Métrorragies

Pertes de sang d’origine génitale, survenant en dehors des règles. Chez une femme en âge de procréer, il faut toujours rechercher si les saignements sont en rapport avec une grossesse.

Dans tous les cas :

– Évaluer rapidement l’importance des pertes sanguines.

– En cas d’hémorragie importante ou d’état de choc ou si une intervention chirurgicale (laparotomie, césarienne) s’impose :

• poser une voie veineuse et une perfusion de Ringer lactate ; surveiller les constantes (pouls, TA),

• se préparer à une éventuelle transfusion (groupage de la patiente et des donneurs potentiels),

• en cas de transfusion, transfuser du sang testé, au minimum HIV, hépatite B et hépatite C.

– En cas de transfert vers un centre chirurgical, les conditions de transport difficiles peuvent aggraver l’hémorragie : la patiente doit être perfusée et accompagnée de membres de sa famille susceptibles de donner leur sang.

– L’échographie n’est pas indispensable mais facilite certains diagnostics (grossesse extra-utérine, placenta praevia par exemple).

– Prévenir ou traiter une anémie associée.

Saignements sans rapport avec une grossesse :

– Examen au spéculum et toucher vaginal :

• recherche de l’origine du saignement [vagin, col, cavité utérine] ; aspect du col ;

• recherche d’une douleur à la mobilisation utérine, d’une augmentation de volume ou déformation de l’utérus.

– Masse friable, dure, ulcéro-bourgeonnante sur le col : cancer du col possible (traitement chirurgical).

– Col inflammatoire, saignements minimes, écoulement cervical purulent, douleurs pelviennes absentes ou modérées, pas de fièvre : cervicite.

– Col inflammatoire, utérus douloureux à la mobilisation, écoulement cervical purulent, saignements minimes ou modérés, douleurs pelviennes, avec ou sans fièvre : salpingite.

– Corps utérin augmenté de volume, irrégulier : fibromes utérins (traitement chirurgical, uniquement en cas de fibromes volumineux responsables de saignements importants).

– Corps et col utérin normaux : penser à un contraceptif mal toléré, un cancer du corps de l’utérus (surtout après la ménopause), une schistosomiase urinaire en Afrique subsaharienne.

Saignements au cours de la première moitié de la grossesse :

Les deux diagnostics à évoquer en priorité sont la grossesse extra-utérine et l’avortement.

Grossesse extra-utérine (GEU) :

Grossesse qui se développe en dehors de l’utérus, le plus souvent dans une trompe. Il faut toujours penser à une GEU chez une femme en âge de procréer qui présente des douleurs pelviennes et/ou des métrorragies. Les formes cliniques sont nombreuses et peuvent orienter à tort vers une appendicite, une occlusion intestinale, une salpingite ou un avortement. Le risque majeur est la rupture de grossesse extra-utérine, avec hémorragie intra-abdominale.

Signes cliniques et diagnostic :

– Contexte d’aménorrhée (peut faire défaut) ou d’irrégularité menstruelle.

– Pertes de sang brun et peu abondant ou pertes de sang rouge d’importance variable; parfois, tableau de choc hémorragique associé à des saignements minimes, sans rapport avec l’importance du choc (hémorragie intra-abdominale).

– Douleurs pelviennes ; parfois distension de l’abdomen, défense.

– Au toucher vaginal : masse latéro-utérine sensible ; douleur dans le cul-de-sac de

Douglas (hémopéritoine) ; col fermé.

– Le diagnostic de grossesse est confirmé par un test rapide de grossesse positif (test urinaire), mais un test de grossesse négatif n’élimine pas une GEU.

– Lorsqu’une échographie est disponible, la visualisation d’une grossesse intra-utérine élimine la GEU. Un utérus vide associé à un épanchement intra-péritonéal rend plausible une GEU, surtout si le test de grossesse est positif.

Conduite à tenir :

En cas de doute (test de grossesse négatif et pas d’évidence de rupture et hémodynamique stable), hospitaliser pour surveillance, en milieu chirurgical si possible. Sinon, transférer en milieu chirurgical pour laparotomie en urgence.

Menace d’avortement :

Signes cliniques :

Dans un contexte d’aménorrhée : pertes minimes de sang rouge, douleurs pelviennes, col fermé.

Conduite à tenir :

– Rechercher un corps étranger ou une plaie vaginale en rapport avec un avortement provoqué ; éliminer les corps étrangers, nettoyer la plaie, mettre à jour la vaccination antitétanique.

– Traiter la douleur : paracétamol ou antispasmodique PO.

– Mettre au repos.

Avortement en cours :

Signes cliniques :

Pertes de sang rouge, d’abondance variable, mêlées à des débris ovulaires, contractions utérines, col ouvert.

Conduite à tenir :

– Rechercher un corps étranger ou une plaie vaginale en rapport avec un avortement provoqué ; éliminer les corps étrangers, nettoyer la plaie, mettre à jour la vaccination antitétanique.

– Traiter la douleur : anti-inflammatoire ou antispasmodique

– Selon l’âge de la grossesse :

Avant 10 semaines d’aménorrhée : l’expulsion est souvent complète. Surveiller, intervenir uniquement en cas de saignements importants (aspiration).

Entre 10 et 12 semaines d’aménorrhée : l’évacuation utérine est plus souvent nécessaire.

• L’aspiration manuelle par le vide est la méthode à privilégier (plus facile à réaliser, moins traumatique et douloureuse qu’un curetage).

• L’administration de misoprostol (600 μg PO dose unique) peut permettre d’éviter le geste opératoire mais il existe un risque d’échec. Vérifier la vacuité utérine dans les jours suivants. En cas d’échec, le recours à la méthode instrumentale est incontournable.

Au-delà de 12 semaines d’aménorrhée : ne pas rompre les membranes, laisser le travail se faire. Le placenta est le plus souvent évacué avec le foetus. En cas de doute à l’examen du placenta ou en cas d’hémorragie, curage digital rapidement après l’expulsion. Ce geste, s’il est différé, devient impossible en raison de la rétraction du col, il faut alors pratiquer un curetage, avec un risque important de perforation utérine.

– En cas d’avortement septique (douleurs pelviennes, utérus sensible, pertes fétides) : antibiothérapie, voir infections d’origine puerpérale.

Saignements au cours de la deuxième moitié de la grossesse :

Trois diagnostics –le placenta praevia, l’hématome rétro-placentaire et la rupture utérine– mettent en jeu rapidement la vie de la mère et de l’enfant. Leur prise en charge s’effectue en milieu chirurgical.

Lors qu’aucune cause n’est retrouvée, penser à la possibilité d’une menace d’accouchement prématuré.

Placenta praevia :

Placenta recouvrant l’orifice interne du col en partie ou en totalité. Le placenta praevia s’exprime par un saignement au 3e trimestre et fait courir un risque important d’hémorragie au cours de l’accouchement.

Signes cliniques et diagnostic :

– Hémorragie soudaine de sang rouge, plus ou moins abondante, indolore.

– Le toucher vaginal doit être extrêmement prudent pour ne pas déclencher d’hémorragie cataclysmique : utérus souple, perception possible d’une déviation du col et d’une déformation du segment inférieur due au placenta praevia ; si le col est dilaté, perception possible du placenta dans le col. Ne pas répéter l’examen.

– L’échographie, si disponible, permet d’éviter le toucher vaginal.

Conduite à tenir :

– L’hémorragie est minime, le travail n’est pas déclenché : repos au lit et surveillance.

– L’hémorragie est importante et/ou le travail est en cours : transfert en milieu chirurgical.

Hématome rétro-placentaire :

Hématome entre le placenta et la paroi utérine, se constituant par décollement du placenta avant la naissance de l’enfant.

Signes cliniques :

– Pertes de sang noirâtre, peu abondantes, parfois absentes ou état de choc, pas toujours en rapport avec les pertes sanguines visibles car le saignement est intraabdominal.

– Douleur pelvienne brutale, intense, continue.

– Utérus contracté en permanence (utérus de bois); souvent disparition des bruits du coeur foetal (mort foetale).

– Souvent, contexte de pré-éclampsie.

Conduite à tenir :

Transfert en milieu chirurgical.

Rupture utérine :

Déchirure de la paroi utérine, survenant dans la majorité des cas au cours du travail, souvent favorisée par l’utilisation abusive d’oxytocine.

Signes cliniques :

– Pré-rupture : stagnation du travail, agitation, altération de l’état général, défaut de relâchement utérin, douleurs abdominales continues, plus violentes que les contractions.

– Rupture : disparition des contractions utérines, état de choc, parfois palpation du foetus mort expulsé dans l’abdomen maternel.

Conduite à tenir :

Transférer en milieu chirurgical pour laparotomie en urgence.

Menace d’accouchement prématuré (MAP) :

Signes cliniques :

Contractions utérines régulières et modification du col (effacé et ouvert) avant 37 semaines d’aménorrhée (avant le début du neuvième mois). La MAP ne s’accompagne pas toujours de métrorragies. Si elles sont présentes, les pertes de sang sont minimes.

Conduite à tenir :

– Repos strict au lit.

– Laisser accoucher dans les cas suivants : la grossesse a plus de 37 semaines ; le col est dilaté de plus de 3-4 cm ; il existe un saignement important ; en cas de souffrance foetale aiguë ou si l’enfant est mort ; en cas d’infection amniotique ou de prééclampsie.

– Sinon, tocolyse : nifédipine PO (capsule à libération immédiate) : 10 mg à répéter toutes les 15 minutes si les contractions persistent (maximum 4 doses ou 40 mg), puis 20 mg toutes les 6 heures pendant 48 heures à défaut, salbutamol perfusion IV pendant 48 heures maximum : diluer 5 mg (10 ampoules à 0,5 mg) dans 500 ml de glucose à 5% ou de chlorure de sodium à 0,9% pour obtenir une solution à 10 microgrammes/ml.

Débuter la perfusion à un débit de 15 à 20 microgrammes/minute (30 à 40 gouttes/minute).

Si les contractions persistent, augmenter le débit de 10 à 20 gouttes/minute toutes les 30 minutes jusqu’à l’arrêt des contractions. Ne pas dépasser 45 microgrammes/minute (90 gouttes/minute).

Maintenir le débit efficace pendant une heure après l’arrêt des contractions puis réduire le débit de moitié toutes les 6 heures.

Surveiller régulièrement le pouls maternel, réduire le débit en cas de tachycardie (> 120/minute).

Ne pas administrer simultanément nifédipine et salbutamol.

Soit la tocolyse est efficace et les contractions s’arrêtent ou s’atténuent : dans les deux cas, ne pas poursuivre la tocolyse au-delà de 48 heures. Mettre au repos pour la suite de la grossesse.

Soit la tocolyse n’est pas efficace, les contractions persistent et le travail commence : se préparer à la prise en charge d’un nouveau-né prématuré.

Hémorragie de la délivrance :

Hémorragie survenant dans les 24 heures (le plus souvent immédiatement) après la délivrance et dont le volume dépasse les 500 ml de la délivrance normale. Il s’agit souvent d’une rétention placentaire ou d’une atonie utérine. Une rupture utérine ou une déchirure du col ou du vagin peut aussi en être la cause.

Conduite à tenir :

– Si TA systolique est < 90 mmHg, surélever les membres inférieurs (garder ou remettre les pieds dans les étriers de la table d’accouchement).

– Sous anesthésie générale et antibioprophylaxie (ampicilline ou céfazoline IV, 2 g dose unique) : délivrance artificielle immédiate si le placenta n’est pas délivré et révision utérine systématique pour ramener d’éventuels caillots et débris placentaires et vérifier l’absence de rupture utérine.

– Puis oxytocine : 10 UI dans 500 ml de Ringer lactate, au rythme de 80 gouttes/minute.

Dans le même temps, administrer 5 à 10 UI en IV directe lente, à répéter si nécessaire jusqu’à ce que l’utérus soit ferme et rétracté, sans dépasser une dose totale de 60 UI.

– Vérifier l’absence de plaie du col ou du vagin par un examen avec des valves (ou avec un spéculum).

– Massage utérin pour expulser les caillots et favoriser la rétraction utérine.

– Poursuivre la surveillance hémodynamique. Les saignements doivent diminuer et l’utérus rester ferme.

– Mesurer l’hémoglobine.

– Poser une sonde à demeure pour faciliter la rétraction utérine.

Pour plus d’information sur la prise en charge des métrorragies en rapport avec la grossesse, se référer au guide Obstétrique en situation d’isolement, MSF.