Nausées et vomissements

DIAGNOSTIC :

Le diagnostic positif des nausées et des vomissements est évident. Les deux symptômes sont le plus souvent présents ensemble, mais il existe des nausées sans vomissement et des vomissements sans nausée. La difficulté est le diagnostic étiologique.

Les caractéristiques des vomissements sont à préciser par l’interrogatoire ou par l’inspection : elles peuvent être d’ordre alimentaire, aqueux, bilieux, fécaloïde ou hémorragique. Les vomissements entraînent parfois des désordres hydroélectrolytiques importants. Le risque est également celui du saignement digestif qu’ils peuvent induire ( syndrome de Mallory-Weiss). Il n’y a pas toujours de relation entre l’abondance apparente des vomissements et leur retentissement. Il faut vérifier l’état d’hydratation clinique du patient, l’ionogramme sanguin, la créatininémie et l’hématocrite.

Devant une alcalose hypochlorémique, avec ou sans hypokaliémie, il faut penser à la responsabilité de vomissements possiblement sous-estimés.

Si nausées et vomissements surviennent dans des situations très différentes, un état nauséeux peut avoir la même signification étiologique que des vomissements abondants. Nausées et vomissements peuvent être aigus ou chroniques, dominer le tableau clinique ou être le symptôme attendu d’une pathologie ou d’un traitement.

L’orientation est différente selon que le symptôme est aigu ou chronique.

NAUSÉES ET VOMISSEMENTS AIGUS :

Les étiologies sont nombreuses, et, parfois, de diagnostic difficile. Le traitement peut être urgent.

Étiologie digestive :

L’indigestion est facilement reconnue devant la chronologie des événements et le soulagement apporté par les vomissements.

Des vomissements aigus peuvent survenir dans le cadre de douleurs abdominales relevant de la pathologie biliaire : colique hépatique, cholécystite aiguë, pancréatite aiguë.

Il faut également penser à une hépatite virale, en particulier à la phase préictérique.

Les occlusions (arrêt des matières et des gaz, douleurs abdominales, niveaux hydroaériques) constituent la première cause chirurgicale digestive de vomissements aigus.

La prise en charge hospitalière chirurgicale est nécessaire en urgence. La rééquilibration hydroélectrolytique est indispensable. L’infarctus mésentérique et la péritonite aiguë sont également des urgences chirurgicales.

Causes neurologiques :

Il faut d’abord penser aux méningites aiguës et à l’hémorragie méningée. Les vomissements sont alors faciles, « en jet », s’accompagnant des autres signes du syndrome méningé. Les nausées sont inconstantes.

L’hospitalisation, la ponction lombaire et le traitement sont urgents.

L’hémorragie cérébrale peut entraîner également des vomissements.

Les vertiges vrais et le mal des transports s’accompagnent habituellement de nausées et de vomissements.

La migraine peut s’accompagner de nausées et de vomissements.

Causes endocriniennes :

Parmi les causes endocriniennes, citons l’acidocétose diabétique (intérêt du dextro et de la bandelette urinaire), l’insuffisance surrénalienne aiguë et les hypercalcémies importantes (intérêt de l’ionogramme sanguin et de la calcémie).

Autres causes :

Les autres étiologies sont multiples, notons toutefois parmi elles :

– colique néphrétique ;

infarctus du myocarde (en particulier inférieur) ;

glaucome aigu (cf. chapitres Douleurs oculaires et Baisse de l’acuité visuelle).

Les vomissements psychogènes inauguraux aigus sont rares.

NAUSÉES ET VOMISSEMENTS CHRONIQUES :

Les symptômes perdurent plus de 48 heures. Ils peuvent être réguliers, voire quotidiens. Le problème n’est pas tant l’urgence que le diagnostic étiologique, les causes pouvant être organiques ou psychogènes.

Causes digestives :

Plus que la hernie hiatale et le reflux gastrooesophagien, il faut citer ici la dyspepsie hyposthénique, encore appelée dyspepsie de type moteur. L’inconfort abdominal postprandial se traduit par ballonnement, éructations, nausées, mais rarement par vomissements.

Les tumeurs digestives endoluminales peuvent s’accompagner de nausées, puis secondairement, en cas de sténose ou d’occlusion, de vomissements. Citons le cancer gastrique, les lymphomes gastriques et les tumeurs coliques (vomissements fécaloïdes).

Les tumeurs extraluminales sont également responsables des symptômes. Il s’agit souvent d’une tumeur volumineuse décelable cliniquement.

Enfin, citons les pancréatites chroniques, en particulier en cas de faux kystes, et les pituites matinales de l’alcoolique.

Causes neurologiques, maladies générales :

L’hypertension intracrânienne (le plus souvent par le biais de tumeurs cérébrales) entraîne classiquement des vomissements brutaux, faciles, « en jet ».

L’atteinte du système nerveux autonome peut entraîner des nausées et des vomissements dans le cadre de la gastroparésie autonome du diabète : longtemps silencieux, les symptômes surviennent au stade de gastroplégie. Citons également le syndrome de Shy Drager et l’amylose.

L’atteinte digestive de la sclérodermie (estomac et grêle proximal) entraîne parfois des vomissements.

Enfin certaines pathologies rares (neuropathies viscérales familiales et myopathies viscérales) peuvent être à l’origine de nausées et de vomissements.

Causes endocriniennes et obstétricales :

Les étiologies endocriniennes sont rarement en cause dans les nausées et les vomissements chroniques.

Citons les hypercalcémies chroniques et l’hyperthyroïdie.

Celle-ci a été incriminée dans les vomissements du premier trimestre de la grossesse.

Anciennement classés comme psychogènes, les vomissements sembleraient être liés à une hyperthyroïdie infraclinique. La parenté biochimique entre l’hormone gonadotrophique (hCG) et l’hormone thyréostimulante (TSH) est en cause, avec une relation inverse entre les taux de hCG et de THS et directe entre hCG et vomissements. D’autres facteurs jouent, mais les vomissements disparaissent avec la baisse physiologique de l’hCG.

La stéatose aiguë du 3e trimestre de la grossesse peut s’accompagner de nausées et de vomissements qui sont avec les douleurs abdominales les signes cliniques révélateurs.

Les mêmes symptômes s’observent au cours du HELLP syndrome, qui nécessite une attitude obstétricale très active.

Causes psychosomatiques :

Chez des sujets émotifs, une situation de stress même minime entraîne des vomissements. Les vomissements volontaires et cachés s’observent dans la boulimie et l’anorexie mentale avec vomissements.

NAUSÉES ET VOMISSEMENTS LIÉS AUX THÉRAPEUTIQUES :

Effets secondaires attendus :

Les chimiothérapies sont une cause évidente.

Les classes d’anticancéreux les plus redoutables sont :

– agents intercalants : anthracyclines et surtout adriamycine, idarubicine et camptothécine ;

– alkylants : sels de platine, moutardes à l’azote, particulièrement cyclophosphamide, carbazines ;

– antimétabolites : gemcitabine, fluorouracile ;

– taxanes : surtout paclitaxel ;

– anticorps monoclonaux anticancéreux (alentuzumab) ou l’imatanib.

Dans tous ces cas, l’ajustement des doses et, maintenant, le traitement aux sétrons ont largement amélioré la tolérance.

Effets secondaires classiques :

La radiothérapie, qu’elle soit abdominale, thoracique ou cervicale, peut entraîner nausées et vomissements.

Citons pour mémoire les vomissements postopératoires liés à l’acte chirurgical et aux médicaments anesthésiques (antalgiques et hypnotiques).

Les nausées et les vomissements sont fréquents après prise d’antibiotiques. Parmi les bêtalactamines, citons l’oxacilline, l’amoxicilline, l’association amoxicilline-acide clavulanique, les céphalosporines de 3e génération. Sont également responsables les macrolides, l’acide fusidique, la teicoplanine, la norfloxacine, le métronidazole et les cyclines.

Les antituberculeux, sauf le pyrazinamide, sont rarement responsables de nausées ou de vomissements.

Cette liste n’est pas exhaustive.

Les traitements anti-VIH entraînent souvent des troubles digestifs, source de mauvaise observance thérapeutique. Citons la zidovudine, la névirapine, l’enfuvirtide, l’éfavirenz, la zalcitabine ou DDC, la lamivudine, la didanosine, le ténofovir et tous les inhibiteurs de protéase (stavudine et ritonavir, en particulier quand ce dernier est employé à pleine dose, sans lopinavir associé).

Médicaments émétisants moins classiques :

Les médicaments antiviraux ne ciblant pas le VIH se sont révélés cause de nausées et de vomissements.

L’interféron-a et surtout la ribavirine, utilisés dans l’hépatite C, ont été incriminés.

Il en est de même pour les inhibiteurs des neuraminidases utilisés dans la grippe ( oseltamivir).

Parmi les antipaludéens, citons surtout la chloroquine (nausées) et la méfloquine (vomissements).

Plus rarement, a été incriminée l’association amiodaquine-dérivés de l’artémise.

Dans les antiagrégants plaquettaires, il convient de penser aux vomissements annonciateurs d’acidose lactique en cas de prise excessive d’aspirine (surtout chez l’enfant) et lors de la prise de ticlopidine (risque de purpura thrombocytopénique thrombotique).

Les anti-infl ammatoires non stéroïdiens (classique ou coxibs) entraînent selon une étude de 2003 un peu plus de 10 % de nausées et de vomissements.

Les biphosphonates (acides zolédronique, étidronique, et surtout risédronique et alendronique) peuvent entraîner nausées, diarrhées et vomissements.

Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine peuvent donner vomissements et diarrhées, jusqu’à 20 % des cas dans certaines séries. Ces symptômes majorent de beaucoup le risque d’insuffisance rénale.

Les psychotropes sont une grande cause de nausées et vomissements.

Parmi les antiépiléptiques, citons l’oxcarbazépine et la carbamazépine.

Parmi les antiparkinsoniens, on pense au pergolide, aux dérivés de l’ergot de seigle et à l’essai de traitement par la nicotine transdermique.

Les médicaments utilisés dans la maladie d’Alzheimer donepézil, rivastigmine ou galantine

– peuvent tous donner anorexie, vomissements et perte de poids. Cet effet est noté jusque dans 90 % des cas, au moins dans ses manifestations minimes ou modérées.

Les nausées et les vomissements sont l’effet secondaire le plus fréquemment rapporté lors de la prise d’inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (en particulier avec fluvoxamine).

La metformine entraîne souvent un inconfort abdominal et de la diarrhée, voire des vomissements, surtout en début de traitement.

Les hormones thyroïdiennes autoadministrées donnent parfois des vomissements volontiers fébriles. La méfipristone entraîne nausées ou vomissements dans 10 % des cas.

Les médicaments immunosuppresseurs et antimitotiques utilisés dans le traitement des maladies auto-immunes à faibles doses peuvent entraîner des nausées et des vomissements : mycophénolate mofétil surtout, azathioprine, fluorouracile et ciclosporine.

La prise de calcium per os, une teneur excessive de l’eau de boisson en cuivre (plus de 5 mg/L, seuil rarement atteint) et les sels de zinc utilisés en dermatologie sont cause de nausées, voire de vomissements.

Tableau I. Traitement des nausées et des vomissements
Tableau I. Traitement des nausées et des vomissements

TRAITEMENT :

Le traitement doit être d’abord étiologique, que la cause soit médicale ou chirurgicale. L’arrêt d’un traitement mal toléré suffi t bien souvent : la liste des médicaments responsables est immense et recèle parfois des coupables inattendus et méconnus.

Les traitements symptomatiques classiques agissent sur les causes centrales des symptômes u les organes effecteurs (estomac et motricité digestive).

Le tableau I indique les principales molécules utilisées et leur posologie.

La domperidone (Motilium®) de la famille des butyrophénones a un effet voisin.

Le métopimazine (Vogalène®), dérivé phénothiazinique, possède en plus des actions neuroleptiques et anticholinergiques faibles.

Le cisapride (Prépulsid®) ne doit plus être utilisé (risque de troubles du rythme cardiaque).

Métoclopramide, métopimazine et alizapride sont utilisables per os et par voie parentérale. Ils constituent les médicaments les plus prescrits.

En cas de résistance, on peut utiliser la chlorpromazine (Largactil®) en gouttes, à la posologie de V à XV gouttes. Il agit sur la composante centrale avec un excellent résultat.

Les vomissements postopératoires sont traités par les médicaments précédemment cités mais également par les sétrons.

Les sétrons sont particulièrement utiles dans les vomissements liés aux chimiothérapies : ondansétron (Zophren®), granisétron ( Kytril®), dolasétron (Anzemet®), tropisétron ( Navoban®).

La corticothérapie est également utilisée, quand elle ne fait pas partie intégrante du protocole de chimiothérapie.

L’aprépitant ( Emend®) est un antagoniste des récepteurs NK1 de la substance P utilisé en cancérologie dans les vomissements postchimiothérapie.

Le mal des transports est traité classiquement par des antihistaminiques (diphenhydramine (Nautamine®) ou dimenhydrinate (Mercalm®) avec risque non négligeable d’effets secondaires (somnolence, effets atropiniques). La scopolamine percutanée (Scopoderm TTS®) constitue une bonne alternative, en particulier chez la femme enceinte.

Enfin, les vomissements psychogènes sont traités par une psychothérapie de réassurance, voire de petites doses de chlorpromazine.