DIAGNOSTIC :
L’érythème est une rougeur cutanée s’effaçant à la vitopression. Il est dû à une vasodilatation des vaisseaux superficiels. Le symptôme majeur est l’éruption érythémateuse, plus ou moins étendue. L’érythème peut toucher le tégument sans atteinte muqueuse, il s’agit alors d’un exanthème. En cas d’atteinte muqueuse, on parle d’énanthème.
À l’érythème peut s’ajouter de la fièvre, une altération de l’état général, un prurit, une sensation de cuisson cutanée, etc. Il disparaît à la vitropression, ce qui le différencie du purpura.
Examen clinique :
On distingue classiquement différents types d’érythème selon la disposition des lésions :
– exanthème roséoliforme : macules rosées, à la limite de la visibilité, non confluentes, bien séparées les unes des autres (par exemple, dans la rubéole ou la syphilis secondaire) ;
– exanthème morbilliforme : macules érythémateuses confluant en plaques laissant des intervalles de peau saine (par exemple, dans la rougeole, les toxidermies maculopapuleuses) ;
– exanthème scarlatiniforme : macules confluant en plaque sans laisser d’intervalles de peau saine.
Les lésions sont classiquement papuleuses, légèrement granitées à la palpation, chaudes avec accentuation dans les plis (par exemple, dans la scarlatine, le syndrome du choc toxique staphylococcique, le syndrome de Kawasaki).
Diagnostic différentiel :
L’érythème se différencie donc facilement des affections suivantes :
– purpura : rougeur ne s’effaçant pas à la vitropression ;
– télangiectasies et anomalies vasculaires : lésions fixes, stables, avec une intensité se modifiant selon la température ;
– urticaire : papules fugaces et migratrices, prurigineuses, oedémateuses ;
– couperose : érythème facial avec éventuellement télangiectasies, papulopustules, rhinophyma, facteurs émotionnels ou thermiques, prise d’alcool ;
– érythème pudique : rougeur transitoire de la face, du cou et du décolleté chez le sujet facilement émotif ;
– érythème secondaire à une piqûre d’insecte : plus ou moins inflammatoire, papuleux, localisé ;
– érythème secondaire à brûlures thermiques, caustiques ou solaires ;
– érythrodermie : atteinte universelle du tégument avec caractère inflammatoire.
ÉTIOLOGIE :
L’aspect clinique permet l’orientation étiologique.
Les infections virales sont la première cause d’érythème chez l’enfant alors que chez l’adulte ce sont les causes médicamenteuses suivies des infections virales et sexuellement transmissibles.
Sont en faveur d’une cause virale :
– survenue chez un enfant ;
– notion de contage ;
– contexte épidémique ;
– syndrome pseudogrippal ;
– fièvre ;
– adénopathies ;
– énanthème : par exemple, les classiques taches de Köplick dans la rougeole.
Sont en faveur d’une cause médicamenteuse :
– nouvelle prise médicamenteuse : dans un délai compatible (souvent 9e/10e jour) ;
– notion de réactions identiques précédentes ;
– polymorphisme de l’éruption ;
– prurit ;
– hyperéosinophilie.
Exanthème morbilliforme :
L’érythème est fait de maculeuses confluant en plaques laissant des intervalles de peau saine.
La cause principale est chez l’adulte les toxidermies médicamenteuses.
Rougeole :
La rougeole survient principalement chez l’enfant, souvent entre 3 et 7 ans. Elle est plus rare du fait de la généralisation de la vaccination (vaccin combiné rougeole-oreillons-rubéole).
Le contage survient une quinzaine de jours avant l’éruption. Il existe classiquement un catarrhe oculonasal, une toux, une fièvre à 39°- 40°, un signe de Köplick. L’éruption survient en une seule poussée, débutant derrière les oreilles puis touchant le visage et le tronc. L’évolution est spontanément favorable en quelques jours.
Les complications sont rares : méningoencéphalites, pneumopathies, myocardite, kératite.
Le traitement est symptomatique : paracétamol, hydratation.
Mononucléose infectieuse :
La mononucléose infectieuse est la primo-infection à Epstein-Barr Virus (EBV). C’est la « maladie du baiser », survenant classiquement durant l’adolescence (transmission salivaire). Il existe un syndrome grippal, une asthénie, une angine érythémateuse avec fausses membranes n’adhérant pas à la luette et se détachant facilement (diagnostic différentiel de la diphtérie), une splénomégalie. Le rash survient une semaine après le début de la maladie, régresse en quelques jours et est facilité par la prise de bêtalactamines.
Des adénopathies cervicales peuvent s’observer, ainsi qu’une anémie hémolytique.
Les complications ( rupture de rate, hépatites, méningoencéphalites) sont rares. L’asthénie peut être persistante. Rappelons l’implication de l’EBV dans certaines hémopathies ( lymphome de Burkitt, par exemple).
Le traitement est également symptomatique.
Mégalérythème épidémique :
Le mégalérythème épidémique s’observe essentiellement chez l’enfant entre 5 et 10 ans. Il est dû au Parvovirus B19.
L’exanthème est en « dentelle » ou en « carte de géographie », touchant les membres et les convexités du visage. Il peut être déclenché par l’exposition solaire. Des arthralgies, une anémie par érythroblastopénie chez l’enfant porteur d’une hémoglobinopathie (par exemple, le drépanocytaire) peuvent s’observer. Plus rarement, ont été décrits des vascularites et des éruptions papulopurpuriques en « gants » et « chaussettes ».
Le traitement est le plus souvent symptomatique.
Fièvre boutonneuse méditerranéenne :
La fièvre boutonneuse méditerranéenne est une rickettsiose due à Rickettsia conorii. Elle s’observe surtout l’été dans le midi de la France.
Il existe une fièvre, des céphalées, des myalgies avec une éruption papuleuse (d’où le nom de boutonneuse) et érythémateuse avec atteinte palmoplantaire. L’escarre au siège de la piqûre de tique réalise la tâche noire. Les complications possibles sont une méningoencéphalite, rénales, pulmonaires, voire une coagulation intravasculaire disséminée.
La sérologie est positive la 2e semaine de la maladie.
Les rickettsies peuvent être isolées sur un
prélèvement cutané ou sanguin.
Le traitement repose en l’absence de complication par la prise de doxycycline (Vibramycine®) 200 mg/j pendant cinq à sept jours. Une prise unique de 400 mg est proposée par certains.
En cas d’allergie ou de contre-indication, la ciprofloxacine ( Ciflox®) est prescrite à la dose de 500 mg/2x/j pendant cinq jours.
Entérovirus :
Les entérovirus ( coxsackie virus, échovirus) sont parfois responsables d’un érythème morbilliforme fugace. Ces éruptions touchent surtout les enfants au cours de l’été.
Un énanthème est possible. Une fièvre avec asthénie, des céphalées, une symptomatologie digestive à type de gastro-entérite peuvent s’observer.
Plus rarement, dans les infections à coxsackie, on trouve chez l’enfant des vésicules oblongues touchant les mains et les pieds avec des vésicules du palais.
Le traitement est également symptomatique.
Adénovirus :
Les adénovirus sont parfois également responsables d’un érythème morbilliforme. S’y associent une conjonctivite, une pharyngite, une atteinte digestive ou pulmonaire.
Le traitement est symptomatique.
Autres exanthèmes morbilliformes :
Citons également entre autres :
– hépatite B ;
– toxoplasmose ;
– infections à M ycoplasma pneumoniae ;
– infection méningococcique ;
– fièvre jaune ;
– dengue.
Exanthème roséoliforme :
Syphilis secondaire :
Il faut penser à une syphilis secondaire chez l’adulte.
Il existe des macules arrondies, planes, touchant le tronc. Des séquelles achromiques peuvent se voir secondairement ( collier de Vénus).
L’éruption survient classiquement 45 jours après le chancre.
La sérologie TPHA-VDRL (treponema pallidum hemagglutination–venereal disease research laboratory) est positive.
Une enquête et une prise en charge type IST (infections sexuellement transmissibles) sont nécessaires.
Rubéole :
La rubéole est due à un togavirus. Elle survient surtout chez l’enfant, et est grave chez la femme enceinte.
L’éruption est discrète, à la limite parfois de la visibilité, avec peu ou pas d’atteinte générale.
La maladie est inapparente dans un cas sur deux.
La vaccination des enfants entre 12 et 18 mois par le vaccin combiné ROR avec un rappel entre 11 et 13 ans est obligatoire. La sérologie est également systématiquement réalisée lors de la grossesse. Le vaccin contre-indique toute grossesse dans les trois mois suivants.
Le traitement est symptomatique.
Primo-infection par le VIH :
La primo-infection par le VIH survient chez un patient avec des facteurs de risque. Il existe souvent un syndrome pseudogrippal, une pharyngite, des adénopathies. Les paumes et les plantes peuvent être atteintes. Des érosions buccales et génitales peuvent s’observer. Il existe un syndrome mononucléosique.
L’examen à demander est l’antigénémie p24 ou la PCR VIH, mais non la sérologie qui est encore négative à ce stade.
Le malade doit être envoyé à un spécialiste de la maladie VIH. Une prise en charge type IST est également nécessaire.
Roséole :
La roséole infantile est liée à l’infection par l’herpès virus humain HHV6 ou HHV7. Elle touche surtout l’enfant entre 6 mois et deux ans.
Elle réalise le tableau de l’exanthème subit.
Après 3 jours de fièvre à 39° C environ, inconstante, apparaît une éruption discrète, transitoire atteignant le tronc. Les complications sont rares. Des convulsions liées à l’hyperthermie peuvent survenir chez l’enfant. L’infection à HHV6 peut également toucher les personnes transplantées d’organe ou de moelle. Il a été incriminé dans la survenue de DRESS (Drug Rash with Hypereosinophilia and Systemic Symptoms) syndrome. (cf. supra, chapitre Toxidermies).
Le traitement est symptomatique.
Autres exanthèmes roséoliforme :
Une éruption discrète du tronc peut également s’observer au cours du 2e septénaire de la fièvre typhoïde, d’infections à entérovirus, à arbovirus, etc.
Exanthème scarlatiniforme :
L’érythème conflue en plaques sans intervalle de peau saine.
Scarlatine :
La scarlatine touche surtout l’enfant. Elle est rare de nos jours. Elle est due à l’infection par un streptocoque bêtahémolytique du groupe A secrétant une toxine érythrogène.
Il existe une angine avec une fièvre à 39°C, voire 40°C, chez un enfant d’âge scolaire. L’éruption survient ensuite, touchant initialement le tronc et la racine des membres puis se généralisant.
Les plis sont atteints avec accentuation de l’éruption. Il existe un aspect dit « granité » à la palpation, et l’érythème est décrit comme cuisant, douloureux. La gorge est rouge, et la langue initialement blanche desquame secondairement pour donner un aspect typique de langue dépapillée, dite framboisée. La desquamation survient 10 à 20 jours après le début de l’éruption, avec un aspect sur les mains et les pieds dit « en doigts de gants » (en larges lambeaux). Il existe une fièvre, une tachycardie, des céphalées, des vomissements, etc.
Le streptatest est positif. Il existe une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles ainsi qu’un taux élevé d’anticorps antistreptolysines.
Il faut redouter une glomérulonéphrite poststreptococcique (bandelette urinaire à jours) et l’exceptionnel rhumatisme articulaire aigu poststreptococcique.
Le traitement repose sur la prise de pénicilline pendant dix jours et l’éviction scolaire.
Syndrome de choc toxique :
Le syndrome de choc toxique est dû à une infection par un staphylocoque doré de groupe phagique I secrétant une toxine exfoliatrice. Il se voit surtout chez l’adulte.
Les signes généraux sont marqués par hypotension, fièvre élevée, asthénie majeure. L’éruption peut gagner le visage. Un énanthème est possible (chéilite, vulvite) ainsi qu’une conjonctivite.
Des complications viscérales peuvent également survenir : CIVD (coagulation intravasculaire disséminée), atteinte cardiaque, pulmonaire, hépatique, musculaire, rénale, etc.
L’hospitalisation en urgence est nécessaire pour antibiothérapie et prise en charge des troubles hémodynamiques. Le foyer infectieux en cause peut être cutané, gynécologique (décrit, en particulier, chez les utilisatrices de tampons hygiéniques) ou viscéral.
Syndrome de Kawasaki :
Le syndrome de Kawasaki se voit surtout chez l’enfant. Il existe une vascularite des vaisseaux de moyen et de petit calibres. Le risque est celui d’anévrismes coronaires. L’origine est probablement infectieuse.
Une fièvre évoluant depuis plus de cinq jours chez un enfant de moins de cinq ans ne répondant pas aux antibiotiques évoque le diagnostic.
S’y ajoutent une chéilite, un énanthème avec une langue framboisée, une conjonctivite bilatérale, un érythème palmoplantaire induré évoluant secondairement à la troisième semaine par une desquamation, un érythème du tronc pouvant toucher le siège avec desquamation secondaire, un érythème du tronc morbilliforme puis scarlatiniforme. Il existe des adénopathies cervicales.
L’enfant doit être hospitalisé, une surveillance cardiaque réalisée et la maladie déclarée (éviction scolaire, enquête). Biologiquement, il existe un syndrome inflammatoire, une thrombocytose, une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles.
Le traitement repose sur l’aspirine et les immunoglobulines polyvalentes en cas d’atteinte cardiaque.
Érythème toxidermique :
L’érythème toxidermique est la cause la plus fréquente d’érythème chez l’adulte. Il est le plus souvent maculopapuleux et survient au 10e jour environ de la prise médicamenteuse. Il existe un polymorphisme clinique des lésions assez évocateur. Le prurit et l’hyperéosinophilie peuvent orienter.
Une fièvre peut s’observer. Les médicaments le plus souvent en cause sont les antibiotiques ( pénicillines, sulfamides), les anticomitiaux, les anti-inflammatoires non stéroïdiens.
Le traitement est symptomatique et repose sur l’éviction du médicament et de son principe actif.
Un antihistaminique (par exemple, loratadine [Clarityne® 1 cp/j]) et l’application de dermocorticoïdes locaux type Diprosone® à doses dégressives sont utiles.