Anomalies pupillaires

Anomalies pupillaires
Anomalies pupillaires

DIAGNOSTIC :

L’examen pupillaire se fait à la lumière, puis dans la pénombre, tandis que le sujet regarde loin. On étudie comparativement la forme, la place, la taille des pupilles, et leur réactivité à la lumière, l’une après l’autre.

Si une ou les deux pupilles sont aréactives à la lumière, on recherche leur contraction lors de la syncinésie accommodation-convergence. Ceci se fait en demandant au sujet de fixer un petit objet que l’on rapproche de telle sorte que les yeux convergent le plus possible vers cet objet.

Il faut parfois poursuivre cette stimulation plus d’une minute.

Si une anisocorie est découverte, il faut la dater d’après des photos anciennes, surtout si elle est isolée.

Des pupilles normalement réactives à la lumière et symétriques sont des pupilles normales, même si elles paraissent en myosis ou en mydriase.

Les causes d’erreur sont :

– l’absence d’examen dans la pénombre qui conduit à méconnaître un syndrome de Claude Bernard-Horner ;

– la demande par l’examinateur de fixer un point proche (« regardez vers moi ») qui sollicite l’accommodation-convergence et entraîne par ce biais un myosis. Il faut que le patient fixe droit devant lui, au loin ;

– la découverte forcément brutale d’une anomalie parfois ancienne. L’anisocorie discrète d’un sujet aux yeux foncés, découverte à l’occasion d’une conjonctivite peut en fait être très ancienne.

À l’inverse de l’anisocorie franche d’un sujet aux yeux bleus, révélée par une photophobie ou une gêne à la lecture ;

– l’instillation inadaptée d’un collyre peut empêcher une démarche correcte ultérieure. Tester la sensibilité cornéenne fausse certains tests pharmacologiques.

ÉTIOLOGIE :

Causes oculaires :

Certaines pathologies purement ophtalmologiques et non neurologiques peuvent entraîner des anomalies pupillaires qui ne sont pas du tout au premier plan.

Glaucome aigu :

Le glaucome aigu doit être reconnu par tout médecin, et traité même en milieu non spécialisé, car il est une urgence à une ou deux heures près.

Le tableau peut être uni- ou bilatéral. Le patient consulte pour des douleurs orbitaires et/ou des céphalées qui peuvent s’accompagner de nausées.

L’oeil est souvent rouge. L’existence de halos colorés autour des lumières est un argument diagnostique fort. À la palpation bidigitale, le globe parait plus dur que celui de l’examinateur ou d’un autre sujet témoin.

Sauf si un examen ophtalmologique est possible dans les deux heures, le traitement doit être débuté avant le transfert. Il consiste en une ampoule I-V de Diamox®, et 4 mesures de glycérotone, associé à un collyre bêtabloquant, et, seulement si le diagnostic est certain, de la pilocarpine en collyre, toutes les heures si la tolérance est bonne (faire fermer les yeux pendant 2 minutes après chaque instillation pour réduire le passage systémique).

Uvéite :

Une uvéite ne peut être affirmée que par un examen à la lampe à fente. Cet examen ophtalmologique doit être effectué en urgence devant tout oeil rouge, a fortiori en cas d’anomalie pupillaire (irrégularité, décentrement, asymétrie, anomalie du réflexe photomoteur).

Pour le traitement, se reporter au chapitre OEil rouge (Uvéites).

Causes neuro-ophtalmologiques :

Anisocorie :

Après avoir recherché une cause toxique (atropiniques, nicotine, cocaïne, etc.), en particulier botanique (belladone, datura, etc.), il faut retenir trois diagnostics essentiels (Fig. 1) par la gravité, la fréquence, les diagnostics différentiels :

– le syndrome de Claude Bernard-Horner (CBH) et en particulier la dissection de la carotide ;

– la compression de la troisième paire crânienne (III), en particulier par un anévrysme ;

– la pupille d’ADIE, dont la bilatéralisation doit faire rechercher avant tout une erreur diagnostique (elle est exceptionnelle malgré certains chiffres erronés de la littérature).

Figure 1. Arbre décisionnel de l’anisocorie (RPM : réflexe photomoteur)
Figure 1. Arbre décisionnel de l’anisocorie (RPM : réflexe photomoteur)
Figure 2. Dissection de la carotide droite. La cocaïne dilate la pupille saine mais n’a pas d’effet sur la pupille atteinte
Figure 2. Dissection de la carotide droite. La cocaïne dilate la pupille saine mais n’a pas d’effet sur la pupille atteinte

Syndrome de Claude Bernard-Horner :

Il associe un myosis réactif, majoré dans la pénombre à un rétrécissement de la fente palpébrale dû à un ptôsis toujours modéré et à une ascension de la paupière inférieure (atteinte du muscle de Müller, innervé par le sympathique).

Ceci donne un faux aspect d’énophtalmie, mais jamais de vraie enophtalmie.

Les réflexes photomoteurs sont normaux : la pupille pathologique se dilate mal mais se contracte bien. Le diagnostic différentiel principal est l’anisocorie physiologique et un test au collyre à la cocaïne (Fig. 2, voir également figure dans le cahier couleur) peut être nécessaire pour trancher : son instillation dans les deux yeux majore l’anisocorie en cas de syndrome de CBH, et la réduit en cas d’anisocorie physiologique.

La survenue brutale d’un CBH, sans autre trouble neuro-ophtalmologique, sans contexte iatrogène, et sans adénopathies à la palpation cervicale, est le plus souvent la conséquence d’une dissection de la carotide extracrânienne. S’il s’y associe une douleur homolatérale, il s’agit toujours d’une dissection carotidienne, même si le sujet rapporte sa douleur à un problème dentaire, sinusien ou autre.

Le risque n’est pas la rupture mais l’accident thromboembolique comme dans les sténoses carotidiennes.

Compression du III et rupture d’anévrysme :

Toute mydriase peu ou aréactive associée à une diplopie est a priori une atteinte du III intrinsèque et extrinsèque et traduit une compression du III. C’est dire l’importance de l’examen des pupilles en cas de diplopie.

Toute douleur homolatérale à une atteinte du III intrinsèque et extrinsèque traduit une fissuration d’anévrysme. Le transfert en milieu neurochirurgical doit être immédiat. L’IRM confirmera le diagnostic.

Pupille d’ADIE :

Une mydriase aiguë isolée ou associée à un trouble accommodatif (mauvaise vision de près), sans diplopie ni ptosis est le plus souvent une pupille d’ADIE. Mais si la pupille aréactive à la lumière ne se contracte pas franchement et de façon tonique en accommodation-convergence, il faut faire sans délai le diagnostic différentiel entre pupille d’ADIE et paralysie du III intrinsèque.

A fortiori en cas de douleurs.

Mydriase bilatérale aréactive :

En raison de l’urgence et des implications de santé publique, il faut éliminer une cause pharmacologique (cf. supra), et évoquer de parti pris un botulisme dont les meilleurs signes sont le contexte alimentaire et l’atteinte de plusieurs personnes, une sécheresse de la bouche, des troubles mictionnels, digestifs, ou neurologiques qui évoqueraient un botulisme.

Myosis bilatéral aréactif :

Il faut rechercher une contraction pupillaire en accommodation-convergence : si elle est présente, il s’agit :

– d’une rare pupille d’ADIE vieillie bilatérale ;

– plutôt de p upilles d’Argyl Robertson.

La sérologie syphilitique est systématique bien que la plupart des pupilles d’Argyl Robertson soient d’origine diabétique.

Pupille de Gunn :

Une atteinte d’un nerf optique n’entraîne jamais d’anisocorie. Par contre, une lésion d’un nerf optique (unilatérale ou asymétrique) peut souvent être objectivée par l’examen des pupilles, en éclairant celles-ci alternativement.

CONCLUSION :

La prise en charge d’une anomalie pupillaire suit une logique quasi mathématique et ne laisse aucune place à l’improvisation. Il faut insister sur :

– la nécessité de dater correctement une anomalie pupillaire et d’éliminer une cause pharmacologique ou toxique par des questions précises, avant de se lancer dans des investigations complexes ;

– l’impériosité de pouvoir examiner les pupilles dans la pénombre ;

– le mauvais « parapluie » que constitue l’IRM si elle n’est pas orientée. En particulier, chaque fois qu’il existe une mydriase par atteinte du III alors que l’IRM est normale, c’est que l’IRM méconnaît une compression du III.

– un patient présentant une anisocorie douloureuse sera peut-être mort (rupture d’anévrysme) ou hémiplégique (accident vasculaire secondaire à une dissection carotidienne) dans les heures qui viennent. Un diagnostic et une prise en charge efficaces permettent de l’éviter.