ; cette activation cesse suite à l’hydrolyse du GTP en GDP par l’activité GTPasique de la sous-unité a de la protéine Gs. La sous-unité Al ADP-ribosyle la sous-unité a en inhibant son activité GTPasique. L’AC stimulée ainsi de manière permanente augmente considérablement le taux d’AMPc intracellulaire provoquant une fuite hydrique très importante par inhibition de l’absorption de sodium et en stimulant la sécrétion de chlore.

SCHÉMA 1 : cibles moléculaires de la toxine cholérique dans l'entérocyte
SCHÉMA 1 : cibles moléculaires de la toxine cholérique dans l’entérocyte

CT : cholera toxine, GM1 = monosialoganglioside, Gd = disialoganglioside, G1 = trisialoganglioside,

AC = adénylate cyclase, Gs = unité régulatrice stimulante de l’AC (GTP binding protein), cm = calmoduline, PK = protéine kinase. Ça = réserves de calcium

1 : activité glycohydrolase

2 : activité ADP ribosyltransférase

3 : activité GTPase

SCHÉMA 2 : internalisation et action de la toxine cholérique sur l'entérocyte
SCHÉMA 2 : internalisation et action de la toxine cholérique sur l’entérocyte

Schéma proposé par D. M. Gill pour expliquer le mécanisme d’entrée du fragment A de la toxine cholérique.

a ; les sous-unités B reconnaissent leur récepteurs spécifiques

b ; les sous-unités B induisent une modification de la conformation de la paroi et s’insèrent dans la membrane de l’entérocyte.

c ; un canal hydrophile se trouve ainsi créé qui permet le passage intracellulaire de la sous-unité A

d ; le pont disulfure est détruit et le fragment Al peut activer l’adenylcyclase dans le cytoplasme de l’entérocyte.

Les sous-unités A et B de l’entérotoxine CT sont codées par 2 gènes contigus ctx A et ctx B formant un opéron sur le chromosome. L’analyse des séquences montre 75 % d’homologie entre les gènes ctx A fi et les gènes elt A B codant la toxine LT des E. coli ETEC. Les souches de V. cholerae portent des copies multiples de l’opéron ctx A B. Le gène tox R responsable de l’activation de l’opéron ctx A B contrôle d’autres gènes impliqués dans la virulence, tcp A (pili), omp V (protéine membranaire) et ACF.

G – Lysotypie :

On peut isoler dans les zones d’endémie, des vibriophages à partir des selles de malades, de porteurs sains, d’eaux d’égouts ou de rivières.

Ces phages permettent une lysotypie, 14 phages sont utilisés en pratique. Les types III, IV, V et VI sont spécifiques du biovar classique, les types 1 et II du biovar El Tor. La lysotypie fournit des renseignements intéressants en épidémiologie.

H – Sensibilité aux antibiotiques :

Les transferts génétiques réalisés in vitro permettent d’obtenir des souches multirésistantes ; de telles souches pourraient survenir spontanément et déclencher des épidémies.

Des souches porteuses de résistances plasmidiques ont été isolées à Calcutta, mais aussi en Afrique du Nord, en Afrique noire, en U.R.S.S….

Les résistances signalées portent notamment sur les tétracyclines, les sulfamides, ce qui pose des problèmes de chimioprophylaxie et de traitement curatif. Sans toujours atteindre des niveaux de résistance élevés, ces souches se caractérisent assez souvent par une simple élévation de la CMI et par une certaine instabilité.

Il a été possible de transférer ces résistances plasmidiques à des E. coli.

Enfin les résistances à la colistine et à la polymyxine sont classiques pour El Tor.

V – DIAGNOSTIC BACTÉRIOLOGIQUE :

Un examen bactériologique complet est réalisé en Europe et dans les pays industrialisés devant une suspicion de choléra mais il est évident qu’en zone d’endémie on se limite à des tests présomptifs.

1. Les prélèvements et leur transport :

-Prélèvements d’origine humaine : on recherche le vibrion cholérique dans les selles, les écouvillonnages rectaux, les vomissements, dans des prélèvements de contenu intestinal lors d’autopsies. Les hémocultures n’ont pas d’intérêt.

Prélèvements du milieu extérieur :

eaux. si légèrement trouble, concentration par fiÏtration ;

. si trouble, mélanger l’eau à de l’eau peptonée alcaline concentrée 10 fois, éventuellement par le procédé des gazes flottantes.

– égouts : milieux sélectifs

– aliments : ils doivent être homogénéisés et enrichis en eau peptonée alcaline.

L’idéal est de pouvoir ensemencer les milieux d’enrichissement et de culture sur place. Ceci n’est pas toujours possible et on peut déposer l’échantillon de selles sur du papier buvard ou filtre et l’expédier au laboratoire sous enveloppe scellée.

Si possible faire sur place un ensemencement en eau peptonée alcaline ou salée (2 % de NaCl) à pH 9, et envoyer le tube à vis au laboratoire.

2. L’examen bactériologique :

a/ L’examen direct :

Il peut être évocateur si on observe entre lame et lamelle une mobilité « en banc de poissons » et au Gram une flore monomorphe à Gram négatif plus ou moins incurvée.

b/ La mise en culture :

II est conseillé (schéma 3) d’ensemencer en parallèle des milieux d’enrichissement et d’isolement.

– milieux d’enrichissement, on peut utiliser :

– soit une eau peptonée alcaline à 1 ou 3 % NaCl

– soit un milieu taurocholate-tellurite-peptone.

Pour l’un ou l’autre milieu, on procède à un repiquage sur milieu solide après 6 à 8 heures d’incubation à 37°C (parfois on a recours à une 2e étape d’enrichissement).

– milieux d’isolement, on utilisera en parallèle des milieux non ou peu sélectifs et des milieux sélectifs solides

-peu sélectifs : gélose nutritive avec 0,1 % de Teepol. Sur ce milieu, les colonies d’eltor sont non irisées, la production d’oxydase est conservée

– sélectifs : gélose TCBS (Thiosulfate-Citrate-Bile-Saccharose). Les colonies sont grandes, jaunes, convexes, fréquemment vertes si l’incubation est prolongée (El Tor).

La réaction de l’oxydase est aléatoire.

D’autres milieux sélectifs existent. Citons :

– Lauryl-sulfate-tellurite

– Désoxycholate-Citrate-Lactose

– Gélatine-Taurocholate-Trypticase-Tellurite (GTTT. Monsur)

En routine le milieu TCBS peut être conseillé. Il est assez sélectif et en règle générale, Pseudomonas etAeromonas ne poussent pas. Par contre, des Proteus, des bacilles sporulés, voire des cocci, peuvent pousser en donnant des colonies jaunes.

Certaines souches de V. cholerae peuvent pousser sur gélose SS et sur Me Conkey.

c/ L’identification :

On repère les colonies suspectes, on étudiera au moins 5 colonies différentes.

– Les tests présomptifs

– oxydase (+), mobilité (+), Gram négatif

-agglutination sur lame avec sérum polyvalent anti 0:1 ; si négatif reprendre l’agglutination après chauffage à 100°C durant 2 heures. Puis utiliser des sérums spécifiques.

Ces tests peuvent éventuellement suffire en période épidémique, mais devant un cas isolé, en début ou en queue d’épidémie que l’on obtienne ou non une agglutination, il faut procéder à une identification complète.

– Diagnostic de certitude

On procède à une galerie complète d’identification

– On écarte facilement les Pseudomonas qui sont aérobies, oxydase (+), et résistent au 0/129.

– Les Aeromonas et Plesiomonas sont plus difficiles à éliminer, mais ils sont ADH(+) et 0/129 résistant (Aeromonas), ou variable (Plesiomonas) (Tableau I).

Plus difficile est la différenciation avec les autres espèces de vibrions.

Les principaux caractères permettant cette distinction sont regroupés dans le tableau III. Parmi les Vibrio rencontrés assez fréquemment en pathologie humaine, le diagnostic différentiel se pose surtout avec V. parahaemolyticus (saccharose (-), ONPG (-), plus tolérant au NaCl) (Schéma 3).

SCHÉMA 3 : étapes du diagnostic bactériologique du choléra : diagnostic et prospectif
SCHÉMA 3 : étapes du diagnostic bactériologique du choléra : diagnostic et prospectif

— Diagnostic de biovar

La différenciation entre biovar classique et El Tor repose sur les caractères mentionnés dans le tableau II, en outre El Tor est classiquement VP (+), et agglutine les globules rouges de poulet contrairement au sérovar classique.

— Mise en évidence de la toxine CT

Seules 67 % des souches isolées de choléra ou de sujets contacts sont CT positives. La recherche de la toxine peut se faire à partir des cultures en utilisant notamment des kits commercialisés utilisant la coagglutination ou l’agglutination de particules de latex (VET-RPLA). On peut aussi utiliser soit des techniques ELISA classiques, soit la réaction dite ELISA-GM1, soit enfin une technique dite GERYDO d’inhibition de l’hémadsorption sur le ganglioside GM1 ; ces techniques sont utilisées sur des cultures, mais des développements sont envisageables en recherchant directement la toxine sur les selles par ces procédés.

V. cholerae 0:1 « atypiques »

Ce sont des souches agglutinables par les sérums polyvalents 0:1, mais non productrices d’entérotoxine. Elles peuvent présenter des anomalies par rapport aux souches épidémiques (fermentation lente du saccharose, comportement particulier vis-à-vis des phages). Ces souches se trouvent dans les eaux, les coquillages et parfois dans les selles de sujets sans diarrhée.

En plus de ces techniques classiques de diagnostic de choléra par isolement et identification de la souche, des recherches sont en cours permettant de rechercher la toxine cholérique non seulement sur les souches, mais aussi directement dans la selle cholérique, ou le gène codant la toxine par sonde ou amplification génique (PCR).

TABLEAU IV : caractères différentiels de quelques Halophiles et non Halophiles de la famille des vibrionaceae
TABLEAU IV : caractères différentiels de quelques Halophiles et non Halophiles de la famille des vibrionaceae

3. Diagnostic indirect :

Vu le caractère d’urgence du choléra, la recherche des anticorps n’a pas d’intérêt pour le diagnostic. Elle n’est utile que pour surveiller l’immunité.

– Les agglutinines sont décelables à partir des 10-15e jours. Il faut exiger une montée des anticorps ou un titre atteignant plus d’1/100 pour porter un diagnostic présomptif tardif.

– La recherche d’anticorps vibriocides : la combinaison vibrions + sérum contenant des anticorps + complément entraîne une lyse des vibrions. Une augmentation de ces anticorps est observée chez plus de 90 % des cholériques.

Le dosage des anticorps antitoxine connaît un regain d’intérêt car il permettrait de détecter non seulement les anticorps anticholériques, mais aussi ceux dirigés contre la toxine LT des E. coll. Plusieurs techniques sont proposées : immunohémolyse radiale, ELISA…

VI – TRAITEMENT :

A – Préventif :

1. Mesures d’hygiène :

C’est une maladie quarantenaire à déclaration obligatoire. Il faut prendre des mesures d’hygiène individuelles et collectives.

Il faut faire bouillir l’eau, faire cuire les aliments. Se laver très soigneusement les mains, évacuer les excréments, même pour les sujets sains.

Pour les malades et les porteurs « sains », faire un dépistage, procéder à un isolement (5 jours), désinfecter linges, excréments, vêtements, lits, moyens de transport, prendre des mesures vis-à-vis des cadavres. Une chimiothérapie diminue la durée du portage.

2. Vaccins anticholériques :

Après un choléra, la protection conférée est de l’ordre de 90 % ; ceci fait que très tôt, en 1885, Ferran a imaginé de protéger contre le choléra par un vaccin.

Actuellement plusieurs types de vaccins sont proposés.

a/ Vaccin à base de vibrions tués : (cellules entières)

par voie parentérale : c’est le vaccin classique, disponible. Il contient dans chaque dose 4 000 millions de vibrions tués, Inaba et Ogawa. Ce vaccin donne

– des réactions locales et générales modérées ;

– une protection de l’ordre de 55 à 60 % durant 3 à 6 mois ; mais il n’est pas protecteur chez les jeunes enfants.

– une réponse immune avec production d’anticorps vibriocides circulants, d’anticorps agglutinants, mais pas antitoxiniques.

– par voie orale : des essais ont eu lieu en faisant prendre 1010 vibrions/jour durant 5 jours. La protection serait de l’ordre de 60 %.

b/ Vaccins à base de constituants purifiés :

Anatoxine (toxoid)

On peut utiliser de la toxine détoxifiée par :

– le formol

– le glutaraldéhyde

– la chaleur : le toxoid est chauffé à 65°C durant 5 minutes, ou mieux durant 25 minutes pour diminuer la toxine résiduelle (< 1 %).

Fraction purifiée

Dodin a proposé un vaccin administré per os fait de facteurs d’attachement de la bactérie aux cellules intestinales (petits peptides) et de LPS dont le polyoside serait responsable du pouvoir vibriocide induit par le vaccin.

Sous-unité B purifiée

Ce type de vaccin provoque l’apparition d’IgA intestinales qui persistent plus longtemps si l’administration se fait per os. Cette approche est intéressante, mais insuffisante. Aussi Holmgren a-t-il proposé d’associer sous-unités B purifiées et vibrions tués, administrés par voie orale.

Un vaccin cholérique oral à germes entiers + sous unité B arrive au terme de son développement, administré à deux reprises à 4 semaines d’intervalle ; il confère une protection de 85 % durant les six premiers mois et de 63 % sur la première année. Au bout de trois ans, la protection est encore de 50 %. A noter que ce vaccin confère une protection nette, mais de courte durée contre les diarrhées à E. coli entérotoxinogènes (ETEC).

c/ Souches atténuées de V. cholerae :

Souches naturellement atténuées. Les souches non toxinogènes de V. cholerae 0:1 ne confèrent pas de protection.

Souches atténuées par mutagénèse :

– mutant hypotoxinogène obtenu par la nitrosoguanidine souche 569 B (M 13) utilisée per os. Elle donne une protection de 60 %, mais a tendance à une reversion toxinogène.

– autres mutants, telle la souche Texas-Star (3083) qui produit des sous-unités B, mais pas de sous-unité A. Utilisée per os elle entraîne l’apparition d’anticorps vibriocides (85 % des sujets) et antitoxiniques (25 %), la protection est inférieure à 75 % durant 1 à 2 ans. Parmi les inconvénients on peut noter une petite diarrhée lors de la vaccination, et on peut imaginer un éventuel retour à la virulence.

d/ Souches recombinantes obtenues par génie génétique :

Différents recombinants de V. cholerae ont été utilisés. Il a été possible de les obtenir car les gènes codant les sous-unités A et B de la toxine ont été séquences ; on a obtenu des souches synthétisant uniquement la sous-unité B, d’autres ne synthétisant aucune des deux sous-unités… Ces vaccins sont en cours d’évaluation. Ils conféreraient une importante protection… mais nous manquons encore de recul pour juger les résultats.

Une autre approche a été tentée : on a introduit les gènes codant le LPS de V. cholerae dans une souche de Salmonella typhi avirulente (S. typhi Ty 2 la), cette souche EX 845 est parfaitement avirulente, mais s’est révélée peu immunogène et non protectrice chez les volontaires.

3. Chimioprophylaxie :

Elle n’est utilisable qu’en prophylaxie de courte durée (séjour court en zone d’endémie). Elle prévient la maladie et supprime le portage.

On utilise les sulfamides-retards (Fanasil®), ou les tétracyclines (doxycycline).

Une surveillance des sensibilités du V. cholérique à ces antibiotiques est indispensable, vu l’existence de résistances.

B – Traitement curatif :

Correctement traité le choléra n’entraîne qu’environ 1 % de décès, mais quand il survient dans des zones défavorisées, les structures sanitaires sont vite débordées devant plusieurs dizaines de cas quotidiens. La mortalité peut alors atteindre 50 %.

Le traitement curatif comporte :

– une réhydratation massive par voie parentérale par sérum physiologique et bicarbonaté en fonction de la déshydratation (souvent 5-6 litres perfusés en 3-5 heures), ou par voie orale (soluté de réhydratation orale : SRO de l’O.M.S.) ;

– une antibiothérapie dont l’intérêt est souvent mis en doute. Elle réduit l’importance et la durée de la diarrhée et raccourcit la durée du portage. On utilise les sulfamides, le triméthoprime-sulfaméthoxazole, le chloramphénicol ou les tétracyclines (sous réserve que la sensibilité de la souche épidémique ait été vérifiée).

AUTRES VIBRIONS :

En dehors de V. cholerae, d’autres espèces de vibrions ont été retrouvées chez l’homme. Les principales d’entre elles sont décrites ci-dessous.

VIBRIO PARAHAEMOLYTICUS

Après V. cholerae, c’est l’espèce la plus importante.

I – HABITAT ET POUVOIR PATHOGÈNE :

Bactérie présente dans l’eau de mer, dans les eaux littorales, dans les poissons, les coquillages, les mollusques. Vibrio parahaemolyticus est responsable de diarrhées aiguës chez l’homme, consécutives à une ingestion d’aliments contaminés.

La diarrhée débute 2 à 6 heures après le repas. Les selles sont souvent hydriques, parfois sanglantes, la température est peu élevée ; la diarrhée persiste 4 à 7 jours.

Ce Vibrio produirait une entérotoxine thermolabile, mais le mécanisme de la diarrhée est assez complexe et une action entéro-invasive combinée à l’entérotoxine n’est pas exclue.

II – DIAGNOSTIC BACTÉRIOLOGIQUE :

A – Prélèvements :

La bactérie peut être recherchée à partir de selles, de fruits de mer frais ou congelés, ou d’eaux.

La recherche devra être systématique, même en France, à partir des selles, si on a la notion d’intoxication alimentaire consécutive à l’ingestion de produits d’origine marine.

B – Culture :

II est conseillé comme pour V. cholerae de procéder à un ensemencement double :

– de milieux d’enrichissement (eau peptonée salée 3 % NaCl)

– et de milieux d’isolement (TCBS)

(Les milieux d’enrichissement étant repiqués au bout de 6 à 18 heures sur milieux d’isolement).

Les incubations des milieux de culture se font à 30°C. On observe des colonies bleues-vertes sur TCBS. A noter que ces colonies peuvent se développer (lentement en 48 heures) sur divers milieux pour Entérobactéries (Drigalski, Mac Conkey, Hektoen, SS).

C – Morphologie :

Bacilles droits, assez courts, très mobiles par ciliature polaire monotriche.

D – Caractères biochimiques :

En dehors des caractères généraux communs avec les autres vibrions, ce vibrion doit être différencié particulièrement, d’une part, de V. cholerae et V. mimicus et, d’autre part, de V. alginolyticus.

V. parahaemolyticus est VP(-), ONPG(-), saccharose (-), arabinose (+) alors que V. cholerae est VP variable, ONPG(+), saccharose (+), arabinose(-), et V. alginolyticus est VP(+), ONPG(-), saccharose (+), arabinose (-). La différence avec V. mimicus se fait sur le caractère ONPG(+) et l’halophilie modérée de cette espèce.

En outre, V. parahaemolyticus tolère 7 – 8 % de NaCl, alors que V. alginolyticus supporte jusqu’à 10 % de NaCl.

Un caractère est intéressant à rechercher pour les V. haemolyticus ; il s’agit de l’hémolyse p sur milieu de Wagatsuma, additionné de 5 % de sang défibriné humain ou de lapin. Si l’hémolyse est présente, les souches sont dites « Kanagawa + », c’est le cas des souches pathogènes pour l’homme. Celles provenant du milieu extérieur sont en général « Kanagawa – », sans que l’on sache la nature du lien hémolyse-virulence.

A noter que le gène tdh codant l’hémolysine thermostable de V.parahaemolyticus présente une forte homologie avec les gènes codant les hémolysines de V. cholerae non 0:1, V. mimicus et V. hollisae ce qui suggère un ancêtre commun.

E – Constituants antigéniques :

On reconnaît 12 spécificités antigéniques 0 et 59 antigènes K. Selon les conditions de culture, deux types de flagelles sont observés, monotriche M ou lophotriche L. Il existe des communautés antigéniques entre les flagelles de V. parahaemolyticus et V. alginolyticus (flagelles M et L) et non avec de V. cholerae (flagelles M).

La sérotypie n’est pas réalisée en routine.

F – Sensibilité aux antibiotiques :

Les souches sont résistantes à l’ampicilline, sensibles à la gentamicine et à la tobramycine, aux tétracyclines, au chloramphénicol et au triméthoprimesulfaméthoxazole.

VIBRIO ALGINOLYTICUS :

I – HABITAT ET POUVOIR PATHOGÈNE :

II s’agit d’un vibrion halophile dénué de pouvoir entéropathogène, qui peut être isolé à partir d’infections cutanées (ulcères, cellulite), souvent à la suite d’un contact avec de l’eau de mer.

II – DIAGNOSTIC BACTÉRIOLOGIQUE :

V. alginolyticus présente beaucoup de caractères communs avec V. cholerae hormis son caractère halophile très marqué. Il présente comme certains Proteus un caractère diffusible des colonies sur gélose au sang.

VIBRIO VULNIFICUS :

I – HABITAT ET POUVOIR PATHOGÈNE :

V. vulnificus est une espèce du milieu marin. Elle est responsable, chez l’homme, de deux types d’infections : une forme septicémique grave, survenant 24 heures après l’ingestion de fruits de mer, chez des patients à défenses compromises (cirrhose par exemple) et des formes cutanées consécutives à un traumatisme et un contact avec de l’eau de mer ou des aliments d’origine halieutique.

II – DIAGNOSTIC BACTÉRIOLOGIQUE :

Le caractère ONPG rapide, lactose positif et sa résistance constante à la colistine sont les éléments majeurs d’orientation vers ce diagnostic.