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Immobilisation des luxations glénohumérales

Immobilisation des luxations glénohumérales
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Une luxation antérieure récente de l’épaule doit-elle être immobilisée en rotation externe ?

Étude cadavérique :

Miler B, Sonnabend D, Hatrick C. Should acute anterior dislocations of the shoulder be imobilized in external rotation? A cadaveric study. J Shoulder Elbow Surg 2004;13:589—92

Les structures anatomiques stabilisatrices antéroinférieures sont relâchées lorsque le bras est en adductionrotation interne. Cela peut favoriser le déplacement d’un fragment d’origine post-traumatique du labrum.

Objectif de l’étude :

Quantifier l’effet de la rotation externe sur une lésion de Bankart à travers une étude cadavérique.

Matériel et méthode :

Étude sur dix cadavres. Création d’une lésion de Bankart.

La force de contact entre le labrum et la glène a été mesurée de manière continue tandis que la rotation humérale variait de 60 de rotation interne à 45 de rotation externe.

Résultats :

Aucune force de contact n’a été décelée lorsque le bras est en rotation externe. En rotation neutre, cette force est apparue dans six cas sur dix ; cette dernière est allée crescendo au fur et à mesure que la rotation externe augmentait. L’intensité de la force a diminué au fil des répétitions.

Discussion :

L’étude montre l’intérêt d’une immobilisation en rotation externe. Dans cette position, les structures antérieures sont mises en tension contrairement à la rotation interne.

Par ailleurs, l’existence d’un hématome post-lésionnel contribue à la distension des structures capsuloligamentaires antérieures.

Limites de l’étude :

L’utilisation de cadavres supprime tout facteur dynamique potentiel. Par ailleurs, la lésion de Bankart créée artificiellement est isolée alors qu’in vivo, on retrouve souvent des lésions capsulaires associées.

Conclusion :

La rotation externe pourrait avoir une influence sur la cicatrisation d’une lésion de Bankart, réduisant de ce fait le risque de récidive.

Immobilisation post-luxation :

Smith T. Immobilisation following traumatic anterior glenohumeral joint dislocation; a literature review. Injury 2006;37:228—37

Objectif de la revue :

Apporter des réponses à trois questions : l’immobilisation post-luxation est-elle utile ? Si oui, pour quelle durée ? La position d’immobilisation joue-t-elle un rôle sur l’évolution ?

Matériel et méthode :

Revue de la littérature anglophone jusqu’en 2005.

Résultats :

Seize articles ont été retenus.

Intérêt de l’immobilisation ?

• Immobilisation contestée :

Kralinger : n = 241 ; comparaison entre trois semaines immobilisation versus aucune immobilisation ; aucune différence notée sur le taux de récurrence ; réserve émise : la répartition entre les deux groupes n’était pas équitable (91 % immobilisés),

Marans compare six semaines versus quatre semaines versus aucune immobilisation ; le suivi sur 15 ans a révélé des récurrences dans les trois groupes,

Henry compare 62 sujets immobilisés contre 59 sans immobilisation ; 90 et 85 % respectivement de récidives ont pu être constatées,

McLaughlin a évalué 580 primo ou luxations récidivantes.

Pour cet auteur, les sujets de plus de 40 ans doivent être mobilisés précocement. La durée d’immobilisation n’a pas eu d’influence sur le taux de récidive, contrairement à l’âge (95 % des adolescents ont récidivé) ;

• Immobilisation confirmée :

Rowe et Sakellarides ont évalué l’influence de l’immobilisation chez 324 primoluxations.

L’immobilisation semble diminuer le taux de récidive mais pas la durée de celle-ci (?),

Rowe, dans une étude précédente avait étudié 275 luxations, opérées ou non. L’incidence de la récurrence était moins élevé chez les patients ayant été immobilisés trois semaines mais ne diminuait pas si l’immobilisation était prolongée.

Durée de l’immobilisation ?

• Lill, ayant étudié différentes durées d’immobilisation (une à six semaines), n’a pas retrouvé de différence concernant le taux de récidive entre les patients immobilisés deux ou plus de quatre semaines. Le jeune âge et la pratique d’une activité sportive contraignante semblent être des facteurs pronostiques déterminants ;

• Simonet et Cofield, (n = 124) ayant immobilisé pendant une et jusqu’à six semaines, n’ont pas mis en évidence de différence concernant le taux de récidive. Curieusement, les patients les plus longuement immobilisés étaient ceux qui se montraient le plus hésitants à reprendre une activité sportive. L’âge de survenue était déterminant sur l’évolution ;

• Hovelius (n = 257), faisant varier l’immobilisation d’un jour jusqu’à quatre semaines, n’a pas non plus retrouvé d’influence sur le taux de récidive ;

• Kiviluoto compare une semaine versus trois semaines d’immobilisation ; à un an de recul, le taux de récidive est moindre en cas d’immobilisation longue. Même constat que les autres auteurs concernant l’influence de l’âge et de la pratique d’une activité sportive sur l’évolution ;

• Maeda a étudié 79 jeunes rugbymen victimes d’une primoluxation de l’épaule. À un an, il constate 89 % de récidives dans le groupe immobilisé moins de trois semaines versus 69 % pour ceux immobilisés entre quatre et sept semaines (différence significative).

Influence de la position d’immobilisation ?

• Itoï (2001) étudie six primo et 13 luxations récidivantes en IRM, bras en adduction, en faisant varier la rotation ; en rotation externe, il y a moins de séparation et de déplacement du labrum qu’en rotation interne. De plus, le décollement capsulaire est moindre. Il n’y a pas de différence notée selon qu’il s’agit du premier épisode ou d’une récidive de luxation ;

• Itoï (2003) fait une étude randomisée chez 40 sujets présentant une primoluxation de l’épaule en comparant l’évolution avec une immobilisation en rotation interne ou externe pendant trois semaines. Il constate un taux de récidive de 30 % en cas d’immobilisation en rotation interne versus 0 % si la rotation est externe ; ce taux passe à 45 % si le patient est âgé de moins de 30 ans ; 58 % des patients du groupe rotation externe ont repris leur activité versus 82 % dans le groupe rotation interne ;

• Ishikawa compare le port d’un harnais claviculaire versus une immobilisation conventionnelle de l’épaule. À un an, aucune récidive n’a été constatée dans le groupe harnais versus 29 % dans le groupe conventionnel.

Conclusion :

La revue de la littérature est limitée dans ses conclusions par la taille des échantillons, les biais de méthodologie.

De nouvelles études sont nécessaires pour se prononcer sur l’intérêt et les modalités de l’immobilisation dans les primoluxations de l’épaule.

L’immobilisation en rotation externe d’une luxation de l’épaule diminue le risque de récurrence :

Itoï E, Hatakeyama Y, Sato T. Immobilization in external rotation after shoulder dislocation reduces the risk of recurrence. J Bone Joint Surg 2007;89A:2124—31

La lésion de Bankart retrouvée dans 94 à 97 % des luxations de l’épaule aurait un potentiel de cicatrisation. Cela se fonde sur deux arguments majeurs :

• d’une part parce que chez 52 à 80 % de tous les patients, il n’y a pas de récidive ;

• d’autre part, en cas de récidive, celle-ci cesse spontanément dans 20 % des cas.

Le risque de récidive ne dépend pas de la durée d’immobilisation ni du type d’immobilisation, probablement parce que la lésion de Bankart ne se trouve pas réduite avec les immobilisations traditionnelles.

Objectif de l’étude :

Valider l’hypothèse qu’une immobilisation en rotation externe diminue le taux de récidive.

Matériel et méthode :

Étude randomisée comparant l’immobilisation de l’épaule en rotation interne versus en rotation externe de 10. La luxation datait de moins de trois jours. Cent quatre-vingt-dix-huit patients ont été recrutés, avec une moyenne d’âge de 37 ans. L’immobilisation a été portée en continu sauf au moment de la toilette pendant une durée totale de trois semaines, suivie d’une automobilisation. Les sports intenses ont été interdits pendant trois mois. Les patients ont été revus à six, 12 et 24 mois ou contactés par téléphone en cas d’empêchement. Le taux de récurrence a été calculé.

Résultats :

Cent cinquante-neuf patients ont pu être suivis pendant au moins deux ans (moyenne 25,6 mois) : 38 % du groupe interne et 45 % du groupe externe ont pu être re-examinés.

Compliance :

• Reprise des activités sportives : à deux ans de recul, 63 % des sujets du groupe interne et 72 % des sujets du groupe externe ont repris le sport mais seulement 20 % dans le groupe interne et 37 % dans le groupe externe ont conservé le même niveau ;

• complications : 7 % du groupe externe ont présenté une raideur temporaire résolutive en moins de deux mois.

Discussion :

Les résultats de l’étude suggèrent que l’immobilisation en rotation externe de 10 mise en place dès le premier jour de la réduction diminue le risque de récidive, y compris chez les sujets jeunes.

La méthodologie exacte de cette immobilisation n’a pas encore été établie. D’après les travaux de Miller, plus la rotation externe est marquée, plus la réduction de la lésion de Bankart est importante, mais l’inconfort est aussi plus marqué.

Hart et Kelly ont pu observer en arthroscopie que la meilleure position pour réduire la lésion de Bankart était le bras à 30 d’abduction et 60 de rotation externe.

La durée totale de l’immobilisation doit être déterminée.

Elle a été de trois semaines dans l’étude mais d’autres travaux récents proposent quatre semaines puis deux semaines en rotation interne.

Trois biais peuvent être relevés dans l’étude : la compliance imparfaite, la prise en compte dans l’évaluation que du taux de récurrence et non des instabilités, la durée du Objectif de l’étude

Évaluer quatre attelles du commerce immobilisant l’épaule en rotation externe (RE).

Matériel et méthode :

Deux attelles avec besace et deux attelles avec tuteur rigide ; dix sujets ayant eu des antécédents médicaux ou chirurgicaux au niveau de l’épaule ont testé les systèmes.

Les deux attelles rigides devaient être fixées à 30 de RE (angle évalué par repérage photographique).

• réalisation d’un certain nombre d’activités quotidiennes similaires pour pouvoir comparer le caractère fonctionnel entre les utilisateurs (appliquer du dentifrice, mettre un pantalon, ouvrir une lettre, monter et descendre un escalier, utiliser l’ordinateur, faire des sauts) ; interdiction de toucher l’attelle ou d’utiliser l’autre membre pour réaliser certaines tâches ;

• évaluation des possibilités de réinstallation de l’attelle par le patient ;

• évaluation du confort.

Discussion :

Comme attendu, les attelles rigides permettent une plus grande RE et les besaces sont plus confortables.

Faiblesses de l’étude :

Au lieu d’être porté sur 24 heures comme le supposerait la pathologie, chaque système n’a été maintenu que 15 à 20 minutes pendant lesquelles des activités étaient pratiquées, ce qui sous-évalue l’appréciation de l’attelle.

Par ailleurs, d’après des calculs statistiques, il aurait fallu 15 patients de plus pour pouvoir valider les résultats.

Siegler J, Proust J, Galissier B. Luxation d’épaule et immobilisation en rotation IRM : étude IRM. Rev Chir Orthop 2009;95S:S128—33

Objectif de l’étude :

Suivi en IRM des suites précoces de luxations glénohumérales immobilisées en rotation externe.

Matériel et méthode :

Inclusion de 24 sujets présentant un premier épisode de luxation glénohumérale antéro-interne.

Réalisation d’une IRM précoce (délai moyen après l’accident = 3,75 jours), en rotation interne puis en rotation externe maximale autorisée par la machine.

Évaluation dans les deux positions du volume de l’hémarthrose, des lésions labrales.

Résultats :

L’hémarthrose a été retrouvée chez 23 patients ; pour 17 d’entre eux, la mise en rotation externe déplac¸ait l’hémarthrose dans la région postérieure de l’épaule.

Vingt-deux lésions labrales ont pu être objectivées.

Toutes celles présentant une séparation se réduisaient en rotation externe dont cinq de manière complète.

La poche capsulaire antérieure était constamment réduite lors de la mise en rotation externe sauf pour deux patients.

Discussion :

La rotation externe du bras entraînerait une mise en tension du muscle subscapulaire, favorisant le contact entre la capsule et les structures osseuses ainsi que le contact entre le labrum et la glène. Des études menées à moyen terme montrent l’influence du mode d’immobilisation sur le taux de récidive (38 % dans l’étude d’Itoï menée sur 25 mois).

Les modalités exactes de ce mode d’immobilisation restent à préciser : durée ? Degré de rotation externe ? Compliance ?

Gestion post-réductionnelle d’une première luxation antérieure de l’épaule :

Mc Neil N. Post-reduction management of firsttime traumatic anterior shoulder dislocation. Ann Emerg Med 2009;53:811—3

L’incidence des luxations de l’épaule aux États-Unis est de 8/100 000 habitants par année. En 2004, une enquête réalisée auprès des membres de la société britannique de traumatologie a révélé que 94 % des praticiens immobilisaient leurs patients en rotation interne. Malgré tout, le taux de récurrence des luxations est de 20 à 50 %, voire jusqu’à 64 % chez les patients de moins de 30 ans. Le rôle de la durée d’immobilisation n’est pas clairement établi.

Les lésions du labrum et du ligament glénohuméral inférieur sont les principaux facteurs prédictifs évolutifs.

Objectifs de l’étude :

Revue de la bibliographie à propos des positions d’immobilisation dans les suites de luxation glénohumérale.

Résumés des articles sélectionnés :

Itoi E, J Shoulder Elbow Surg 2003 : n = 42 ; primoluxation ; immobilisation en rotation interne versus rotation externe pendant trois semaines ; attribution du mode d’immobilisation soit par alternance, soit par randomisation ; deux exclusions pour fractures déplacées de l’extrémité supérieure de l’humérus ; le taux de récurrence a été de 30 % dans le groupe rotation interne versus 0 % dans le groupe rotation externe avec un recul moyen de 15,5 mois. Pas de différence statistiquement significative concernant la compliance.

Itoi E, J Bone Joint Surg 2007 : n = 148 ; primoluxation ; immobilisation en rotation interne (n = 94) versus rotation externe de 10 (n = 104) pendant trois semaines ; 80 % ont pu être suivis au moins deux ans ; le taux de récurrence a été de 42 % dans le groupe rotation interne versus 26 % dans le groupe rotation externe. La compliance a été variable d’un groupe à l’autre : 53 % pour l’immobilisation en rotation interne versus 72 % pour l’immobilisation en rotation externe. L’immobilisation en rotation externe est associée à un risque absolu de réduction de 18,8 % et un risque relatif de 48,8 %.

Seybold D, Chirurgie 2006 : n = 10 ; primoluxation ; moyenne d’âge de 30,4 ans ; immobilisation en rotation externe de 10 à 20 pendant trois semaines ; évaluation des patients à six et 12 mois ; une IRM faite à six semaines post-luxation montrait un repositionnement de la lésion de Bankart ; à 12 mois, le score de Constant était de 96,1 points, le score de Rowe de 91,5 points. Un patient a eu une récidive à huit mois.

Hovelius L, J Bone J Surg 2008 : étude randomisée multicentrique suédoise d’une cohorte de 255 patients ayant eu une primoluxation entre 1978 et 1979 : soit immobilisation coude au corps pendant 3—4 semaines (groupe 1), soit le bras en écharpe à visée antalgique jusqu’à disparition de la douleur, voire absence totale d’immobilisation (groupe 2) ; recul de 25 ans avec 229 questionnaires renvoyés par les patients et exploitables : hormis la présence d’une fracture du trochiter qui semble être un facteur pronostique certain de récidive, le taux de récurrence a été le suivant : groupe 1 : 52 %, groupe 2 : 54 %, différence non significative.

Kivilueto O, Acta Orthop Scand 1980 : étude prospective d’une cohorte suivie pendant un an, répartie en deux groupes suivant leur âge (inférieur ou supérieur à 50 ans) :

• dans le groupe des « jeunes » (n = 96), immobilisation en rotation interne (méthode de randomisation non précisée) pendant une semaine ou trois semaines dans un appareil type Gilchrist. La différence entre le taux de récidive (respectivement de 26 et 17 %) s’est avérée statistiquement non significative. Un sous groupe a été formé avec les sujets de moins de 30 ans (n = 53) révélant un taux de récidive de 56 % en cas d’immobilisation d’une semaine versus 22 % pour ceux immobilisés trois semaines (p < 0,5).

• pour les sujets d’âge « plus mur » (n = 127), l’immobilisation s’est faite en rotation interne pendant une semaine. Le taux de récidive dans ce groupe a été de 8 %.

Commentaires des auteurs

Il n’y a, a priori, aucune preuve démontrant que l’immobilisation en rotation interne diminue le risque de récurrence. L’immobilisation en rotation externe paraît plus efficace.

Commentaire de la rédaction

Il semble exister des preuves anatomiques démontrant l’intérêt de l’immobilisation en rotation externe en cas de primoluxation de l’épaule pour diminuer le risque de lésion résiduelle (Bankart. . .) influenc¸ant le taux de récidive.

Cependant, on manque encore d’études cliniques permettant :

• de confirmer ce rôle « protecteur » (les résultats contradictoires d’Itoï et de Finestone : JBJS 2009) ;

• d’apprécier la compliance des patients pour ce mode d’immobilisation, bien moins fonctionnel au quotidien que le classique « coude au corps » ;

• de préciser les modalités exactes : quel est le degré de rotation le plus efficace ? Quelle durée d’immobilisation ?

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