Trypanosomiase humaine africaine (maladie du sommeil)

La trypanosomiase humaine africaine (THA) est une zoonose due à des protozoaires (trypanosomes), transmise à l’homme par la piqûre d’une glossine (mouche tsé-tsé). La transmission est également possible par transfusion de sang contaminé et, chez le foetus, par voie transplacentaire.

La maladie du sommeil se rencontre uniquement en Afrique subsaharienne ; il existe 2 formes : la THA à Trypanosoma brucei gambiense en Afrique de l’Ouest et centrale et la THA à Trypanosoma brucei rhodesiense en Afrique de l’Est et australe.

Signes cliniques :

L’inoculation est parfois suivie d’une réaction locale immédiate : chancre d’inoculation ou trypanome, présent chez environ 50% des patients infectés par T. b. rhodesiense, rarement présent chez les patients infectés par T. b. gambiense.

THA à T.b. gambiense :

– L’incubation dure de quelques jours à plusieurs années.

– La première phase de la maladie (phase lymphatico-sanguine) est la phase de dissémination du parasite dans le système lymphatico-sanguin : fièvre intermittente, arthralgies, adénopathies (ganglions fermes, mobiles, indolores, essentiellement cervicaux), hépatosplénomégalie fréquente, signes cutanés (oedème de la face, prurit).

– La deuxième phase de la maladie (phase méningo-encéphalitique) est la phase d’invasion du système nerveux central : atténuation ou disparition des signes de la première phase et apparition progressive de signes neurologiques variables en fonction des cas : troubles sensitifs (hyperesthésie profonde), troubles psychiatriques (apathie, excitation), troubles du sommeil évoluant vers une altération du rythme veille-sommeil, troubles moteurs (paralysies, convulsions, tics) et troubles neuroendocriniens (aménorrhée, impuissance, insuffisance thyroïdienne).

– En l’absence de traitement : cachexie, somnolence, coma, décès.

THA à T.b. rhodesiense :

La phase initiale est identique mais l’évolution est plus rapide et le syndrome infectieux plus sévère. Elle se complique rapidement de myocardite fatale en 3 à 6 mois parfois avant l’apparition des signes d’atteinte cérébrale.

En pratique, les tableaux cliniques ne sont pas toujours aussi nets : il existe p. ex. des formes aiguës à T.b. gambiense et des formes chroniques à T.b. rhodesiense.

Laboratoire :

– Le diagnostic se fait en 3 étapes pour T. b. gambiense (dépistage, confirmation du diagnostic et diagnostic de phase) et en 2 étapes pour T. b. rhodesiense (confirmation du diagnostic et diagnostic de phase).

– Le CATT (Card Agglutination Test for Trypanosomiasis) est le test de dépistage recommandé pour T.b. gambiense. Il détecte la présence d’anticorps spécifiques dans le sang ou le sérum du patient.

– Confirmation du diagnostic : présence de trypanosomes dans les ganglions (ponction ganglionnaire) ou dans le sang après concentration : goutte épaisse, concentration en tubes capillaires (test de Woo), QBC, mini-colonne échangeuse d’ions (mAECT).

– Diagnostic de phase : recherche de trypanosomes (après simple ou double centrifugation) et numération des globules blancs dans le liquide céphalo-rachidien (ponction lombaire) :

• Première phase : absence de trypanosomes ET ² 5 globules blancs/mm3

• Deuxième phase : présence de trypanosomes OU > 5 globules blancs/mm3

Traitement (sauf chez la femme enceinte) :

– En raison de la toxicité des trypanocides, la mise en évidence du parasite doit précéder l’instauration du traitement. Sans preuve parasitologique, le traitement peut être justifié dans certaines circonstances : clinique très évocatrice, pronostic vital en jeu, cas sérologiques fortement suspects (CATT 1:16 positif) dans une population où la prévalence de la maladie est élevée (> 2%).

– Il existe plusieurs schémas thérapeutiques. S’informer des recommandations nationales et des résistances parasitaires locales.

– Tout traitement doit être administré sous surveillance médicale étroite. La pentamidine peut être administrée en ambulatoire ; il est nécessaire d’hospitaliser les patients traités avec de la suramine ou du mélarsoprol ou de l’éflornithine.

– Après le traitement, le patient est revu tous les 6 mois (examen clinique, ponction lombaire, recherche de trypanosomes) pendant 24 mois pour dépister une éventuelle rechute.

Phase lymphatico-sanguine :

THA à T.b. gambiense :

pentamidine isétionate IM profonde

Enfant et adulte : 4 mg/kg/jour en une injection pendant 7 à 10 jours. Administrer du glucose (repas, thé sucré) une heure avant l’injection (risque d’hypoglycémie) et garder le patient allongé pendant l’injection et une heure après (risque d’hypotension).

THA à T.b. rhodesiense :

suramine IV lente

Enfant et adulte : J1 : dose test de 4-5 mg/kg J3-J10-J17-J24-J31 : 20 mg/kg sans dépasser 1 g/injection

En raison des risques d’anaphylaxie, il est recommandé d’injecter une dose test à J1. En cas de réaction anaphylactique lors de la dose test, la suramine doit être abandonnée définitivement.

Phase méningo-encéphalitique :

La réhabilitation de l’état général (réhydratation, traitement de la malnutrition, du paludisme, des helminthiases intestinales, des infections bactériennes) est prioritaire sur la mise en route du traitement trypanocide ; il est néanmoins conseillé de ne pas reporter ce dernier de plus de 10 jours.

THA à T.b. gambiense :

1er choix : éflornithine en perfusion IV administrée en 2 heures

Enfant < 12 ans : 600 mg/kg/jour à diviser en 4 perfusions (toutes les 6 heures) pendant 14 jours

Adulte : 400 mg/kg/jour à diviser en 4 perfusions (toutes les 6 heures) pendant 14 jours

La prise en charge infirmière du cathéter doit être rigoureuse pour éviter les surinfections bactériennes locales ou générales : désinfection large, environnement stérile au point d’insertion, bonne fixation, changement du cathéter toutes les 48 heures ou plus rapidement en cas de phlébite.

2e choix : mélarsoprol IV lente stricte

Enfant et adulte : 2,2 mg/kg/jour en une injection pendant 10 jours

Des schémas anciens de 3 à 4 séries de 3 à 4 injections (une injection/jour) avec un intervalle de 7 à 10 jours entre chaque série restent en application dans certains pays.

La prednisolone PO (1 mg/kg/jour en une prise) est fréquemment associée pendant toute la durée du traitement.

La toxicité du mélarsoprol est importante : encéphalopathie réactionnelle (coma ou convulsions répétées ou prolongées) chez 5-10% des patients, létale dans 50% des cas ; neuropathies périphériques, diarrhées invasives, éruptions cutanées sévères, phlébites, etc.

THA à T.b. rhodesiense :

mélarsoprol IV lente stricte

Enfant et adulte : 3,6 mg/kg/jour en une injection, 3 à 4 séries de 3 à 4 injections avec un intervalle de 7 à 10 jours entre chaque série

Traitement chez la femme enceinte :

Tous les trypanocides sont toxiques pour la mère et l’enfant (risque d’avortement, de malformation). Cependant, en raison du risque vital pour la mère et du risque de transmission in utero, le traitement doit être instauré selon les protocoles suivants :

En phase lymphatico-sanguine :

pentamidine en cas de T.b. gambiense dès 2e trimestre et suramine en cas de T.b. rhodesiense.

En phase méningo-encéphalitique, le traitement dépend de l’état général de la mère :

– Si le pronostic vital est immédiatement menacé : éflornithine ou mélarsoprol sans attendre la fin de la grossesse.

– Si le pronostic vital n’est pas immédiatement menacé : pentamidine en cas de T.b. gambiense et suramine en cas de T.b. rhodesiense. Le traitement par éflornithine ou mélarsoprol sera réalisé après l’accouchement.

Prévention et contrôle :

– Protection individuelle contre les piqûres de glossines : vêtements couvrants, répellents, évitement des zones à risques (p. ex. : bords des rivières).

– Contrôle de la maladie : dépistage de masse et traitement des malades (T. b. gambiense), traitement trypanocide du bétail (T. b. rhodesiense), lutte antivectorielle par piégeage ou épandage d’insecticides.