Diarrhée aiguë

La diarrhée est un symptôme banal, le plus souvent révélateur d’une maladie bénigne et fréquemment à l’origine d’une automédication.

Statistiquement, on dénombre un cas de diarrhée aiguë par an par habitant de plus de 20 ans. Dans la moitié des cas, elle entraîne une baisse de l’activité, mais ne motive une consultation médicale que pour 18 % des personnes.

Cependant le nombre et les caractéristiques de ces patients consultant leur médecin généraliste ou les services des urgences ne sont pas connus. Il semble néanmoins que la motivation à consulter soit liée essentiellement à l’intensité des symptômes, mais reste indépendante de l’agent pathogène en cause ou de son caractère invasif.

Diarrhée aiguë
Diarrhée aiguë

La diarrhée aiguë est défi nie par la modification brutale du nombre et/ou de l’aspect des selles qui deviennent plus fréquentes, non moulées ou liquidiennes. Ce symptôme peut s’associer à d’autres symptômes d’origine digestive comme des douleurs abdominales, des nausées ou des vomissements. Elles traduisent une atteinte aiguë de l’intestin grêle et/ou du côlon et entraînent une malabsorption hydrique et une interruption du cycle entérohépatique.

Elles peuvent être observées à tout âge de la vie, mais sont plus souvent reportées chez l’enfant ou l’adulte jeune.

Les diarrhées aiguës sont fréquemment d’origine infectieuse et restent d’évolution autolimitée.

Cependant les autres causes de diarrhée aiguë (pathologie infectieuse intra- ou extra-abdominale, colique ischémique, entérocolite inflammatoire ou diarrhée postantibiotique) doivent être systématiquement recherchées.

DIAGNOSTIC :

L’évocation d’une diarrhée aiguë nécessite le recueil d’éléments anamnestiques et l’élimination des causes extra-intestinales pour retenir le diagnostic de diarrhée présumée infectieuse (ou gastro-entérite). La prise en charge sera adaptée à la sévérité de la maladie et au terrain.

Interrogatoire :

L’interrogatoire permet parfois de retrouver l’existence d’une prise alimentaire compatible dans un délai de quelques jours précédant les symptômes ou un contexte épidémique. En cas d’infection collective, l’interrogatoire alimentaire doit être exhaustif afin de reconnaître le plus précisément possible l’aliment responsable.

Les voyages à l’étranger, les pays visités et les conditions de vie durant le voyage, les pathologies débilitantes associées doivent être précisément colligées.

L’évaluation de la diarrhée

– date de début, nombre quotidien et aspect des selles, présence de glaire ou de sang, existence d’un syndrome rectal

– et la recherche de signes d’accompagnement

– fièvre, frissons, nausées et vomissement, douleurs abdominales, état d’hydratation, signe ORL, cutané, articulaire, méningé

– permettent de préciser le tableau clinique.

On distingue schématiquement la diarrhée aiguë commune faite de selles liquides fécales avec parfois douleurs abdominales et de la fièvre, le syndrome cholériforme qui est une diarrhée hydrique souvent profuse pouvant entraîner une déshydratation sans élément cellulaire à l’examen direct des selles. Une douleur abdominale diffuse souvent prédominante en péri-ombilical est fréquente. Ce syndrome correspond habituellement à une atteinte du grêle. Enfin le syndrome dysentérique fait d’émissions fécales glairosanglantes avec de nombreux leucocytes et hématies à l’examen direct des selles. Ces émissions peuvent être initialement importantes, mais deviennent rapidement de petit volume. Un syndrome rectal (épreinte, ténesme, faux besoin) est parfois associé. Ce syndrome correspond à une atteinte colique et/ou rectale.

Complications à dépister :

Déshydratation :

La principale complication des diarrhées aiguës infectieuses est la déshydratation. Celle-ci peut être évidente cliniquement – asthénie intense, hypotension, tachycardie, sécheresse muqueuse

– mais peut être aussi estimable sur la quantité des pertes (fréquence des selles, vomissements) et sur la capacité du sujet à maintenir son hydratation.

La prise en compte d’une déshydratation préexistante ou risquant de s’installer rapidement (sujet âgé traité par diurétique, dénutrition), l’impossibilité à la prise d’une médication vitale ou son déséquilibre imminent (anticoagulation orale) sont importants. On peut retenir comme facteurs de gravité principaux associés à une surmortalité : les âges extrêmes et les pathologies immunosuppressives associées.

Autres complications :

Les autres complications de la diarrhée infectieuse sont la survenue d’une hémorragie digestive ou d’une perforation, l’apparition d’un mégacôlon toxique ou d’un syndrome toxinique majeur avec fièvre élevée, signes neurologiques et/ou cutanés. La présence d’un ballonnement abdominal et/ou l’arrêt des bruits hydroaériques nécessite la réalisation d’un cliché d’abdomen sans préparation et de coupoles à la recherche d’une complication (colectasie, pneumopéritoine), ainsi qu’une surveillance étroite de l’évolution.

Examens complémentaires :

La diarrhée aiguë bien tolérée d’un adulte sain est une infection bénigne et nécessite un minimum de prescription. Les examens complémentaires ne seront pas systématiques.

Coproculture :

La coproculture peut éventuellement être proposée mais ne permet l’identification d’un pathogène que chez 40 % environ des patients. Elle permet d’évoquer une diarrhée invasive devant la présence à l’examen direct de polynucléaires associées ou non à celle d’hématies. La culture de salmonelle, shigelle, Campylobacter est réalisée par l’ensemble des laboratoires, mais nécessite deux à trois jours. La recherche d’autres germes ou de la toxine de Clostridium, difficile en cas de traitement préalable par antibiotique, est à discuter avec le microbiologiste. La coproculture est intéressante dans les toxi-infections et les épidémies permettant un sérotypage précis. Elle mérite d’être réalisée dans les tableaux sévères, mais le résultat n’influe pas sur le traitement et revient souvent après la guérison du malade.

Hémocultures :

Les hémocultures sont utiles en cas de diarrhée très fébrile, d’immunodépression associée ou de suspicion de fièvre typhoïde.

Le reste du bilan biologique standard n’a pas d’intérêt étiologique, mais peut permettre de vérifier l’état d’hydratation et les pertes ioniques en cas de symptômes sévères.

Diagnostic différentiel :

Un certain nombre de pathologies abdominales ou infectieuses extra-abdominales peuvent s’accompagner de diarrhée, parfois au premier plan, et égarer le diagnostic. Il en est ainsi de l’appendicite aiguë, la colite ischémique, les inflammations péricoliques (abcès profond abdominal, sigmoïdite, cholécystite) qui nécessitent un examen abdominal systématique approfondi et rigoureux à la recherche d’une douleur localisée, d’une défense ou de signes d’irritation péritonéale lors des touchers pelviens. Les infections non digestives peuvent aussi s’accompagner d’une diarrhée en particulier la pneumopathie et certains foyers infectieux ORL (otite, angine).

De même la diarrhée peut favoriser l’apparition d’infection urinaire ou gynécologique nécessitant un examen médical complet et attentif.

Au retour d’un voyage en zone d’endémie, on élimine systématiquement un paludisme par la réalisation d’un frottis sanguin et d’une goutte épaisse. Enfin de nombreux médicaments en particulier antibiotiques peuvent être à l’origine de diarrhée aiguë. Lorsqu’un doute subsiste, il ne faut pas hésiter à demander un avis auprès d’un chirurgien et revoir régulièrement le patient pour disposer d’examens physiques itératifs.

ÉTIOLOGIE :

Bactérienne :

On oppose schématiquement deux grands types de diarrhées bactériennes.

Diarrhée invasive :

Les diarrhées invasives réalisent une forme sévère avec un syndrome dysentérique avec coliques, ténesme, fièvre, sang et mucus dans les selles.

Elles sont observées avec Shigella, Salmonella (Encadré 1), Escherichia coli entéro-invasif, Yersinia, et Campylobacter jejuni.

Encadré 1. Salmonelloses
La fièvre typhoïde est devenue rare en France (environ 150 à 200 cas sont déclarés tous les ans, dont deux tiers sont d’importation au retour d’un voyage) avec cependant per sistance de foyer endémique dans l’ensemble de l’Europe méditerranéenne. Néanmoins, les infections à salmonelles représentent une part non négligeable des des diarrhées aiguës infectieuses, en croissance constante, responsable d’une morbidité importante et d’une mortalité non négligeable chez le sujet fragilisé. La prise en charge de ces infections nécessite essentiellement une appréciation clinique précise de l’importance et de la gravité potentielle des symptômes permettant l’adaptation des investigations et des moyens thérapeutiques à mettre en oeuvre.
Le tableau clinique de la fièvre typhoïde est dominé par une fièvre associée à des céphalées et à un inconfort abdominal, apparaissant après une incubation de 1 à 3 semaines. Le diagnostic est évoqué en en phase d’état devant l’association d’une fi èvre en plateau, d’insomnie avec obnubilation et parfois de signes cutanés (taches rosées lenticulaires) ou muqueux (angine de Duguet).
La diarrhée peut manquer (remplacée par une constipation), et n’apparaît en général que tardivement (jus de melon). La présence d’une splénomégalie ou d’un pouls dissocié peut aider au diagnostic. Sinon celui-ci repose sur l’absence de polynucléose, les hémocultures et le sérodiagnostic de Vidal. Des techniques sérologiques rapides utilisables en urgence sont en cours de développement.
La fréquence actuelle des résistances aux aminopénicillines, au cotrimoxazole et au chloramphénicol atteignant jusqu’à 30 % des souches isolés, le traitement de la fi èvre typhoïde en première intention fait appel à une nouvelle quinolone ou à une céphalosporine de troisième génération pendant dix jours. L’homme étant le seul réservoir, il est nécessaire de rechercher un portage chronique par des coprocultures répétées. Celui-ci est le plus souvent d’origine biliaire associée à une maladie lithiasique. La mortalité de la fi èvre typhoïde reste cependant en France très faible, inférieure à 1 %.
Parmi les 500 ou 600 foyers épidémiques de toxi-infections alimentaires collectives déclarés tous les ans en France (représentant 8 000 à 10 000 patients, mais le nombre réel est estimé dix fois supérieurs au nombre déclaré) environ la moitié est liée aux salmonelles, essentiellement S. typhimurium et S. enteritidis. La mortalité en est faible (0,1 %), mais 6 % des sujets atteints nécessitent cependant une hospitalisation. La déclaration est obligatoire.

Diarrhée toxinogène :

Les diarrhées toxinogènes qui sont des diarrhées hydriques très abondantes responsables de déshydratation.

Le type en est le choléra (exceptionnel en France), mais diarrhées toxinogènes s’observent également avec l’Escherichia coli entérotoxinogène, le Staphylococcus aureusAeromonas hydrophila et Clostridium perfringens.

Elles sont secondaires à des perturbations du flux hydrique au niveau du grêle induites par les toxines bactériennes. Faisant suite à la prise d’aliments contaminés, elles prennent alors le nom de toxi-infection alimentaire.

Virale :

Les diarrhées de l’adulte d’origine virale, contrairement à l’enfant, sont relativement rares et ne représentent que 10 à 30 % des diarrhées infectieuses de l’adulte. Les principaux virus incriminés sont les rota virus, le virus de Norwalk, les adénovirus et les entérovirus.

Parasitaire :

On peut citer les giardiases qui lorsqu’elles induisent des symptômes sont rarement aigus et dont le traitement repose sur le métronidazole (FlagyL®) et les amibiases.

De nombreux germes ont été décrits comme responsables d’une symptomatologie diarrhéique : bacille de Koch, tréponème, chlamydia, etc.

Leur participation aux tableaux de diarrhéique aigu reste anecdotique. La diarrhée du patient homosexuel peut être liée à d’autres germes : herpes, chlamydia, gonocoque, cryptospridium.

TRAITEMENT :

L’objectif du traitement des diarrhées aiguës est de compenser les pertes, de réduire la durée des symptômes et d’empêcher l’apparition d’éventuels foyers septiques métastatiques chez les patients fragiles.

Hydratation :

Le maintien d’une hydratation correcte se fait autant que possible par voie orale. Le liquide de substitution à peu d’importance, mais doit contenir du glucose (qui favorise l’absorption de l’eau et des électrolytes par le transport actif intestinal), du sodium et du potassium.

L’équilibre ionique est assuré de façon satisfaisante par l’homéostasie rénale du patient dés lors que les apports sont suffisants. Les préparations disponibles (Adiaril®) peuvent être adjointes en cas de diarrhées liquidiennes importantes.

Le recours à une voie veineuse nécessitant une hospitalisation n’est utile qu’en cas de déshydratation avérée ou d’intolérance alimentaire totale. Les solutions de Ringer lactate® ou de glucosé à 5 % avec 4 à 6 g/L de NaCl et 1 à 2 g/L de Kcal peuvent être utilisées pour compenser rapidement les pertes (50 % en 3 heures, la totalité en 24 heures). Dés que possible la voie orale doit être préférée.

Aucune diète particulière ne peut être recommandée en dehors des repas légers évitant les produits laitiers. La prescription de ralentisseurs du transit dérivés des opiacés tel le lopéramide (Imodium®) n’est pas contre-indiquée en dehors des syndromes dysentériques sévères où il est préférable de les éviter.

Antibiothérapie :

Jusqu’à ces dernières années le traitement par antibiotiques des patients atteints de diarrhées aiguës infectieuses était déconseillé devant la majoration du risque de portage chronique de certains germes (Salmonella non typhi) et le caractère autolimité de la diarrhée conduisant à la guérison spontanée. Seuls les patients considérés comme fragiles, soit immunodéprimés (cancer solide ou hématologique, transplantation, VIH, corticothérapie) soit porteurs d’anomalie cardiovasculaire (valvulopathie rhumatismale, prothèse endovasculaire, anévrisme) ou d’un matériel orthopédique, soit présentant un sepsis sévère ou un âge extrême étaient candidat à une antibiothérapie. Récemment le traitement antibiotique a été incriminé dans le risque de syndrome urémique et hémolytique et dans le purpura thrombocytopénique induit par la toxine d’E. coli entérohémorragique 0157:H7 entraînant un relargage de la toxine.

Cependant l’expérience accumulée concernant la diarrhée du voyageur (dont les principaux pathogènes sont les Escherichia coli entérotoxinogènes, suivis de Shigella et salmonelles puis de Campylobacter jejuni) fait apparaître un bénéfice pour les patients traités par antibiotiques quelles que soient l’intensité des symptômes et la présence ou non d’un germe retrouvé, en termes de confort abdominal et de durée de l’évolution (réduction entre 1,2 jour et 3 jours de la durée des symptômes).

Les antibiotiques ayant prouvé une efficacité sont le cotrimoxazole (Bactrim®), les fluoroquinolones et les céphalosporines de troisième génération.

L’excellente biodisponibilité par voie orale, un spectre de sensibilité comportant les principaux agents incriminés (E. coli, shigelle, salmonelle, Campylobacter et Vibrio cholerae), une durée de traitement pouvant être très courte (3 à 5 jours) font des fluoroquinolones le traitement de choix en première intention. La ciprofloxacine (Ciflox®) 500 mg/x2/j ou l’ofloxacine (Oflocet®) 200 mg/x2/j peuvent être indifféremment choisies. Les risques de portage chronique sont négligeables, l’homme n’étant pas un réservoir naturel de la bactérie et certaines études montrant même avec les quinolones une diminution de l’excrétion fécale des salmonelles à trois semaines.

Les conseils d’hygiène simples peuvent éviter la contamination à l’entourage : ne pas réaliser la cuisine pour la collectivité et se laver soigneusement en sortant des toilettes.

Enfin, il est nécessaire d’informer le patient sur l’évolution de la maladie et de recommander si les symptômes persistent plus de trois à cinq jours, s’ils se modifient ou s’aggravent, de reconsulter rapidement. Une hospitalisation doit être proposée lorsque la tolérance clinique est mauvaise, chez les sujets fragiles, très âgés ou immunodéprimés, lors des syndromes dysentériques sévères. Une surveillance de quelques heures associée à une mise en oeuvre du traitement symptomatique (réhydratation antalgiques-antipyrétiques, antidiarrhéiques et antiémétiques) permet le plus souvent, lorsque la réponse au traitement est suffi sante, d’organiser alors le suivi ambulatoire avec une réévaluation rapprochée.

Sinon une rectosigmoïdoscopie peut être discutée rapidement pour préciser l’étiologie et le retentissement de la diarrhée.