Yersinia

HISTORIQUE :

Le genre Yersinia, du nom du bactériologiste Alexandre Yersin qui le premier a isolé en 1894 le bacille de la peste, a été proposé en 1944 et officialisé en 1974 après le démembrement du genre Pastewella.

En 1883, Malassez et Vignal ont isolé Pasteurella pseudotuberculosis chez des cobayes présentant des lésions pseudo-tuberculeuses du foie, de la rate, et des ganglions ; cette bactérie était responsable d’épizooties en particulier chez les rongeurs et le rôle de Y. pseudotuberculosis en pathologie humaine a été montré à partir de 1954.

Dans les années 1960, Y. enterocolitica a été responsable d’épizooties atteignant des élevages de chinchillas en Europe Occidentale et est depuis cette date isolée dans un nombre croissant de cas humains. Actuellement, le bacille de la peste n’occupe plus la place qui fut la sienne pendant des siècles et le devant de la scène est occupé de façon nettement moins spectaculaire par V. enterocolitica.

I – CARACTÈRES GÉNÉRAUX DU GENRE :

Yersinia PestisLe genre Yersinia regroupe des bacilles droits, parfois cocco-bacillaires, à Gram négatif, avec une tendance à la coloration bipolaire, de 0,5-0,8 (-un x 1-3 u.m, non capsulés, non sporulés, immobiles à 37°C, mobiles au-dessous de 30°C par une ciliature péritriche. Cependant Y. pestis est toujours immobile.

Les Yersinia présentent les caractères généraux des Enterobacteriaceae auquel le genre appartient avec cependant des particularités comme l’expression de caractères phénotypiques dépendant de la température.

II – TAXONOMIE ET NOMENCLATURE :

Le genre Yersinia est constitué de plusieurs espèces qui peuvent être séparées en deux groupes : d’une part les espèces virulentes Y. pestis (bacille de Yersin), Y. pseudotuberculosis (bacille de Malassez et Vignal) et Y. enterocolitica (sérogroupes 0:3, 0:8, 0:9 et 0:5,7) ; et d’autre part les espèces non virulentes pour l’homme : Y. enterocolitica des autre sérogroupes, Y. intermedia, Y. frederiksenii, Y. kristensenii, Y. aldovae. Y. ruckeri, pathogène pour les poissons, n’appartiendrait pas au genre Yersinia. Deux nouvelles espèces , Y. mollaretii et Y. bercovieri ont été récemment décrites. Y. pestis et Y. pseudotuberculosis sont deux espèces très proches sur le plan génétique (homologie d’hybridation ADN-ADN très élevée) et pourraient être deux variants pathogènes d’une même espèce.

III – HABITAT ET ÉPIDÉMIOLOGIE :

Les bactéries du genre Yersinia ont une vaste distribution et peuvent être isolées dans le sol et chez de nombreuses espèces animales. Les espèces pathogènes atteignent diverses espèces animales et occasionnellement l’homme.

A – Le bacille de la peste :

Y. pestis, est présent essentiellement chez les rongeurs. Des dizaines d’espèces présentes sur tous les continents peuvent être infectées. La dispersion de la maladie est assurée par le couple rongeur-puce et l’épidémiologie de la peste est étroitement liée à l’écologie des rongeurs et de leurs puces. La bactérie survit plusieurs mois dans le sol, et les terriers contaminés par les cadavres de rongeurs et de puces constituent le réservoir de bactéries. Lorsque la maladie animale atteint les rongeurs des villes, en particulier les rats, la contamination de l’homme devient possible par l’intermédiaire de la piqûre de puce. La peste a disparu d’Europe au début du siècle mais elle est encore observée en Afrique (Centrale, de l’Est, du Sud), en Asie (du Sud-Est, en U.R.S.S., en Iran), et en Amérique du Nord et du Sud, sous forme enzootique.

Les souches de Y. pestis présentent des caractéristiques biochimiques particulières en fonction de leur distribution géographique : le biovar antiqua est observé en Asie Centrale et en Afrique Centrale ; le biovar medievalis est rencontré en Iran et en U.R.S.S. ; le biovar orientalis (ou oceanic) a une distribution mondiale.

B – Y. pseudotuberculosis :

Cette espèce a comme réservoir le sol et les animaux contaminés à partir du sol comme les rongeurs et les oiseaux. D’autres espèces animales peuvent être concernées. La maladie chez l’homme est observée au cours de la saison froide après contact direct avec les animaux porteurs qui éliminent Y. pseudotuberculosis dans les fèces. Des animaux proches de l’homme comme le chat (chasseur de rongeurs et d’oiseaux) et des petits rongeurs « de loisirs » entretenus à la maison jouent un rôle non négligeable. La maladie est aussi observée au printemps après contamination à partir du sol ou d’aliments ou de végétaux contaminés par les excréments de micromammifères ou d’oiseaux. Ceci fait de l’infection par Y. pseudotuberculosis une saprozoonose pseudotellurique, maladie commune à l’animal et à l’homme avec un réservoir commun constitué par le milieu extérieur.

C – y. enterocolitica :

Cette espèce possède une distribution et un réservoir beaucoup plus vastes. De plus l’hétérogénéité qui sera décrite sur le plan biochimique existe également au point de vue épidémiologique. Y. enterocolitica a été isolé chez des rongeurs, des micromammifères, chez le porc, dans les eaux, le sol, les aliments. Il existe des souches adaptées à un environnement ou à un hôte (homme ou animal) et des souches non adaptées rencontrées dans le sol, l’eau, le tube digestif des micromammifères.

Y. enterocolitica est pathogène pour les chinchillas, les lièvres, les singes et l’homme.

Les souches de biovar 5 sont rencontrées chez le lièvre en Europe, celle de biovar 3 chez le chinchilla. Les souches de biovar 4, sérogroupe 0:3, de biovar 3, sérogroupe 0:5 et de biovar 2 sérogroupe 0:9 sont les plus fréquentes chez l’homme en Europe ; celles de sérogroupe 0:8 sont plus fréquemment isolées au U.S.A.

La maladie humaine est surtout observée depuis 1960 et l’augmentation de la prévalence des infections à Y. enterocolitica chez l’homme peut être attribuée d’une part à la particularité de l’espèce de se multiplier à basse température et d’autre part à la présence fréquente de Y. enter ocolitica dans certains aliments (végétaux, viandes et charcuteries, lait et dérivés). Ceci est en relation avec l’importance prise par la chaîne du froid pour la conservation des denrées alimentaires en milieu familial, avec des changements d’attitudes alimentaires et la consommation de nombreux végétaux crus, avec la généralisation de la restauration collective qui amplifie les deux éléments précédents.

La contamination se fait donc essentiellement par voie digestive ; exceptionnellement les voies sous-cutanée, oculaire, et après griffure de chat ont été observées.

Les espèces Y. intermedia, Y. kristensenii, et Y. frederiksenii présentes dans le milieu extérieur (dans l’eau, le sol) et occasionnellement isolées chez l’homme sont considérées comme non pathogènes.

IV – POUVOIR PATHOGÈNE NATUREL :

A – Y. p e s t i s :

C’est l’agent de la peste, maladie avant tout des rongeurs sauvages transmise d’animal à animal par la puce. Chez cette dernière la bactérie se multiplie et engorge l’oesophage et le pharynx ; la contamination se fait lors du repas au cours duquel la puce régurgite les bactéries.

L’homme est un hôte accidentel choisi par Xenopsylla cheopis (la puce du rat) lorsqu’elle n’a pas d’autre hôte disponible (lorsque les populations de rats sont décimées). D’autres arthropodes peuvent plus rarement servir de vecteurs.

L’infection après piqûre de puce se traduit par la forme bubonique typique. La bactérie se multiplie localement et est disséminée par voie lymphatique. Les ganglions du territoire de la piqûre, enflammés et hypertrophiés, constituent le bubon. La maladie évolue sous forme septicémique avec parfois localisation pulmonaire secondaire.

La contamination interhumaine peut s’effectuer par dispersion à partir des sécrétions bronchopulmonaires d’un sujet présentant une localisation pulmonaire secondaire. Elle entraîne alors chez le sujet neuf ainsi contaminé une forme pulmonaire primitive. Ce mode d’infection par aérosol a pu exceptionnellement être observé lors du travail en laboratoire.

B – Y. enterocolitica et Y. pseudotuberculosis :

Elles sont responsables des yersinioses, regroupant des manifestations pathologiques variées. Les infections à Y. enterocolitica sont les plus fréquentes.

1. Manifestations digestives :

Ce sont les plus anciennement connues et de loin les plus fréquentes (grands enfants, adolescents et adultes). L’adénolymphite mésentérique est la forme la plus classique observée avec les deux espèces, se traduisant par un syndrome abdominal aigu douloureux de la fosse iliaque droite, pouvant être confondu avec une appendicite aiguë. L’infection sous forme d’iléite aiguë est moins fréquente.

Chez le jeune enfant (jusqu’à 6 ans environ), Y. enterocolitica est responsable de gastro-entérites dont le tableau clinique est comparable à celui observé avec les autres bactéries intestinales : fièvre, douleurs abdominales, diarrhée.

2. Septicémies :

Les formes septicémiques sont plus rares et sont observées sur un terrain particulier (cirrhose, diabète, hémochromatose, hémopathies,…). Les infections systémiques sont plus fréquentes chez des sujets présentant une surcharge en fer. Le tableau clinique habituel des septicémies peut s’accompagner de localisations secondaires (hépatiques, abdominales, ganglionnaires).

En raison de son aptitude à se multiplier dans les poches de concentrés globulaires conservés à 4°C Y. enterocolitica peut être responsable de chocs septiques transfusionnels consécutifs à une bactériémie chez le donneur.

3. Manifestations extra-digestives :

Elles sont provoquées le plus souvent par un processus auto-immun :

– érythème noueux survenant après une infection Y. pseudotuberculosis chez l’enfant entre 8 et 15 ans ou après une infection à Y. enterocolitica chez la femme après 50 ans,

– polyarthrites ou arthrites réactionnelles succédant à un épisode d’entérite aiguë mais concernant dans la plupart des cas les sujets porteurs de l’antigène HLA-B27.

D’autres manifestations ont été occasionnellement décrites reposant sur des arguments sérologiques, syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter, cardite, glomérulonéphrite, thyroïdite.

La fièvre scarlatiniforme d’Extrême-Orient due à Y. pseudotuberculosis et décrite depuis une trentaine d’années dans la partie la plus orientale de l’Union Soviétique n’a pas encore été observée en Europe.

V – PHYSIOPATHOLOGIE – FACTEURS DE VIRULENCE :

Les Yersinia pathogènes possèdent en commun plusieurs facteurs de virulence.

Y. enterocolitica fut la première espèce pour laquelle les capacités invasives ont été rattachées à la présence d’un plasmide, mécanisme maintenant commun aux Shigella, Salmonella et aux souches entéro-invasives d’E. coll.

Un plasmide de virulence (pYV) de 70 kb est présent dans les souches pathogènes.

Plusieurs gènes plasmidiques codent des protéines de la membrane externe (Yop) dont l’antigène V ou W ; la synthèse de ces protéines est réalisée à 37°C en absence d’ions calcium, mais pas ou peu à 28°C. Ces protéines permettraient de résister à la phagocytose.

La protéine PI, produite indépendamment des ions calcium est constituée de sous-unités recouvrant, sous forme de fibrilles, la surface des bactéries. Codée par pYV, cette protéine serait le support de l’adhésion et protégerait la bactérie de l’action bactéricide du sérum.

Deux gènes chromosomiques responsables de l’invasion ont été identifiés. L’un, inv, présent chez Y. pseudotuberculosis et Y. enterocolitica code une protéine de 103 kDa ou « invasine », produite à 28°C, présente à la surface de la bactérie et dans la membrane externe. L’autre gène chromosomique d’invasion est le gène ail (locus d’attachement et d’invasion) qui code une protéine de 17 kDa produite à 37°C. Seules les souches pathogènes possèdent ail alors que le gène inv est présent mais non fonctionnel chez les souches non pathogènes (de l’environnement) de Y. enterocolitica.

Les souches très virulentes, Y. pestis, Y. pseudotuberculosis, Y. enterocolitica 0:8, possèdent des protéines de haut poids moléculaire (190 kDa) synthétisées dans un milieu carence en fer. Le gène est absent chez les autres espèces et chez Y. enterocolitica 0:3 et 0:9.

Y. enter ocolitica produit à 28°C une entérotoxine aux propriétés identiques à celles de l’entérotoxine thermostable (ST) de E. coli. Le rôle de l’entérotoxine dans la pathogénie de l’infection n’est pas clairement établi car elle n’est pas produite à une température supérieure à 30°C.

L’uréase, par les altérations de la muqueuse produites par l’ammoniaque libéré à partir du contenu intestinal, participerait à la colonisation bactérienne.

De nombreux facteurs vont donc participer à la virulence de Y. enterocolitica et Y. pseudotuberculosis. L’atteinte de la lamina propria s’effectuerait par l’intermédiaire de cellules épithéliales spécialisées dépourvues de bordure en brosse recouvrant les plaques de Peyer (cellules M) ou par l’intermédiaire des entérocytes.

Chez l’animal de laboratoire les espèces virulentes sont Y. p e s t i s , Y. pseudotuberculosis et Y. enterocolitica (sérotypes 0:8, 0:9 et 0:3).

Chez l’homme, en particulier chez l’enfant, l’infection à Y. enterocolitica réalise un tableau de gastro-entérite et des signes d’infection systémique. La bactérie provoque une diarrhée selon un mécanisme entéro-invasif. La porte d’entrée se situe sur l’iléon terminal et le caecum au niveau desquels sont observées les principales lésions sous forme de zones inflammatoires et d’ulcérations dans la zone des plaques de Peyer. Les bactéries ont une multiplication intra-cellulaire dans les cellules de la muqueuse formant des granulomes inflammatoires et des micro-abcès qui évoluent vers la nécrose entraînant ulcérations et hémorragies. Les ganglions mésentériques sont aussi le siège d’une multiplication bactérienne dans les cellules mononucléées avec formation de granulomes inflammatoires ; l’adénite mésentérique peut parfois présenter un aspect pseudotumoral.

VI – DIAGNOSTIC BACTÉRIOLOGIQUE :

A – Les produits pathologiques :

Le cas particulier de la peste ne sera pas envisagé ici. Les principaux prélèvements sont les selles, les ganglions mésentériques (plus particulièrement pour Y. pseudotuberculosis), l’appendice, le sang pour hémoculture et tout autre prélèvement selon les localisations. Les prélèvements peuvent être conservés au froid, qui, pour les produits plurimicrobiens, est utilisable comme moyen d’enrichissement.

B – Examen direct – Morphologie :

Les Yersinia sont de petits bacilles à Gram négatif, parfois coccoïdes dont la morphologie est proche de celle des Pasteurella. Une coloration bipolaire est décelable, elle est plus prononcée pour Y. pestis et Y. pseudotuberculosis. Les bactéries sont mobiles à 22 – 29°C, mais immobiles à 37°C. Y. pestis est toujours immobile.

C – Culture – Caractères culturaux :

La culture est possible sur milieux ordinaires (gélose nutritive). En 24 heures à 37°C, les colonies sont le plus souvent à la limite de la visibilité ; elles augmentent de taille en prolongeant l’incubation et peuvent ainsi être repérées beaucoup plus facilement. Toutes les espèces, après 48 heures d’incubation, présentent un certain polymorphisme des colonies.

Y. enterocolitica et Y. pseudotuberculosis sont des espèces psychrophiles et peuvent se multiplier à des températures comprises entre + 4 et + 10°C.

Les échantillons non contaminés sont mis en culture sur les milieux usuels. Pour la recherche de Yersinia dans les produits plurimicrobiens (selles, aliments, environnement…) des méthodes d’enrichissement peuvent être utilisées, en particulier l’incubation à basse température (+ 4°C) pendant plusieurs jours ou semaines en milieu liquide (eau peptonée, tampon PBS).

La recherche de Y. enterocolitica par coproculture est facilitée par l’utilisation de milieux de sélection. Les milieux sélectifs contenant des sels biliaires (gélose Mac Conkey, Hektoen, Wauters, SS, DCL) sont utilisables et incubés à 30°C. Il existe aussi des milieux rendus sélectifs par l’adjonction d’antibiotiques (milieu CIN : cefsulodine, irgasan, novobiocine) permettant de détecter de faibles quantités de Y. enterocolitica dans les selles.

Y. enterocolitica est présente dans les selles au cours de la diarrhée et peut y persister plusieurs semaines ou plusieurs mois après la guérison clinique. Elle pourra être recherchée à distance des manifestations aiguës, en particulier lors d’atteintes auto-immunes. Par contre, Y. pseudotuberculosis ne persiste pas dans le tube digestif après la cessation de l’épisode diarrhéique et n’est plus retrouvée dans les selles lorsque se manifeste l’adénite mésentérique.

D – Identification :

Les Yersinia présentent les caractères généraux des Enterobacteriaceae : il s’agit de bacilles à Gram négatif, aéro-anaérobies facultatifs, fermentant le glucose, oxydase négative et réduisant les nitrates en nitrites (sauf Y. pestis var. medievalis et le biovar 5 de Y. enterocolitica).

Les éléments importants de l’identification sont : l’absence de mobilité à 37°C et la mobilité en-dessous de 29°C. Selon les souches, la mobilité peut ne pas être observée lors de l’isolement et peut n’apparaître qu’après plusieurs subcultures.

La réaction de l’uréase est toujours fortement et rapidement positive (sauf Y. pestis).

Le test à l’ONPG est positif mais les souches ne possèdent pas de bêta-galactosidase.

L’absence de lysine-décarboxylase, d’arginine-dihydrolase, de phénylalaninedésaminase est constante. La production de H^S et la culture sur citrate de Simmons sont négatives.

Il convient de souligner l’aspect thermo-dépendant des caractères phénotypiques en particulier pour Y. enterocolitica. Certains caractères comme la production d’acétoïne ou d’acide seront plus nettement et plus rapidement positifs après incubation à une température inférieure à 30°C. Les principaux caractères des espèces du genre Yersinia sont présentés dans le tableau I.

L’hétérogénéité biochimique de Y. enterocolitica permet de définir 5 chimiotypes (ou biovars) sur la base de caractères variables (production d’indole, fermentation du xylose, présence d’une lipase, réduction de l’esculine) (Tableau II).

Il n’existe pas d’espèce animale assez sensible pouvant aider à l’identification des souches de Y. pseudotuberculosis et Y. enterocolitica. Les principaux éléments du diagnostic différentiel devant une colonie lactose négative, et positive pour l’uréase reposent sur la recherche de caractères propres aux Proteus (PDA ou TDA, production d’H2S). D’autres espèces comme les Enterobacter seront à différencier de Y. enterocolitica. Enfin les autres espèces de Yersinia, considérées il y a peu comme des souches atypiques de Y. enterocolitica, sont parfois d’identification moins aisée (voir Tableau I).

TABLEAU I : caractères différentiels des espèces du genre Yersinia
TABLEAU I : caractères différentiels des espèces du genre Yersinia
TABLEAU II : différents chimiotypes (BIOVAR) de Yersinia Enterocolitica
TABLEAU II : différents chimiotypes (BIOVAR) de Yersinia Enterocolitica

E – Classification – sérotypes – lysotypes :

La structure antigénique des Yersinia est complexe ; elles possèdent l’antigène commun des Entérobactéries. Certains antigènes sont des déterminants de virulence (fraction 1 d’antigène d’enveloppe, antigènes V et W) et ont été évoqués dans le chapitre correspondant.

Les souches des deux espèces, Y. pseudotuberculosis et Y. enterocolitica sont classées en sérotypes en fonction de la spécificité de leurs antigènes somatiques.

Y. pseudotuberculosis a été divisée en six types (I à VI) selon les antigènes 0. Le chimiotype 1 est le plus fréquent. Il existe des réactions croisées entre le type II et le groupe B des Salmonella, le type IV et le groupe D des Salmonella, le type VI et E. coli 055. Il existe 5 antigènes flagellaires (a à e).

Chez Y. enterocolitica, 34 antigènes 0 et 20 antigènes H ont été décrits. Ils définissent des sérogroupes utiles pour les études épidémiologiques. Un petit nombre de sérogroupes est associé à une pathologie humaine ou animale. Une modification de la distribution des types des souches isolées dans les selles chez l’homme est observée depuis 1985. En effet, si 0:3 est toujours le plus fréquent, 0:9 semble en régression et il y a une notable augmentation des souches de chimiotype 1 (0:6 ; 0:5…), réputées non pathogènes, dans d’authentiques syndromes diarrhéiques.

Il existe une distribution géographique particulière ; les souches 0:3 et 0:9 sont rencontrées en Europe, alors que les souches 0:8 sont les plus fréquentes aux USA.

Il existe des réactions croisées entre les Brucella et Y. enterocolitica 0:9.

Les études épidémiologiques peuvent être complétées par la lysotypie et il existe deux schémas de classification dont l’un, français, reconnaît 10 lysotypes (I à X).

F – Diagnostic indirect :

Les recherches sérologiques sont utiles au diagnostic lors de manifestations extra-digestives. Elles explorent la présence d’anticorps agglutinants ou d’anticorps fixant le complément. Les antigènes utilisés sont les antigènes de type 1 à V pour Y. pseudotuberculosis et les antigènes 0:3 , 0:9 et 0:5 pour Y. enterocolitica dans une réaction d’agglutination en tube ou de microagglutination. La technique ELISA est utilisable.

Les titres supérieurs ou égaux à 200 par la technique d’agglutination classique et à 40 par microagglutination sont considérés comme significatifs.

Les réactions croisées entre le type 0:9 et les Brucella sont observées avec les deux méthodes. D’autres réactions antigéniques croisées notamment avec les Salmonella du groupe B ou du groupe D, et la présence d’anticorps chez des sujets apparemment sains font toute la difficulté de l’interprétation de la sérologie de routine. Il convient dans tous les cas de suivre l’évolution des anticorps spécifiques. Les anticorps augmentent une semaine après le début des symptômes et atteignent leur sommet la deuxième semaine de la maladie.

VII – TRAITEMENT ET PROPHYLAXIE :

Y. pseudotuberculosis est habituellement sensible aux antibiotiques actifs sur les bacilles à Gram négatif : bêta-lactamines, aminoglycosides, tétracyclines, Y. enterocolitica est naturellement résistant à l’ampicilline et aux céphalosporines de première génération par production à la fois d’une bêta-lactamase constitutive et d’une bêta-lactamase (céphalosporinase) inductible. De rares souches présentent une résistance acquise à d’autres antibiotiques. Comme pour les caractères biochimiques, l’expression de la résistance est dépendante de la température.

Lors d’infections graves, les antibiotiques utilisés seront choisis parmi ceux cités ci-dessus ou parmi les céphalosporines de troisième génération associées ou non à un aminoglycoside.

Il n’existe pas de prévention spécifique des yersinioses.