Dépistage du cancer colorectal et prévention

On dénombre annuellement en France environ 36 000 nouveaux cas de cancer colorectal. Son âge moyen de survenue est de 70 ans environ.

Il s’agit d’un cancer rare avant 50 ans (moins de 5 %). Son incidence a nettement augmenté entre 1970 et 1990, ce qui n’est pas seulement imputable au vieillissement de la population. Ce cancer est responsable de 16 000 décès par an.

Une majorité des cancers colorectaux (60 à 80 % des cas) résulte d’une transformation maligne d’une lésion préexistante, le polype adénomateux.

Dépistage du cancer colorectal et prévention
Dépistage du cancer colorectal et prévention

NIVEAU DE RISQUE :

On peut définir trois niveaux de risque de présenter un cancer colorectal :

– le risque moyen qui correspond à la population générale ou le risque cumulé de développer un cancer est d’environ 4 % ;

– le risque élevé : 15 à 20 % des cancers colorectaux sporadiques présentent un antécédent familial de cancer colique au 1er degré. Le risque semble être multiplié par deux en cas de parents du 1er degré atteint, et multiplié par 4 si le cancer index est survenu avant l’âge de 45 ans ou bien si les deux parents sont atteints ; un autre groupe à risque élevé correspond au patient souffrant d’une rectocolite hémorragique ou bien d’une maladie de Crohn ;

– le risque très élevé correspond à 2 situations : la polypose adénomateuse familiale (moins de 1 % des cancers colorectaux) et au syndrome de Lynch ou HNPCC (Human Non Polyposis Colic Cancer).

La polypose adénomateuse familiale est une maladie génétique liée à une mutation sur un gène situé sur le chromosome 5, de transmission autosomique dominante.

Lorsqu’une famille est reconnue porteuse de cette mutation, celle peut être recherchée de façon systématique dans l’ensemble de la fratrie.

Le syndrome de Lynch ou syndrome du cancer colique familial est responsable de 1 à 5 % des cas de cancers colorectaux en France : il est défini par les trois critères cliniques suivants (critères d’Amsterdam) :

– trois sujets atteints de cancer colorectal, l’un d’entre eux étant unis aux deux autres par un lien de parenté de premier degré ;

– deux générations successives sont concernées ;

– chez un des malades le diagnostic de cancer colorectal a été porté avant l’âge de 50 ans.

Il peut exister par ailleurs un risque plus élevé de cancer de l’endomètre, de l’ovaire, d’autres cancers digestifs et des voies excrétrices urinaires.

PRÉVENTION ET DÉPISTAGE :

Prévention :

Rôle des aliments :

L’excès de viandes, de graisses et la surcharge calorique sont signalés dans de nombreuses études. L’effet protecteur des légumes et d’un régime riche en fibres alimentaires est souvent évoqué. Il semble que l’activité physique ait une action plutôt protectrice.

Le résultat de ces études, assez vagues, ne permet pas d’établir de recommandations très précises en dehors de règles d’hygiène générale qui relèvent du bon sens.

Rôle préventif de l’aspirine et des anti-inflammatoires non stéroïdiens :

L’effet protecteur de l’aspirine et des anti-inflammatoires non stéroïdiens a été confirmé dans plusieurs études. Toutefois le niveau de preuve reste encore insuffisant pour recommander la généralisation de la prévention aussi bien par l’aspirine que par les AINS, et ce d’autant que les effets secondaires potentiels sont importants.

Dépistage :

Chez les sujets à risque moyen :

En raison du nombre de personnes concernées, le test de dépistage idéal devrait être d’un coût peu élevé, anodin, de grande sensibilité et très spécifique.

La coloscopie, du fait de son coût, de ses risques propres ne peut être envisagée comme un examen de dépistage de masse.

Le test Hémoccult qui a été proposé à la population générale chez des personnes âgées de 50 à 74 ans a démontré, lorsqu’il était répété tous les deux ans et suivi d’une coloscopie en cas de positivité (2 % des tests) qu’il pouvait diminuer la mortalité du cancer colorectal de 15 à 18 %, 8 à 10 ans après sa mise en place, à condition qu’au moins la moitié de la population concernée ait accepté de réaliser le test. Ce test permet de dépister environ 50 % des cancers et 20 % des adénomes de plus de 20 mm. L’Hémoccult ne peut être envisagé que dans le cadre d’un dépistage de masse et ne constitue en aucun cas un test individuel de dépistage, sa sensibilité étant trop faible.

Chez les sujets à risque élevé :

Il est conseillé dans ce cas une coloscopie de dépistage chez tous les apparentés de Ier degré d’un malade atteint d’un cancer colorectal survenu avant l’âge de 60 ans. Cette recommandation est également valable si deux parents au Ier degré sont atteints d’un cancer colorectal, quels que soient l’âge et le diagnostic.

La coloscopie doit être faite dans ce cas à partir de 45 ans ou 5 ans avant l’âge de diagnostic du cas index.

En cas d’examen normal, la surveillance ultérieure est d’une coloscopie tous les 5 ans.

Chez les sujets à risque très élevé :

Chez les sujets appartenant à une famille porteuse du gène de la polypose adénomateuse familiale, le mieux est le dépistage génétique quand celui-ci est possible : en cas d’absence de la mutation, le risque du sujet concerné rejoint celui de la population générale.

En cas de mutation positive ou bien si la mutation est inconnue il faut proposer à partir de la puberté une coloscopie et/ou une rectosigmoïdoscopie tous les ans jusqu’à l’âge de 40 ans.

En cas de syndrome de cancer colique familial remplissant les critères d’Amsterdam, les recommandations sont une coloscopie complète tous les deux ans à partir de l’âge de 25 ans ou 5 ans avant l’âge du diagnostic du cas le plus précoce dans la famille. Il est également conseillé un examen gynécologique complet à partir de l’âge de 30 ans.

SURVEILLANCE ENDOSCOPIQUE :

Après polypectomie :

En cas de résection d’adénome lors de coloscopie, le risque de rechute à 4 ans est estimé à 50 %. Toutefois, les adénomes à risque de dégénérescence constituent une faible proportion parmi les adénomes récidivants. On considère que les adénomes à risque sont (1)- les adénomes de grande taille supérieure à 1 cm ; (2)- les adénomes villeux ; (3)- les adénomes en dysplasie sévère voire siège déjà d’un adénocarcinome in situ.

Un des facteurs prédictifs de rechute des adénomes est leur nombre lors de la coloscopie initiale.

Il est bien établi par de nombreuses études que l’ablation systématique des adénomes par coloscopie permet une très importante et significative diminution du nombre de cancer du côlon 10 ans après.

Il existe par contre un risque de méconnaître une lésion néoplasique attestée par l’apparition d’un cancer dans les deux ans qui suivent la réalisation d’une coloscopie complète jugée normale.

Le risque est évalué entre 2 et 5 % dans les différentes études internationales : la qualité de la coloscopie doit donc être un autre élément de décision dans le rythme de la surveillance ; une coloscopie incomplète et ou de mauvaise qualité en raison d’une mauvaise préparation ne doit pas être considérée comme une sécurité suffisante.

Les polypes hyperplasiques ne présentent pas de risque de dégénérescence sauf cas exceptionnel ou s’ils sont volumineux et ne doivent donc pas déterminer de surveillance particulière.

Les adénomes festonnés, associant au sein du même polype deux structures hyperplasiques et adénomateuses ont par contre un risque de dégénérescence et doivent être surveillés.

Selon les recommandations actuelles, une coloscopie complète doit être réalisée de façon systématique trois ans après le premier examen en cas de malade à haut risque de récidive : adénomes multiples, taille supérieure à 1 cm, composante villeuse. Après un contrôle négatif, les contrôles ultérieurs doivent être réalisés tous les 5 ans.

Chez les malades ayant subi l’ablation de polypes adénomateux à faible risque (moins de deux adénomes inférieurs à 1 cm), on peut proposer soit un contrôle à 5 ans soit une absence de surveillance selon les auteurs, selon l’âge du patient.

En cas d’antécédent personnel :

En cas d’antécédent personnel de cancer colorectal traité de façon curative, une coloscopie doit être envisagée dans les six mois qui suivent l’intervention si la coloscopie initiale n’a pas été complète (sténose infranchissable) ou bien si le cancer s’est révélé par une occlusion. Par la suite, une coloscopie tous les trois ans est simplement nécessaire, puis tous les 5 ans en cas de normalité.

La stratégie de dépistage des sujets à risque moyen reste actuellement l’objet principal du débat et fait l’objet d’évaluations nombreuses dans la littérature internationale. En France la généralisation de l’usage du test Hémoccult est en cours de réalisation avec la collaboration nécessaire et active des médecins traitants, puisque la participation d’au moins la moitié de la population de 50 à 74 ans est impérative, renouvelée tous les 2 ans, pour que l’efficacité de cette campagne soit significative. Dans d’autres pays, diverses stratégies sont à l’étude, notamment la pratique d’une rectosigmoïdoscopie systématique tous 5 ou 10 ans à partir de 50 ans, d’une coloscopie complète tous les 10 ans ou bien une seule fois dans la vie vers 60 ans. Le rapport coût-efficacité de ces mesures, à comparer aux stratégies déjà mises en place pour d’autres pathologies (notamment le cancer du sein) est un des éléments essentiels à évaluer pour valider l’une ou l’autre.

À ces techniques de dépistage déjà éprouvées vont s’ajouter prochainement de nouvelles approches non encore validées telles que la coloscopie virtuelle (par scanner ou IRM) ou bien la recherche par amplification génétique dans les matières fécales de mutations présentes dans les cellules tumorales qui sont éliminées dans les selles. Ces techniques dont la sensibilité, la spécificité et le coût sont encore mal connus modifieront peut-être les stratégies développées dans ce chapitre.