Parotidomégalie

Ia parotidomégalie est une tuméfaction située au dessus et en arrière de l’angle de la mâchoire, en avant du tragus et du lobule du pavillon de l’oreille. Elle peut être :

– uni ou bilatérale ;

– d’apparition brutale ou progressive ;

– asymptomatique ou faire partie d’un contexte plus général : infectieux, inflammatoire, douloureux, altération de l’état général, amaigrissement.

C’est l’association de ces différents items qui oriente assez facilement vers telle ou telle pathologie.

Parotidomégalie (parotidite)
Parotidomégalie (parotidite)

PAROTIDITES AIGUËS :

Parotidites virales :

Elles sont dominées chez l’enfant ou le jeune adulte par les oreillons, y compris dans la population vaccinée.

Oreillons :

En 2000, le réseau « Sentinelles » a signalé 17 000 cas dont 60 % étaient vaccinés et 1/3 avait plus de 18 ans.

Diagnostic :

La maladie débute dans un contexte infectieux par une douleur pharyngée et des otalgies uni puis, le plus souvent, bilatérales. Très rapidement apparaît la tuméfaction parotidienne.

Il faut rechercher les localisations testiculaires et neuroméningées qui sont heureusement rares mais qui peuvent donner une stérilité et une surdité définitive inappareillable (aucune complication notée chez les 17 000 cas de l’année 2000).

Le diagnostic reste clinique. En cas de doute chez un adulte, il existe une sérologie qui doit être refaite au bout de quinze jours pour être interprétée correctement.

Traitement :

Le traitement est symptomatique avec repos, antipyrétiques et antalgiques.

Autres virus :

Il est signalé des parotidites à coxsackies A, à Échovirus et à virus para-influenzae.

Parotidites bactériennes :

Elles surviennent dans une autre population : plutôt âgée et en mauvais état général.

Chez ces personnes, la fl ore buccale subit des transformations dues aux diverses modifi cations buccodentaires.

Dans ces infections, on retrouve le plus fréquemment le staphylocoque doré, puis le streptocoque viridans. Ces dernières années on note l’émergence d’autres souches bactériennes comme des bacilles gram – et des anaérobies.

Elles se manifestent, dans un contexte fébrile, par une tuméfaction unilatérale, inflammatoire, indurée, douloureuse, majorée par les mouvements de la mâchoire, parfois accompagnée d’un trismus.

L’examen retrouve une douleur à la palpation et du pus qui sourd spontanément ou après massage doux de la glande, à l’orifice du canal de Stenon. Celui-ci est situé en regard de la 2e molaire.

Ces parotidites étaient avant l’avènement des antibiotiques d’un pronostic redoutable avec une mortalité de plus de 80 % ; actuellement elle reste encore non négligeable, de l’ordre de 20 %.

Il est important d’essayer d’identifier le germe et il faut donc faire un prélèvement bactériologique au niveau de l’orifice du canal de Sténon,

et éventuellement des hémocultures en cas de fièvre élevée.

La biologie montre une polynucléose neutrophile, une augmentation de la vitesse de sédimentation et de la protéine C-réactive.

Il est utile de faire une radio- et une échographie pour vérifier s’il existe une lithiase ou une pathologie sous-jacente.

Enfin il est important de rechercher et de corriger les facteurs favorisants : xérostomie (en particulier iatrogène), pathologies buccales, dénutrition, déshydratation, diabète, alcoolisme.

Traitement :

Il repose sur les antibiotiques à large spectre orientés avant tout sur les staphylocoques dorés et les streptocoques.

Chez les personnes âgées et fragiles, il sera réalisé en milieu hospitalier les premiers jours, par voie parentérale (bi ou trithérapie dès les prélèvements réalisés).

De plus en plus rarement, en cas d’échec médical, il peut être réalisé une chirurgie de drainage d’un abcès ou une parotidectomie partielle ou totale.

Lithiases salivaires :

Au moins 8 fois sur 10, elles sont localisées dans les glandes sous-maxillaires. Mais on retrouve près de 20 % de lithiases parotidiennes.

Dans cette localisation elles sont souvent plus petites.

Clinique :

Classiquement, il s’agit d’une douleur vive de la glande avec tuméfaction qui survient juste avant (stimulation olfactive) ou au moment du repas, empêchant l’alimentation et qui cède spontanément ou sous traitement. C’est la « crise de colique salivaire ».

En fait, le plus souvent, il existe seulement un gonflement, un empâtement de la glande survenant au moment du repas, persistant quelques heures, puis dégonflant progressivement dans les heures suivantes. Le phénomène se reproduit à chaque repas.

Enfin, il peut s’agir d’une découverte fortuite lors d’examens radiologiques.

Traitement :

Médical :

Au moment des crises, on donne en association un anti-inflammatoire non-stéroïdien avec un antispasmodique type Spasfon®. Il peut être intéressant de faire saliver le patient afin de faciliter l’évacuation de la lithiase ; pour cela on lui demande de mâcher du chewing-gum.

Si le calcul reste bloqué dans la glande, le risque est alors qu’il se développe une infection chronique avec destruction partielle de la glande.

Chirurgical :

C’était le seul traitement en cas d’échec du traitement médical.

Il consiste à une parotidectomie superficielle avec conservation du nerf facial. L’opération est délicate et peut entraîner une paralysie faciale plus ou moins transitoire.

Endoscopie :

Elle a été mise au point grâce à la miniaturisation des fibroscopes qui font moins de un millimètre de diamètre.

Elle est envisagée quand la lithiase est mobile dans un canal perméable avec une glande fonctionnelle.

L’examen est indolore et pratiquement sans complication.

Lithotripsie :

Elle est devenue réalisable par la mise au point d’appareils spécialisés pour cette pathologie.

Il ne faut surtout pas utiliser les lithotripteurs rénaux.

Elle est pratiquée sur les calculs intra glandulaires, quelle que soit leur taille.

Mais avant, il faut vérifier par sialographie que le canal fait au moins un millimètre de diamètre pour laisser passer les fragments de la lithiase.

Ceux-ci s’évacueront spontanément ou par endoscopie.

Dans les suites on retrouve fréquemment de légères douleurs avec un gonflement transitoire (20 %), des hémorragies canalaires bénignes (65 %), et des infections secondaires (10 %).

PAROTIDOMÉGALIES CHRONIQUES :

Parotidomégalies bilatérales :

Sarcoïdose :

Il s’agit du syndrome d’Heefordt qui associe une fièvre, une hypertrophie des parotides et des glandes lacrymales, une iridocyclite bilatérale et une atteinte des paires crâniennes type paralysie faciale (souvent bilatérale).

L’atteinte des yeux et des nerfs crâniens nécessite un traitement corticoïde.

Syndrome de Goujerot-Sjögren :

Il se caractérise par l’association d’un syndrome sec (sécheresse buccale ou xérostomie), d’une sécheresse oculaire (ou xérophtalmie) et d’une maladie systémique.

Le diagnostic est porté sur l’association de deux de ces trois critères.

On parle de syndrome de Goujerot-Sjögren secondaire quand il existe une maladie systémique, sinon de syndrome de Goujerot-Sjögren primitif.

Les maladies systémiques retrouvées sont :

– la polyarthrite rhumatoïde dans environ 50 % des syndromes de Goujerot-Sjögren secondaires ;

– le lupus érythémateux disséminé dans 20 % ;

– la sclérodermie et le CREST syndrome dans 15 % ;

– plus rarement on peut trouver un s yndrome de Sharp, une dermatomyosite, et des maladies auto-immunes d’organe (cirrhose biliaire primitive, thyroïdite, maladie de Biermer).

Le test au sucre sert d’élément d’orientation mais n’est pas d’une grande précision : on laisse fondre un sucre dans la bouche, il est positif s’il met plus de trois minutes à se dissoudre complètement.

La biopsie des glandes salivaires accessoires est faite au niveau de la face interne de la lèvre inférieure.

Le test de Schirmer confirme la sécheresse oculaire.

Il consiste à appliquer à l’angle interne de l’oeil un buvard (35 × 0,5 mm) et de noter la progression de l’humidification à 5 minutes (< 5 mm).

La kératoconjonctivite sèche est recherchée par le test au rose Bengale et le temps de rupture du film lacrymal.

On recherche les atteintes :

– rhumatologiques : arthralgies (surtout poignets, mains, doigts), myalgies ;

– respiratoires : fibrose, alvéolite, pneumopathie interstitielle ;

– rénales : tubulopathie infraclinique (acidose hyperchlorémique, plus rarement hypokaliémie, et parfois ostéomalacie) ;

– neurologiques : centrales et périphériques (polyneuropathie sensitivomotrice symétrique).

On retrouve assez fréquemment une anémie inflammatoire, pouvant être associée à une leucopénie.

Il existe un syndrome inflammatoire avec vitesse de sédimentation élevée et à l’électrophorèse des protides une hypergammaglobulinémie polyclonale, souvent très importante.

Le facteur rhumatoïde est présent dans environ 2/3 des cas.

Il faut rechercher les anticorps antinucléaires type anti-SS-A et anti-SS-B, spécifiques de syndrome de Goujerot-Sjögren.

Les autres anomalies immunologiques sont moins intéressantes car moins spécifiques.

Évolution :

Le risque est la survenue d’un lymphome, ce qui implique de suivre ces patients pendant de longues années.

Il faut surveiller la baisse des gammaglobulines, la disparition des anticorps, l’augmentation de la bêta-2-microglobulinémie qui sont des signes précoces de transformation du syndrome de Goujerot-Sjögren.

Traitement :

Pour traiter l’hyposialie : on essaie de stimuler les glandes salivaires soit par des substances cholinergiques comme la pilocarpine (Salagen®), l’ésérine ( GénéserineR), l’anétholtrithione (Sulfarlem S25®), par la teinture de Jaborandi en préparation magistrale, soit par une stimulation électrique (pile salive +), soit par stimulation réflexe en utilisant des chewinggums ou des bonbons à sucer.

Pour traiter la xérophtalmie : on utilise les larmes artificielles, les gels et les implants conjonctivaux (Lacrisert®)

Le traitement de fond comprend : la cortisone, le Plaquenil®, les immunodépresseurs, discuté selon les équipes et selon le degré de l’atteinte générale.

À évaluer et à initier avec les spécialistes au cas par cas.

Parotidomégalies nutritionnelles :

Mangeurs de pain en excès :

Chez ces personnes on peut retrouver une hypertrophie des glandes parotides. À rechercher par interrogatoire.

Alcoolisme :

Il existe parfois une atteinte parotidienne avec hypertrophie. Rechercher les autres signes d’alcoolisme et de cirrhose.

Anorexie :

Il est possible de trouver une parotidomégalie en cas d’anorexie mentale isolée, mais surtout en cas d’anorexie-boulimie avec vomissements.

Ce signe clinique doit faire rechercher cette habitude avec également les lésions cutanées au niveau du dessus des phalanges proximales de l’index et du majeur, correspondant au contact répété avec les incisives supérieures.

Dans ce cas on évolue dans un contexte particulier : il s’agit de jeunes filles, ayant une maigreur anormale (qui peut être moins évidente si anorexie boulimie).

Cette hypertrophie apparaît généralement après plusieurs mois d’évolution.

Parfois les patientes consultent pour cette pathologie mais en fait le plus souvent, elle est cachée, et il s’agit d’une découverte fortuite lors d’une consultation.

Il est utile de rechercher une aménorrhée quasi constante.

Il n’existe pas de traitement spécifique, c’est la correction de l’anorexie qui guérira cette parotidomégalie.

Syndrome d’infiltration lymphocytaire diffus :

Il s’agit d’une pathologie touchant les personnes infectées par le virus de l’ummunodéficience humaine (VIH). Il existe fréquemment des lésions kystiques dans la glande. Il peut être intéressant de faire une cytoponction à l’aiguille afin d’éliminer un Kaposi ou un lymphome.

Le traitement est en fait celui du VIH, l’hypertrophie régressant sous la thérapie antirétrovirale.

Parotidomégalies unilatérales :

Elles sont l’apanage des tumeurs. Celles-ci sont bénignes dans la grande majorité des cas.

Une douleur locale, une paralysie faciale, une adénopathie satellite cervicale, orientent vers une tumeur cancéreuse, mais en fait seul l’examen histologique permet un diagnostic définitif.

Les examens complémentaires ont peu d’intérêt, la radiographie et la sialographie sont inutiles, l’échographie est limitée par le fait qu’elle explore mal le lobe profond et les espaces para pharyngés. Le scanner et l’IRM sont plus performants mais ne sont utiles, en préopératoire, que s’il existe une suspicion d’atteinte du lobe profond ou des signes de malignité.

La biopsie est contre-indiquée car elle peut léser le nerf facial, et en cas de cancer il existe alors un risque d’essaimage tumoral.

La cytoponction à l’aiguille est utilisée par certaines équipes, mais elle ne fait pas l’unanimité par manque de sensibilité et spécificité.

On voit donc que toute tumeur parotidienne doit être explorée chirurgicalement.

Tumeurs bénignes :

Elles sont dominées par l’adénome pléomorphe (ancienne tumeur mixte), qui représente 2/3 des tumeurs parotidiennes. L’adénome monomorphe (10 à 15 %), la tumeur de Whartin (5 à 10 %) complètent quasiment les autres formes.

Le traitement chirurgical consiste en une parotidectomie superficielle avec conservation du nerf facial, si la tumeur siège dans le lobe superficiel ; une parotidectomie totale avec conservation du nerf si la tumeur est très grosse ou située dans le lobe profond.

Le risque principal de cette chirurgie est la paralysie faciale. La plupart du temps elle est provisoire et récupère dans un délai variable (jusqu’à 1 an et demi). Il existe un taux de 5 à 15 % d’atteinte définitive.

Tumeurs malignes :

Elles représentent environ 15 % des tumeurs.

On retrouve : carcinome mucoépidermoide (1/3), adénocarcinome (1/5), carcinome adénoïde kystique (1/5), carcinome sur adénome pléomorphe (1/10).

Le traitement est chirurgical par parotidectomie totale avec conservation du nerf facial s’il n’existe pas de paralysie avant, associé à un curage ganglionnaire en cas de métastases.

Certaines équipes font tout de même ce curage préventif dans tous les cas, d’autres en cas de haut grade de malignité.

On réalise une radiothérapie complémentaire en cas de haut grade de malignité.