Splénomégalie

Splénomégalie
Splénomégalie

ANATOMIE :

La rate est située dans l’hypochondre gauche sous la coupole diaphragmatique. La rate normale mesure 10 à 12 cm de hauteur et elle n’est pas palpable.

À l’âge adulte, la rate a un rôle de barrière de défense contre les germes encapsulés, de destruction physiologique des hématies.

La rate est un organe aux multiples fonctions :

– hématopoïétique (période embryonnaire) ;

– lymphoïde ;

– érythrophagocytose.

Elle participe à l’immunité primaire notamment contre les germes encapsulés et les parasites.

Elle a un rôle provisoire dans l’hématopoïèse au cours de la vie foetale. Cependant, cette fonction peut se réveiller au cours de certaines pathologies.

DIAGNOSTIC :

La mise en évidence d’une splénomégalie est relativement simple, différentes techniques d’examen ont été décrites.

Une volumineuse splénomégalie est parfois visible à l’inspection, ceci surtout chez les enfants.

La palpation se fait chez le patient en décubitus dorsal strict, l’examinateur du côté droit. Avec la main droite à plat, orientée en haut et en latéral, on cherche le pôle inférieur de la rate.

Si la rate n’est pas palpable spontanément, on demande au patient d’inspirer profondément.

Une autre technique de palpation se fait chez le patient en décubitus latéral droit, le bras surélevé, le médecin se place derrière le patient et recherche le pôle inférieur de la rate avec les doigts en crochet.

La découverte d’une splénomégalie doit faire rechercher des adénopathies, une hépatomégalie, une circulation collatérale, une ascite, un ictère, de la fièvre…

L’origine géographique est importante à noter, ainsi que les voyages, les loisirs, la prise d’alcool et l’existence de facteurs de risque de contamination par le VIH et les hépatites chroniques.

IMAGERIE :

L’échographie reste l’examen le plus accessible, la splénomégalie est défi nie par une distance céphalocaudale supérieure à 13 cm. Cet examen permet par ailleurs d’étudier le parenchyme splénique à la recherche d’une hétérogénéité et permet une analyse vasculaire par Doppler dans le cas d’une éventuelle hypertension portale.

Cependant, l’échographie est inférieure au scanner (avec injection) pour l’analyse du parenchyme splénique et à la recherche de lésions hémorragiques ou vasculaires. Il est important de savoir que la vascularisation splénique est souvent hétérogène entraînant un faux aspect de défect au scanner. Avant de conclure à une lésion splénique, il est nécessaire d’analyser les différents temps vasculaires.

L’imagerie par résonance magnétique avec étude des temps vasculaires est un examen utile pour mieux caractériser certaines lésions, ce n’est en aucun cas un examen de première intention. La rate normale a un signal moins intense en T1 et plus intense en T2 comparé à ceux du foie.

BIOLOGIE :

Il est important de préciser s’il y a ou non un syndrome inflammatoire.

La numération formule sanguine est fondamentale à la recherche d’anomalies quantitatives des différentes lignées, de cellules anormales ou activées.

L’électrophorèse des protides sériques recherche un aspect de bloc β-γ, une hyper ou hypogammaglobulinémie, un pic monoclonal.

Il nous semble que l’haptoglobine doit faire partie du bilan initial d’une splénomégalie, un taux bas témoigne en général d’une hémolyse.

ÉTIOLOGIE :

Nous les regrouperons selon leur mécanisme :

– splénomégalies infectieuses ;

– splénomégalies avec hémolyse;

– splénomégalies des maladies s ystémiques ;

– splénomégalies d’origine vasculaire ;

– splénomégalies tumorales.

Splénomégalies infectieuses :

Splénomégalies bactériennes :

Endocardite bactérienne :

C’est avant tout la forme subaiguë ou maladie d’Osler qui s’accompagne d’une splénomégalie dans près de 40 % des cas.

Le tableau clinique associe de la fièvre, une altération de l’état général, un souffle cardiaque.

Parfois, c’est une insuffisance cardiaque fébrile.

Les signes cutanés sont retrouvés dans 15 % des cas. Ainsi, un purpura pétéchial, les faux panaris d’Osler à la pulpe des doigts et des orteils (fugaces) et l’érythème de Janeway.

Les complications qui sont parfois révélatrices sont dues avant tout aux emboles septiques : abcès cérébraux ou hépato-spléniques, méningites, anévrysmes mycotiques, arthrite ou spondylodiscite, ischémie artérielle…

Le diagnostic doit être systématiquement évoqué devant une fièvre prolongée, un souffle cardiaque fébrile, une splénomégalie fébrile, une fièvre chez un toxicomane ou après certains gestes.

Les hémocultures sont systématiques et répétées, l’échographie cardiaque notamment par voie trans-oesophagienne est devenue la base du diagnostic.

La rate est le siège d’une hyperplasie simple, d’abcès ou d’infarctus.

Les germes le plus souvent en cause (hors contexte de chirurgie cardiaque) sont les streptocoques, le staphylocoque aureus et les entérocoques.

Parfois, le diagnostic est rendu difficile par le caractère négatif des hémocultures, soit suite à la prise antérieure d’antibiotiques, soit s’agissant d’authentiques endocardites à hémocultures négatives.

Dans ce dernier cas, les germes en cause sont les streptocoques déficients, Chlamydia, Coxiella burnetii (agent de la fièvre Q), Légionella et les bactéries du groupe HACEK.

Le groupe HACEK regroupe les genres Haemophilus, Actinobacillus, CardiobacteriumEikenella et Kingella. On a tendance à y rajouter le genre Capnocytophaga (groupe HACCEK). Leur point commun est qu’il s’agit de bacilles gram négatif à croissance très lente.

Une mention particulière pour Kingella dont la particularité est la survenue de lésions valvulaires rapidement destructrices et une mortalité élevée.

Le traitement repose sur l’antibiothérapie parentérale en milieu hospitalier, rapidement bactéricide et à forte dose. La surveillance rapprochée est indispensable afin de dépister et prévenir les complications très fréquentes.

Brucellose :

C’est une infection due à un coccobacille gram négatif du genre Brucella. C’est une zoonose qui atteint surtout les ruminants. La contamination est professionnelle (éleveurs, bouchers…) ou alimentaire (lait ou fromage non pasteurisés).

Il peut s’agir également d’une pathologie d’importation (environ 2 760 cas en Algérie et 14 400 en Turquie en 2003). La dissémination du germe est lymphatique. L’incubation est de 1 à 2 semaines.

Elle réalise le tableau de fièvre sudoro-algique (fièvre ondulante, arthralgies, céphalées, myalgies et sueurs nocturnes abondantes) à la phase septicémique. La splénomégalie est fréquente à ce stade (1/3 des cas).

La biologie standard montre outre le syndrome inflammatoire, une leucopénie, une lymphocytose et une hépatite modérée.

Le diagnostic repose sur les hémocultures à la phase primaire et la sérologie.

L’atteinte splénique est également rencontrée aux phases secondaire et tardive sous forme le plus souvent de « brucellome » qui sont l’équivalent d’abcès froids. Elle est exceptionnelle en France et elle est plutôt rencontrée chez des patients originaires de pays aux faibles moyens sanitaires.

Le traitement antibiotique doit associer une tétracycline (doxycycline) et la rifampicine (Rifadine®) pendant 30 à 45 jours, ou bien la tétracycline et un aminoside. Chez l’enfant et la femme enceinte, la tétracycline peut être remplacée par le cotrimoxazole.

Fièvre Q :

C’est une infection provoquée par Coxiella burnetii, bactérie intracellulaire stricte. La contamination est essentiellement aérienne au contact de bétail, de placenta, d’animaux nouveau-nés et de laine contaminés. L’autre mode de contamination est digestif par l’ingestion de produits laitiers crus contaminés. Plus rarement, certains animaux de compagnie, lorsqu’ils accouchent, peuvent être contaminants pour l’homme. En France, l’affection est surtout fréquente dans le Sud-est, elle reste cependant sous-diagnostiquée.

À la phase aiguë, elle réalise un tableau très fébrile avec une fièvre isolée ou associée à une pneumopathie (interstitielle le plus souvent) et/ou une hépatite biologique. La splénomégalie est retrouvée chez environ 30 % des patients.

La biologie retrouve un syndrome inflammatoire, une cytolyse, souvent l’absence d’hyperleucocytose, parfois une thrombopénie.

La forme chronique c’est-à-dire évoluant depuis plus de 6 mois, se caractérise par une atteinte cardio-vasculaire ( endocardite dans 70 % des cas, infections d’anévrysmes). La splénomégalie et l’hépatomégalie sont surtout rencontrées au cours des endocardites. Elles peuvent être rarement volumineuses. Cependant la fièvre Q chronique reste rare (5 %).

Le diagnostic repose sur la sérologie qui recherche les anticorps de phase I et II. Dans les formes aiguës ce sont les anticorps de phase II qui sont augmentés, un titre en IgM > 1/50 et en IgG > 1/200 est spécifique d’une infection aiguë. Dans les formes chroniques on note une ascension des anticorps des phases I à des taux beaucoup plus élevés et des anticorps de phase II toujours hauts. Ainsi, un titre > 1/800 d’anticorps phase I est suffisant pour confirmer une endocardite.

Les antibiotiques actifs sont les cyclines (doxycycline 200 mg/j), la rifampicine (600 mg/j), les quinolones et les macrolides. Dans la forme aiguë, l’antibiotique de choix est la doxycycline (100 mg/2x/j) recommandée pendant 3 semaines, mais probablement 2 semaines suffi raient.

Dans les endocardites, un traitement prolongé est indispensable, un minimum de 18 mois par l’association doxycycline 200 mg/j et hydroxychloroquine (Plaquenil®) 600 mg/j soit 3 cp/j.

La posologie d’hydroxychloroquine est à adapter au taux sérique.

Un genre bactérien proche est celui de Rickettsia.

La splénomégalie est retrouvée dans 40 % des cas de la fièvre des montagnes rocheuses. Elle est également constatée dans les rickettsioses africaines (de retour de safaris). Elle est beaucoup plus rare dans la fièvre boutonneuse méditerranéenne.

Fièvre typhoïde :

Elle est due aux salmonelles majeures, Salmonella typhi et paratyphi. C’est une pathologie d’importation le plus souvent, la porte d’entrée est digestive (hydrique ou alimentaire) et la dissémination est lymphatique. L’incubation est de 7 à 15 jours, le début pouvant être progressif ou brutal.

Des troubles digestifs, une fièvre entre 39 et 40 °C, une dissociation pouls-température sont évocateurs. La splénomégalie est constatée dès la première semaine mais surtout lors de la deuxième semaine.

Le diagnostic repose sur la mise en évidence du germe dans les hémocultures (positives lors de la première semaine), dans les coprocultures (qui doivent être répétées).

La sérologie n’est positive qu’à partir du huitième jour, il faut se méfier des faux positifs (Yersinia, Candida). Une leuconeutropénie ou l’absence d’hyperleucocytose est classique.

Le traitement doit associer antibiothérapie efficace et mesures symptomatiques. Les antibiotiques les plus régulièrement efficaces sont les céphalosporines de troisième génération et les fluoroquinolones.

Les quinolones ont l’avantage de la voie orale avec l’ofloxacine (Oflocet® 200 mg/2x/j) ou ciprofloxacine (Ciflox® 500 mg/2x/j) pendant 5 jours.

Les céphalosporines seront utilisées préférentiellement chez l’enfant : ceftriaxone (Rocéphine®) 75 mg/kg/j soit une dose maximum de 4 g/j pendant 5 jours.

Yersiniose :

Elles sont provoquées par Yersinia pseudo-tuberculosis ou Yersinia enterocolitica. La contamination est digestive.

Plusieurs formes cliniques sont possibles, pour la plupart bénignes. Cependant des formes septicémiques peuvent être responsables de localisations suppurées hépatiques, spléniques ou ostéo-articulaires. Ces formes sévères surviennent préférentiellement sur certains terrains (sujets âgés, sida, cirrhose, hémochromatose, thalassémie, drépanocytose).

Une autre particularité de ces germes est la survenue de manifestations réactionnelles (érythème noueux, arthrites réactionnelles, vascularite cutanée…).

La splénomégalie est retrouvée en cas d’adénite mésentérique ou de localisation suppurée splénique.

Le diagnostic peut être fait par les hémocultures, les coprocultures ou la sérologie (examen à interpréter avec prudence car les faux positifs sont nombreux).

Les antibiotiques efficaces sont les quinolones systémiques, les céphalosporines de troisième génération, les cyclines, les macrolides.

Tuberculose :

La splénomégalie se voit dans les formes miliaires (dissémination hématogène). Elle s’associe à une altération sévère de l’état général, une fièvre souvent élevée, une hépatomégalie ou des signes méningés.

Il faut rechercher les tubercules de Bouchut au fond d’oeil.

La biologie montre une cytopénie pouvant porter sur les 3 lignées, rarement une leucocytose, une élévation des phosphatases alcalines.

L’anergie tuberculinique est classique.

Les mises en culture doivent être multiples et répétées (crachats, tubages, urines, moelle osseuse…), l’examen direct étant rarement positif.

Le traitement doit être initié rapidement en se basant sur les arguments de présomption clinique et radiologique (miliaire d’un ou plusieurs organes).

Il faut dépister une immunodépression sousjacente, en effet les formes extra-pulamonaires disséminées sont plus fréquentes chez les im munodéprimés (SIDA, corticothérapie, dialysés, greffés…).

Le traitement est celui de la tuberculose classique.

Leptospirose :

Elle est provoquée par une bactérie du genre Leptospira. La contamination humaine se fait de façon accidentelle suite à une morsure ou un contact avec de l’eau souillée (agriculteurs, égoutiers, éleveurs et loisirs en eau douce). Les rongeurs (rats) sont le principal réservoir.

Le tableau clinique est bruyant avec fièvre élevée, algies diffuses et manifestations cutanéomuqueuses.

L’atteinte hépatique est la plus fréquente des atteintes viscérales. Une splénomégalie est possible à la phase septicémique bien qu’elle soit rarement au premier plan.

Le traitement est explicité dans le chapitre Hépatomégalie.

Fièvres récurrentes :

Il s’agit de pathologies d’importations provoquées par des borrélioses. On distingue :

– la fièvre récurrente cosmopolite à Borrelia recurrentis, transmise par les poux et qui touche les populations déplacées ; la fièvre récurrente à tiques qui touche certaines régions rurales dans le monde.

Le tableau clinique est caractérisé par une fièvre brutale importante avec frissons et algies diffuses.

La splénomégalie est classique à la phase initiale et elle est en général franche.

L’évolution spontanée se caractérise par la récurrence de périodes d’accalmie et de phases fébriles de plus en plus courtes.

Le diagnostic est avant tout clinique, il y a une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles, un syndrome inflammatoire, une anémie et une cytolyse.

Pour l’antibiothérapie on a le choix entre les bêtalactamines, les cyclines et les macrolides. La durée conseillée est de 5 à 10 jours.

Abcès spléniques :

Il s’agit plutôt d’un tableau de douleur de l’hypochondre gauche fébrile avec hyperleucocytose fréquente, la splénomégalie est régulièrement retrouvée mais n’est pas constante. Les germes en cause sont avant tout les bacilles à gram négatif puis les cocci gram positif, il faut penser aussi à la salmonellose, à la brucellose. Chez l’immunodéprimé il faut évoquer aussi les levures comme candida. Certaines parasitoses peuvent être en cause.

Le traitement repose sur une antibiothérapie à large spectre par voie parentérale, le contrôle du foyer initial (endocardite, lésion colique…). La splénectomie ou le drainage percutané peuvent parfois être nécessaires.

Splénomégalies virales :

Mononucléose infectieuse :

Elle est provoquée par le virus Epstein-Barr (EBV).

Le tableau classique associe une asthénie profonde, une fièvre modérée, une angine érythémato-pultacée bilatérale, un purpura du voile du palais, un oedème palpébral et de la luette, des adénopathies parfois généralisées mais le plus souvent prédominant sur la partie supérieure du tronc, une éruption morbilliforme du tronc et de la racine des membres surtout s’il y a eu prise d’ampicilline.

La splénomégalie est fréquente (50 % des cas), elle est molle et indolore. Il faut être attentif car il y a un risque rarissime de rupture splénique spontanée. D’autres complications sont possibles : thrombopénie périphérique, anémie hémolytique auto-immune, polyradiculonévrite, cérébellite, hépatite…

La biologie standard montre (en dehors de complications) un syndrome mononucléosique qui correspond en fait à la présence de lymphocytes activés hyperbasophiles, une cytolyse et une thrombopénie modérées.

Le diagnostic de certitude repose sur la sérologie chez le sujet immunocompétent :

– MNI-test de réalisation rapide, cependant il est négatif dans 10 à 30 % des cas, surtout chez l’enfant ;

– sérologie spécifique qui signe la primo-infection quand elle met en évidence des IgM anti-VCA.

La recherche et la quantification du génome viral n’ont pas d’intérêt dans les formes aiguës classiques, par contre elles sont utiles chez l’immunodéprimé ou devant des tableaux atypiques ou de suspicion de réactivation virale.

Il faut noter que l’EBV peut provoquer des lymphoproliférations pouvant donner des splénomégalies tumorales.

Il n’y a pas de traitement spécifique de la mononucléose infectieuse à part le traitement symptomatique et celui des complications. Les antiviraux actifs sur certains Herpesviridae n’ont jamais prouvé une réelle efficacité clinique en cas d’infection à EBV.

Cytomégalovirus :

L’infection par le cytomégalovirus (CMV) passe souvent inaperçue chez l’enfant, elle est plus fréquemment symptomatique chez l’adulte : fièvre en plateau, avec ou sans frissons, une asthénie, des arthralgies, des céphalées, une pharyngite.

À l’examen clinique, une splénomégalie est présente chez 25 % des patients, également une hépatomégalie et des adénopathies superficielles.

Un syndrome mononucléosique apparaît vers le dixième jour associé souvent à une cytolyse modérée.

Ce syndrome mononucléosique est moins intense qu’avec l’EBV.

Le diagnostic repose en premier sur la sérologie avec la mise en évidence d’IgM spécifiques, mais les anticorps IgM ne permettent pas de différencier une primo-infection d’une réinfection, peuvent persister plusieurs mois et peuvent manquer chez l’immunodéprimé. On peut éventuellement mettre en évidence une séroconversion en IgG à deux semaines d’intervalle. Sinon on peut effectuer une recherche de la virémie par culture rapide (24 à 48 heures) ou de l’antigénémie virale (délai de 6 heures). La virémie et l’antigénémie restent positives pendant 2 à 3 semaines. Ces deux techniques sont également possibles sur d’autres liquides biologiques mais avec une sensibilité moindre.

La recherche du génome viral par Polymerase Chain Reaction (PCR) n’a pas vraiment d’utilité dans l’infection classique.

Le traitement de l’infection à CMV est nécessaire chez les patients immunodéprimés avec des complications ou des localisations viscérales graves (choriorétinite, atteinte digestive, atteinte du système nerveux central). Chez l’immunocompétent, le traitement peut être discuté en cas d’infection sévère surtout s’il y a une atteinte viscérale potentiellement grave, en tout cas il n’y a pas de consensus à ce sujet.

Les molécules efficaces sont le ganciclovir (Cymevan®), le foscarnet (Foscavir®) et le cidofovir (Vistide®). Le ganciclovir est disponible sous formes orale et injectable, il est utilisé à la dose de 5 mg/kg/12 heures pendant 14 à 21 jours puis relais oral selon les circonstances. Les deux autres molécules sont disponibles uniquement en injectable. Toutes ces molécules ont un profil de tolérance moyen. Le valaciclovir (Zelitrex®) n’a pas d’indication dans le traitement curatif actuellement, il est indiqué en préventif après greffe d’organe.

VIH :

La primo-infection par VIH peut être responsable d’une splénomégalie. Il s’agit d’une splénomégalie réactionnelle s’accompagnant parfois d’un syndrome mononucléosique.

Chez un patient ayant un sida avéré, l’apparition d’une splénomégalie doit faire rechercher une complication comme une tuberculose hématogène, une infection à mycobactérie atypique ou un lymphome.

Splénomégalies parasitaires :

Paludisme :

La splénomégalie peut se voir au cours de l’accès palustre grave. Elle est réversible après traitement efficace. Le traitement doit être adapté à la zone de contage et aux manifestations cliniques.

En l’absence de signes de gravité et de troubles digestifs, le traitement peut se faire à domicile :

– zone chloroquinosensible : Nivaquine® 5cp/j pendant 5 jours puis 1 cp/j ;

– zone chloroquinorésistante : quinine orale à la posologie de 8 mg/kg/8h de quinine base pendant 7 jours.

En cas de signes de gravité ou de troubles digestifs rendant aléatoire la prise orale, un traitement

hospitalier doit être préféré.

Une splénomégalie chronique et massive se rencontre au cours du paludisme viscéral évolutif, il s’agit d’ailleurs de la manifestation clinique principale.

Cette situation apparaît suite à des infestations répétées chez des sujets peu immunisés surtout les enfants en pays d’endémie palustre mais aussi des adultes expatriés infestés par des souches modérément sensibles à la chloroquine.

Le tableau clinique associe une asthénie, une splénomégalie massive avec périsplénite, un fébricule et une anémie. Il n’y a pas d’examen permettant le diagnostic formel, la sérologie paludéenne est toujours positive. On considère qu’une réponse au traitement antiparasitaire est un critère diagnostic majeur ; il faut que la splénomégalie diminue de plus de 40 % en 6 mois.

Leishmaniose :

C’est la leishmaniose viscérale due à Leishmania donovani (Inde et Afrique de l’est) ou à Leishmania infantum (Asie centrale, bassin méditerranéen, Amérique centrale et Amérique du Sud). La forme viscérale que l’on peut rencontrer en France est appelée Kala-Azar, il y a deux foyers principaux (Corse, Midi méditerranéen).

La transmission à l’homme se fait par piqûre de phlébotome.

Le tableau associe typiquement une fièvre anarchique, une splénomégalie majeure, ferme, indolore et mobile. Il peut y avoir des adénopathies de petite taille et parfois une hépatomégalie.

Il s’y associe un syndrome inflammatoire, une hypergammaglobulinémie prédominant sur les IgG, une pancytopénie.

Le diagnostic est aidé par la sérologie qui a une sensibilité de 95 %. La preuve formelle est apportée par la mise en évidence directe des leishmanies sur un myélogramme.

Le traitement en Europe repose actuellement sur l’amphotéricine B liposomale : Ambisome® 3 mg/kg en injection hebdomadaire pendant 5 jours avec une injection de rappel au dixième jour. Une molécule qui s’est avérée efficace dans la forme indienne, c’est la miltéfosine (ancien produit de chimiothérapie) à la posologie de 2,5 mg/kg/j per os pendant 28 jours.

Bilharziose :

Elle est due à Schistosoma mansoni et aux bilharzioses asiatiques (Schistosoma japonicum et Schistosoma mekongi qui en est très voisine).

S. mansoni est présente aux Antilles, en Amérique Latine (zone intertropicale), au Moyen Orient et en Afrique (sauf le Maghreb). Les schistosomiases asiatiques se répartissent au Japon, en Chine et en Asie du Sud-Est.

La splénomégalie apparaît dès la phase aiguë avec infiltration d’éosinophiles et formation de granulomes miliaires. Secondairement, la splénomégalie va progresser en particulier à cause de l’hypertension portale avec parfois des splénomégalies monstrueuses. Une éosinophilie sanguine est fréquente.

Le diagnostic est aidé par la recherche des oeufs de schistosome dans les selles, sachant que leur excrétion est intermittente. La biopsie rectale semble la technique la plus sensible. La sérologie par immunofluorescence indirecte ou par ELISA (Enzyme-Linked ImmunoSorbent Assay).

Le traitement est le praziquantel (Biltricide®) qui est actif sur toutes les espèces et bien toléré.

La posologie est de 40 mg/kg en une prise pour Schistosoma mansoni. Par contre un schéma différent est employé pour japonicum et mekongi : 3 prises de 20 mg/kg chacune espacées de 4 heures. Une deuxième cure est possible chez ceux qui gardent des selles positives.

Une autre molécule est disponible, l’oxamniquine (Vansil®) mais son usage est plus limité car n’est active que sur Schistosoma mansoni.

Autres :

La splénomégalie peut être retrouvée au cours de l’amibiase, la toxoplasmose, l’hydatidose et beaucoup plus rarement au cours de l’histoplasmose.

L’atteinte splénique de découverte radiologique étant plus fréquente (abcès).

Splénomégalie avec hémolyse :

Une hémolyse chronique s’accompagne d’une splénomégalie.

Anémies hémolytiques congénitales membranaires :

C’est le cas de la sphérocytose héréditaire, l’elliptocytose héréditaire, l’ovalocytose et les stomatocytoses héréditaires.

Anémies des hémoglobinopathies :

Ce sont les thalassémies α et β, essentiellement les formes intermédiaires et majeures.

La drépanocytose homozygote est un cas particulier.

En effet, une splénomégalie est retrouvée durant les premières années de la vie. Par la suite, la rate est le siège d’infarctus spléniques responsables d’une certaine atrophie et d’une perte de fonction.

Anémies par hémolyse extracorpusculaire :

La splénomégalie est plus rare. Elles peuvent être mécaniques (prothèse valvulaire ou vasculaire, microangiopathie thrombotique).

Elles peuvent être infectieuses comme lors des accès palustres, de la maladie de Carrion.

Anémies hémolytiques auto-immunes :

La splénomégalie est retrouvée dans 50 % des formes chroniques. L’hémolyse aiguë s’accompagne très rarement de splénomégalie.

La biologie montre une anémie (qui peut manquer si l’hémolyse est compensée), une réticulocytose, une haptoglobine effondrée, des LDH et une bilirubine indirecte élevées. Le test de Coombs direct est positif.

Le traitement repose avant tout sur la corticothérapie générale, en seconde ligne les immunosuppresseurs.

La splénectomie doit être évitée si possible.

Hémoglobinurie paroxystique nocturne :

C’est une maladie clonale de la cellule souche hématopoïétique responsable d’une hémolyse chronique avec des accès aigus possibles.

Le diagnostic est actuellement porté devant des tableaux cliniques polymorphes.

Un tableau d’hémolyse chronique acquise non auto-immune doit faire rechercher cette affection.

Sont alors retrouvés un ictère léger, une splénomégalie modérée et une anémie.

La classique hémoglobinurie matinale (d’où le nom de la maladie) n’est pas toujours présente, elle peut même être permanente.

Les risques évolutifs sont les thromboses veineuses atypiques, un risque infectieux accru et l’aplasie médullaire généralement tardive. Ces manifestations sont parfois révélatrices de la maladie.

Le diagnostic est porté par la cytométrie en flux qui confirme la présence d’un clone érythrocytaire et/ou leucocytaire CD55- et CD59- (clone HPN).

Le traitement est difficile : immunosuppresseurs, support transfusionnel, allogreffe de moelle (seul traitement potentiellement curatif).

Un nouveau traitement utilisant un anticorps monoclonal dirigé contre la fraction C5 du complément, l’eculizumab, est en évaluation clinique.

Les résultats semblent encourageants en termes de réduction des besoins transfusionnels.

Anémies par déficit enzymatique :

Ce sont les déficits en G6-PD (glucose-6-phosphate déshydrogénase) ou favisme et le déficit en pyruvate kinase.

Le déficit en G6PD est responsable d’une anémie hémolytique déclenchée par les infections, certains médicaments ou lors de l’ingestion de fèves. Ce déficit est surtout fréquent dans les populations d’Afrique noire et du pourtour mé ditérranéen. La transmission est récessive liée à l’X (filles homozygotes et garçons hémizygotes) avec un phénotype variable. Le diagnostic est fait par le dosage de l’activité enzymatique en dehors d’une crise hémolytique.

Le déficit en pyruvate kinase est de transmission autosomique récessive responsable d’une hémolyse chronique d’intensité variable. La première étape diagnostique est le dosage de l’activité enzymatique érythrocytaire.

Splénomégalies et maladies systémiques :

Lupus érythémateux disséminé :

La splénomégalie est constatée jusqu’à chez 20 % des patients, le plus souvent au cours d’une poussée. Elle est rarement symptomatique, sa persistance doit faire craindre un lymphome ou une complication infectieuse chez ces patientes immunodéprimées.

Un autre élément constaté est l’existence parfois d’un hyposplénisme fonctionnel.

Syndrome de Felty :

Cette entité particulière est décrite au cours de la polyarthrite rhumatoïde et associe par définition une splénomégalie et une neutropénie. On a tendance actuellement à désigner par excès, sous le terme syndrome de Felty, des neutropénies

isolées au cours de la polyarthrite rhumatoïde.

Situation rare (< 1 %) qui se voit plutôt dans les polyarthrites rhumatoïdes anciennes et évolutives. Son traitement est difficile et repose sur les corticoïdes, les immunosuppresseurs (méthotrexate, leflunomide [Arava®]). Les anti-TNFα semblent peu efficaces sur cette complication.

Les facteurs de croissance hématopoïétique (G-CSF : Granocyte®, Neupogen®) sont à réserver aux neutropénies profondes et/ou aux épisodes infectieux, leur usage prolongé doit être bien pesé.

On peut en rapprocher la lymphocytose à larges lymphocytes granuleux (lymphocytes LGL) qui peut également compliquer une polyarthrite rhumatoïde. Cela donne une splénomégalie, une neutropénie, une lymphocytose et une thrombopénie.

C’est une prolifération lymphocytaire clonale de phénotype CD3+, CD8+, CD57+. Le traitement est également celui de la polyarthrite rhumatoïde (méthotrexate), éventuellement la cyclosporine A.

Syndrome d’activation macrophagique :

Il s’agit d’un syndrome anatomo-clinique qui associe des manifestations cliniques, biologiques et une hémophagocytose.

Le tableau clinique associe altération de l’état général, fièvre et une organomégalie fréquente.

Ainsi la splénomégalie est présente dans 30 à 60 % des cas, souvent associée à une hépatomégalie et parfois des adénopathies.

La biologie est évocatrice devant un syndrome inflammatoire, une pancytopénie (parfois limitée à 1 ou 2 lignées au début), une élévation des LDH et des triglycérides et une hyperferritinémie souvent majeure. La mise en évidence de l’hémophagocytose (phagocytose des éléments figurés du sang) est nécessaire pour le diagnostic.

Elle peut être présente dans la moelle osseuse, le foie, les adénopathies, la rate.

Cependant pour retenir le diagnostic, il faut que l’histologie s’associe à un tableau clinique compatible.

En effet, il y a une hémophagocytose minime à l’état physiologique,

Les étiologies de ce syndrome sont infectieuses et avant tout virales (EBV surtout), les maladies systémiques (lupus, maladie de Still), les lymphomes (plus rarement les tumeurs solides) et les déficits immunitaires.

Le traitement doit être symptomatique (correction des cytopénies quand il y a un risque vital), étiologique. Selon les cas, on peut être amené à agir sur le processus d’hémophagocytose (corticoïdes, étoposide, immunoglobulines polyvalentes).

déficits immunitaires :

La splénomégalie est parfois constatée lors des déficits immunitaires notamment les déficits de l’immunité humorale. La rate est le siège d’une hyperplasie. Il faut cependant toujours se méfier d’une complication possible : infectieuse (tuberculose…) ou tumorale (lymphome…).

Le déficit immunitaire le plus souvent découvert chez l’adulte est le déficit immunitaire commun variable ou DICV. Le diagnostic est porté le plus souvent devant des infections ORL, pulmonaires ou digestives répétées.

Pour retenir un DICV, il faut qu’il y ait une hypogammaglobulinémie avec un déficit portant au moins sur deux classes ou deux sous-classes d’immunoglobulines.

Le traitement est utile dans les formes symptomatiques, perfusions intraveineuses d’immunoglobulines humaines polyvalentes (0,3 à 0,5 g/kg toutes les 4 semaines) ou par voie sous-cutanée (à domicile).

Sarcoïdose :

La splénomégalie se rencontre dans 10 % des sarcoïdoses systémiques avec parfois une forme pseudo-nodulaire.

À part la splénomégalie vue rarement au cours de la thyréotoxicose et dont le mécanisme est obscur, l’histologie correspond à une hyperplasie lymphoïde bénigne.

Splénomégalie vasculaire :

C’est avant tout la splénomégalie par hypertension portale retrouvée dans la cirrhose (quelle que soit son origine), lors d’un obstacle porte (thrombose, compression tumorale), lors de la thrombose des veines hépatiques (syndrome de Budd-Chiari et maladie veino-occlusive du foie), la bilharziose hépatique (avec ou sans cirrhose) et l’échinococcose.

Beaucoup plus rarement la splénomégalie peut résulter d’une thrombose de la veine splénique ou d’un anévrysme de l’artère splénique.

Splénomégalie par infiltration :

Infiltration non tumorale :

Myélopoïèse ectopique :

La rate peut être le siège d’une myélopoïèse ectopique dans des situations diverses comme la myélofibrose idiopathique, l’envahissement de la moelle osseuse par des cellules malignes (tumeur solide ou leucémie aiguë) ou bénignes comme dans la maladie de Gaucher.

La splénomégalie est habituellement ferme et peut atteindre des proportions considérables.

Maladie de Gaucher :

Elle est due à un défi cit en â-glucocérébrosidase aboutissant à l’accumulation de glucosylcéramide.

Le gène est situé sur le chromosome 1q21.

On reconnaît trois types en fonction des manifestations cliniques. La splénomégalie est retrouvée dans le type I qui est aussi le plus fréquent.

Les autres manifestations sont osseuses (ostéonécrose, déformations et douleurs) et une hépatomégalie.

La splénomégalie serait due à une infiltration splénique par les cellules de Gaucher mais elle peut être la conséquence d’une myélopoïèse ectopique.

Le diagnostic est évoqué devant la présence des cellules de Gaucher sur le myélogramme (non spécifique), la mesure de l’activité enzymatique de la β-glucocérébrosidase et la recherche de la mutation par PCR (pour les cinq mutations les plus fréquentes).

Le traitement repose sur la substitution avec l’imiglucérase (Cerezyme®). Un nouveau traitement est actuellement disponible, le miglustat (Zavesca®), son efficacité est moindre que le traitement substitutif. Les modalités sont détaillées dans le chapitre « Hépatomégalie ».

Maladie de Niemann Pick :

C’est le type B qui se manifeste au début par une hépatomégalie et une splénomégalie, il n’y a pas de signes neurologiques mais apparaît de façon tardive une atteinte pulmonaire à type d’infiltration alvéolaire.

Maladie de Tangier :

C’est une affection exceptionnelle responsable d’un déficit sévère en HDL-cholestérol.

Elle se manifeste par une hypertrophie amygdalienne avec des amygdales jaunes, une splénomégalie et une hépatomégalie, une neuropathie et une atteinte coronarienne (risque multiplié par six au-delà de 30 ans).

Les organes sont le siège de dépôts d’esters de cholestérol.

La biologie retrouve une baisse franche ou même l’absence de HDL-cholestérol et d’apolipoprotéine A1. Il y a souvent aussi une baisse modérée du LDL et une hypertriglycéridémie.

Amylose :

C’est surtout l’amylose AL qui peut donner une splénomégalie, environ 10 % des patients.

L’hyposplénisme est nettement plus fréquent (25 % des amyloses). La cytologie retrouve de ce fait souvent des corps de Jolly, plus rarement une cytopénie.

Mucopolysaccharidoses :

C’est un groupe de maladies ayant en commun un déficit d’une enzyme lysosomale impliquée dans la dégradation des glycosaminoglycanes dont l’accumulation est responsable de la maladie.

La classification reposait initialement sur un phénotype clinique et biologique, elle a été modifiée depuis la détermination des gènes et des déficits enzymatiques en cause permettant de rapprocher certaines formes initialement séparées.

Grossièrement, elles ont en commun une atteinte squelettique et articulaire, cardiaque ainsi qu’une atteinte plus ou moins sévère du système nerveux central à type de retard mental (absente dans certaines formes).

Celles qui s’accompagnent régulièrement d’une splénomégalie (souvent une hépatomégalie y est associée) sont le type I H ( syndrome de Hurler), le type I H/S ( syndrome de Hurler-Scheie), le type II (syndrome de Hunter), le type VII ( syndrome de Sly). Elle est parfois retrouvée dans les types III ( syndrome de Sanfi lippo).

Le plus souvent le diagnostic est fait dans l’enfance mais des formes atténuées reconnues à l’adolescence ou chez l’adulte jeune existent pour les syndromes de Hurler-Scheie, de Hunter et de Sly.

Infiltrations tumorales :

Mastocytoses systémiques :

Il s’agit de pathologies caractérisées par l’accumulation de mastocytes dans les tissus. On parle de mastocytose systémique quand l’infiltrat n’est pas limité à la peau.

La splénomégalie se voit dans 40 à 60 % des mastocytoses systémiques, elle est en général associée à l’hépatomégalie.

Les autres manifestations sont des flushs paroxystiques, des céphalées, une atteinte cutanée très fréquente ( urticaire pigmentaire, télangiectasies), une atteinte osseuse (lésions condensantes, lésions lytiques cernées par un liseré condensé, ostéoporose), une atteinte digestive (douleurs abdominales fréquentes, diarrhée, malabsorption).

La biologie retrouve une élévation de l’histamine et de la tryptase sériques.

Le diagnostic est formel devant une histologie compatible (moelle osseuse, foie, peau…).

Le traitement est souvent difficile : éviction des aliments et substances susceptibles de dégranuler les mastocytes, antihistaminiques de type anti-H1 et anti-H2. Les anti-H1 sont surtout efficaces sur les flush et le prurit, les anti-H2 surtout utiles pour les manifestations digestives.

La corticothérapie n’a souvent qu’un effet suspensif et à réserver pour les formes sévères. Elle peut être utilisée en traitement local comme le budésonide (Entocort®) per os, molécule ayant une faible biodisponibilité systémique, potentiellement efficace sur les troubles digestifs sévères.

L’imatinib (Glivec®) n’est efficace que dans les formes n’ayant pas la mutation c-kit. On a proposé l’interféron α ou la cladribine, avec des résultats mitigés.

Maladie de Waldenström :

Elle fait actuellement partie des lymphoproliférations de la zone marginale.

Elle associe une IgM monoclonale et une prolifération clonale lymphoplasmocytaire (myélogramme et biopsie de moelle osseuse). La splénomégalie est constatée dans la moitié des cas. Les autres symptômes possibles sont une neuropathie périphérique, une atteinte digestive (infiltration tumorale du tube digestive), une vascularite cutanée et un syndrome d’hyperviscosité (pour une IgM > 30 g/L).

Le traitement n’est pas systématique, souvent une simple surveillance est requise au début.

Quand le traitement est nécessaire, les molécules qu’on peut utiliser : chloraminophène, cyclophosphamide, fludarabine, interféron α.

Dans les formes graves une polychimiothérapie est nécessaire.

Maladie de Hodgkin :

C’est une hémopathie lymphoïde B caractérisée par la présence des cellules de Reed-Sternberg.

La forme habituelle touche l’adulte jeune ou l’adolescent et se manifeste par des adénopathies cervicales et/ou médiastinales. La présence d’une splénomégalie dans ces cas aggrave la stadification de la maladie la faisant passer en stade III (sus et sous diaphragmatique). En effet la rate est considérée comme un groupe ganglionnaire.

Le traitement repose sur la polychimiothérapie suivie d’une radiothérapie sur les aires ganglionnaires dans les formes localisées.

Leucémie myéloïde chronique :

Le plus souvent, le tableau est insidieux, la splénomégalie est retrouvée dans 50 % des cas.

Il peut y avoir une altération de l’état général.

La biologie montre une hyperleucocytose prédominant sur les polynucléaires mais aussi les autres lignées, une myélémie fréquente.

Le diagnostic est confirmé par la biologie moléculaire qui met en évidence le transcrit Bcr-Abl.

Le traitement a été révolutionné par l’arrivée des inhibiteurs des tyrosines kinases dont le premier mis sur le marché fut l’imatinib mésylate (Glivec®). D’autres sont actuellement disponibles.

Il s’agit du seul traitement médicamenteux capable d’induire une réponse cytogénétique et moléculaire contrairement aux traitements plus anciens (Hydrea®, interféron α).

L’allogreffe de moelle osseuse reste en théorie le seul traitement curateur en attendant d’avoir un recul suffisant sur les traitements par l’imatinib.

Autres syndromes myéloprolifératifs :

Ce sont la polyglobulie primitive (lignée rouge), la thrombocytémie essentielle (plaquettes) et la myélofibrose idiopathique. Elles s’accompagnent souvent d’une splénomégalie qui peut être douloureuse.

Ces trois affections font l’objet actuellement d’une modification des critères diagnostiques après la mise en évidence d’anomalies cytogénétiques et moléculaires. Ainsi une translocation appelée Jak-2 est retrouvée dans les cellules sanguines de patients atteints de polyglobulie (> 95 % des patients) et chez presque 50 % des patients ayant une thrombocytémie ou une myélofibrose idiopathique et qui ont un tableau clinique plus sévère.

Pour l’instant cette anomalie n’a pas de répercussion en terme de traitement. Les molécules disponibles sont le pipobroman (Vercyte®) et l’hydroxyurée (Hydrea®).

Leucémie à tricholeucocytes :

Elle s’accompagne d’une splénomégalie fréquente (75 %). Habituellement il n’y a pas d’adénopathies périphériques ou profondes. Il y a une prédominance masculine et une atteinte préférentielle après 50 ans et chez les agriculteurs (en France). Un autre mode de révélation est celui d’une infection opportuniste ou d’une tuberculose.

L’hémogramme est évocateur quand il y a la pancytopénie classique. Les tricholeucocytes sont constamment présents sur le frottis sanguin analysé par un cytologiste expérimenté. Ceci est confirmé par la cytométrie de flux (immunophénotypage lymphocytaire).

La rate est le siège d’une infiltration tumorale.

Les traitements possibles sont l’interféron α et les analogues des purines comme la cladribine et la désoxycoformycine.

L’interféron α est utilisé en cures de 12 mois, mais avec un taux de rechute élevé quelques mois après l’arrêt du traitement. La splénectomie est un traitement historique.

La cladribine ou 2-CdA (Leustatine®) a l’avantage d’un traitement en cure unique de 7 jours (0,1 mg/kg/j), la désoxycoformycine (Nipent®) est réalisée en injection à la posologie de 4 mg/m2 tous les 15 jours. Ces deux molécules entraînent une immunodépression profonde et prolongée avec une neutropénie et baisse des lymphocytes CD4. Les complications infectieuses sévères sont fréquentes.

L’anticorps monoclonal anti-CD20 ( rituximab : Mabthera®) semble prometteur.

Lymphome splénique à lymphocytes villeux :

La splénomégalie peut être volumineuse.

Habituellement il n’y a pas d’adénopathie ni hépatomégalie.

La présence de lymphocytes villeux sur le frottis sanguin est évocatrice et sera confirmée par l’immunophénotypage.

Il s’agit d’une hémopathie de bas grade.

Le traitement est avant tout la splénectomie qui peut être curatrice. Si une chimiothérapie est nécessaire, la molécule de choix est la fludarabine.

Hémopathies de faible grade :

On regroupe dans ce cadre plusieurs entités dont le pronostic, l’origine cellulaire et le traitement différent souvent.

C’est le cas des lymphomes folliculaires, des lymphomes de la zone marginale, de la leucémie lymphoïde chronique. C’est le cas également de la majorité des lymphomes spléniques.

La splénomégalie est à rechercher, ainsi elle est retrouvée dans 40 % des leucémies lymphoïdes chroniques.

Lymphomes B de haut grade :

On regroupe dans cette catégorie des lymphomes à la cinétique tumorale rapide : lymphome anaplasique à grandes cellules, lymphome de Burkitt…

La splénomégalie est possible mais elle est au second plan, le tableau clinique associe adénopathies superficielles et/ou profondes, fièvre et altération de l’état général.

Le traitement repose sur une chimiothérapie intensive et rapide.

Lymphomes T :

C’est un groupe hétérogène d’hémopathies. Le type le plus fréquemment associé à une splénomégalie est le lymphome angio-immunoblastique. Il y aussi le lymphome T hépatosplénique (lymphome à cellules γ/δ).

En tout cas, la splénomégalie serait significativement plus fréquente dans les lymphomes T systémiques comparés aux lymphomes B.

La splénomégalie est très rare au cours des lymphomes T cutanés.

Tumeurs malignes spléniques :

En dehors des lymphomes, ce sont surtout les sarcomes. Le diagnostic est difficile et souvent aidé par l’imagerie.

La prise en charge doit se faire dans des centres spécialisés.

Métastases spléniques :

Elles sont rares, la splénomégalie est dure. Il faut rechercher un mélanome, un cancer du sein ou de l’ovaire en premier, d’autres primitifs sont décrits (poumon, col utérin, colon…).

Habituellement, c’est à un stade très tardif de la maladie cancéreuse.

Tumeurs bénignes :

Elles sont rarement responsables d’une splénomégalie.

On peut citer l’hémangiome, l’hamartome, les kystes.

CONCLUSION :

Lorsqu’une splénomégalie s’accompagne d’adénopathies superficielles, il existe une très forte probabilité que la cause soit unique.

L’exploration des ganglions superficiels (ponction, biopsie) facilite grandement le diagnostic.

Le problème des splénomégalies cliniquement isolées est souvent très difficile.

La splénomégalie n’a qu’un intérêt accessoire pour le diagnostic lorsqu’il existe l’une des causes évidentes (septicémie, grande infection virale, parasitoses, cirrhose).

L’hémogramme avec compte des réticulocytes apporte souvent des orientations déterminantes.

Quand le contexte clinique et l’hémogramme n’orientent pas, l’exploration devient plus délicate et relève en général d’un service spécialisé : exploration du foie pour rechercher notamment les causes d’hypertension portale ;

– échographie et/ou scanner à la recherche d’une hétérogénéité splénique (nodules) et/ou d’adénopathies profondes dont la présence rend très probable le diagnostic de lymphome et doit conduire à une biopsie ganglionnaire profonde ou une splénectomie diagnostique (à réaliser si la splénomégalie est hétérogène, isolée et sans atteinte médullaire) ;

– myélogramme et biopsie de moelle pour rechercher une hémopathie maligne essentiellement lymphoïdes car les hémopathies myéloïdes vont le plus souvent entraîner des anomalies de l’hémogramme ;

– parfois une splénectomie diagnostique est nécessaire surtout dans des splénomégalies volumineuses et évolutives qui ne font pas leur preuve.

Il arrive parfois que malgré un bilan large, la nature de la splénomégalie reste douteuse. Dans ces cas on peut être amené à laisser en place une splénomégalie modérée. Il faut cependant être certain de la possibilité d’une surveillance régulière (clinique, hémogramme et imagerie), la crainte étant dans ces cas un lymphome splénique.