Anosmie

Ce chapitre ne traite que de la perte totale de l’odorat. Sont donc exclues hyposmie (diminution), cacosmie (perception d’une odeur désagréable provenant du sujet lui-même), parosmie (sensation olfactive erronée) et phantosmie (hallucination olfactive).

L’odorat de l’homme moderne est en régression (animal microsmatique) et sa perte n’est pas sans conséquence.

Chez les personnes anosmiques le risque d’accidents domestiques serait multiplié par deux, puisqu’elles n’ont plus l’odorat comme signal d’alerte à un incident de la vie courante (cuisine, incendie, fuite de gaz, etc.).

De plus la perception des odeurs corporelles et des parfums joue un rôle primordial dans la vie relationnelle et sexuelle.

Anosmie
Anosmie

RAPPEL ANATOMIQUE :

La muqueuse olfactive est située à la partie postérieure des fosses nasales sur une zone s’étendant sur le cornet supérieur et le tiers supérieur de la cloison nasale.

Les voies axonales traversent la lame criblée de l’ethmoïde et forment alors le nerf olfactif qui se dirige vers le bulbe olfactif, situé à la partie inférieure du lobe frontal. De là partent les liaisons avec les centres de l’olfaction situés dans le rhinencéphale.

Ce schéma permet de classer et comprendre les divers types d’anosmie : de transmission et de perception.

DIAGNOSTIC :

Clinique :

Lors d’une consultation, en présence d’une personne se plaignant d’anosmie, il est assez facile de faire des tests simples d’olfaction, en faisant sentir divers produits. On explore une narine après l’autre.

Par exemple le test à l’alcool : normalement, on est capable de sentir un tampon imprégné d’alcool à une distance de 20 cm ; si le sujet ne le sent pas à moins de 10 cm, il existe une anosmie. Dans notre pratique de tous les jours, ce type de test est suffisant.

Il existe des appareils d’olfactométrie, d’exploration des réflexes liés à l’olfaction, de mesure des potentiels olfactifs, d’IRM fonctionnelle. Ces examens n’ont pour le moment qu’un intérêt en recherche et dans des cas très particuliers (notamment expertise).

L’examen recherche une obstruction, des éternuements, une rhinorrhée antérieure ou postérieure (son type : purulente, aqueuse ou mixte), des douleurs des cavités sinusiennes, spontanées ou à la palpation.

L’examen clinique des muqueuses se fait avec un spéculum ou un otoscope. Il permet de vérifier l’état des muqueuses, de voir un écoulement sanglant ou purulent.

Si besoin l’examen est complété par une fibroscopie réalisée chez l’ORL.

Radiologique :

En cas d’examen clinique et endoscopique normal, il faut faire un scanner pour rechercher une lésion sinusienne ou une pathologie tumorale des voies et des centres de l’olfaction.

ANOSMIES DE TRANSMISSION :

Les molécules odorantes sont incapables d’atteindre les récepteurs sensoriels soit par inflammation de la muqueuse nasale, soit par obstacle.

Rhinites :

Aiguës :

Les atteintes type coryza, syndrome grippal, ou autres viroses, sont souvent accompagnées d’anosmie, mais celle-ci est le plus souvent transitoire.

Dans un petit nombre de cas, elles persistent après guérison de l’épisode initial. Le mécanisme peut être également de perception par atteinte des bulbes olfactifs. La récupération n’est pas certaine.

La prise en charge fait appel à la corticothérapie locale ou générale dont le schéma paraît encore mal codifié.

Chroniques :

Allergiques :

Il faut rechercher un terrain allergique personnel ou familial.

Cliniquement il existe une rhinorrhée importante, une congestion nasale, des éternuements, un prurit nasal, parfois une conjonctivite associée.

Il faut également rechercher les facteurs déclenchants.

Il peut être intéressant de faire un bilan allergologique si on envisage un traitement de désensibilisation.

Le traitement repose sur l’éviction aux allergènes quand cela est possible, les antihistaminiques locaux et/ou généraux, la cortisone locale.

Vasomotrices :

Il s’agit d’un syndrome d’hyperactivité nasale, mais qui survient sans étiologie : absence d’allergie, d’infection, ou de déséquilibre hormonal.

Elle survient plutôt chez les personnes d’un certain âge.

On retrouve des facteurs déclenchants comme les changements de température, le lever du matin, les irritants (aérosols). L’évolution est longue et capricieuse.

Le traitement est difficile puisque les anticholinergiques et les cortisoniques ne fonctionnent pas. Il repose sur les antihistaminiques comme asséchant de la rhinorrhée, par exemple l’Ipratropium (Atrovent®) local.

Rhinite non allergique à éosinophiles :

La rhinite non allergique à éosinophiles (NARES) représenterait 15 à 20 % des rhinites chroniques.

Elle touche plutôt les enfants et les adultes jeunes.

Elle se manifeste comme les rhinites allergiques avec crises d’éternuements, ainsi qu’une rhinorrhée antérieure et postérieure. Mais les troubles anosmiques y sont beaucoup plus fréquents.

Le bilan allergologique est négatif.

À l’examen les fosses nasales sont normales. On retrouve une proportion importante d’éosinophiles dans les sécrétions nasales. Ces rhinites évoluent très souvent vers la polypose nasosinusienne, et il est licite de réaliser un scanner pour la rechercher.

Le traitement repose sur la corticothérapie locale au long cours.

Polypose nasosinusienne :

La formation des polypes est due à l’inflammation chronique des muqueuses.

L’anosmie fait partie du tableau clinique. On les recherche à l’examen clinique et au scanner.

Le traitement est la cortisone. Au départ : une cure par voie générale à 1 mg/kg/j pendant une semaine, puis locale pendant trois à six mois, associée à des lavages avec des solutions salines (sérum physiologique, eau de mer, etc.).

En cas d’échec et de gêne importante, on peut envisager un traitement chirurgical. Celui-ci est délicat, et ne garantit pas une guérison totale et définitive (60 % d’amélioration sur les divers symptômes).

En cas d’échec également et pour éviter les récidives, on peut envisager des traitements aux eaux soufrées en cure thermale.

Sinusites :

Elles s’accompagnent d’anosmie surtout dans les formes chroniques et quand tous les sinus sont atteints : il s’agit de la pansinusite. Elle complique soit une anomalie anatomique (déviation de la cloison, hypertrophie des cornets), soit une polypose.

L’examen peut mettre en évidence le pus qui sourd au niveau des osmiums. Le scanner est indispensable pour faire le diagnostic et rechercher une cause.

Le traitement repose sur une antibiothérapie d’une dizaine de jours et des corticoïdes en cure courte. En cas d’échec le traitement chirurgical peut s’avérer nécessaire.

ANOSMIES DE PERCEPTION :

Les anosmies de perception sont moins nombreuses, mais souvent définitives.

Traumatisme crânien :

Lors d’un traumatisme crânien (TC), les filets olfactifs peuvent subir un phénomène de cisaillement au travers de la lame ciblée de l’ethmoïde entraînant une anosmie.

Les récupérations sont rares et souvent tardives.

Il n’existe pas de traitement réel. Mais c’est peut-être dans ces cas que l’on peut essayer une rééducation de l’odorat développée ces dernières années : mémorisation quotidienne d’odeurs simples, jeux odorants, odorisations d’expositions, etc.

Causes iatrogènes et toxiques :

Les principaux médicaments et toxiques responsables d’anosmies de perception concernent :

– tabac ;

– médicaments : méthotréxate, codéine, morphine, sels d’or, D-pénicillamine, L- dopa, clofibrate, inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, aminosides, oestroprogestatifs ;

– expositions chroniques à certaines substances dans le milieu du travail : ciment, acétophénone, chrome, asphalte, essence, plomb, zinc, dioxyde de soufre, etc.

Grossesse :

La grossesse est pourvoyeuse de troubles de l’olfaction, avec hyper- ou hyposmie.

Causes neurologiques :

Tumorales :

Les tumeurs antérieures de la base du crâne peuvent entraîner une anosmie.

Centrales :

On retrouve essentiellement trois étiologies : l’épilepsie, la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson dans laquelle l’anosmie peut apparaître en premier.