Épistaxis

Épistaxis
Épistaxis

L’épistaxis se définit comme une hémorragie d’origine nasale quelle que soit son expression.

L’épistaxis antérieure ne pose pas de problème

de reconnaissance. L’épistaxis postérieure est parfois plus difficile à affirmer pour peu que le sang ait cessé de couler, et ait été dégluti, puis vomi. Les saignements abondants s’extériorisent généralement à la fois en avant et en arrière. En fait, il faut surtout distinguer les épistaxis bénignes, de loin les plus fréquentes, et les épistaxis graves avec retentissement hémodynamique, qui nécessitent une réelle prise en charge d’urgence et l’hospitalisation.

Il faut aussi distinguer les épistaxis essentielles, correspondant à une simple érosion vasculaire, souvent traumatiques, ou après exposition à la chaleur, des épistaxis révélatrices d’infections plus graves, générales telles que l’hypertension artérielle ou les maladies hémorragipares, ou locales tumorales, bénignes ou malignes.

Le saignement du nez est dû au fait que les fosses nasales sont très vascularisées et constituent un lieu de rencontre et d’anastomose entre le système carotidien externe (maxillaire interne, puis sphénopalatine, artère faciale) et le système carotidien interne (artères ethmoïdales).

La cloison nasale en particulier présente dans sa partie antéro-inférieure une zone d’anastomose microartérielle désignée sous le nom de tâche vasculaire.

DIAGNOSTIC :

Reconnaître l’épistaxis est simple.

L’épistaxis antérieure n’a pas de diagnostic différentiel.

Les épistaxis postérieures sont objectivées par l’examen du pharynx bien exposé avec un abaisse- langue, et bien éclairé (miroir de Clar).

Un écoulement intermittent oblige à répéter l’examen. La présence de caillots a la même signification. La présence de sang « séché » sur la paroi ne permet pas toujours d’affirmer son origine.

Apprécier la gravité est un point essentiel dès lors que l’état du sujet apparaît inquiétant.

Cette gravité est appréciée sur les signes généraux, et le bilan biologique d’urgence, en gardant à l’esprit la gravité potentielle de certaines hémorragies d’origine nasale.

Ceci implique la mise en place d’une perfusion avec soluté physiologique, voire macromolécules, et la prise de dispositions en vue d’éventuelles transfusions (groupe, rhésus) si cela devenait nécessaire sur le suivi clinique et surtout biologique (numération, hématocrite). La réanimation serait alors entreprise avant toute manoeuvre locale parfois traumatisante et susceptible d’entraîner une décompensation.

Les données de l’interrogatoire du patient et de l’entourage sont souvent alarmistes et ne constituent pas un facteur de pronostic important.

Toutefois, l’interrogatoire permet parfois de faire émerger la notion d’épistaxis à répétition, ce qui a en effet une signification étiologique et pronostique.

ÉTIOLOGIE :

L’abondance, l’extériorisation antérieure ou postérieure ne constituent pas des arguments d’orientation absolus. Toutefois une petite épistaxis antérieure, en particulier chez l’enfant ne justifie en aucun cas de multiplier les examens.

De toute façon l’examen des fosses nasales à l’aide d’un spéculum, voire à l’optique endonasale, s’impose et permet dans un grand nombre de cas de visualiser l’origine du saignement et son type (hémorragie artérielle de la cloison nasale, en jet). Parfois cet examen met en évidence d’emblée de petits angiomes muqueux de la maladie de Rendu Osler. Il peut également mettre en évidence une tumeur obturant la fosse nasale.

Cet examen si nécessaire se heurte à deux obstacles :

– soit l’hémorragie est trop abondante et on ne voit rien malgré l’aspiration ;

– soit l’hémorragie a cessé et on ne peut mettre en évidence son origine.

En fait il faut distinguer les causes locales des causes générales.

Causes locales :

Traumatiques :

Ce sont les fractures du nez et traumatisme maxillofaciaux en général, dont on rapproche les causes iatrogènes (rhinoplastie, chirurgie de la cloison nasale et des cornets).

Les fractures du massif facial, les disjonctions orbito-naso-ethmoïdo-faciales posent outre, le contrôle de l’hémorragie qui peut être dramatique, le problème de leur prise en charge pour réduction et fixation, et celui de la reconnaissance d’une fuite de LCR associée.

Les ruptures de la carotide interne, traumatiques ou spontanées, parfaitement exceptionnelles, peuvent se révéler par une épistaxis. Elles sont souvent au-delà de toute ressource thérapeutique.

Seule l’artériographie avec montée d’un ballonnet peut, dans certaines circonstances exceptionnelles, permettre de sauver le patient.

Tumorales :

Tumeurs malignes des sinus :

Les tumeurs malignes des sinus peuvent se révéler par des épistaxis. Il s’agit de carcinomes épidermoïdes ou d’adénocarcinomes d’origine ethmoïdale, considérés comme maladie professionnelle chez les travailleurs du bois.

Tumeurs bénignes des sinus :

Les tumeurs bénignes correspondent à un angiofibrome de la cloison, dont on rapproche d’autres angiomes des fosses nasales ou des sinus.

Fibrome nasopharyngien :

Le fibrome nasopharyngien se rencontre chez l’adolescent masculin. Le diagnostic est endoscopique.

L’angiographie permet de déterminer l’origine dominante de sa vascularisation et constitue, par la possibilité d’embolisation, le premier temps du traitement.

Causes générales :

Hypertension artérielle :

L’épistaxis peut être révélatrice d’une hypertension artérielle méconnue.

Troubles de la circulation :

Il faut surtout retenir les troubles de la coagulation :

– iatrogènes : anticoagulants (++), aspirine et autres antiagrégants plaquettaires ;

– thrombopathies et thrombopénies avec souvent purpura : les thrombopénies peuvent être la conséquence d’un traitement par chimiothérapie ;

– perturbations du temps vasculaire, maladie de Willebrand, certaines capillarites ( purpura rhumatoïde, maladies immunoallergiques, maladies infectieuses) ;

– troubles de la coagulation en dehors de l’effet iatrogène des médicaments, telle l’hémophilie, etc.

Maladie de Rendu Osler :

L’épistaxis est le premier mode de révélation de cette télangiectasie héréditaire. La présence de télangiectasies des doigts, des lèvres ou du palais suffit à affirmer le diagnostic ; mais dans les cas plus difficiles l’optique endonasale est très évocatrice. L’examen doit être complet en particulier à la recherche d’une fistule artérioveineuse pulmonaire ou d’une angiomatose hépatique.

Le traitement local est difficile. En fonction de l’importance de l’épistaxis il faut faire appel à une simple cautérisation ou bien à des tamponnements, à l’usage de colles, voir à une embolisation en urgence (voir ci-dessous). Au plan général, des transfusions sont nécessaires si l’hémoglobine descend en-dessous de 9 g/100 mL, et un traitement martial est indiqué (per os ou sous forme de Veinofer® IV en hospitalisation de jour). Il est possible que les pilules oestroprogestatives fortement dosées en oestrogènes (30 à 50 ìg d’éthinyloestradiol) diminuent la fréquence et l’intensité des épistaxis.

TRAITEMENT :

Hémorragie abondante :

En cas d’hémorragie est abondante, la prise en charge ne diffère pas de la prise en charge de toute hémorragie préoccupante (traitement du choc, transfusion, etc.).

Épistaxis bénigne ou modérée :

Les formes antérieures bénignes, souvent répétitives de l’enfant, se traitent par simple compression digitale de l’aile du nez sur la cloison (au moins 10 minutes) suivie si besoin de cautérisation chimique (nitrate d’argent, acide chromique, etc.).

En cas d’artère qui saigne, il faut faire une électrocoagulation sélective.

Les hémorragies plus importantes sont traitées par tamponnement antérieur à l’aide de mèche grasse, ou mieux de tampons hémostatiques (Merocel®). Ces tampons sont laissés en place 48 heures, sous couvert antibiotique (corps étranger dans le nez, risque d’infection sinusienne ou de l’oreille) et d’antalgique (paracétamol).

À un degré supplémentaire, il faut avoir recours au tamponnement antéropostérieur, réalisé le plus souvent aujourd’hui à l’aide d’une sonde à double ballonnet. Le ballonnet postérieur « amarre » la sonde au niveau de l’orifice postérieur des fosses nasales (choanes), l’autre ballonnet assure la compression à l’intérieur de la fosse nasale en se moulant sur les parois.

Le tamponnement dit postérieur constitué d’un tampon de gaze est mis en place à l’aide d’une sonde de Nélaton pour le tracter avec des fils de soie, que l’on amarre ensuite à un tampon antérieur. Devenu tout à fait exceptionnel, car trop traumatisante, cette technique doit cependant rester connue en l’absence de matériel plus adapté disponible.

Approches invasives :

Les approches invasives ne se justifient qu’en l’absence de contrôle de l’hémorragie et, en réalité, face à des reprises itératives au « déméchage ».

Il s’agit de :

– essentiellement, « clippage », ou coagulation de l’artère sphénopalatine, réalisé par voie endonasale sous vidéoendoscopie. L’abord chirurgical transmaxillaire est devenu exceptionnel.

Parfois le geste doit être complété par un abord direct des artères ethmoïdales (système carotidien interne) ;

– embolisation sélective par voie fémorale des branches de la carotide externe (faciale, maxillaire interne). Cette technique n’est pas totalement sans risque (risque d’AVC, de cécité).

Troubles de la coagulation :

Bien entendu, les troubles de la coagulation doivent être pris en charge (arrêt des antivitamines K, de l’aspirine, transfusion éventuelle de concentré plaquettaire ou administration de facteurs de coagulation).

CONCLUSION :

En fait, il faut garder à l’esprit que la plupart des épistaxis sont bénignes et qu’en dehors de quelques gestes simples, il faut surtout savoir rassurer le patient ou sa famille, mais que certaines formes peuvent être gravissimes (après traumatisme en particulier) et nécessitent une mobilisation équivalente à celle de toute hémorragie sévère, en se méfiant particulièrement de l’importance méconnue du sang dégluti chez un sujet fatigué, plus ou moins choqué, voire comateux.