Purpura rhumatoïde

Purpura rhumatoïde
Introduction :

Le purpura rhumatoïde ou purpura de Schönlein-Henoch est une vascularite systémique des vaisseaux de petit calibre en rapport avec des dépôts immuns prédominants d’immunoglobuline A (IgA). C’est cette définition qui a été retenue en 1994 à Chapel Hill pour la classification des angéites qui comprennent le purpura rhumatoïde. Pour cette vascularite, la présence de dépôts d’IgA est exigée dans les vaisseaux de petit calibre de la peau, de l’intestin ou du rein (glomérule). Le purpura rhumatoïde est caractérisé par l’association de signes cutanés, articulaires et gastro-intestinaux, qui peuvent survenir par poussées successives. Une atteinte rénale s’associe parfois à ces signes. La fréquence de cette atteinte est extrêmement variable selon les séries. Plus rarement, d’autres organes tels que le poumon, le coeur ou le système nerveux peuvent être concernés.

Le pronostic de la maladie à court terme dépend de la sévérité de l’atteinte digestive mais à long terme elle est tributaire de l’atteinte rénale. Là aussi, le pronostic reste controversé malgré des publications récentes de séries pédiatrique et adulte montrant l’existence d’une insuffisance rénale chronique, évolutive parfois plus de 10 ans après la première poussée.

Épidémiologie :

Le purpura rhumatoïde peut se manifester à tout âge (de 5 mois à 89 ans) mais atteint principalement l’enfant entre 3 et 15 ans. Chez l’enfant, l’incidence annuelle de cette maladie est de l’ordre de 15 à 20,5 cas pour 100 000 enfants par an. Il est beaucoup plus rare chez l’adulte où son incidence serait plutôt de l’ordre de 0,1 pour 100 000 adultes, le ratio enfants/adultes varierait ainsi de 16 à 22. Le purpura rhumatoïde de l’adulte diffère de celui de l’enfant par son incidence et la gravité des manifestations cliniques.

Chez l’enfant comme chez l’adulte, la maladie est plus fréquente chez les patients de sexe masculin (sex-ratio : 1,5). La maladie semble plus fréquente l’hiver mais l’incidence peut être très variable d’une année à l’autre.

Le purpura rhumatoïde est rapporté dans tous les pays du monde, mais sa distribution est variable. Il apparaît plus fréquent au Japon, en Asie du Sud-Est, en Europe et en Australie, qu’en Amérique du Nord et Afrique du Sud. On l’observe dans toutes les ethnies mais il est plus rare chez les sujets de race noire.

Physiopathologie :

En ce qui concerne sa physiopathologie, peu de progrès ont été faits. La réponse anormale d’un système immun immature à une agression antigénique externe a été l’hypothèse la plus souvent avancée.

On observe, en effet, chez certains de ces patients, des anomalies du système immunitaire portant surtout sur les IgA qui joueraient un rôle central au cours du purpura rhumatoïde, répondant à un antigène présenté par les cellules immunitaires des muqueuses. On note une augmentation du taux sérique d’IgA, déséquilibré en faveur des sous-classes IgA1, une circulation de complexes immuns composés d’IgA, des anomalies de la glycosylation des IgA et une augmentation du nombre de lymphocytes B circulants porteurs d’IgA membranaires et capables in vitro de produire un excès d’IgA.

D’ailleurs, la maladie est souvent précédée d’une infection de la sphère otorhinolaryngologique (ORL) ou respiratoire (streptocoque, adénovirus, parvovirus, Mycoplasma pneumoniae…) ou d’une prise médicamenteuse, toxique et alimentaire, en particulier chez l’enfant. Elle a également été associée à d’autres infections virales telles que parvovirus B19, Epstein-Barr virus (EBV), cytomégalovirus (CMV), ou le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Plus récemment, il a été montré chez l’adulte l’association à certains cancers, et particulièrement des épithéliums muqueux, plus fréquents au cours de l’intoxication alcoolotabagique (tumeurs des voies aérodigestives supérieures et pulmonaires), sans qu’un véritable syndrome paranéoplasique puisse être affirmé. Enfin, l’association purpura rhumatoïde et fièvre méditerranéenne familiale, notamment chez les enfants présentant la mutation M694V du gène FMF, est fréquente, évaluée à 5 %. Une étude propose la recherche systématiquement de cette mutation, dans les populations à risque, lorsque le purpura rhumatoïde survient avant le diagnostic de FMF.

Manifestations cliniques :

Critères diagnostiques :

Le diagnostic de purpura rhumatoïde repose sur l’association de signes cliniques extrêmement évocatrice. Il s’agit de l’association d’un purpura vasculaire cutané, à des manifestations articulaires, digestives et rénales. Il n’existe aucun signe biologique spécifique de la maladie. Le taux sérique d’IgA est élevé dans 60 % des cas mais ceci ne constitue en aucun cas un argument formel pour affirmer le diagnostic. L’histologie cutanée (vascularite leucocytoclasique) et rénale (glomérulonéphrite endocapillaire proliférative) associée à la présence de dépôts d’IgA dans ces tissus peut être utile, surtout chez l’adulte. En 1990, l’American College of Rheumatology a proposé, pour distinguer le purpura rhumatoïde des autres vascularites, les critères suivants : un âge inférieur à 20 ans, un purpura vasculaire, des douleurs abdominales aiguës ou une vascularite leucocytoclasique cutanée. La présence d’au moins deux de ces signes a une sensibilité de 87,1 % et une spécificité de 87,7 %. En 1994, au cours de la conférence de consensus de Chapel Hill, est ajouté comme critère obligatoire la présence de dépôts d’IgA dans les petits vaisseaux cutanés, intestinaux ou rénaux. Les critères les plus récents sont proposés par Helander et al. : chez un patient ayant une vascularite leucocytoclasique, le diagnostic de purpura rhumatoïde peut être fait si au moins trois des critères suivants sont présents : dépôts vasculaires dermiques d’IgA, âge inférieur à 20 ans, atteinte gastrointestinale (douleur abdominale ou présence de sang dans les selles), infection récente des voies aériennes supérieures et présence d’une néphropathie mésangiale avec ou sans dépôts d’IgA à la biopsie. Ces deux classifications sont très utiles pour faire le diagnostic de la maladie chez l’enfant mais ne sont pas adaptées à l’adulte, l’âge inférieur à 20 ans étant un des critères principaux.

Signes généraux :

La fièvre, généralement peu élevée, est présente chez la moitié des patients. Chez l’enfant, un syndrome néphrotique sévère peut se compliquer d’une franche altération de l’état général avec perte de poids importante. Un syndrome inflammatoire biologique est fréquent, mais généralement modéré.

Signes cutanés :

L’atteinte cutanée est quasiment constante et inaugure le tableau clinique dans plus de deux tiers des cas. Elle débute souvent par des lésions urticariennes mais la lésion caractéristique est un purpura vasculaire. Il est symétrique, non prurigineux, prédomine aux zones de pression et aux extrémités, en particulier autour des chevilles et sur les fesses mais peut s’étendre à l’ensemble du tégument. Il épargne généralement le tronc, l’abdomen, le visage et le cuir chevelu. L’atteinte du visage n’est observée que chez le très jeune enfant. La lésion primitive est généralement un purpura pétéchial infiltré, qui peut confluer pour former des macules, voire des ecchymoses avec parfois des aspects en cocarde. Les lésions purpuriques sont parfois très discrètes, de la taille d’une tête d’épingle. Chez l’adulte, elle se complique de nécrose ou de bulles hémorragiques dans 35 % des cas, ce qui est exceptionnel chez l’enfant. Il peut n’y avoir qu’un seul rash de résolution rapide ou plusieurs poussées successives. Les récidives fréquentes peuvent cependant laisser une dyschromie brunâtre ou des cicatrices blanchâtres en cas de purpura nécrotique.

La biopsie cutanée en peau lésée d’une lésion récente montre, typiquement, une vascularite leucocytoclasique des vaisseaux dermiques avec nécrose fibrinoïde et infiltrat périvasculaire (capillaires et veinules postcapillaires) fait de neutrophiles et de cellules mononucléées dont les noyaux sont pycnotiques et fragmentés (leucocytoclasie). En immunofluorescence, faite sur des lésions récentes (< 24 h) et infiltrées, on observe, dans la paroi des vaisseaux lésés, des dépôts granuleux, dessinant la paroi du vaisseau, d’IgA polyclonale, de C3 et de fibrine/fibrinogène. Des dépôts d’IgM et plus rarement d’IgG peuvent être présents dans la paroi des vaisseaux. Au-delà de 24 heures, l’étude en immunofluorescence est souvent négative.

Signes articulaires :

Les manifestations articulaires sont présentes dans deux tiers des cas et inaugurales dans un tiers des cas. Chez l’adulte, il s’agit le plus souvent d’arthralgies que d’arthrites. Elles se traduisent par des oligoarthralgies d’horaire inflammatoire touchant principalement les chevilles et les genoux. Les atteintes articulaires sont fixes, symétriques, d’intensité variable, souvent rapidement résolutives. Une ou plusieurs articulations sont touchées, simultanément ou successivement. À la douleur peut s’associer un gonflement périarticulaire, en rapport le plus souvent avec une synovite qui, par définition, ne détruit jamais l’articulation. La radiologie de l’articulation peut montrer un oedème périarticulaire, sans modification de l’espace interarticulaire.

Signes abdominaux :

Les manifestations digestives sont fréquentes, variables en fonction des séries (en moyenne 66 % chez l’enfant et 50 % chez l’adulte), inaugurales dans 10 % des cas. Il s’agit de douleurs modérées de type colique mais pouvant être sévères conduisant alors à la laparotomie. Elles s’accompagnent souvent de troubles digestifs à type de nausées ou de vomissements.

Elles peuvent s’associer à une hémorragie digestive occulte (présence de sang dans les selles à la bandelette) mais parfois gravissime (hématémèse ou méléna), engageant le pronostic vital. L’endoscopie digestive retrouve alors un érythème de la muqueuse avec purpura pétéchial, des érosions, voire de véritables plages de nécrose de la paroi digestive. Chez l’enfant, l’invagination intestinale est une complication classique de l’atteinte digestive, représentant 80 % des complications chirurgicales du purpura rhumatoïde chez l’enfant. L’histologie digestive est superposable à celle de la peau et l’examen en immunofluorescence confirme le diagnostic en présence de dépôts d’IgA des vaisseaux de la sous-muqueuse.

Autres manifestations extrarénales :

Les autres manifestations sont beaucoup plus rares. Dans le cadre des manifestations neurologiques, on peut observer des céphalées, convulsions, parésies, voire un coma. Plus exceptionnellement sont décrites des orchiépididymites (le plus souvent chez le jeune garçon), urétrites, pancréatites, parotidites, myosites, épisclérites, hémorragies pulmonaires (gravissime) et myocardites.

Atteinte rénale :

Une atteinte rénale survient dans 20 à 54 % des cas de purpura rhumatoïde chez l’enfant et dans 45 à 85 % chez l’adulte.

L’incidence varie selon les séries, en fonction du mode de recrutement des malades et des critères diagnostiques retenus pour affirmer l’atteinte rénale. Parmi l’ensemble des glomérulonéphrites de l’enfant, celle du purpura rhumatoïde représente 10 à 15 % des cas et 2,5 % des insuffisances rénales terminales. Chez l’adulte, l’atteinte rénale du purpura rhumatoïde ne représenterait que 0,6 à 2 % des néphropathies.

L’atteinte rénale survient généralement au cours du premier mois de la maladie mais des anomalies urinaires peuvent être observées après plusieurs mois, parfois au cours d’une nouvelle poussée de purpura cutané.

L’hématurie, le plus souvent microscopique, est le signe le plus précoce. À cette hématurie peuvent s’associer d’autres signes évocateurs de glomérulonéphrite : protéinurie de débit variable, pouvant être néphrotique, et insuffisance rénale. Chez l’adulte, l’atteinte rénale est non seulement plus fréquente, mais également plus sévère. La présence d’une insuffisance rénale au moment du diagnostic est exceptionnelle chez l’enfant, alors que son incidence peut atteindre 32 % chez l’adulte. Une hypertension artérielle peut s’associer à ces signes ou être isolée.

La néphropathie du purpura rhumatoïde est une néphropathie glomérulaire à dépôts d’IgA comparable à celle observée au cours de la maladie de Berger. Seul le contexte clinique permet de les distinguer. Les lésions observées au cours du purpura rhumatoïde seraient plus inflammatoires et nécrotiques.

Ceci peut être expliqué par le fait que, contrairement à la maladie de Berger, la biopsie est généralement pratiquée à la phase aiguë de la maladie.

L’étude en immunofluorescence confirme le diagnostic de glomérulonéphrite à dépôts d’IgA. Les dépôts mésangiaux sont présents dans tous les glomérules, leur abondance est variable et ils peuvent même déborder le long des parois des capillaires glomérulaires, voire du pôle vasculaire. À ces dépôts d’IgA (essentiellement IgA1 lambda plus intense que kappa) s’associent constamment des dépôts de C3, parfois d’IgG (40 % des cas) et plus rarement d’IgM (20 % des cas). Les dépôts mésangiaux d’IgA sont observés dans les glomérules scléreux, permettant de porter un diagnostic rétrospectif. Les lésions nécrotiques et les croissants fixent le sérum antifibrinogène.

L’association de dépôts de fibrinogène et d’IgA mésangiale, même en l’absence de nécrose fibrinoïde, serait évocatrice de la néphropathie du purpura rhumatoïde plutôt que de la maladie de Berger.

L’examen en microscopie optique montre une grande diversité de type et de sévérité des lésions glomérulaires. De nombreuses classifications ont été proposées, aucune n’est encore unanimement admise. Toutes sont fondées sur le degré de prolifération endocapillaire, le nombre de croissants et l’importance de la sclérose glomérulaire. La classification la plus couramment utilisée chez l’enfant est celle de l’International Study of Kidney Disease in Childhood (ISKDC) modifiée par Heaton en 1977. Nous avons proposé, pour l’adulte, une classification pour laquelle il existe une forte corrélation anatomoclinique. Elle distingue :

• la glomérulonéphrite mésangiopathique, caractérisée par la présence de glomérules normaux ou subnormaux avec un discret épaississement de l’axe mésangial ;

• la glomérulonéphrite segmentaire et focale caractérisée par la présence de lésions segmentaires touchant moins de 50 % des glomérules. Ces lésions segmentaires peuvent avoir différents aspects. Il peut s’agir de prolifération mésangiale focale avec augmentation de la matrice, parfois accompagnée d’une nécrose segmentaire du flocculus et toujours d’une adhérence, soit à un croissant épithélial segmentaire, soit réalisant une synéchie fibreuse ou fibrocellulaire du flocculus à la capsule de Bowman. Parfois se surajoutent à ces lésions de véritables lésions de hyalinose segmentaire et focale du flocculus ;

• la glomérulonéphrite proliférative endocapillaire diffuse, caractérisée par l’association d’une hypercellularité mésangiale à un épaississement de la matrice mésangiale. Les classes IIIa et IIIb se distinguent par l’intensité de la prolifération endocapillaire et/ou son association à une prolifération extracapillaire ;

• la glomérulonéphrite endocapillaire et extracapillaire, caractérisée par la présence de croissants, touchant plus de 50 % des glomérules, pouvant être circonférentiels, associée à une glomérulonéphrite proliférative endocapillaire diffuse ;

• et enfin, le rein fibreux, terminal. Chez l’enfant, la lésion la plus fréquemment rencontrée est la glomérulonéphrite segmentaire et focale ; alors que chez l’adulte, la lésion la plus fréquemment rencontrée est la glomérulonéphrite proliférative endocapillaire diffuse (classe III). La prolifération endo- et extracapillaire est rare, observée dans moins de 10 % des cas. On peut également observer des lésions moins spécifiques comme la nécrose fibrinoïde qui s’observe surtout à la phase aiguë.

Des lésions tubulo-interstitielles sont fréquemment associées aux lésions glomérulaires et sont fortement corrélées à la présence d’une insuffisance rénale. Il existe volontiers des cylindres hématiques. Les lésions vasculaires sont également fréquentes, même chez l’adulte jeune. Il s’agit d’hypertrophie médio-intimale des petites artères et d’artériolosclérose, moins souvent, d’artériosclérose ou d’une endartérite fibreuse des artères interlobulaires et exceptionnellement d’une angéite nécrosante (avec dépôts d’IgA) plus ou moins inflammatoire touchant les artères musculaires.

En microscopie électronique, en plus des lésions visibles en microscopie optique, on observe la présence de dépôts électrondenses dans le mésangium auxquels s’ajoutent parfois des dépôts sous-endothéliaux et rarement des dépôts sous-épithéliaux qui, lorsqu’ils sont volumineux, prennent un aspect de humps.

Évolution :

Chez l’enfant, le purpura rhumatoïde se manifeste le plus souvent par une poussée unique. Chez l’adulte, 22 % des patients auront plusieurs poussées et 33 % des adultes passeront à la chronicité.

Le risque vital est avant tout lié à l’atteinte digestive, lorsque celle-ci se complique de perforation ou d’hémorragie gastrointestinale non contrôlée. Ces complications, plus fréquentes chez l’enfant, sont néanmoins exceptionnelles. L’atteinte pulmonaire (hémorragie intra-alvéolaire) est très rare mais souvent fatale. Le pronostic à long terme dépend essentiellement de l’évolution de l’atteinte rénale.

Le risque d’évolution vers l’insuffisance rénale terminale nécessitant la dialyse chez l’enfant est variable, de l’ordre de 2,5 % à 25 %, mais en moyenne de l’ordre de 8 %. En Europe, 3 % des enfants dialysés le sont en raison d’un purpura rhumatoïde. Deux études concernant des enfants suivis plus de 20 ans après le diagnostic de purpura rhumatoïde donnent un recul suffisant vis-à-vis de cette pathologie. Elles soulignent la nécessité d’un suivi néphrologique prolongé. En effet, même les enfants considérés en rémission 10 ans après le diagnostic ont développé 20 ans plus tard une hypertension artérielle ou une insuffisance rénale chronique. Cette surveillance est indispensable en cas de grossesse survenant chez des patients ayant des antécédents de purpura rhumatoïde. Un tiers des grossesses de la première série et 70 % de la deuxième sont compliquées d’hypertension artérielle gravidique ou toxémique et jusqu’à 16 % de mort foetale.

Chez l’adulte, le risque de développer une insuffisance rénale chronique est fréquent, de 8 à 68 %.

Ces différences d’incidences sont dues à de nombreux facteurs : petites séries de patients, grande discordance d’âge d’une étude à l’autre, mode de recrutement (avec ou sans atteinte rénale) et recul des études. Parmi les études récentes incluant un nombre suffisant de patients, tous ayant une atteinte rénale justifiant une biopsie rénale, une étude italienne retrouve une incidence d’insuffisance rénale terminale de 17 % chez les 97 adultes suivis en moyenne 4,9 années. Notre étude rétrospective retrouve une incidence d’insuffisance rénale terminale de 18,6 % chez les 250 adultes suivis en moyenne 5,2 années.

Les résultats des séries publiées, tant en pédiatrie que chez les adultes, au cours du purpura rhumatoïde, l’atteinte rénale chez l’enfant est plus rare et de meilleur pronostic. Cependant, là aussi, il est important de souligner la grande disparité de ces études, tant en nombre de patients inclus, qu’en nombre de patients avec atteinte rénale, confirmée ou non par une biopsie rénale, mais aussi en recul de suivi, parfois très court et surtout en ce qui concerne les traitements reçus.

Critères pronostiques :

La plupart des études, que ce soit chez l’enfant ou chez l’adulte, s’accordent à dire qu’il n’existe aucune corrélationentre la présentation ou l’intensité des signes extrarénaux et l’histologie ou l’évolution de l’atteinte rénale.

Chez l’enfant, il existe une assez bonne corrélation entre la présentation clinique néphrologique, l’examen histologique rénal et l’évolution rénale. La présence d’un syndrome néphrotique avec insuffisance rénale ou d’un syndrome néphritique est plus souvent associée aux stades IV et V histologique de la classification ISKDC et est un facteur de risque important de l’évolution vers l’insuffisance rénale. Une hématurie isolée et/ou une protéinurie modérée inférieure à 1 g/l, est, à l’opposé, plus souvent associée aux stades I à III de la classification ISKDC et évolue généralement vers la rémission. Les trois critères principaux retenus par la plupart des auteurs restent ainsi, la présence d’un syndrome néphrotique et/ou d’une insuffisance rénale au diagnostic et la présence, sur la biopsie rénale, de croissants occupant plus de 50 % de la chambre urinaire et plus de 50 % des glomérules. D’autres facteurs ont été corrélés à une moins bonne survie rénale, retrouvés pour chacun dans des études isolées : l’âge de l’enfant entre 5 et 10 ans, la persistance du purpura cutané ou la présence d’un purpura abdominal, une symptomatologie abdominale sévère, une activité du facteur XIII abaissée.

Chez l’adulte, il s’agit souvent de petites séries et aucune corrélation ne peut être faite. L’étude italienne retrouve, comme facteur de mauvais pronostic rénal, une protéinurie au diagnostic supérieure à 1,5 g/j ainsi que la présence d’une insuffisance rénale et d’une hypertension artérielle. Nous avons montré également, en analyse multivariée, que l’existence d’une insuffisance rénale et d’une protéinurie supérieure à 1 g/j étaient des facteurs pronostiques d’insuffisance rénale sévère à long terme. Il existe également des facteurs pronostiques histologiques : nécrose fibrinoïde glomérulaire, sclérose glomérulaire globale et fibrose interstitielle, dont la valeur pronostique est d’ailleurs maintenant admise pour de nombreuses glomérulopathies, et en particulier pour la maladie de Berger. Contrairement à ce que l’on observe chez l’enfant, la présence d’une prolifération extracapillaire ne semble pas influencer le pronostic.

Traitement :

Traitement symptomatique :

Le repos au lit limite l’extension du purpura cutané mais n’influence en rien l’évolution de l’atteinte digestive ou rénale.

Il doit être limité aux patients ayant des douleurs articulaires telles que la mobilisation est difficilement envisageable. En première intention, les antalgiques simples sont proposés. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont bien entendu contre-indiqués en présence d’une atteinte digestive ou rénale.

Enfin, les mesures de néphroprotection sont recommandées chez tout patient ayant une atteinte rénale. Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, associés si besoin aux antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II, doivent être utilisés en première intention pour obtenir un contrôle optimal de la pression artérielle et du débit de protéinurie. Un suivi spécialisé est nécessaire tant qu’il persiste des anomalies cliniques ou biologiques.

Puis, s’il n’existe plus aucune anomalie urinaire, que la fonction rénale est normale et la pression artérielle contrôlée, un suivi annuel est recommandé.

Ces mesures symptomatiques sont généralement suffisantes chez la plupart des patients. Des traitements plus spécifiques ont été proposés aux patients ayant une forme clinique préoccupante.

Corticostéroïdes :

Les corticostéroïdes sont efficaces pour diminuer les douleurs abdominales et articulaires, comme les antalgiques usuels. Ils n’ont pas démontré leur efficacité pour prévenir les complications digestives mais sont généralement utilisés en cas d’atteinte sévère avec stricte surveillance médicochirurgicale. Les auteurs s’accordent à dire qu’ils sont inefficaces sur l’atteinte cutanée. Pour prévenir les complications rénales, les résultats des études utilisant les stéroïdes seuls sont contradictoires. Deux études montrent leur effet bénéfique, les autres ne retrouvent en revanche aucun effet du traitement.

En ce qui concerne le traitement curatif, là aussi les études sont d’interprétation difficile puisque le plus souvent rétrospectives et que les patients traités présentent généralement la forme la plus sévère. Les stéroïdes utilisés par voie intraveineuse semblent efficaces chez l’enfant.

Traitements immunosuppresseurs :

Des traitements plus agressifs, associant stéroïdes et cyclophosphamide ou azathioprine, semblent plus efficaces, mais là aussi les résultats de ces études sont d’interprétation délicate puisqu’elles n’incluent que peu de patients et qu’elles sont rétrospectives ou sans groupe contrôle. En pratique, les traitements immunosuppresseurs sont utilisés dans les formes sévères avec insuffisance rénale rapidement progressive.

Les échanges plasmatiques, seuls ou en association avec des stéroïdes et/ou des immunosuppresseurs, ont été proposés dans les formes les plus graves, de même que les Ig intraveineuses.

Récidive sur le transplant rénal :

La néphropathie du purpura rhumatoïde peut récidiver sur le transplant rénal, d’autant plus que la transplantation est intrafamiliale. Généralement, la récidive est restreinte au rein et les patients ne présentent pas de signes extrarénaux. Le risque actuariel de récidive est estimé à 35 % et de perte de greffon en rapport avec la récidive à 11 % à 5 ans. Un délai court entre la transplantation rénale et les premiers signes cliniques de la maladie est un facteur de risque à prendre en compte et il est habituellement recommandé de respecter 1 an de délai avant de greffer le patient. L’utilisation de la ciclosporine ne semble pas diminuer le risque de récidive.