Acouphènes

Le terme acouphène désigne des sonorités entendues par le patient en l’absence de toute source sonore extérieure. Il peut s’agir de bourdonnements, de sifflements d’oreille, de grésillements, les possibilités sont infinies.

Depuis une douzaine d’années, cette pathologie mieux comprise permet de répondre efficacement à la plainte du patient. Elle touche plusieurs millions de personnes et dans certains cas peut aboutir à une forme sévère avec un retentissement psychique majeur.

Le caractère traumatisant d’un son dépend de deux facteurs : son intensité et la durée de l’exposition sonore. L’oreille reçoit la même dose de bruit quand elle est exposée 8 heures à 85 dB, 15 minutes à 100 dB et 27 secondes à 112 dB.

On distingue les acouphènes aigus et chroniques (Encadré 1).

Encadré 1. Principaux acouphènes
Acouphène aigu
Il accompagne les pathologies aiguës de l’oreille : trauma sonore, accident vasculaire, par exemple
Acouphène chronique
Acouphène objectif : que n’importe quel observateur peut entendre en appliquant son oreille contre celle du patient ou en déplaçant un stéthoscope dans la région périauriculaire.
Acouphène subjectif : que seul le patient peut entendre.

Acouphènes
Acouphènes

DIAGNOSTIC :

Interrogatoire :

L’interrogatoire permet de :

– préciser depuis quand le symptôme évolue ;

– les circonstances déclenchantes : la plus fréquente est le traumatisme sonore, mais on recherche également une période de stress ou un événement émotionnel ;

– le caractère uni ou bilatéral ou situé dans la tête : si l’acouphène est bilatéral et de même intensité dans les deux oreilles, il est perçu dans la tête ;

– préciser de quel type est la sonorité ;

– de rechercher des signes associés : baisse d’audition, sensation d’oreille bouchée, céphalée, douleur cervicale ;

– préciser son caractère intermittent ou permanent ;

– rechercher un éventuel retentissement sur le sommeil.

Examen clinique :

Examen clinique de l’oreille ou otoscopie :

L’otoscopie recherche une éventuelle anomalie locale au niveau de l’oreille externe ou moyenne.

Examen otorhinolaryngologique complet :

L’examen ORL complet est plus particulièrement centré sur :

– l’articulé dentaire ;

– la recherche d’un éventuel ressaut ou d’un craquement à la fermeture de la bouche ;

– l’auscultation de la région périauriculaire à la recherche d’un souffle vasculaire, en cas d’acouphène pulsatile.

Examen neurologique :

L’examen neurologique recherche quant à lui une atteinte du VIII ou d’autres paires crâniennes.

La prise de la pression artérielle vient compléter le bilan.

Bilan auditif :

Bilan auditif de base :

Le bilan auditif de base est constitué d’une impédancemétrie et d’une audiométrie tonale et vocale (cf. infra, chapitre Surdité). Dans la grande majorité des cas, une baisse d’audition est associée à l’acouphène. L’audiogramme précise le type et l’importance.

Acouphènométrie :

L’acouphènométrie permet d’identifier l’acouphène en fréquence et en intensité.

En cas d’acouphène unilatéral, on propose au patient dans l’oreille controlatérale à l’acouphène des sonorités de différents types et il est invité à choisir celle qui se rapproche le plus de son acouphène. Une fois la fréquence, ou la bande de fréquence, identifiée, on ajuste l’intensité pour obtenir une parfaite égalité entre les deux sons. En cas d’acouphène bilatéral ou perçu dans la tête, on procède de la même façon pour une oreille, puis l’autre. Si l’acouphène est multiple, on procède de la même façon pour l’identification de chacun des composants.

Certains acouphènes sont très stables, d’autres sont, au contraire, très variables en intensité comme en fréquence. Cette identification n’a évidemment que la valeur d’une photographie à un instant donné.

Dans la très grande majorité des cas, l’acouphène est de tonalité aiguë et il se situe entre 5 et 10 dB au-dessus du seuil auditif. Si l’acouphène est identifié avec une intensité nettement supérieure, de 20, 30, voire 40 dB au-dessus du seuil, cela témoigne d’un lourd retentissement psychologique qui amplifie la perception sonore.

Dans 90 % des cas, l’acouphène est associé à un déficit auditif auquel il est corrélé : par exemple, déficit auditif sur les fréquences aiguës et acouphène situé sur cette même zone, identifié sur 4 000 Hz à 5 dB du seuil.

Autres examens complémentaires utiles :

Potentiels évoqués auditifs du tronc cérébral :

Un examen des potentiels évoqués auditifs du tronc cérébral (PEA) en cas de surdité unilatérale associée à l’acouphène est utile afin d’éliminer un neurinome de l’acoustique.

Bilan radiologique du rachis cervical :

Un bilan radiologique du rachis cervical est nécessaire en présence de signes d’appel à ce niveau.

Doppler cervicoencéphalique :

Un doppler cervicoencéphalique, voire une angio- IRM, est utile en cas d’acouphène pulsatile.

ÉTIOLOGIE :

Acouphène aigu :

En cas de traumatisme sonore :

L’acouphène aigu est typiquement celui qui accompagne un traumatisme sonore. Il est un signe de souffrance de l’oreille interne à ne pas négliger, et tout acouphène persistant plus de 12 heures après une exposition sonore intense doit amener à consulter.

Tous les individus ne sont pas égaux devant le traumatisme sonore. Certains y sont beaucoup plus sensibles que d’autres. C’est une constatation fréquente chez les chasseurs : on peut pratiquer très régulièrement la chasse et conserver une bonne audition et en revanche, certains sujets peuvent chasser un seul week-end et avoir un acouphène et un déficit auditif.

En cas de traumatisme sonore, la mise en route précoce d’un traitement associant des vasodilatateurs à forte dose et une corticothérapie permet dans bon nombre de cas de diminuer ou de faire disparaître l’acouphène et de récupérer le déficit auditif éventuellement associé.

La meilleure action est la prévention. Il existe maintenant de nombreuses protections d’oreille diversifiées en fonction de l’agent sonore traumatisant.

Certaines répondent aux besoins spécifiques des chasseurs, d’autres à ceux des musiciens.

Elles apportent une protection efficace associée à un bon confort.

En cas de pathologies aiguës de l’oreille :

Un acouphène peut également accompagner toutes les pathologies aiguës de l’oreille interne : surdité brutale, accident vasculaire ou viral de l’oreille interne, fracture du rocher, par exemple.

Le traitement de l’acouphène n’est alors pas spécifique, il se confond avec celui de la cause.

Acouphène chronique :

Acouphène objectif :

Les acouphènes objectifs sont très rares. Ils sont le plus souvent en rapport avec un clonus musculaire soit au niveau de l’un des muscles ossiculaires de l’oreille moyenne, soit au niveau de la trompe d’Eustache. Ils peuvent être entendus par une tierce personne et parfois être enregistrés. Le patient a souvent la perception d’un phénomène mécanique dans l’oreille. Ils peuvent être déclenchés par certains mouvements, la marche par exemple.

Les traitements myorelaxants peuvent la plupart du temps avoir un bon effet. Il est rare d’être obligé d’intervenir au niveau de l’oreille moyenne pour sectionner le muscle en cause.

Acouphène pulsatile :

Dans le cas particulier des acouphènes pulsatiles, l’oreille ne fait que transmettre le bruit du sang dans un vaisseau sanguin. Le doppler cervicoencéphalique, voire l’angio-IRM, a pour rôle de dépister une éventuelle cause chirurgicalement curable, comme une malformation vasculaire, un anévrisme ou une fistule artérioveineuse.

Mais, dans la majorité des cas, ces examens sont normaux.

L’acouphène pulsatile peut également apparaître au cours d’une poussée d’hypertension artérielle.

Il cède alors généralement à la rééquilibration tensionnelle.

Si aucune cause n’est retrouvée, on utilise des thérapeutiques vasorégulatrices ou un traitement par bêtabloquants pour diminuer, voire faire disparaître cet acouphène.

Acouphène subjectif chronique invalidant :

L’acouphène subjectif chronique invalidant représente la majorité des patients acouphéniques.

On peut les classer en deux catégories, ceux associés à une audition normale et ceux associés à un défi cit auditif.

De nombreux patients sont porteurs d’acouphènes sans en éprouver la moindre gêne. Pour que l’acouphène devienne invalidant, il faut une mise en jeu du système limbique et du cortex cérébral. Il s’agit en quelque sorte d’une erreur de traitement des systèmes cognitif et émotionnel qui au lieu d’éliminer cette sonorité parasite sans signification particulière l’entretiennent et lui accordent plus d’importance qu’elle n’en a.

Cette dérive s’observe surtout chez les patients anxieux, mais elle est également favorisée par un événement stressant ou émotionnel retrouvé chez trois quarts des patients.

Acouphène chronique invalidant à audition normale :

L’acouphène chronique invalidant à audition normale fait rechercher une cause extraauriculaire.

* Malocclusion dentaire :

La malocclusion dentaire peut faire suite à des extractions dentaires non remplacées, à la mise en place d’une prothèse dentaire mal adaptée, ou encore à un bruxisme.

L’examen clinique maxillofacial soigneux réalisé par un spécialiste fait le bilan des anomalies occlusales.

Le traitement vise à rétablir une articulation dentaire correcte : meulage de certaines zones dentaires, au contraire comblement de points de contact déficitaires, port de gouttière, permanent ou uniquement nocturne.

* Pathologie de l’articulation temporomandibulaire :

La pathologie de l’articulation temporomandibulaire est soupçonnée quand l’acouphène apparaît ou accentué par la mastication ou lorsqu’il s’associe à des craquements ou des douleurs de la mâchoire.

L’examen clinique recherche des points douloureux, des zones de contracture, une déviation de la mandibule à la fermeture ou à l’ouverture de la bouche, ou encore un ressaut. L’examen est complété par un bilan radiologique statique et dynamique de l’articulation. Lorsqu’il s’agit de désordres purement fonctionnels, le recours à une gouttière peut améliorer la situation mais parfois seule la chirurgie pourra restaurer un fonctionnement satisfaisant.

* Arthrose cervicale :

Le rôle de l’arthrose cervicale peut être évoqué si l’acouphène apparaît ou est augmenté lors des poussées cervicales douloureuses. De même, dans le cas d’acouphène installé après certaines manipulations cervicales intempestives ou certains traumatismes du cou.

Un bilan radiologique fait le point des lésions cervicales.

Malheureusement, les traitements à visée cervicale, anti-inflammatoires, kinésithérapie douce du cou, apportent généralement peu d’amélioration sur l’acouphène lui-même.

Acouphène subjectif chronique invalidant associé à une baisse d’audition :

L’acouphène subjectif chronique invalidant associé à une baisse d’audition représente 90 % des patients acouphéniques. L’acouphène est alors corrélé à la zone auditive déficitaire. Le bilan clinique et paraclinique aura, bien sûr, éliminé une cause curable de surdité.

TRAITEMENT DES ACOUPHÈNES CHRONIQUES IDIOPATHIQUES :

Dans les cas où le traitement de la cause ne suffit pas, que l’audition soit normale ou déficitaire, il faut mettre en place une prise en charge spécifiquement dirigée contre l’acouphène.

Traitement pharmacologique :

Sur le plan pharmacologique, peu de molécules sont capables d’avoir une action sur un acouphène chronique invalidant. Il s’agit essentiellement d’une benzodiazépine ( Clonazépam®). De bons résultats peuvent être obtenus avec une dose matin et soir qui se situe entre 8 et 12 gouttes à chaque prise. Un certain nombre d’effets secondaires, dont l’importance est très variable d’un sujet à l’autre, sont possibles : somnolence, pertes de mémoire, déséquilibre par exemple.

Stimulations électroacoustiques :

L’utilisation des stimulations électroacoustiques est dérivée de la prise en charge de la douleur chronique où l’on restimule électriquement la zone douloureuse. On fait de même pour l’oreille en apportant à la fois une stimulation électrique et une stimulation auditive reproduisant l’acouphène.

Thérapies d’habituation :

Depuis quelques années, se sont surtout développées des prises en charge que l’on désigne sous le terme de thérapies d’habituation. La guérison visée n’est cette fois plus le silence, mais l’indifférence à l’acouphène. Elle est obtenue dans 85 % des cas, en associant thérapie sonore et psychologique.

Thérapie sonore :

La thérapie sonore utilise des générateurs de bruits blancs en cas d’audition normale ou de faible déficit auditif. Ces appareils délivrent dans l’oreille un bruit blanc, choisi pour sa grande stabilité. Lorsque le cerveau entend constamment la même sonorité, il y devient indifférent.

On espère ainsi, en couplant l’acouphène au bruit blanc, obtenir l’indifférence à l’acouphène.

Celle-ci s’obtient au bout de 12 à 18 mois de port des bruiteurs. Il s’agit toujours de bruiteurs bilatéraux même si l’acouphène est unilatéral.

On demande au patient de porter ses bruiteurs toute la journée.

En cas de défi cit auditif, la solution de l’appareillage auditif conventionnel est préférable. Elle permet ainsi de redonner du confort auditif au patient en compensant son défi cit et, en même temps, de travailler sur des effets de masque de l’acouphène. Ceux-ci sont obtenus en augmentant spécifiquement l’intensité de l’environnement sonore sur la zone acoustique. Il s’agit alors d’un masque naturel, traité par le cerveau et particulièrement confortable pour le patient.

Prise en charge psychologique :

À cette thérapie sonore est associée une prise en charge psychologique. Elle consiste en une étape d’informations sur le fonctionnement de l’oreille et sur l’acouphène lui-même, le rôle du système limbique dans la gestion des émotions, celui du cerveau dans l’intégration sensorielle.

De façon à ce que le patient comprenne bien les phénomènes mis en jeu et notamment l’augmentation de la perception de l’acouphène en cas de stress ou d’anxiété.

Par ailleurs, le patient a généralement accumulé avec le temps un certain nombre d’idées négatives sur son acouphène. Il convient de les démanteler peu à peu de façon à dégager l’acouphène de toute connotation émotionnelle. Cela passe par le fait de le rassurer sur le caractère bénin de l’acouphène et sur les possibilités de maîtrise qu’on peut lui apporter. Tout ce travail est complété au mieux par une prise en charge cognitive et comportementale qui, de même que dans la douleur chronique, apprend au patient à reprendre le contrôle de son symptôme.

Il s’agit donc d’opposer à l’acouphène chronique invalidant une prise en charge globale de l’ensemble de l’individu. Celle-ci est réalisée au mieux par des équipes pluridisciplinaires qui regroupent autour de l’otologiste, des psychologues comportementalistes, des relaxologues et des audioprothésistes.