Hypercalcémie

L’hypercalcémie est une anomalie biologique très fréquente dont les causes sont dominées par l’hyperparathyroïdie primitive et les hypercalcémies des cancers.

L’interrogatoire, l’examen clinique et quelques examens biologiques permettent dans la très grande majorité des cas d’identifier la cause et de proposer le traitement approprié.

Oxyde de Calcium - Hypercalcémie
Oxyde de Calcium – Hypercalcémie

MÉTABOLISME DU CALCIUM :

L’organisme d’un adulte sain de 70 kg contient environ 25 000 mmol (1 kg) de calcium, majoritairement dans l’os (> 99 %) alors que moins de 1 % est présent dans le liquide extracellulaire (ECF) (environ 20 mmol ou 800 mg). Néanmoins, la variable régulée n’est pas le contenu de l’organisme en calcium, mais la concentration de calcium dans le liquide extracellulaire. La calcémie d’un sujet normal se maintient à une valeur extrêmement stable grâce à l’intervention de deux organes, l’os et le rein. Habituellement, l’absorption intestinale du calcium alimentaire n’affecte la calcémie que transitoirement et n’est pas impliquée dans la régulation à court terme de la calcémie.

L’os et le rein sont deux organes qui déterminent la valeur de calcémie à jeun. Afin de maintenir une calcémie stable dans cette condition, l’os libère une quantité de calcium identique à la quantité excrétée dans l’urine pendant le même intervalle de temps. Cette valeur de calcémie d’équilibre est contrôlée par deux hormones, l’hormone parathyroïdienne (PTH) et le métabolite actif de la vitamine D, la 1,25 (OH)2 vitamine D ou calcitriol. La PTH est une hormone peptidique qui agit sur l’os, en augmentant la libération osseuse en calcium, et sur le rein en augmentant la réabsorption tubulaire de calcium, limitant ainsi la perte urinaire de calcium.

De plus, la PTH stimule l’activité de l’1α hydroxylase rénale et, donc, la production de calcitriol.

Le calcitriol est une hormone stéroïde qui se lie à un récepteur cytosolique spécifique, présent dans de nombreux types cellulaires dont les cellules tubulaires rénales, les cellules de l’épithélium intestinal, ainsi que certaines cellules osseuses. À court terme, le calcitriol a un effet sur l’os et le rein similaire à celui de la PTH. Ces deux hormones s’opposent donc à la survenue d’une hypocalcémie. En effet, une tendance à la baisse de la calcémie est immédiatement détectée par les cellules parathyroïdiennes grâce à un récepteur spécifique, le « Calcium-sensing receptor » (CaSR). En réponse, la sécrétion de PTH augmente, provoquant la libération osseuse de calcium et la diminution de l’excrétion urinaire de calcium et ainsi, le retour de la calcémie à la normale. Inversement, une tendance à l’élévation de la calcémie (par exemple, après un repas contenant des produits laitiers) provoque la diminution de la sécrétion de PTH, la diminution de la libération osseuse de calcium et l’augmentation de l’excrétion urinaire de calcium.

Un point notable est que cette libération rapide de calcium par l’os qui intervient dans le contrôle instantané de la valeur de calcémie repose sur un processus distinct du remodelage osseux. Le remodelage osseux, c’est-à-dire l’activité continue de destruction (par les ostéoclastes) et de formation (par les ostéoblastes) de l’os ne participe pas au contrôle de la calcémie, en situation normale, parce que ces deux activités sont très étroitement coordonnées, responsables chacune d’un flux de calcium entre l’os et le liquide extracellulaire identique, mais opposé, le flux résultant restant nul. Même en cas d’augmentation importante du remodelage osseux, comme on peut l’observer au cours de la maladie de Paget, la calcémie ne varie pas, pour autant que le couplage entre ces activités ostéoclastiques et ostéoblastiques persiste.

MÉCANISME DES HYPERCALCÉMIES :

Deux types de désordres peuvent être à l’origine d’une hypercalcémie.

Excès primitif de sécrétion de PTH :

Le premier type de désordres est un excès primitif de sécrétion de PTH. Dans cette situation, l’augmentation de la sécrétion (et de la concentration) de PTH provoque une augmentation de la mobilisation du calcium osseux et une augmentation de la réabsorption tubulaire rénale de calcium filtré, l’ensemble aboutissant nécessairement à une augmentation de la calcémie ; celle-ci se stabilise à une nouvelle valeur, plus élevée que la valeur normale, pour laquelle les entrées d’origine osseuse et les sorties rénales redeviennent identiques. Dans cette nouvelle situation, le bilan de calcium et, en grande partie, la masse minérale osseuse, restent inchangés par comparaison avec une situation normale.

L’hypercalcémie stable, résultante d’une altération primitive de la sécrétion de PTH est, pour cette raison, qualifiée d’hypercalcémie « en équilibre ». Au nouvel état stable, la calcémie est élevée et la concentration sérique de PTH est élevée ou normale, inappropriée à l’hypercalcémie.

La calciurie des 24 heures peut être normale ou augmentée ; dans ce dernier cas, elle reflète une augmentation de l’absorption intestinale de calcium, le plus souvent due à une augmentation de la synthèse de calcitriol induite par l’excès de PTH. Dans sa forme habituelle, l’hyperparathyroïdie primitive est un exemple typique d’hypercalcémie « en équilibre ».

Altération primitive du remodelage osseux :

La seconde situation est celle d’une altération primitive du remodelage osseux, produisant une augmentation importante de la résorption osseuse nette, une diminution de la masse minérale osseuse et un bilan de calcium négatif. Ceci s’observe lorsqu’une augmentation de la résorption ostéoclastique s’associe à une formation osseuse ostéoblastique découplée (c’est-à-dire non augmentée, voire inhibée). L’important flux net de calcium dans le liquide extracellulaire qui en résulte peut dépasser la capacité du rein à éliminer le calcium, provoquant une hypercalcémie progressive appelée hypercalcémie « en déséquilibre ». En effet, une diminution du volume extracellulaire s’y associe fréquemment en raison de vomissements et d’une perte rénale de sodium directement due à l’hypercalcémie : la diminution du volume extracellulaire provoque une diminution du débit de filtration glomérulaire et une augmentation de la réabsorption tubulaire proximale du calcium, qui aggravent l’hypercalcémie. En présence de l’hypercalcémie, la concentration sérique de PTH est basse, adaptée, et la calciurie est élevée, reflétant l’entrée excessive de calcium dans le liquide extracellulaire.

L’hypercalcémie qui complique l’évolution de certaines néoplasies est un exemple typique d’hypercalcémie « en déséquilibre ».

DIAGNOSTIC :

Mesure de la calcémie :

La variable régulée est la concentration extracellulaire de calcium et, plus précisément, la concentration de calcium ionisé. En effet, le calcium sérique total est une variable hétérogène et comprend plusieurs fractions : environ 50-55 % du calcium sérique total existe sous forme ionisée (libre) et constitue à la fois la fraction biologiquement active et la fraction régulée ; le reste est supposé biologiquement inerte, comprenant une fraction liée aux protéines sanguines (albumine, principalement) et une fraction liée aux anions du sérum.

Les valeurs normales, chez l’adulte, de la concentration de calcium sérique total sont comprises entre 2,10 et 2,53 mmol/L à jeun ; elles sont modérément supérieures – d’environ 0,1 mmol/L – chez l’enfant et l’adolescent. Il est important d’effectuer la mesure à jeun parce qu’en période postprandiale, la concentration de calcium total augmente : la variation observée peut atteindre 0,15 mmol/L chez les sujets normaux, et est supérieure chez les sujets qui ont une absorption intestinale du calcium pathologiquement augmentée.

Bien que la variable régulée soit la concentration sérique du calcium ionisé, le diagnostic d’hypercalcémie peut souvent être établi sur la constatation d’une concentration de calcium total anormalement haut parce que les variations de la concentration du calcium libre s’accompagnent de variations parallèles de la concentration du calcium total. Cependant, des anomalies de la concentration de protéines sériques et/ou des anomalies de l’état acide-base sont à l’origine de dissociations. Ainsi, une augmentation de la concentration sérique d’albumine produit une élévation de la fraction du calcium total liée à cette protéine, et donc une augmentation de la calcémie, en dehors de toute variation de la concentration de calcium ionisé ; une augmentation de la concentration sérique de certaines immunoglobulines (comme dans le myélome) entraîne également une augmentation du calcium total sans modification du calcium ionisé.

De même, les variations de la concentration sanguine des ions hydrogène (c’est-à-dire du pH extracellulaire), sont capables d’induire des variations de la fraction du calcium liée à l’albumine parce que les ions hydrogène et les ions Ca++ sont en compétition pour la liaison à l’albumine.

Ainsi, une alcalose aiguë, caractérisée par une diminution de la concentration extracellulaire d’ions hydrogène entraîne une redistribution du calcium sérique entre ses différentes fractions : le calcium lié à l’albumine augmente, le calcium libre diminue et la concentration de calcium total ne varie pas. En particulier, une alcalose ventilatoire aiguë, qui peut apparaître au cours d’un prélèvement douloureux ou chez un sujet émotif, provoque une diminution brutale du calcium ionisé sérique et une augmentation du calcium lié aux protéines. Une telle variation de l’état acide base est reconnue par les appareils de mesure du calcium ionisé, qui possèdent, outre l’électrode spécifique pour la mesure du calcium libre, une électrode pH. Ces appareils proposent une valeur de concentration de calcium ionisé « corrigée », c’est-à-dire calculée pour un pH sanguin de 7,40. La prise en compte de cette valeur « corrigée » est licite en cas de perturbation brutale de l’état acide base. Elle est évidemment illégitime en cas de désordre prolongé de l’état acide base. Si la situation d’alcalose se prolonge (alcalose chronique), la concentration de calcium ionisé, variable régulée, se normalise, grâce à l’intervention des hormones « calciotropes » et la concentration de calcium total augmente. Des modifications opposées sont observées en cas d’acidose extracellulaire.

En résumé, en l’absence d’anomalie des protéines sanguines et du pH extracellulaire, une anomalie de la concentration de calcium ionisé peut être détectée, de manière fiable, par la mesure du calcium total. En revanche, en cas de l’une ou l’autre de ces anomalies, la mesure directe de la concentration du calcium ionisé, grâce à une électrode spécifique, doit être effectuée.

Cette mesure nécessite quelques précautions quant à la technique de prélèvement, celui-ci devant être effectué sur un membre au repos et, au mieux, sans garrot, pour éviter les variations du pH sanguin. Lorsque l’accès à cette mesure n’est pas possible, on peut calculer une calcémie « corrigée », en sachant que chaque gramme d’albumine complexe normalement 0,02 à 0,025 mmol de calcium. Ainsi, chez un sujet dont l’albuminémie est mesurée à 60 g/L, on peut diminuer la calcémie mesurée de 0,4 à 0,5 mmol/L pour obtenir une calcémie « corrigée ». Cette procédure fournit un résultat assez approximatif.

Tableau I. Manifestations cliniques possibles d’une hypercalcémie.
Tableau I. Manifestations cliniques possibles d’une hypercalcémie.

Symptômes de l’hypercalcémie :

Quelle que soit sa cause, une hypercalcémie est d’autant mieux tolérée qu’elle est plus modérée et, surtout, qu’elle s’installe plus lentement. Ceci explique qu’un grand nombre d’hypercalcémies soit découvert fortuitement, chez des patients n’ayant aucun signe d’appel. Les symptômes attribuables à l’hypercalcémie, lorsqu’ils existent, concernent différents appareils : appareil cardiovasculaire, système nerveux central, appareil digestif, système rénal, et sont détaillés dans le tableau I.

Diagnostic d’une hypercalcémie :

Hormis l’interrogatoire (précisant l’ancienneté de l’hypercalcémie, l’utilisation de traitements potentiellement hypercalcémiants comme le lithium, les hormones thyroïdiennes, les sels alcalins de calcium à forte dose, la vitamine A ou les dérivés de la vitamine D, l’existence d’une maladie sous-jacente déjà connue) et l’examen clinique, le diagnostic d’une hypercalcémie requiert une démarche raisonnée au cours de laquelle la mesure de certaines variables biologiques est essentielle. Cette démarche est résumée dans la figure 1.

Estimation de la sécrétion de PTH :

La pierre d’angle du diagnostic d’une hypercalcémie est l’estimation de la sécrétion de PTH.

En présence d’une hypercalcémie, une concentration de PTH élevée ou normale témoigne de son caractère inapproprié et permet d’établir le diagnostic d’hypercalcémie d’origine parathyroïdienne (hyperparathyroïdie primitive ou, plus rarement, hypercalcémie familiale bénigne).

A l’opposé, une concentration de PTH basse, appropriée à l’hypercalcémie, fait porter le diagnostic d’hypercalcémie d’origine extraparathyroïdienne dont les causes sont dominées par les cancers. La sécrétion de PTH n’étant pas cliniquement mesurable, elle est estimée par la mesure de la concentration sérique de PTH, qui permet une excellente séparation entre les valeurs des patients atteints d’hyperparathyroïdie et ceux atteints d’hypercalcémie des cancers ou de sarcoïdose. En 20 ans d’utilisation, ce type de mesure a largement démontré ses performances diagnostiques.

Figure 1. Arbre diagnostic d’une hypercalcémie.
Figure 1. Arbre diagnostic d’une hypercalcémie.

Mesure de la calciurie à jeun :

La calcémie à jeun est maintenue stable parce que la perte rénale obligatoire de calcium qui existe alors est exactement compensée par une entrée nette du calcium d’origine osseuse. Ainsi, la calciurie mesurée à jeun estime la résorption osseuse nette, sous réserve qu’il n’y ait aucune entrée de calcium d’origine intestinale au moment de la mesure. Cette condition est, en général, satisfaite en imposant au sujet, en plus d’un jeûne nocturne total, une alimentation appauvrie en calcium, obtenue par l’éviction du lait, des produits laitiers et des eaux de boisson minéralisées, la veille de la mesure. Le débit urinaire de calcium doit être rapporté au débit de créatinine, de manière à s’affranchir des erreurs de recueil urinaire. Chez les sujets normaux, la valeur de ce rapport (exprimé en mmol/mmol) est comprise entre 0,03 et 0,36.

Mesure de la concentration de PTHrP :

Les situations d’hypercalcémie au cours desquelles la concentration de PTH sérique est basse, adaptée, sont dominées par les cancers. Dans ce groupe, le syndrome d’hypercalcémie humorale des néoplasies (HHC) rend compte de 80 % des hypercalcémies. La PTH-rP (ou peptide apparenté à la PTH) sécrétée par la tumeur joue un rôle central dans ce syndrome : en se liant au récepteur rénal et osseux de la PTH, elle explique une grande partie des signes biologiques caractérisant ce syndrome. Sa mesure constitue donc un élément essentiel pour établir le diagnostic d’HHC. Par ailleurs, en se liant au récepteur rénal de la PTH, elle stimule la production d’AMP cyclique par les cellules tubulaires, essentiellement proximales. Le débit de production d’AMP cyclique par les cellules tubulaires constitue l’AMP cyclique néphrogénique et la dissociation entre une concentration de PTH basse et une production d’AMP cyclique néphrogénique élevée est pathognomonique du syndrome d’HHC.

Mesure des métabolites de la vitamine D :

En dehors du cadre des cancers, certaines hypercalcémies avec sécrétion de PTH basse sont dues à une intoxication par la vitamine D (ou un de ses métabolites) ou à une production endogène excessive de calcitriol par une granulomatose.

En pratique quotidienne, seules les mesures de la 25 (OH) vitamine D et de 1,25 (OH)2 vitamine D ont un intérêt : la première parce qu’elle représente la meilleure estimation du capital en vitamine D et qu’elle seule permet le diagnostic de défi cit ou d’intoxication à la vitamine D ; la seconde parce qu’elle est l’hormone biologiquement active.

La 25 (OH) vitamine D circulante est formée par hydroxylation hépatique du cholecalciférol (vitamine D3) d’origine endogène ou animale, et de l’ergocalciférol (vitamine D2), d’origine végétale. L’hydroxylation hépatique étant directement fonction de la quantité de précurseur, la mesure de la concentration sanguine de 25 (OH) vitamine D reflète l’état du capital en vitamine D2 et D3. En France, les valeurs considérées comme normales sont de l’ordre de 20 à 50 ng/mL (50-125 nmol/L). Une valeur élevée est compatible avec une intoxication, en sachant que la tolérance aux traitements par fortes doses de vitamine D varie considérablement d’un patient à l’autre.

La synthèse de 1,25 (OH)2 vitamine D est essentiellement rénale et rigoureusement contrôlée par la calcémie et la phosphatémie (qui l’inhibent) et la PTH (qui la stimule). En raison même de cette étroite régulation, la mesure de la concentration de calcitriol ne constitue pas une estimation du capital en vitamine D. Les indications du dosage sont donc les situations dans lesquelles la synthèse est anormalement basse (défi cit héréditaire de la synthèse de calcitriol, insuffisance rénale) ou anormalement élevée (granulomatoses, hypercalcémie idiopathique du nourrisson, lymphome), ainsi que les suspicions d’intoxication par le calcitriol (Rocaltrol®) ou l’α-calcidiol ( Un Alfa®). Les valeurs normales chez l’adulte sont habituellement comprises entre 20 et 50 pg/mL (48 à 120 pmol/L) et sont négativement corrélées aux apports alimentaires de calcium. Des valeurs physiologiquement plus élevées sont observées chez l’enfant et au cours de la grossesse (pendant laquelle il existe une production placentaire de calcitriol).

CAUSES DES HYPERCALCÉMIES :

Hypercalcémie d’origine parathyroïdienne :

Hyperparathyroïdie primitive :

L’hyperparathyroïdie primitive (HPTP) est la première cause d’hypercalcémie. Elle se définit par une sécrétion excessive de PTH, inappropriée à la valeur de calcémie. Les complications spécifiques sont devenues rares : la lithiase rénale n’est présente que chez moins de 20 % des patients, l’ostéite fibrokystique chez moins de 1 % et le syndrome neuro-musculaire a virtuellement disparu.

Ainsi, la grande majorité des patients n’a pas de signe directement attribuable à l’HPTP au moment du diagnostic.

L’hypercalcémie est habituellement modérée (2,7-3 mM) et reste remarquablement stable pendant des années. Ainsi, la constatation d’une valeur de calcémie élevée quelques mois ou années auparavant constitue un très fort argument en faveur de l’hyperparathyroïdie primitive. La concentration sérique de PTH est élevée chez 90 % des patients. Chez 10 % des patients, la concentration de PTH n’est pas franchement élevée, mais dans la moitié supérieure des valeurs normales, inappropriée à l’hypercalcémie. La réabsorption tubulaire rénale du phosphate est fréquemment diminuée, en raison de l’hypersécrétion de PTH, provoquant une hypophosphatémie chez 60-70 % des patients. L’hypercalciurie est observée chez 40 à 50 % des patients, due à une synthèse accrue de calcitriol qui stimule l’absorption intestinale du calcium. L’état acide base est habituellement normal, une acidose métabolique hyperchlorémique n’étant observée qu’en cas de déplétion phosphatée sévère ou de néphrocalcinose.

Hypercalcémie familiale bénigne (HFB) :

L’hypercalcémie familiale bénigne (hypercalcémie hypocalciurique familiale) est nettement plus rare que l’HPTP, mais elle en constitue le principal diagnostic différentiel qui contre-indique la parathyroïdectomie. Il s’agit d’une maladie autosomique dominante avec un haut degré de pénétrance due, le plus souvent, à une mutation inactivatrice du gène codant pour CaSR. Cette pathologie associe une hypercalcémie, souvent modérée, dès les premières semaines de vie et une calciurie dans les valeurs basses de la normale.

Dans la moitié des cas une hypermagnésémie modérée est observée. La phosphatémie est le plus souvent normale. Les concentrations de PTH, 25 (OH) vitamine D et 1,25 (OH)2 vitamine D sont normales. La majorité des patients est asymptomatique. Néanmoins, on peut observer dans de rares cas des complications à type de pancréatite aiguë, et, paradoxalement, de néphrolithiase.

Le traitement est conservateur et le patient ne doit pas être mis en régime pauvre en calcium.

Traitement par lithium :

Le traitement prolongé par lithium diminue la clearance du calcium et du magnésium et peut augmenter la sécrétion de PTH, provoquant ainsi une hypercalcémie qui régresse parfois lorsque le traitement peut être interrompu.

Hypercalcémie extraparathyroïdienne :

Hypercalcémie des cancers :

La survenue d’une hypercalcémie au cours de l’évolution d’un cancer est un évènement fréquent puisque son incidence annuelle a été estimée à 150 nouveaux cas par million d’habitants.

Cependant, toutes les néoplasies n’ont pas la même capacité à se compliquer d’hypercalcémie : cet évènement est fréquent dans les cancers bronchiques, les épithéliomas de la tête et du cou, le cancer du sein et certaines hémopathies malignes telles que le myélome multiple. Dans tous les cas, le mécanisme initial de l’hypercalcémie est une ostéolyse intense résultant d’un découplage entre l’ostéoformation et l’ostéorésorption. Le flux de calcium entrant dans le liquide extracellulaire dépasse rapidement la capacité d’élimination rénale, surtout s’il existe une insuffisance rénale ou une augmentation de la réabsorption tubulaire du calcium. L’hypercalcémie apparaît et s’aggrave alors rapidement.

Hypercalcémie humorale des cancers (HHC) :

L’hypercalcémie humorale des cancers est un syndrome survenant chez des patients atteints de néoplasies solides, le plus souvent, dû à la production tumorale d’un facteur humoral circulant (endocrine) qui cause l’hypercalcémie. Ces patients n’ont donc pas nécessairement de localisation osseuse secondaire de leur néoplasie.

L’HHC est fréquente au cours de l’évolution des cancers épidermoïdes des bronches, de la tête et du cou, mais elle a également été décrite dans tous les types de cancers, y compris les hémopathies malignes. L’hypercalcémie d’aggravation rapide, mal tolérée, est associée à une concentration sérique de PTH basse, adaptée, contrastant avec une production d’AMP cyclique néphrogénique élevée, une augmentation de la réabsorption tubulaire de calcium et une diminution de la réabsorption tubulaire de phosphate ; la concentration sanguine de calcitriol est normale ou basse et l’absorption intestinale de calcium diminuée. Le principal facteur impliqué dans la survenue d’une HHC est la sécrétion, par la tumeur, du peptide apparenté à la PTH (PTH-rP).

La mesure de la concentration de PTH-rP a plusieurs intérêts chez les patients atteints d’HHC :

– elle permet le diagnostic ; elle peut être utilisée comme marqueur tumoral afin d’évaluer la réponse de la tumeur au traitement ;

– elle est pronostique : l’espérance de vie est plus courte chez les patients dont la concentration de PTH-rP est la plus élevée ; de plus, une concentration très élevée (> 12 pmol/L) prédit une mauvaise réponse au traitement par bisphophonates.

Ostéolyse locale maligne :

L’ostéolyse locale maligne (OLM) rend compte de 20 % des hypercalcémies compliquant les cancers. Le mécanisme est une augmentation de la résorption ostéoclastique, activée selon un mécanisme paracrine par des cellules malignes infiltrant la moelle osseuse et sécrétant des cytokines (PTH-rP agissant sur le mode paracrine interleukines 6 et 11, VEGF) agissant sur les ostéoclastes. Typiquement, ce mécanisme est observé au cours du myélome et du cancer du sein. La calcémie est élevée, la phosphatémie habituellement normale, et la calciurie très élevée, témoignant de l’entrée massive du calcium osseux dans le liquide extracellulaire. Les concentrations de PTH, de calcitriol et la production d’AMP cyclique sont basses, adaptées à l’hypercalcémie.

Enfin, une hypercalcémie liée à une production excessive et non régulée de calcitriol a été observée au cours de certains lymphomes malins.

Le mécanisme de l’hypercalcémie est le même qu’au cours des granulomatoses.

Sarcoïdose et autres granulomatoses :

Une majorité des patients atteints de sarcoïdose a une hypercalciurie et 10-20 % développent une hypercalcémie au cours de l’évolution de leur maladie. Le mécanisme physiopathologique admis associe une augmentation des entrées d’origine digestive et osseuse, à une diminution de la capacité du rein à excréter le calcium en raison d’une insuffisance rénale liée à une néphropathie interstitielle spécifique. L’augmentation des entrées de calcium est attribuée à une synthèse excessive et non régulée de calcitriol par les macrophages des granulomes. L’activité 1α hydroxylase des macrophages se distingue de celle normalement exprimée dans les cellules du tubule rénal, en ce qu’elle n’est pas régulée par les concentrations de calcitriol et de PTH : pour cette raison, la synthèse macrophagique de calcitriol est extrêmement dépendante de la disponibilité du substrat 25 (OH) vitamine D ce qui explique que la survenue de l’hypercalcémie (et de l’hypercalciurie) soit favorisée par l’exposition au soleil et/ou par l’ingestion de vitamine D même administrée à dose physiologique.

De plus, l’activité 1α hydroxylase des macrophages est inhibée par les glucocorticoïdes, la chloroquine et le kétoconazole, ce qui explique l’efficacité de ces traitements. En effet, les glucocorticoïdes, à la dose quotidienne de 40 à 60 mg de prednisone, produisent une diminution de la concentration de calcitriol, une normalisation de la calcémie et de la calciurie en quelques jours : ils constituent le traitement de choix de l’hypercalcémie des granulomatoses.

Intoxication par la vitamine D :

Une hypercalcémie peut survenir au cours d’un traitement, à dose excessive, par la vitamine D ou l’un de ses métabolites. Les mécanismes principaux sont alors une augmentation de l’absorption intestinale du calcium et une augmentation de la résorption osseuse nette, résultants d’une exacerbation des effets biologiques des métabolites de la vitamine D. La dose recommandée de vitamine D est de l’ordre de 400 à 800 unités par jour : des doses bien supérieures, de l’ordre de 30 000 à 50 000 unités par semaine, sont nécessaires pour obtenir l’apparition d’une hypercalcémie, en raison de la faible affinité de la vitamine D et de la 25 hydroxyvitamine D pour le récepteur de la vitamine D. Les traitements par alfacalcidol ou calcitriol, utilisés chez les patients ayant une ostéodystrophie rénale, sont assez fréquemment responsables d’hypercalcémie, d’autant plus que la capacité d’excrétion rénale du calcium est réduite chez ces patients.

Autres causes :

Les autres causes d’hypercalcémie, les mécanismes physiopathologiques ainsi que leurs caractéristiques biologiques sont répertoriées dans le tableau II.

TRAITEMENTS DES HYPERCALCÉMIES :

L’indication du traitement symptomatique d’une hypercalcémie dépend de plusieurs facteurs.

Tout patient symptomatique ou dont la calcémie excède 3,25 mmol/L nécessite un traitement urgent.

Un patient asymptomatique et dont la calcémie est inférieure à 3,25 mmol/L ne requiert pas de traitement immédiat, à l’exception des cas où cette hypercalcémie est due à un cancer parce qu’elle est alors susceptible de s’aggraver rapidement. Le traitement de l’hypercalcémie doit être individualisé en prenant soigneusement en compte plusieurs éléments : la cause de l’hypercalcémie, son mécanisme pathogénique, et l’existence de contre-indications spécifiques à un type particulier de traitement.

Tableau II. Caractéristiques biologiques des différentes causes d’hypercalcémie.
Tableau II. Caractéristiques biologiques des différentes causes d’hypercalcémie.

Les principes de base du traitement d’une hypercalcémie sont la correction de la contraction du volume extracellulaire, l’augmentation de la capacité du rein à éliminer le calcium, et la diminution des entrées de calcium dans le liquide extracellulaire.

La restauration d’un volume extracellulaire normal par la perfusion intraveineuse de soluté salé isotonique est la première étape du traitement d’une hypercalcémie sévère. L’administration quotidienne de 3 à 6 L de soluté salé isotonique augmente le débit de filtration glomérulaire et diminue la réabsorption tubulaire rénale de calcium, si bien qu’une diminution de la calcémie de l’ordre de 0,4 à 0,6 mmol/L peut être obtenue par ce seul traitement. La quantité de soluté administrée est, évidemment, guidée par la tolérance cardio-vasculaire du patient.

L’utilisation de fortes doses d’un diurétique de l’anse a souvent été préconisée par le passé.

Un tel traitement, qui nécessite que le volume extracellulaire soit préalablement normalisé, n’est plus utile, chez la majorité des patients, en raison de l’efficacité des traitements actuels.

L’utilisation de doses modérées (20 à 40 mg de furosémide par jour) peut cependant être utile chez les patients dont la tolérance cardio-vasculaire à l’expansion du volume extracellulaire est médiocre.

Les médicaments qui inhibent la résorption osseuse constituent un moyen extrêmement efficace de traiter une hypercalcémie sévère, particulièrement lorsqu’elle est due à un cancer.

La calcitonine inhibe la résorption osseuse et augmente l’élimination rénale de calcium.

Administrée à la dose de 4 Unités MCR/kg toutes les 12 heures par voie sous-cutanée ou intraveineuse, elle produit une baisse de la calcémie en quelques heures, avec un effet maximal obtenu en 12 à 24 heures. Cependant, l’effet de la calcitonine est en général modéré, la calcémie diminuant rarement de plus de 0,5 mmol/L et, surtout, transitoire. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de l’associer à un traitement dont l’effet est plus prolongé tel que l’administration de bisphosphonates. Les bisphosphonates sont des analogues synthétiques stables du pyrophosphate et constituent de puissants inhibiteurs de l’activité ostéoclastique. Administrés par voie intraveineuse, l’étidronate, le clodronate, le pamidronate ou l’acide zolédronique (dans l’ordre croissant d’efficacité) entraînent tous une diminution de la calcémie qui n’apparaît que 24 à 48 heures après l’instauration du traitement, l’effet maximal étant observé au cours de la première semaine. Une dose unique de pamidronate en perfusion intraveineuse de 4 heures (30 à 60 mg si la calcémie est inférieure à 3,40 mmol/L, 90 mg si elle est supérieure à cette valeur) est, en général, suffi sante pour entraîner une normalisation prolongée (parfois jusqu’à un mois) de la calcémie.

Les autres traitements antérieurement utilisés (mithramycine, nitrate de gallium, perfusion de phosphate) sont également efficaces, mais leur toxicité est élevée ce qui explique leur désaffection.

CAS PARTICULIERS DU TRAITEMENT DES HYPERPARATHYROÏDIES PRIMITIVES :

De nos jours, 80 % des patients chez qui est diagnostiquée une hyperparathyroïdie primitive sont asymptomatiques, c’est-à-dire que la maladie ne se complique pas d’ostéite fibrokystique, de lithiase calcique symptomatique ou du syndrome neuromusculaire classique. Se pose donc, légitimement, la question de savoir s’il est opportun de traiter radicalement ces patients, en sachant que le seul traitement qu’on puisse proposer en première intention est le traitement chirurgical. Afin de répondre à cette question, deux conférences de consensus américaines ont été tenues, la dernière en 2002.

Le traitement chirurgical reste le seul traitement qui puisse être proposé en première intention aux patients ayant une complication classique de l’hyperparathyroïdie primitive (ostéite fibrokystique, lithiase calcique récidivante, complications gastro-intestinales sévères, syndrome neuro-musculaire). Il est aussi préconisé pour les patients asymptomatiques ayant les formes les plus sévères de la maladie, défi nies selon les critères suivants :

– calcémie dépassant de 0,25 mmol/L (0,10 mg/L) la limite supérieure de la norme du laboratoire ; survenue d’un épisode d’hypercalcémie menaçante ;

– calciurie des 24 heures supérieure à 10 mmol (400 mg)/jour ;

– réduction de la clearance de la créatinine de plus de 30 % ;

– ostéoporose définie par un Tscore < -2,5DS à, au moins, un site de mesure ;

– enfin, le traitement chirurgical est également recommandé chez les sujets âgés de moins de 50 ans et chez ceux dont le suivi médical n’est pas assuré.

Chez environ 50 % des patients, aucun critère d’intervention chirurgicale n’est présent au moment du diagnostic et une surveillance peut être proposée. Cette surveillance comporte la mesure semestrielle de la calcémie et la mesure annuelle de la créatininémie et de la densité minérale osseuse. De surcroît, il est nécessaire de conseiller d’éviter les situations pouvant provoquer une augmentation de la calcémie (immobilisation, déshydratation extracellulaire, consommation de vitamine D à des doses excessives) ou une déminéralisation osseuse (régime appauvri en calcium, carence en vitamine D).

Récemment, un agoniste de CaSR (Cinacalcet Hcl) a été introduit sur le marché : dans le domaine de l’hyperparathyroïdie primitive, son utilisation est réservée aux carcinomes parathyroïdiens et aux patients dont le traitement chirurgical préalable s’est soldé par un échec.