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Douleurs oculaires

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Il faut tout d’abord distinguer les douleurs oculaires très aiguës. Ce sont en réalité les mêmes que celles qui s’accompagnent d’un oeil rouge et en général également d’une baisse de l’acuité visuelle. Elles ont déjà été traitées dans deux chapitres distincts et ne seront que brièvement rappelées ici (cf. OEil rouge et Baisse brutale de l’acuité visuelle). Les causes traumatiques ne seront pas envisagées.

Douleurs oculaires

DOULEURS TRÈS AIGUËS :

Crise de glaucome aigu par fermeture de l’angle :

Les signes de la crise de glaucome aigu par fermeture de l’angle sont :

– douleur oculaire unilatérale avec baisse d’acuité visuelle ;

– cornée trouble ;

– pupille en semi- mydriase ;

– rougeur souvent limitée à un cercle périkératique ;

– oeil très dur à la palpation.

Le traitement est urgent en centre ophtalmologique hospitalier. Il est préférable si possible d’administrer dès le diagnostic une injection intraveineuse de Diamox® (inhibiteur de l’anhydrase carbonique) ou au minimum de donner du Diamox® par voie orale.

_ Crises subaiguës de glaucome par fermeture de l’angle

Il faut savoir reconnaître les crises subaiguës de glaucome par fermeture de l’angle.

Ce sont des crises de douleur oculaire unilatérale passagères. Le même côté est toujours concerné. En effet si les deux yeux sont généralement prédisposés, ils le sont souvent de manière asymétrique.

Les causes déclenchantes sont nombreuses et comprennent toutes les situations où la pupille est susceptible de se dilater : en premier lieu les médicaments par voie générale ou locale oculaire ou de voisinage (voir Encadré 1), mais aussi la dilatation physiologique dans le noir, au cours du sommeil.

Rechercher l’existence, au cours des crises subaiguës de la perception de brouillard, d’un halo autour des lumières (à l’image des halos observables l’hiver autour des lumières extérieures lorsque le temps est humide).

Durant l’épisode, l’oeil est dur et certains patients, surtout jeunes (le profil classique de la femme âgée hypermétrope n’est pas exclusif), parlent spontanément d’un oeil dur et consultent pour cette raison.

Une consultation chez l’ophtalmologiste s’impose, d’autant plus que les signes fonctionnels sont le plus souvent très discrets. La pratique d’une iridotomie périphérique au laser est impérative et prévient définitivement la survenue d’une crise de glaucome aigu par fermeture de l’angle.

Encadré 1. Médicaments, une notice trompeuse
De très nombreux médicaments sont « contre-indiqués en cas de glaucome » : antidépresseurs, anxiolytiques, antiparkinsoniens, décontracturants, amphétamines, antitussifs, médications de l’hypertrophie bénigne de la prostate, etc.
Ces médications « contre-indiqués en cas de glaucome » sont des médicaments potentiellement dilatateurs de pupille. Ceux-ci ne constituent un risque que pour les patients à chambre antérieure étroite, chez lesquels l’angle irido-cornéen est susceptible de se fermer dans une telle situation d’iris dilaté et d’entraîner une crise de glaucome aigu.
Néanmoins, ces patients, n’étant pas glaucomateux, ne se sentent pas concernés par cette mention, alors que les glaucomateux chroniques à angle ouvert sans risque de fermeture aiguë de l’angle s’alarment inutilement ou s’abstiennent de prendre les médicaments.
Une fois le diagnostic de chambre antérieure étroite à risque établi par l’ophtalmologiste, le plus souvent lors d’un examen de routine, une iridotomie au laser YAG est indiquée. Celle-ci réalisée, tous ces médicaments redeviennent
à nouveau autorisés.

Uvéite :

Les uvéites peuvent devenir très douloureuses, surtout après quelques jours d’évolution sans traitement. Il en est ainsi au cours de la maladie de Behçet, du Syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter, de l’uvéite de la spondylarthropathie ankylosante (SPA), de la polyarthrite rhumatoïde, de l’uvéite idiopathique, etc. (cf. OEil rouge).

Endophtalmie :

Il est important de savoir reconnaître l’uvéite infectieuse, couramment dénommée endophtalmie, voire panophtalmie dans sa forme aiguë la plus grave, postopératoire. Dans les jours suivant une intervention « banale » (cataracte, par exemple), une douleur très importante avec baisse d’acuité visuelle, rougeur, sécrétions, apparaît brutalement. Il existe également, quoique plus rarement, des endophtalmies par voie hématogène.

L’urgence est extrême, nécessitant une prise en charge en milieu spécialisé (injection intravitréenne d’antibiotiques et antibiothérapie par voie intraveineuse). Les symptômes sont d’autant plus intenses et le caractère de gravité et d’urgence d’autant plus important que la douleur survient peu de temps après la chirurgie, dès le lendemain ou le surlendemain.

Kératites :

Les kératites donnent une sensation de grain de sable, une photophobie, un oeil rouge avec cercle périkératique et, souvent larmoyant. Outre les causes infectieuses, souvent sous la forme de kératoconjonctivites, bactériennes ou virales, il faut ajouter tout ce qui s’y apparente : corps étrangers de cornée, corps étranger sous la paupière supérieure, coup d’arc à souder, projection de gaz lacrymogène et autres produits irritants.

Projection d’un produit dans l’oeil :

Devant toute projection d’un produit dans l’oeil,

il faut rincer immédiatement et abondamment l’oeil avec du sérum physiologique pendant au moins 5 minutes, à défaut à l’eau courante. Il faut noter que les bases sont généralement plus dangereuses que les acides, car elles sont susceptibles de pénétrer en profondeur. Le lavage oculaire doit alors éventuellement être prolongé sur quelques heures.

Lentilles :

Chez un porteur de lentilles de contact cornéennes, surtout lentilles souples, toute symptomatologie douloureuse avec oeil rouge doit faire craindre une complication potentiellement grave.

Retirer les lentilles et consulter un ophtalmologiste sans délai. Pour les lentilles souples, la hantise est la kératite amibienne à traiter en urgence.

Si on laisse les amibes envahir le stroma cornéen et s’y enkyster, le pronostic cornéen et visuel devient très sombre. En revanche, un traitement urgent par collyre antiseptique à base d’amidines permet de les éradiquer à condition d’instiller une goutte toutes les heures pendant 48 heures.

A un stade plus avancé d’abcès cornéen, une tache blanche est visible sur la cornée et s’agrandit plus ou moins rapidement.

Cet abcès nécessite une prise en charge en milieu ophtalmologique hospitalier avec, notamment, l’application de collyres dits fortifiés, préparés en pharmacie d’hôpital à partir d’antibiotiques injectables.

Il faut informer les utilisateurs du risque de contamination amibienne des lentilles de contact par l’eau courante et insister sur l’importance d’une hygiène rigoureuse (mains lavées et séchées pour manipuler les lentilles, changements réguliers des étuis et boîtiers), les dangers du contact de l’eau avec les lentilles souples, par exemple sous la douche ou en piscine, et la nécessité de retirer les lentilles et consulter rapidement en cas d’oeil rouge.

Corps étranger :

D’une manière générale, en cas de sensation de corps étranger apporté par un coup de vent, il faut appliquer les règles suivantes :

– ne pas frotter en espérant que le larmoiement réflexe chasse l’intrus ;

– rincer si besoin, de préférence au sérum physiologique, dans la mesure du possible en retournant la paupière ou en s’aidant d’une oeillère propre.

En cas de gêne persistante, la consultation ophtalmologique est demandée en urgence.

Corps étranger métallique :

En cas de corps étranger projeté sur l’oeil lors d’un travail manuel professionnel ou de bricolage, ne pas attendre pour consulter car les corps étrangers métalliques cornéens s’oxydent rapidement. La rouille diffuse avec les heures et infiltre plus profondément le stroma cornéen.

Une consultation ophtalmologique en urgence s’impose pour retirer à la lampe à fente le corps étranger et l’anneau de rouille éventuel. Des collyres cicatrisants et antiseptiques sont instillés pendant quelques jours. Il faut s’assurer qu’il n’y ait pas de pénétration endoculaire d’un corps étranger. En outre, la pénétration endoculaire d’un corps étranger, toujours très grave, peut passer inaperçue.

Concrétions calcaires :

La sensation de corps étranger a parfois une cause locale qui relève de l’existence de concrétions « calcaires » au niveau de la conjonctive palpébrale, érodant la surface conjonctivale.

L’ophtalmologiste la découvre en retournant la paupière supérieure.

En retirant les concrétions sur le champ, à la lampe à fente, avec une simple anesthésie de surface par instillation, le patient est soulagé.

En revanche, on laisse en place les concrétions dont le revêtement de surface conjonctival est intact.

Conjonctivites et kérato-conjonctivites :

La douleur de la conjonctivite s’accompagne également d’une sensation de corps étranger, de sable dans l’oeil, avec sécrétions collant les cils.

L’atteinte peut être unilatérale (les kératoconjonctivites virales sont souvent unilatérales au début) ou bilatérale, d’emblée ou dans un second temps. L’oeil est rouge (cf. supra, chapitre OEil rouge).

Kératites d’exposition :

Les kératites d’exposition, par exemple lors des paralysies faciales qui laissent l’oeil insuffisamment couvert par la paupière, surtout la nuit, peuvent être la cause d’une sensation de corps étranger.

On peut souvent la prévenir par l’application sur l’oeil de pommade ophtalmologique, mais une tarsorraphie peut être nécessaire dans certains cas sévères.

Kératites neurotrophiques :

Les kératites neurotrophiques sont secondaires à l’atteinte de la branche ophtalmique du nerf trigéminé (V1), responsable d’une anesthésie cornéenne, et sont particulièrement difficiles à traiter. Cette atteinte est souvent secondaire à une pathologie de voisinage (tumorale, postopératoire) mais aussi à un zona ophtalmique.

Prévention : savoir reconnaître une origine zostérienne lorsque l’éruption est très limitée, notamment à l’orifice narinaire, chez un patient ayant une altération manifeste de l’état général, permet d’instituer précocement un traitement antiviral adapté (Zélitrex®) par voie générale et d’éviter ainsi de telles complications.

Causes palpébrales :

Entropions spasmodiques :

Les entropions spasmodiques sont la cause de douleurs parfois violentes par irritation cornéenne.

La paupière inférieure du patient s’enroule vers l’intérieur de manière intermittente amenant les cils à venir frotter sur la cornée.

Le plus souvent la cause en est l’hyperlaxité des paupières par vieillissement.

L’entropion spasmodique, souvent unilatéral, peut être mis en évidence en demandant au patient de fermer fortement les paupières, ce qui démasque l’enroulement en dedans.

Lorsque l’entropion est permanent, son diagnostic est plus facile.

Le traitement est chirurgical.

Ectropion :

A l’inverse, l’ectropion est constitué par l’éversion, c’est-à-dire la rotation vers le dehors de la paupière inférieure. Il s’accompagne de larmoiement lorsque le méat lacrymal inférieur n’est plus au contact de la rivière lacrymale et de rougeur, voire une kératinisation de la conjonctive palpébrale exposée.

Le traitement est chirurgical.

Épisclérites :

Les épisclérites peuvent aussi être à l’origine de douleurs violentes. La rougeur oculaire est unilatérale localisée, parfois plane ou parfois sous la forme d’un nodule rouge, visible « dans le blanc de l’oeil », et sans sécrétion. Les principales causes d’épisclérite sont la polyarthrite rhumatoïde, la maladie de Wegener et la polychondrite chronique atrophiante, l’artérite de Takayasu, et les néphropathies à IgA (maladie de Berger).

Le traitement est local par AINS. Les corticoïdes sont à éviter car susceptibles d’entraîner un rebond à l’arrêt.

Les sclérites sont beaucoup plus rares et concernent les patients ayant une pathologie systémique, en particulier une polyarthrite rhumatoïde insuffisamment contrôlée par le traitement général.

OEil aveugle douloureux :

L’oeil aveugle, à la suite de polypathologies oculaires (glaucome absolu, glaucome néovasculaire, endophtalmie, tumeur, traumatisme, décollement de rétine, oeil en phtyse, infection, uvéites ou après de multiples interventions), peut devenir douloureux (poussées aiguës sur fond de douleur chronique).

La douleur peut nécessiter une injection rétrobulbaire de Xylocaïne® et éthanol, voire un traitement chirurgical radical ( énucléation en cas de suspicion de tumeur, sinon éviscération permettant une meilleure adaptation de la prothèse esthétique).

DOULEURS AIGÜES AVEC ANOMALIE PUPILLAIRE ASSOCIÉE OU NON À UNE ATTEINTE PALPÉBRALE :

Ce sont des urgences neurochirurgicales. Il est important de savoir analyser les pupilles, à la lumière et dans l’obscurité (cf. chapitre Anomalie pupillaire).

Mydriase unilatérale avec ptôsis et diplopie :

Des douleurs avec mydriase unilatérale avec ptôsis et diplopie (la plupart des mouvements sont paralysés et l’oeil se retrouve en abduction, c’est-à-dire en divergence) signent une atteinte du III.

Toute atteinte du III douloureuse fait rechercher en urgence un anévrysme artériel de la communicante postérieure, en train de se fissurer.

Il faut adresser le patient en urgence en milieu neurochirurgical pour une neuro-imagerie et une éventuelle embolisation.

Myosis :

Les myosis douloureux ne sont correctement détectables qu’en lumière faible. En effet, la pupille du côté de la douleur ne se dilate pas dans l’obscurité, rendant l’anisocorie maximale dans la pénombre. L’association myosis, ptôsis et énophtalmie (cette dernière étant souvent très discrète) caractérise le syndrome de Claude Bernard-Horner.

Tout syndrome de Claude Bernard-Horner douloureux doit faire rechercher une dissection carotidienne. La dissection carotidienne s’accompagne dans deux tiers des cas d’une céphalée ipsilatérale, et, dans 10 % des cas, d’une douleur de l’oeil, de la face ou de l’oreille, sans céphalée.

La prise en charge est urgente avec imagerie et mise sous anticoagulant. En effet, la dissection de la paroi constitue une gêne à l’écoulement avec un risque d’accident vasculaire cérébral ischémique.

Ce chapitre ne traitera pas des céphalées avec projection oculaire, ni de la névralgie trigéminée typique (présence d’une zone gâchette dans 50 % des cas, et avec symptômes végétatifs (larmoiement) dans 30 % des cas).

DOULEURS CHRONIQUES :

Les douleurs très chroniques sont fréquentes et sont diversement exprimées par le patient.

Leur caractère, la plupart du temps bénin, se trouve confi rmé par l’absence d’évolution à long terme.

Un interrogatoire simple permet de classer ces pathologies qui remplissent les salles d’attente des ophtalmologistes : ça brûle ou ça gratte (ça démange) ? Ça pique ? Ça fait mal derrière l’oeil ?

Meibomiite :

Le patient se plaint d’une douleur derrière l’oeil qui brûle (« ça brûle et ça fait mal derrière l’oeil »). Cette douleur oculaire est fréquemment rapportée en consultation.

Les glandes de Meibomius sont des glandes sébacées particulières siégeant au niveau des paupières, dans le tarse, et s’ouvrant sur le bord libre des paupières en arrière de la ligne des cils. Elles sécrètent une substance lipidique qui participe à la composition du film lacrymal, le rendant, notamment, plus résistant à la rupture par évaporation de la composante aqueuse.

Normalement cette substance est liquide, transparente et s’écoule spontanément lors des clignements palpébraux.

Dans la meibomiite chronique, les sécrétions lipidiques sont anormalement plus épaisses (à différents degrés selon les patients, ce qui est facile à observer à la lampe à fente) et restent bloquées à l’intérieur des glandes.

Il existe un aspect mousseux des larmes sur les bords palpébraux et des « sécrétions » chroniques molles, ou devenues dures après dessiccation, à retirer deux ou trois fois par jour du coin de l’oeil.

Une inflammation chronique et des télangiectasies du bord libre sont associées. Certains cas évolués peuvent se compliquer de lésions cornéennes avec néovascularisation, typiquement du limbe inférieur, et nécessiter un traitement par voie orale sous la conduite du dermatologue.

La meibomiite entre dans le cadre de l’atteinte oculaire de la rosacée. Elle est très fréquente mais souvent méconnue. Il s’y associe souvent une sécheresse oculaire (cf. supra). L’atteinte cutanée de la rosacée, anciennement dénommée acné rosacée, associe une couperose, plus ou moins des papulopustules dans l’axe médian du visage, puis au stade tardif un rhinophyma disgracieux et définitif.

Signes fonctionnels :

Les signes fonctionnels de la meibomiite sont dus une hyperpression à l’intérieur des glandes qui génère souvent une sensation de douleur, souvent décrite comme « derrière l’oeil », et assez souvent asymétrique. Cette douleur peut être reproduite par pression des bords libres palpébraux supérieurs contre l’oeil. Elle est reconnue par le patient comme étant l’équivalent de la douleur ressentie spontanément.

Au maximum, en cas de blocage complet, la glande continuant à sécréter, un chalazion (couramment dénommé « compère Loriot ») se forme. Il ne faut pas le confondre avec l’orgelet, beaucoup plus rare, qui est un furoncle d’un follicule ciliaire.

Une sensation de brûlure oculaire accompagne volontiers la meibomiite chronique. En effet, le film lacrymal n’étant pas assez « huilé » par cette substance lipidique restée prisonnière dans les glandes sébacées palpébrales, il est instable. Dans toutes les circonstances où existe volontiers une rareté du clignement (par exemple, devant la télévision, devant l’écran d’ordinateur, etc.), le film lacrymal se rompt précocement et donne cette sensation de brûlure oculaire. Le conseil est de s’astreindre à cligner volontairement et de mieux s’hydrater. L’atmosphère sèche de la climatisation est souvent incriminée.

Traitement :

Le traitement primordial est celui de la cause et consiste en une hygiène palpébrale. Il faut prendre le temps de l’expliquer au patient (voir Encadré 2). Les collyres mouillants sont utiles, à la condition de n’utiliser que les collyres sans conservateur. Les conservateurs ont un effet détergent sur les lipides du film lacrymal, ce qui aggrave le problème et entraînent à la longue une altération sur l’épithélium conjonctivocornéen).

Encadré 2. Hygiène palpébrale
L’hygiène palpébrale comporte trois volets. Le but est d’aider les glandes de Meibomius à excréter le produit de leur sécrétion (en analogie avec le beurre qui fond à la chaleur) :
1 – Rincer les yeux au sérum physiologique en dosettes de 5mL (disponibles en pharmacie ou en grandes surfaces), avec une douzaine de gouttes dans chaque oeil.
Ceci permet de chasser les débris lipidiques générateurs d’infl ammation à la surface oculaire et éventuels autres polluants ou allergènes et apporte les conditions d’un meilleur fonctionnement de la surface oculaire.
2 – Il faut chauffer les paupières pour fl uidifi er les sécrétions grasses meibomiennes et faciliter ainsi leur évacuation. La méthode classique consiste à utiliser un gant de toilette propre, préalablement trempé dans de l’eau bien chaude, puis à essorer et à appliquer sur les paupières fermées. L’opération est renouvelée toutes les une à deux minutes, le réchauffage du gant de toilette étant assuré de la même façon, de telle sorte à réaliser un chauffage de 5 à 10 minutes.
3 – Il convient d’appuyer sur les bords palpébraux (à hauteur des cils) avec la pulpe de l’index ou du pouce en maintenant une pression (ferme mais prolongée) contre l’oeil.
Toute la longueur de la paupière doit ainsi être traitée de manière méthodique, idéalement jusqu’à sentir que le rebord palpébral est devenu plus souple, moins épais.
Au cours de ces manoeuvres, il faut éviter d’exercer des mouvements latéraux sur les paupières, qui seraient susceptibles de les distendre et de léser prématurément leur élasticité.La meibomiite étant chronique et permanente, les soins palpébraux sont bel et bien des soins d’hygiène et doivent être quotidiens et poursuivis à vie.
Attention, les lentilles de contact doivent être retirées pendant cette procédure à cause du risque infectieux (amibes) dû à l’eau.
Il existe bien d’autres méthodes plus pratiques pour élever la température des paupières. Par exemple, de profiter de la chaleur de l’eau sous la douche pour appliquer plusieurs fois les doigts réchauffés contre l’oeil fermé (sans lentilles de contact), ce qui concentre rapidement la chaleur, puis de les maintenir appuyés contre l’oeil sans exercer de mouvements latéraux. Des méthodes sans eau peuvent mettre à profi t la chaleur d’un bol chaud, ou d’un radiateur, pour la transférer par l’intermédiaire des paumes ou de la pulpe des doigts. L’essentiel est de trouver une méthode qui convienne, d’y adhérer, et de la pratiquer.

Une kératite/kératoconjonctivite peut être associée en rapport avec la lyse des lipides neutres par des exoenzymes lipolytiques d’origine bactérienne, avec pour résultat une élévation du taux d’acides gras libres dans les larmes. En cas de complications cornéennes, de synéchies conjonctivales, il peut être indiqué de prescrire des cyclines par voie orale sur quelques mois.

La blépharite séborrhéique croûteuse, moins fréquente, peut nécessiter l’application d’un gel ou d’une pommade ophtalmique antistaphylococcique pendant une semaine environ.

Fatigue visuelle :

Lorsque la douleur (céphalée, fatigue visuelle) est rythmée par l’activité et l’effort visuels, augmentée en fin de journée, typiquement absente au réveil, moindre pendant les week-ends et les vacances, il faut penser à une difficulté dans l’accommodation (par exemple, un hypermétrope non ou insuffisamment corrigé, un astigmate non corrigé) ou à un défaut de convergence.

Une hétérophorie peut avoir tendance à se décompenser : les lettres et les lignes se mélangent après 10 à 15 minutes de lecture.

L’ophtalmologiste vérifie la réfraction, corrige les défauts visuels et, le cas échéant, détecte une insuffisance de convergence. L’orthoptiste réalise un bilan orthoptique et conduira la rééducation.

Sensation de brûlure de l’oeil :

Douleurs, fatigue ou gêne surviennent lors du travail sur écran ou devant la télévision. Il s’agit de situations où l’on cligne moins et où, quand la qualité du film lacrymal n’est pas optimale, l’oeil « sèche ». Typiquement le patient se plaint de sensations de brûlure.

Il faut instruire le patient à cligner volontairement et à bien s’hydrater. Des collyres mouillants sans conservateur peuvent apporter un soulagement.

Penser à positionner l’écran plus bas que le regard (le clignement est plus fréquent et plus complet dans le regard vers le bas que dans le regard vers le haut). Ne pas oublier l’hygiène palpébrale (cf. Encadré 2).

Sensation de picotement de l’oeil :

Dysfonctionnement des glandes de Meibomius :

Le patient se plaint d’une sensation de picotement de l’oeil (« ça pique, c’est comme si j’avais du sable dans les yeux »). Les yeux pleurent beaucoup, surtout au froid et au vent.

Paradoxalement, il faut savoir qu’un oeil sec peut se manifester par un larmoiement réactionnel.

Ainsi, dans les dysfonctionnements des glandes de Meibomius, l’altération qualitative du film lacrymal par défaut de la couche lipidique a pour conséquence une trop grande évaporation du fi lm lacrymal, d’où irritation et production réflexe d’une quantité trop importante de la part aqueuse des larmes. Parfois même, la gêne est importante au réveil avec difficulté ou inconfort à l’ouverture des paupières.

À l’examen à la lampe à fente, les rivières lacrymales sont réduites ou absentes et charrient de fins débris (qui stagnent par manque de débit).

Les bords palpébraux, la conjonctive, voire même la cornée (kératite ponctuée superficielle [KPS]) peuvent prendre le marquage à la fluorescéine ou au vert de Lissamine (lequel a remplacé le test au rose Bengale).

Le traitement est le même que celui des meibomiites.

Syndrome de Gougerot-Sjögren :

L’oeil sec par un syndrome de Gougerot-Sjögren primitif ou secondaire est responsable d’une diminution majeure de la sécrétion de larmes par les glandes lacrymales. Une sécheresse buccale y est souvent associée. Les symptômes fonctionnels et les signes physiques de sécheresse oculaire sont les mêmes, mais souvent majorés avec apparition d’une kératite filamenteuse.

Le test de Schirmer est typiquement proche de l’absence de sécrétion (faire attention à mouiller le papier buvard avant ablation pour pouvoir le décoller en douceur de la conjonctive). Ce test est universellement répandu, mais il mesure davantage le volume de la rivière lacrymale qui court le long des bords palpébraux que la réalité du débit sécrétoire. La biopsie des glandes salivaires accessoires permet, seule, d’asseoir le diagnostic en montrant une infiltration lymphoplasmocytaire du tissu glandulaire (codifi ée selon des degrés d’atteinte plus ou moins élevée : classification de Chisolm).

Le traitement nécessite de rincer souvent au sérum physiologique et de recourir à des collyres sans conservateur à base de hyaluronate de sodium, voire à l’occlusion des méats par des clous méatiques. Il s’associe à un traitement per os (pilocarpine sous forme de Salagen® ; hydroxychloroquine 400 mg/jour).

Sécheresses oculaires :

Les deux causes de sécheresse oculaire, diminution de la sécrétion et augmentation de l’évaporation, peuvent être associées. Les rivières lacrymales sont diminuées et des résidus y stagnent et s’y concentrent. L’osmolarité du film lacrymal augmente et des modifications cornéennes et conjonctivales apparaissent.

Rincer par une douzaine de gouttes de sérum physiologique est important pour chasser les débris irritants et diminuer l’osmolarité. De plus, la plupart des patients ont besoin de substituts lacrymaux. Les collyres mouillants, à condition d’être sans conservateur, sont de mise.

Les conservateurs dégradent la surface oculaire par leur effet détergent aggravant le défaut qualitatif de la couche lipidique superficielle et induisent une inflammation chronique. Ne doivent donc uniquement être prescrits, que des dosettes unitaires (« unidoses »), ou des flacons multidoses spécifiquement conçus pour être sans conservateur.

Autres conseils : s’hydrater, penser à cligner, à abaisser l’écran de l’ordinateur.

Démangeaison de l’oeil :

La démangeaison de l’oeil (« ça gratte ») est relativement typique de la gêne de la conjonctivite allergique, en règle, bilatérale. Le prurit est notable. Parfois, l’atteinte est très aiguë avec chémosis (oedème et gonflement de la conjonctive), mais le plus souvent elle est chronique.

Les yeux peuvent ne pas être rouges. Le maître mot est prurit.

Le traitement local est très efficace et, en soulageant rapidement, conforte a posteriori le diagnostic.

Un rinçage des yeux au sérum physiologique améliore déjà les symptômes en lavant les allergènes (conseiller au minimum de laver et de rincer le visage). Les collyres utilisés, de préférence sans conservateur, sont des antiallergiques ou des antihistaminiques locaux voire généraux.

CONCLUSION :

Les causes les plus bénignes d’inconfort oculaire chronique sont, de loin, les causes les plus fréquentes. Les conseils donnés (hygiène palpébrale, éviction des conservateurs, etc.) sont importants à transmettre au plus grand nombre.

Les douleurs aiguës manifestement purement oculaires sont adressées à l’ophtalmologiste, en extrême urgence pour les diagnostics graves (endophtalmie, crise de glaucome aigu, oeil rouge chez un porteur de lentilles de contact souples, abcès cornéen, etc.).

Les douleurs avec syndrome tumoral doivent être prises en charge en milieu spécialisé. Les douleurs typiquement neurologiques doivent l’être en neurologie.

Les douleurs qu’il importe de ne pas méconnaître sont celles qui s’accompagnent d’anomalies pupillaires (myosis dans la pénombre, mydriase) homolatérales, car elles sont de portée vitale (dissection carotidienne et fissuration d’anévrisme intracrânien respectivement) et doivent être immédiatement prises en charge en milieu spécialisé (cf. anomalies pupillaires).

Inversement, chez un patient qui se plaint d’une anomalie pupillaire récente, l’interrogatoire doit traquer la moindre douleur pour ne pas méconnaître ces deux diagnostics.

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