Ascite

On peut la définir comme étant l’accumulation chronique de liquide séreux dans la cavité péritonéale.

DIAGNOSTIC :

L’ascite se manifeste par une augmentation rapide du volume de l’abdomen (quelques jours).

Examen :

À l’examen clinique, il y a un aspect d’abdomen ballonné avec une paroi abdominale tendue et un déplissement de l’ombilic, parfois même une hernie ombilicale.

La percussion retrouve une matité des flancs chez le patient en décubitus dorsal, cette matité se déplace avec les changements de position. La percussion permet aussi de confirmer le caractère liquidien du « gros ventre » si les vibrations sont transmises d’un flanc à l’autre.

En fait ces signes sont nécessaires en cas d’ascite de faible abondance. Le diagnostic clinique est en général facile quand elle est volumineuse.

Ascite
Ascite

La palpation recherche une hépatomégalie, une splénomégalie, des nodules péritonéaux, un nodule péri-ombilical ( nodule de soeur Marie Joseph). Parfois la mise en évidence d’une organomégalie est difficile devant une ascite. On peut rechercher le signe du glaçon.

Il faut rechercher des signes d’hypertension portale ( circulation veineuse collatérale périombilicale, splénomégalie), d’insuffisance hépatocellulaire (angiomes stellaires dans le territoire cave supérieur, une érythrose palmaire, une gynécomastie, des signes d’encéphalite…).

On recherche également des adénopathies périphériques.

Il va de soi que la découverte d’une ascite doit faire rechercher des oedèmes des membres inférieurs, un épanchement pleural, une hypotension artérielle, des signes d’insuffisance ventriculaire droite…

La présence d’un arrêt du transit associé doit faire craindre une ascite néoplasique ou infectieuse.

Il faut également évaluer la prise de poids récente.

Exploration :

L’exploration d’une ascite est hospitalière. Elle nécessite la réalisation d’une ponction à visée diagnostique ou parfois évacuatrice. Cette ponction se fait habituellement dans la fosse iliaque gauche et l’analyse du liquide permet une bonne orientation diagnostique.

On distingue habituellement le transsudat (protéines < 25 g/L) et exsudat (protéines > 25 g/L).

Cette distinction est parfois prise en défaut, certaines infections de liquide d’ascite gardant un taux bas de protéines.

La cellularité est utile pour l’orientation diagnostique.

Un élément important pour la compréhension du mécanisme est la mesure du gradient de l’albumine.

Il s’agit de la différence du taux sérique et dans l’ascite de l’albumine. Si ce gradient est supérieur à 11 g/L, alors on peut être quasiment certain de la présence d’une hypertension portale.

L’imagerie est utile pour affirmer une ascite peu abondante ou cloisonnée, mais surtout pour le diagnostic étiologique (échographie et scanner).

Ils rechercheront des signes de cirrhose, d’hypertension portale, de thrombose des vaisseaux hépatiques, des adénopathies abdominales, des nodules péritonéaux, une masse tumorale.

ÉTIOLOGIE :

Cirrhose hépatique :

C’est la cause la plus fréquente d’ascite et ce quelle que soit la cause de la cirrhose.

L’ascite est habituellement un liquide clair, pauvre en protéines (< 25 g/L) mais avec un gradient albumine élevé (> 11 g/L). Il y a peu de cellules à l’examen direct. La présence d’une cellularité supérieure à 250/mm3 avec une prédominance de polynucléaires neutrophiles doit faire craindre une infection de l’ascite.

L’alcool est la première cause de cirrhose en France, suivi des hépatites virales B et C.

Le traitement de l’ascite suit plusieurs axes : contrôle de l’évolution de la cirrhose en agissant sur la maladie causale, traitement de la surcharge hydrosodée et prévention de l’infection.

Le traitement de la surcharge hydrosodée repose sur les diurétiques et notamment la spironolactone en première intention associée à un régime pauvre en sel (2 g/j). Les diurétiques de l’anse peuvent être associés si cette démarche s’avère insuffisante ( furosémide).

Si malgré ces mesures, l’ascite devenait réfractaire, il faut recourir aux ponctions itératives qui peuvent se faire facilement en hospitalisation de jour.

La prévention primaire de l’infection d’ascite a surtout été validée dans la cirrhose alcoolique, elle est justifiée quand le taux de protides est inférieur à 10 g/L, on privilégie la norfloxacine (Noroxine®) 400 mg/j.

Hypertension portale :

En dehors de la cirrhose, les maladies responsables d’hypertension portale sont des étiologies d’ascite : thrombose porte, thrombose des veines sus-hépatiques (syndrome de Budd-Chiari) surtout dans sa forme chronique, insuffisance cardiaque, maladie veino-occlusive du foie.

Le liquide d’ascite est un transsudat avec un gradient albumine supérieur à 11 g/L.

Le traitement est celui de l’étiologie et le traitement de la surcharge hydrosodée.

Ascite néoplasique :

Il s’agit alors d’une carcinose péritonéale. Le tableau clinique est assez bruyant avec une altération de l’état général, des troubles du transit fréquents ( occlusion ou sub-occlusion). La palpation peut retrouver des nodules péritonéaux localisés ou diffus.

L’ascite néoplasique survient en général chez des patients ayant une néoplasie connue et évoluée (cancer du colon, pancréas, poumon, estomac, mésothéliome pleural, sein et ovaire).

Mais c’est également un mode de révélation classique du cancer de l’ovaire et du mésothéliome péritonéal.

Les ascites néoplasiques surviennent aussi (plus rarement) dans les lymphomes de haut grade.

Le liquide d’ascite est un exsudat (protéines > 25 g/L) avec un gradient albumine inférieur à 11 g/L. Cependant ce gradient peut être positif dans les situations d’hypertension portale associée à des métastases hépatiques.

La cellularité est importante avec souvent des taux supérieur à 500/mm3. Les cellules néoplasiques sont souvent retrouvées, leur absence n’excluant pas le diagnostic dans un contexte évocateur.

Parfois il s’agit d’une ascite chyleuse.

Si la tumeur d’origine n’est pas connue, il est nécessaire de réaliser un scanner corps entier et si nécessaire des endoscopies digestives hautes et basses, le dosage du CA 125 chez une femme est utile et nous paraît justifié dans ce contexte.

Les biopsies péritonéales sont nécessaires si aucun primitif n’est mis en évidence.

En cas de suspicion de cancer de l’ovaire, il est indispensable d’effectuer rapidement une coelioscopie exploratrice à visée diagnostique et de bilan d’extension (first look).

Le traitement est celui de la tumeur en cause, les diurétiques et la restriction sodée peuvent aider si une hypertension portale y est associée (gradient albumine > 11 g/L).

Les corticoïdes sont un traitement d’appoint dont l’efficacité s’estompe après quelques jours.

Pancréatite chronique :

L’ascite peut apparaître dans les pancréatites chroniques compliquées de pseudo-kystes pancréatiques.

Elle résulte d’une communication entre un pseudokyste et le péritoine.

L’alcoolisme étant la principale étiologie des pancréatites chroniques en France, il faut rechercher une cirrhose associée.

Le liquide d’ascite a la particularité d’être riche en cellules et en amylase (ce qui affirme le diagnostic) avec souvent des taux largement supérieurs aux taux sériques.

L’imagerie doit rechercher une rupture du canal de Wirsung ou une communication entre un pseudokyste et la cavité péritonéale.

Le traitement idéal est chirurgical, sachant que le risque opératoire est très élevé sur ce terrain.

Tuberculose péritonéale :

Elle est responsable d’une ascite douloureuse avec des signes généraux (fi èvre, perte de poids), des douleurs abdominales et troubles du transit inconstants.

Il faut l’évoquer en cas de tuberculose ancienne connue, d’une immunodépression (virus de l’immunodéficience humaine, traitement immunosuppresseur), d’âge avancé, ou de notion de séjour en pays de forte endémie ou en prison.

Le diagnostic est souvent difficile à confirmer.

Le liquide d’ascite est un exsudat riche en cellules (souvent > 500/mm3) avec prédominance de lymphocytes (> 70 %).

La recherche de BAAR (bacille acido-alcoolo résistant) est rarement positive à l’examen direct (3 %), la culture est positive dans 20 à 60 % des cas, avec un délai de plusieurs semaines.

La recherche par Polymerase Chain Reaction doit être réalisée, mais sa véritable valeur reste à déterminer.

Un test qui s’avère utile dans cette situation, c’est le dosage dans le liquide d’ascite de l’adénosine désaminase. Un taux supérieur à 33 U/L (50 U/L pour certains auteurs) est prédictif à 98 % de tuberculose péritonéale.

La référence diagnostique reste encore aujourd’hui la biopsie péritonéale (par coelioscopie) avec l’examen anatomopathologique qui retrouve des granulomes avec nécrose caséeuse.

Le traitement est celui de la tuberculose selon les schémas classiques de 6 ou 9 mois. Mais certaines équipes ont tendance à prolonger le traitement pour 12 à 18 mois au total.

Un support nutritionnel est souvent nécessaire chez des malades cachectiques.

En cas de manifestations occlusives initiales, une courte corticothérapie peut être proposée en association aux antibiotiques, il s’agit là d’un traitement très risqué qui doit se faire en milieu spécialisé.

Pseudomixome péritonéal :

Aussi appelé aussi maladie gélatineuse de l’abdomen, il s’agit d’une pathologie tumorale développée le plus souvent aux dépens de l’appendice ou de l’ovaire. Maladie rare avec une incidence annuelle de 1/106 personnes et qui touche un peu plus souvent les femmes.

L’expression clinique principale est une ascite constituée d’un liquide gélatineux. Les autres signes cliniques sont la douleur ou un syndrome occlusif.

Si on considère l’anatomopathologie, il ne s’agit pas à proprement parler d’une maladie cancéreuse.

Cependant elle a une tendance à la récidive et à développer des métastases.

Le traitement repose sur la résection chirurgicale de la tumeur associée à une chimiothérapie intrapéritonéale hyperthermique.

Syndrome de Meigs :

Il s’agit aussi d’une entité rare.

Le syndrome de Meigs dans sa description initiale associait la triade : tumeur ovarienne bénigne, ascite et épanchement pleural (souvent droit).

Ce tableau clinique a été décrit avec d’autres tumeurs bénignes pelviennes ou des métastases aux ovaires d’autres tumeurs malignes ; on parle alors de syndrome pseudo-Meigs.

Le liquide d’ascite est habituellement un transsudat. Le mécanisme est obscur.

L’épanchement doit disparaître après la résection tumorale.

Insuffisance cardiaque :

C’est une cause rare d’ascite le plus souvent par le biais d’une hypertension portale ; l’ascite peut être isolée ou s’inscrire dans un tableau d’anasarque.

Myxoedème :

En principe, il s’agit des formes historiques, l’ascite a la particularité d’avoir un gradient albumine supérieur à 11 g/L.

Une autre pathologie « endocrinienne » pouvant donner une ascite est le syndrome d’hyperstimulation ovarienne chez les femmes bénéficiant d’un traitement pour l’ovulation.

Ascite chyleuse :

Il ne s’agit pas à proprement parler d’une étiologie d’ascite, cependant elle mérite d’être distinguée car le bilan étiologique est particulier.

Elle est la conséquence de l’accumulation de liquide lymphatique dans la cavité péritonéale. Le mécanisme communément admis est celui d’un obstacle sur le réseau lymphatique.

L’ascite a un aspect blanchâtre avec une concentration en triglycérides dépassant 200 mg/dL.

La teneur en protéine est variable en fonction de l’étiologie, en général dépassant 25 g/L.

Les étiologies d’une ascite chyleuse dans les pays riches sont avant tout les tumeurs abdominales et principalement les lymphomes, ceci devant les cirrhoses.

Dans les pays en voie de développement, ce sont avant tout la tuberculose et la filariose.

Les autres étiologies sont iatrogènes (chirurgie abdominale ou vasculaire lourde, radiothérapie abdominale), rares (sarcoïdose, maladie de Whipple, pancréatites, péricardites constrictives).

Les pathologies lymphatiques congénitales (syndrome des ongles jaunes…) se manifestent en général tôt chez l’enfant.

Le traitement est avant tout celui de l’étiologie.

Il est malheureusement plus difficile dans les ascites postopératoires ou postradique. Dans ces cas on peut proposer un régime riche en protéine, pauvre en lipides en privilégiant les acides gras à chaîne moyenne. En effet ces acides gras sont directement absorbés via le système porte jusqu’au foie, à l’inverse les acides gras à chaîne longue mettent en oeuvre les chylomicrons.

Dans certaines situations la somatostatine associée à une nutrition parentérale s’est avérée efficace.

La solution chirurgicale est à éviter dans la mesure du possible et doit être réservée aux échecs des traitements médicaux.

CONCLUSION :

L’ascite est une cause d’accroissement du volume abdominal d’installation rapide en général (quelques jours à semaines).

La démarche diagnostique initiale exige une ponction qui sera utile pour affiner l’étiologie.

Il est évident que la prise en charge de départ (diagnostique et thérapeutique) doit être hospitalière.

La cause principale en France reste encore malheureusement la cirrhose alcoolique suivie de la cirrhose sur hépatite virale chronique.