Hyperhidrose

DIAGNOSTIC :

L’hyperhidrose est un excès de sudation survenant dans des conditions normales. Il s’agit d’une situation fréquente. Le diagnostic positif est facile à établir cliniquement. La principale difficulté est le diagnostic étiologique, afin de ne pas méconnaître une cause secondaire. Ainsi, une hypersudation primaire n’est jamais (jusqu’à preuve du contraire) nocturne, il n’y a pas d’altération de l’état général, pas de fièvre, pas de labilité tensionnelle. La physiologie est rappelée dans l’encadré 1.

Hyperhidrose
Hyperhidrose

Devant une personne consultant pour une hypersudation, il faut se poser quatre questions :

– est-elle généralisée ou localisée ?

– est-elle isolée ou associée à d’autres symptômes ?

– le trouble est-il récent ou ancien ?

– existe-t-il des antécédents familiaux (retrouvés dans les formes palmoplantaires dans 25 % des cas) ?

On distingue les hyperhidroses généralisées, les hyperhidroses localisées et les hyperhidroses nocturnes (sueurs nocturnes). Ces dernières constituent souvent un signal d’alarme vers une pathologie générale potentiellement grave.

Encadré 1. Physiologie de la sudation
La sudation est sous le contrôle du système neurovégétatif avec deux composantes de base : la sudation thermorégulante et la sudation émotionnelle.
La sudation thermorégulante est sous contrôle thalamique, elle est à la fois diurne et nocturne.
La sudation émotionnelle est sous contrôle cortical et elle est diurne.
Le médiateur en action dans les nerfs sudomoteurs est l’acétylcholine qui se fi xe sur des récepteurs muscariniques.
L’hypersudation est avant tout le rôle des glandes eccrines.
Les glandes eccrines sont réparties sur tout le corps, mais inégalement, prédominantes au front, en région médiothoracique, au dos et dans les zones palmoplantaires.
Elles sécrètent la sueur qui est normalement inodore.
Ce système est unique à l’homme et au cheval.
Parallèlement, il existe des glandes sudorales apocrines, situées aux aisselles, à la région anogénitale et aux aréoles mammaires. La sueur excrétée subit une dégradation par la fl ore cutanée et devient odorante. Ce système existe chez tous les mammifères et joue un rôle important dans la sexualité.

Tableau I. Étiologies des hyperhidroses généralisées
Tableau I. Étiologies des hyperhidroses généralisées

ÉTIOLOGIE :

Hyperhidrose généralisée :

Les étiologies sont énumérées dans le tableau I.

On distingue les hyperhidroses isolées de celles s’associant à d’autres symptômes.

Hyperhidrose généralisée isolée :

Médicaments :

De nombreux médicaments ont été incriminés : opiacés, inhibiteurs de recapture de la sérotonine, AINS, pilocarpine, progestatifs, tamoxifène, dérivés de la vitamine A, interférons, inhibiteurs de la pompe à protons, certains produits de phytothérapie comme la bourrache, etc.

Toxiques :

L’alcool et les drogues peuvent entraîner une hypersudation aussi bien au moment de l’intoxication que pendant les périodes de sevrage.

Stress :

Le stress est une cause d’hypersudation localisée mais parfois généralisée.

Obésité :

L’obésité est souvent facteur de sudation excessive.

Absence de cause retrouvée :

Un certain nombre d’hyperhidroses généralisées dont on ne retrouve pas l’explication sont dites idiopathiques.

Hyperhidrose généralisée associée à d’autres symptômes :

Contexte infectieux :

La sueur accompagne très souvent la fièvre et peut donc s’observer dans toutes les pathologies infectieuses. Elle peut être à prédominance diurne ou nocturne.

Parfois, la sudation est décalée par rapport aux pics fébriles. Ce phénomène est classique dans la tuberculose, la brucellose, l’endocardite d’Osler.

Il peut persister longtemps après la guérison de l’infection.

Contextes médicaux systémiques :

L’hypersudation est l’un des symptômes des pathologies suivantes :

– ménopause : elle accompagne les bouffées de chaleur ;

– diabète (en cas de neuropathie) et hypoglycémie : elle accompagne le malaise, les tremblements, la sensation de fringale ;

– thyréotoxicose de l’hyperthyroïdie ;

– insuffisance cardiaque congestive ;

– angor de Prinzmetal : avec possibilité d’épisodes nocturnes ;

– phéochromocytome : elle fait partie de la triade : sueurs inappropriées, tachycardie et céphalées pulsatiles au moment des poussées tensionnelles ;

dumping syndrome : il peut exister des sueurs, des bouffées de chaleur, des palpitations, des douleurs abdominales, des diarrhées. La fréquence et l’importance de ces symptômes sont variables, le diagnostic reposant sur l’association de plusieurs d’entre eux et la répétition des crises. Celles-ci peuvent survenir dans l’heure suivant les repas ou deux à quatre heures après.

Cette pathologie est souvent la conséquence d’une chirurgie de l’estomac. Son traitement repose uniquement sur un régime alimentaire avec fractionnement des repas qui doivent être petits et contenant peu de sucres rapides.

Causes oncohématologiques :

L’hypersudation est retrouvée dans les cas suivants :

– certains lymphomes avec hypersudation nocturne.

Elle est parfois le seul signe de la classique triade fièvre, sueurs nocturnes et perte de poids de la maladie de Hodgkin ;

– tumeurs carcinoïdes.

Origine neurologique :

L’hypersudation est retrouvée dans les cas suivants :

– le « thermostat » de la régulation se trouvant dans l’hypothalamus, les lésions touchant cette zone peuvent entraîner une hyperhidrose : accident vasculaire cérébral (AVC), tumeurs, séquelles de chirurgie ;

– en cas de lésions de la moelle au-dessus de D6, il existe des sueurs profuses du haut du corps qui peuvent survenir de nombreuses années après l’accident initial ;

– elle peut se retrouver dans des pathologies plus rares tel que le syndrome de Riley-Day, le syndrome d’insensibilité congénitale à la douleur, et la neuropathie périphérique motrice

avec dysfonctionnement autonome ;

– il existe parfois une séquelle, à type d’hypersudation du tronc après les sympathectomies thoraciques réalisées pour traiter l’hypersudation palmaire.

Hyperhidrose localisée :

L’hyperhidrose localisée se retrouve surtout au niveau des aisselles, des pieds, des mains et du visage.

Hyperhidrose émotionnelle :

L’hyperhidrose émotionnelle est sans nul doute la plus fréquente de toutes. Elle est observée de préférence chez des sujets très impressionnables et chez les obèses. La sueur perle constamment ou bien à l’occasion du moindre effort ou de la moindre émotion. Il s’agit de la sueur provenant des glandes eccrines, donc inodores, mais, dans les formes importantes, il peut exister une macération de l’épiderme des plis, source d’odeurs désagréables. Au niveau des pieds, il existe très fréquemment une surinfection mycosique.

Hyperhidrose thoracique unilatérale :

Les tumeurs thoraciques (cancer pulmonaire, mésothéliome) peuvent comprimer les fibres sympathiques et entraîner une sudation spontanée, profuse. Le plus souvent ce symptôme n’est pas isolé. Il existe alors : douleurs, troubles respiratoires, altération de l’état général.

Hyperhidrose unilatérale circonscrite idiopathique :

Il s’agit d’épisodes de sueurs profuses, isolées, brutales, dans une zone limitée de quelques cm2, sans autre signe clinique chez un sujet en bonne santé. On n’en connaît pas la cause.

Hyperhidrose gustative :

L’hyperhidrose gustative correspond à une sudation plus ou moins importante prédominante au front, au nez et aux lèvres lors de la prise d’aliments chauds ou épicés. Elle peut être accompagnée de salivation, de larmes, d’écoulement de nez, de flush. Elle est parfois unilatérale et alors la séquelle d’une lésion parotidienne.

Autres causes :

Signalons de manière plus rare :

– syndrome d’Arlequin, touchant une hémiface ;

– hyperhidrose lacrymale, sus-orbitaire, associée au syndrome de Claude Bernard-Horner.

Hyperhidrose nocturne :

La problématique est différente de celle de l’hypersudation bien qu’il y ait des étiologies communes.

Les sueurs nocturnes ne sont considérées comme signifi catives que si elles obligent le patient à se changer.

La liste des diagnostics possibles est relativement longue, cependant il faut adopter une démarche rigoureuse afin d’éliminer les pathologies les plus graves. Il faut rechercher à l’interrogatoire la notion de fièvre, de toux, un amaigrissement, un flush, une diarrhée, des facteurs de risque de contamination par le VIH, d’endocardite, un diabète.

L’examen physique doit évidemment rechercher des adénopathies, un syndrome cave supérieur ou inférieur, une splénomégalie, un souffle cardiaque, une exophtalmie, des signes cutanés d’endocardite.

Le bilan minimum doit comporter une biologie standard avec vitesse de sédimentation (VS) et C-réactive protéine, une radiographie thoracique, une échographie abdominale, la sérologie VIH peut être faite d’emblée si le contexte est évocateur.

Étiologie :

Les étiologies peuvent être de nature infectieuse, médicamenteuse ou hormonale.

Étiologie infectieuse :

Parmi les étiologies infectieuses, il faut évoquer surtout la tuberculose, la brucellose, le VIH, la mononucléose infectieuse, l’endocardite, l’abcès pulmonaire.

Chez un patient ayant un SIDA avéré il faut penser aux infections opportunistes comme les mycobactéries atypiques du complexe Mycobacterium avium (CD4 < 100/mm3) mais aussi la tuberculose, le cytomégalovirus.

Les pathologies tumorales en cause sont avant tout les lymphomes et en particulier la maladie de Hodgkin, mais aussi les tumeurs solides peuvent être en responsable comme le cancer du rein.

Les pathologies endocriniennes pouvant être en cause sont l’hyperthyroïdie, le phéochromocytome et les tumeurs carcinoïdes.

Chez le diabétique, la survenue de sueurs nocturnes fait rechercher avant tout des hypoglycémies nocturnes.

Chez le patient âgé, il faut savoir évoquer, en plus des étiologies suscitées, la maladie de Horton.

Étiologie médicamenteuse :

Les médicaments rapportés comme responsables de sueurs nocturnes sont nombreux : neuroleptiques de la classe des phénothiazines ( chlorpromazine), interféron-α, certains antirétroviraux (zalcitabine, indinavir, saquinavir, efavirenz), antidépresseurs et tamoxifène.

Le diagnostic est plus évident avec certains médicaments utilisés de manière ponctuelle comme l’anti-CD20 rituximab ( MabtheraR) ou lorsqu’on retrouve la prise d’antipyrétiques.

Dans un registre proche, il faut penser à l’alcoolisme et la toxicomanie à l’héroïne. Cependant, il s’agit également de terrains favorisants pour de nombreuses étiologies déjà citées, il faut être vigilant.

Étiologies diverses :

Certaines pathologies semblent être responsables parfois de sueurs nocturnes comme le syndrome d’apnée du sommeil, le reflux gastro-oesophagien, la maladie de Takayasu, l’angor de Prinzmetal.

Étiologie hormonale :

Il faut signaler des situations particulières dont le mécanisme serait hormonal comme la ménopause et la grossesse, évidemment de telles étiologies ne doivent être retenues qu’après un bilan minimum.

TRAITEMENT :

Quand il existe une étiologie curable, le traitement de la cause règle le problème. Dans certains cas, la psychothérapie, la relaxation, l’acupuncture sont essayées.

Traitement par voie générale :

Les traitements généraux ne sont pas utilisés systématiquement, car, pour être efficaces, de fortes doses sont souvent nécessaires et entraînent des effets secondaires peu supportables.

Anticholinergiques :

Ils ne sont à essayer qu’après échec des autres thérapeutiques, car ils ont vraiment trop d’effets secondaires : bouche sèche, tachycardie, constipation, aggravation de glaucome, rétention urinaire, etc. Dans ce cadre, l’oxybutynine (Ditropan®) aurait été essayée (hors autorisation de mise sur le marché [AMM]).

Alphabloquants :

Les alphabloquants concernent les inhibiteurs centraux du système nerveux sympathique. La clonidine ( Catapressan®) a montré son efficacité en intraveineuse. En per os, elle doit être prise à fortes doses, ce qui rend son usage quasiment impossible.

Inhibiteurs calciques :

Les inhibiteurs calciques donneraient d’assez bons résultats, comme par exemple le diltiazem (Tildiem®) à un dosage de 30 mg/4x/j.

Psychotropes :

L’hyperhidrose survenant fréquemment sur un terrain anxieux, les anxiolytiques ont été essayés.

Néanmoins, ils n’induisent souvent qu’une rémission partielle, perdant leur efficacité, et un risque d’accoutumance. Certains succès ont été notés avec l’hydroxyzine ( Atarax®) qui a l’avantage d’avoir un effet tranquillisant et anticholinergique. Les bêtabloquants dans les formes liées au stress émotionnel peuvent être intéressants.

Les nouveaux antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine ont une action anticholinergique sans trop d’effets secondaires et une indication dans les anxiétés chroniques. Ils pourraient donc être intéressants dans l’avenir.

Un essai avec la paroxétine ( Deroxat®) a été signalé.

Enfin, le topiramate ( Epitomax®) utilisé comme anticonvulsivant et antimigraineux peut être parfois efficace, mais il n’a pas non plus l’AMM dans cette indication.

Traitement par voie locale :

Antiperspirants :

La plupart sont à base de sels d’alumines associés ou non à d’autres sels métalliques Ils agissent en en obstruant les pores des glandes sudoripares. Ils doivent au départ être appliqués de façon quotidienne, puis un traitement d’entretien est nécessaire à raison d’une à deux fois par semaine. Ils sont plus efficaces en application sous pansement occlusif (gants aux mains, bonnet étanche pour le cuir chevelu). Ils exposent cependant à un risque élevé d’irritation locale. Il s’agit le plus souvent de produits de cosmétologie et de parapharmacie (par exemple, Driclor®, Etiaxil®, PM®). Ils s’adressent avant tout pour l’hyperhidrose axillaire et se présentent sous forme d’aérosols, de vaporisateurs, de sticks, de billes, de poudres ou de crèmes.

Ionophorèse :

L’ionophorèse est utilisée surtout pour l’hyperhidrose palmoplantaire.

Elle repose sur le principe de l’électrolyse. Dans une cuve d’eau, on fait passer un courant électrique de faible ampérage entre deux électrodes.

Le patient met les mains ou les pieds dans la cuve pour une séance d’environ 20 minutes. Au début les séances sont hebdomadaires ou plurihebdomadaires puis ensuite, en phase d’entretien, mensuelles ou moins. Les incidents sont très rares, à type de brûlures. Les résultats sont excellents (de l’ordre de 80 %).

Le système peut s’acheter en pharmacie ou en magasin médical spécialisé.

Il existe des contre-indications : enfant, femme enceinte ou personne porteuse d’un pacemaker ou d’un stérilet.

Toxine botulique (Botox®) :

La toxine botulique agit en bloquant la libération d’acétylcholine dans les synapses de la jonction neuromusculaire. En France, l’AMM est attribuée pour l’hyperhidrose axillaire.

Elle est injectée dans le derme en plusieurs points séparés d’un à deux centimètres avec une aiguille hypodermique. La dose maximale est de 50 unités par creux axillaire. L’injection est douloureuse et doit se faire sous anesthésie locale. L’efficacité se manifeste rapidement (une semaine en moyenne) et dure environ six mois.

Les injections peuvent être refaites après un délai de quatre mois.

La manipulation doit être effectuée par un médecin entraîné.

Elle paraît moins intéressante pour les régions palmoplantaires où il peut exister des effets secondaires de type douleurs et faiblesse musculaire.

Chirurgie :

Il s’agit de la sympathectomie thoracique (destruction du ganglion sympathique) et de la sympathotomie (destruction seulement des fibres issues du ganglion sympathique).

La sympathectomie est utilisée depuis longtemps dans les hypersudations axillaires et palmaires.

Elle est réalisée par voie endoscopique. Les résultats sont excellents chez la majorité des sujets. Cependant, il existe des effets secondaires : hypersudation réactionnelle dans d’autres territoires (thorax, membres inférieurs). Dans un petit nombre de cas, on signale un pneumothorax, un hémothorax, ou encore un syndrome de Claude Bernard-Horner, transitoires le plus souvent.

À notre avis, il est souhaitable d’épuiser les moyens locaux et médicamenteux avant d’envisager la chirurgie.