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Consommations pathologiques d’alcool à l’adolescence

Consommations pathologiques d’alcool à l’adolescence
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Introduction :

L’adolescence est une période du développement de l’individu qui s’étend de 10 à 19 ans et qui présente des caractéristiques biologiques et psychologiques particulières. Cette définition, variable selon les sources, n’est pas consensuelle quant au développement psychologique, physique et social de chacun.

L’adolescence débute par des phénomènes pubertaires qui vont entraîner de nombreuses modifications de l’organisme, et totalement modifier le rapport au corps, à des âges différents. Le démarrage de la puberté peut s’effectuer entre 9 et 15 ans chez le garçon alors que chez la fille, il peut avoir lieu entre 8 et 13 ans.

La majorité des individus débutent et modèlent leur consommation d’alcool à l’adolescence. L’alcool, au même titre que le tabac, est l’un des premiers produits rencontrés par l’adolescent, l’un des plus accessibles et donc très logiquement celui qui est le plus souvent consommé. Les travaux épidémiologiques annuels de l’Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT) le soulignent clairement.

À la différence de leurs aînés, les adolescents consomment de l’alcool de préférence en dehors des repas. Cette consommation est, au début, occasionnelle, discontinue, souvent au domicile familial à l’occasion d’événements festifs, autorisée par les parents consommateurs eux-mêmes. D’ailleurs, 70 à 80 % des adolescents avant 11 ans ont déjà goûté de la bière, du vin ou du champagne et plus de 20 % ont déjà été ivres.

Les risques liés à l’usage d’alcool varient en fonction du stade pubertaire de l’adolescent : un adolescent âgé de 14 ans réagit très différemment à une exposition à l’alcool selon la période pubertaire où il se trouve. Les risques liés à l’usage d’alcool varient aussi en fonction du stade de développement psychologique du consommateur.

L’effet psychotrope de l’alcool est d’une façon générale plus nocif chez des sujets en développement, dans la mesure où il intervient sur un cerveau en pleine maturation pubertaire et peut interrompre les programmes neurobiologiques naturels.

Cliniquement, cela risque d’entraîner des troubles cognitifs, d’altérer les interactions avec autrui et/ou avec son environnement.

Des études en imagerie par résonance magnétique (IRM) fonctionnelle ont mis en évidence certaines anomalies chez les adolescents ayant des consommations pathologiques d’alcool.

La recherche de sensations, la recherche de nouveautés sont des facteurs à prendre en compte tant dans la compréhension des conduites de consommation à l’échelon de la société que lorsqu’il s’agit d’aborder, au plan individuel, la consommation d’un adolescent donné. Enfin, le groupe de pairs occupe une place centrale dans la vie de l’adolescent et il existe un désir profond d’expérimenter de nouveaux comportements pour modeler sa propre identité.

Épidémiologie :

Différentes études épidémiologiques comme l’Enquête sur les Représentations, Opinions et Perceptions sur les Psychotropes (EROPP), les Enquêtes sur la Santé et les Consommations lors de l’Appel de Préparation À la Défense (ESCAPAD), de l’Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT), le Baromètre santé, les enquêtes European School Survey Project on Alcohol and Other Drugs (ESPAD) et de l’INSERM permettent d’évaluer les niveaux d’usage d’alcool, entre autres, chez les adolescents et les évolutions récentes des différentes modalités de consommation à la fin de l’adolescence.

Depuis une trentaine d’années, la consommation régulière de vin est remplacée progressivement, surtout pour les nouvelles générations, par une consommation occasionnelle de bières – boisson la plus fréquemment consommée par les adolescents avec peu de variation selon le niveau socio-économique -, d’alcools forts et de premix dont les principales caractéristiques sont détaillées ci-après.

Comparativement à d’autres pays comme le Danemark, la Grèce, la Belgique et le Royaume-Uni où les chiffres sont élevés, le pourcentage d’adolescents âgés de 15 ans consommant de la bière au moins une fois par semaine est relativement faible (20 % pour les garçons et 8 % pour les filles). De plus, la proportion de jeunes consommant régulièrement de la bière a plutôt diminué en France en 16 ans, à la différence de certains pays comme la Russie. La consommation quotidienne des jeunes diminue sensiblement au profit d’une consommation au cours du week-end.

L’analyse de l’enquête ESCAPAD montre que 76 % des filles et 84 % des garçons ont déjà eu un usage d’alcool au cours des 30 derniers jours. Une donnée importante à souligner est la différence d’usage régulier d’alcool, défini par 10 consommations au cours du dernier mois, en fonction du sexe. En effet, 21 % des garçons ont un usage régulier d’alcool alors que ce chiffre est de 8 % pour les filles.

L’ivresse régulière, définie par au moins 10 ivresses au cours de l’année, est rare avant l’âge de 16 ans contrairement à 17-18 ans où la plupart des garçons et des filles consomment de l’alcool.

En Europe, 7 % des adolescents français âgés de 16 ans déclarent un usage régulier, positionnant la France au 21e rang des pays européens, la Hollande étant le pays où cette consommation régulière est la plus élevée (25 %) et la Finlande celui où elle est la plus faible (3 %). Différents éléments peuvent expliquer ces différences de consommation d’alcool entre pays.

Il s’agit des contextes nationaux de consommation d’alcool, du statut social de l’alcool, de l’influence des campagnes publicitaires, du rôle de l’environnement familial, des relations entre jeunes et du poids de l’initiation et de la consommation régulière.

Facteurs de risque d’installation d’une conduite addictive :

Pour évaluer les risques de la consommation d’alcool, il est impératif de rechercher au cours des premiers entretiens avec l’adolescent l’existence de modalités de consommation à risque et de facteurs de risque individuels et environnementaux.

Modalités de consommation à risque :

Ces modalités de consommation à risque correspondent à l’âge de début des consommations, au caractère autothérapeutique de la consommation, à l’usage solitaire ou massif d’alcool, à la répétition des consommations, au cumul de consommation des substances psychoactives et enfin aux conduites à risque sous l’emprise d’alcool. Nous les détaillons dans ce qui suit.

Âge de début précoce :

C’est un facteur de risque pour le développement ultérieur d’une utilisation nocive pour la santé (ou abus) et/ou d’une dépendance, surtout si les consommations se répètent. Il faut être particulièrement attentif lorsqu’un usage est très précoce en raison des possibles conséquences médicales, psychologiques, psychiatriques et sociales à long terme.

Cumul de consommation de substances psychoactives :

L’usage à visée autothérapeutique – anxiolytique, antidépresseur ou hypnotique – peut être révélateur de troubles psychopathologiques sous-jacents chez un certain nombre d’adolescents.

Usage solitaire d’alcool :

En dehors des situations habituelles de consommation, il est souvent synonyme d’une majoration de la consommation.

Répétition des consommations :

C’est une modalité de consommation à prendre en considération : plus le nombre de consommation est important, plus le temps d’exposition aux effets de l’alcool est grand au cours de la vie, plus le risque de survenue de complications augmente.

L’effet recherché par la consommation fréquente et/ou en quantités élevées, par la consommation en dehors des conditions régulées socialement est celui d’une recherche de « défonce », d’anesthésie, d’évasion et d’oubli de la réalité.

Ivresses alcooliques :

Seules ou couplées à la consommation d’autres produits (cannabis, cocaïne, médicaments psychotropes, ecstasy….) elles peuvent être massives et fréquentes. En général, les consommations fréquentes de cannabis sont associées et ont été précédées par la consommation de tabac et d’alcool. Il a été montré que l’augmentation de l’ivresse alcoolique et de la consommation de tabac était corrélée à la consommation de cannabis.

Certaines situations à risque :

Par exemple, la conduite de véhicules (scooters, motos, voitures) sous l’emprise de l’alcool doit attirer l’attention du praticien. Une alcoolémie de 0,5 g/l multiplie par un facteur 2 le risque d’accident. Au-delà de 0,8 g/l, ce risque est multiplié par 10. Les jeunes conducteurs sont particulièrement concernés par le problème de l’alcool au volant. Les consommations de cannabis étant fréquemment associées, le risque accidentel routier est potentialisé (multiplié par un facteur 15). Des campagnes récentes de prévention ont insisté sur ce risque important. D’autres situations comme les rapports sexuels non protégés, les troubles du comportement et la grossesse sous l’emprise de l’alcool doivent être également recherchées.

Facteurs de risque individuels et environnementaux :

Les facteurs individuels de risque comprennent des facteurs génétiques, psychologiques et psychiatriques.

Facteurs individuels psychologiques :

Parmi les facteurs individuels psychologiques, il est important de préciser les traits de personnalité du sujet ; l’existence de traits de personnalité comme la faible estime de soi, la timidité, l’autodépréciation, les réactions émotionnelles excessives, les difficultés face à certains événements, les difficultés à avoir des relations stables et à résoudre les problèmes interpersonnels doivent être prises en compte.

Facteurs individuels psychiatriques :

Différentes pathologies peuvent exister et doivent faire l’objet d’une analyse précise lors des différents entretiens. Il peut s’agir d’un trouble des conduites, d’hyperactivité avec déficit de l’attention, d’une dépression, de tentatives de suicide à répétition, d’un trouble bipolaire, de troubles anxieux (trouble obsessionnel compulsif, trouble phobique, trouble panique, trouble anxieux généralisé, stress post-traumatique), d’un trouble du comportement alimentaire, d’un état limite ou d’un autre trouble de la personnalité type personnalité antisociale.

Facteurs environnementaux :

Une corrélation statistiquement significative entre antécédents familiaux d’alcoolodépendance et âge de début précoce des consommations est retrouvée. Le fonctionnement intrafamilial, le mode d’éducation, la tolérance des parents pour l’usage d’alcool et pour la transgression des règles, les événements de vie sont des facteurs de risque d’installation d’une conduite addictive. Comme nous l’avons précédemment vu, le rôle des amis est indiscutable dans l’initiation d’une consommation d’alcool, de tabac ou d’autres drogues mais n’explique pas à lui seul les conduites pathologiques de consommations d’alcool. Enfin, la perte des repères sociaux comme la misère, la précarité, le chômage, l’absence de scolarisation, la marginalité est également un important facteur de risque.

Clinique :

Tout adolescent, lors d’une consultation en médecine générale, scolaire ou chez un spécialiste devrait bénéficier d’un repérage portant sur son usage de substances psychoactives.

Après avoir recherché des facteurs de risque d’installation d’une conduite addictive alcoolique, le clinicien définira le type de consommation du patient, pourra s’aider de questionnaires de repérage et évaluera le retentissement global des consommations.

Différents types de consommation :

Usage :

Il s’agit d’une consommation socialement acceptée sans complication d’ordre physique, psychologique ou sociale.

Utilisation nocive pour la santé (CIM-10) ou l’abus d’alcool (DSM IV TR) :

L’utilisation nocive pour la santé ou l’abus d’alcool peut être une modalité de consommation assez fréquente chez l’adolescent.

CIM-10 :

Selon la dixième Classification Internationale des Maladies (OMS), les critères diagnostiques de l’utilisation nocive d’alcool pour la santé sont les suivants.

Il s’agit d’un mode de consommation de l’alcool préjudiciable à la santé.

Les complications peuvent être physiques (hépatite, polynévrite, pancréatite….) ou psychiques (épisode dépressif majeur secondaire à une forte consommation d’alcool, tentative de suicide…).

Le diagnostic repose sur des preuves manifestes que l’utilisation de l’alcool seul ou associé à d’autres substances a entraîné des troubles psychologiques ou physiques.

Ce mode de consommation donne souvent lieu à des critiques et a souvent des conséquences sociales négatives. La désapprobation par autrui ou par l’environnement culturel, et les conséquences sociales négatives (arrestation par la police, renvoi temporaire d’un établissement, séparation….) ne suffisent toutefois pas pour faire le diagnostic.

Ce diagnostic n’est pas posé quand le sujet présente un syndrome de dépendance, un trouble psychotique ou un autre trouble spécifique lié à l’utilisation d’alcool ou à d’autres substances psychoactives.

DSM IV :

Selon le DSM IV version révisée (DSM IV-TR), les critères diagnostiques de l’abus d’alcool sont les suivants.

Mode d’utilisation inadéquat de l’alcool conduisant à une altération du fonctionnement ou à une souffrance cliniquement significative, caractérisé par la présence d’au moins une des manifestations suivantes au cours d’une période de 12 mois :

• utilisation répétée de l’alcool conduisant à l’incapacité de remplir des obligations majeures, au travail, à l’école, ou à la maison (absences répétées ou mauvaises performances au travail du fait de l’utilisation de l’alcool, absences, exclusions temporaires ou définitives de l’école, négligence des enfants ou des tâches ménagères) ;

• utilisation répétée de l’alcool dans des situations où cela peut être physiquement dangereux (p. ex. : lors de la conduite d’une mobylette, d’un scooter, d’une voiture ou en faisant fonctionner une machine alors qu’on est sous l’influence de l’alcool) ;

• rapport avec l’utilisation de l’alcool ;

• utilisation de l’alcool malgré des problèmes interpersonnels ou sociaux, persistants ou récurrents, causés ou exacerbés par les effets de l’alcool (p. ex. : disputes avec le conjoint à propos des conséquences de l’intoxication, bagarres).

Les symptômes n’ont jamais atteint, pour cette classe de substance, les critères de la dépendance à une substance.

Dépendance :

La dépendance est un phénomène plutôt rare à l’adolescence.

Nous allons utiliser les critères diagnostiques du DSM IV pour la définir.

Il s’agit d’un mode d’utilisation inadapté d’une substance conduisant à une altération du fonctionnement ou une souffrance, cliniquement significative, caractérisée par la présence de trois (ou plus) des manifestations suivantes, à un moment quelconque d’une période continue de 12 mois :

• tolérance, définie par l’un des symptômes suivants : C besoin de quantités notablement plus fortes de la substance pour obtenir une intoxication ou l’effet désiré ; C effet notablement diminué en cas d’utilisation continue d’une même quantité de la substance ;

• sevrage caractérisé par l’une ou l’autre des manifestations suivantes :

C syndrome de sevrage caractéristique de la substance ; C la même substance (ou une substance très proche) est prise pour soulager ou éviter les symptômes de sevrage ;

• la substance est souvent prise en quantité plus importante ou pendant une période plus prolongée que prévu ;

• il y a un désir persistant, ou des efforts infructueux, pour diminuer ou contrôler l’utilisation de la substance ;

• beaucoup de temps est passé à des activités nécessaires pour obtenir la substance (par exemple fumer sans discontinuer), ou à récupérer de ses effets ;

• des activités sociales, professionnelles ou de loisirs importantes sont abandonnées ou réduites à cause de l’utilisation de la substance ;

• l’utilisation de la substance est poursuivie bien que la personne sache avoir un problème psychologique ou physique persistant ou récurrent susceptible d’avoir été causé ou exacerbé par la substance (par exemple, poursuite de la prise de cocaïne bien que la personne admette une dépression liée à la cocaïne, ou poursuite de la prise de boissons alcoolisées bien que le sujet reconnaisse l’aggravation d’un ulcère du fait de la consommation d’alcool).

Préciser si :

• avec dépendance physique : présence d’une tolérance ou d’un sevrage ;

• sans dépendance physique : absence de tolérance ou de sevrage.

Particularités cliniques de l’adolescent :

Différents éléments concernant les consommations pathologiques d’alcool chez l’adolescent ont été soulevés dans la littérature.

Les comportements de consommation durant l’adolescence sont beaucoup moins fixés que chez l’adulte. Comme nous l’avons vu, ces comportements sont différents selon le sexe et variables selon les individus.

La dépendance est un phénomène très rare, mais l’utilisation nocive d’alcool pour la santé (ou abus) est possible chez les adolescents.

Chez l’adolescent, on parle plutôt de mésusage d’alcool car l’adolescent ne répond pas complètement aux différents critères diagnostiques d’abus ou de dépendance définis chez l’adulte.

Le mésusage d’alcool chez l’adolescent ne répond pas aux critères OMS (21 verres par semaine chez l’homme et 14 verres par semaine chez la femme) et se manifeste plutôt par des consommations le week-end, en grandes quantités, entre copains, avec la recherche de sensations et d’ivresse.

Il n’existe pas, à la différence des adultes, de marqueurs biologiques (CDT [transferrine désyalilée] …) pour dépister et affirmer un trouble lié à l’usage d’alcool chez l’adolescent.

Conséquences des consommations pathologiques d’alcool

Les complications somatiques de la consommation d’alcool habituellement retrouvées chez l’adulte comme les hépatites alcooliques, la cirrhose, les neuropathies périphériques, les pancréatites sont très rares à l’adolescence.

Les principales conséquences d’un mésusage d’alcool chez l’adolescent sont d’une part d’ordre social et d’autre part psychologique.

Sur le plan social, il s’agit de l’absentéisme scolaire, de l’échec scolaire, des troubles du comportement avec des bagarres, de la délinquance, d’une prise de risque dans le domaine de la vie sexuelle (absence de contraception et de protection en cas de relation sexuelle, violence sexuelle) et des accidents de la route. Dans ce dernier cas, le risque d’accident est amplifié par l’inexpérience relative de beaucoup de jeunes, par un déni du danger et par le fait que leur organisme est encore peu habitué à la consommation d’importantes quantités d’alcool.

Sur le plan psychologique il s’agit essentiellement d’hyperactivité avec déficit de l’attention, d’anxiété, de dépression et de tentatives de suicide.

Aucune étude longitudinale évaluant l’évolution d’un mésusage à l’adolescence vers la dépendance à l’âge adulte n’a été réalisée en France. Cependant, des études prospectives anglosaxonnes apportent certains éléments de réponse : il a été montré une relative stabilité des comportements pathologiques de consommation avec le temps (sur une période de 2 ans, 50 % des consommateurs problématiques restaient dans cette catégorie) ; dans un suivi prospectif de six années, il a été retrouvé, comparativement à une population témoin, un risque multiplié par 3,7 d’abuser de l’alcool ou d’en être dépendant lors de consommations pathologiques antérieures.

Questionnaires de repérage :

Plusieurs instruments de langue anglaise et française permettent de repérer et d’évaluer les consommations pathologiques d’alcool et d’autres substances psychoactives, en particulier illicites, chez l’adolescent. Le mésusage d’alcool est fréquemment associé à celui du cannabis chez les adolescents.

Nous ne ferons pas une liste exhaustive des outils existants, nous prendrons à titre d’exemple certains d’entre eux qui ont fait l’objet de travaux en France.

Le questionnaire CRAFFT a été construit et validé aux États-Unis pour dépister précocement les usages nocifs de diverses substances addictives (cannabis, alcool, autres produits) chez les adolescents. CRAFFT est l’acronyme correspondant aux items suivants : Car, Relax, Alone, Forget, Family/Friends, Trouble.

ADOSPA, version française du CRAFFT, est l’acronyme correspondant aux items suivants : Auto/moto (conduite d’un véhicule sous influence ou par quelqu’un sous influence d’alcool ou d’autres drogues), Détente (usage autothérapeutique), Oubli (troubles mnésiques sous produit), Seul (consommation solitaire), Problèmes, Amis/famille (reproches faits par les amis ou la famille).

Cet outil a fait l’objet d’une étude de validation en population générale qui a montré que cet outil était performant dans le repérage précoce des usages réguliers, des usages quotidiens de cannabis et des ivresses mixtes. Au score de 2, le CRAFFTADOSPA montrait des qualités de repérage large de l’usage nocif et au score de 3, il repérait la gravité des consommations. Les recommandations préconisées par les auteurs étaient les suivantes : un score supérieur ou égal à 2 au CRAFFT-ADOSPA indiquait un risque modéré et un score de 3 ou plus un risque élevé d’usage nocif chez l’adolescent ou l’adulte jeune.

Le POSIT, acronyme de Problem Oriented Screening Instrument for Teenagers, est un instrument de repérage destiné aux adolescents de 12 à 19 ans qui a été élaboré par le NIDA (National Institute on Drug Abuse) aux États-Unis et validé en milieu scolaire. Il permet d’identifier les problèmes de santé d’ordre psychologique et social qui pourraient justifier une évaluation plus approfondie et nécessiter un recours à un traitement. Il s’agit d’un questionnaire qui évalue 10 domaines (ou facteurs) classés de A à J : utilisation de substances psychoactives, santé physique, santé mentale, relations intrafamiliales, relations avec les proches, situation scolaire, orientation professionnelle, habiletés sociales, loisirs et comportements agressifs/délinquance. Il comporte 139 questions fermées à choix simple (oui/non).

D’autres questionnaires comme le RISQ (Recherche et Intervention sur les Substances psychoactives – Québec), le DEPADO (DEPistage ADOlescents), l’ADI (Adolescent Drinking Index), l’ADIS (Adolescent Drug Involvement Scale), l’ADAD (Adolescent Drug Abuse Diagnosis), le DAP (Drug and Alcohol Problem) peuvent être cités.

Prise en charge thérapeutique :

Prévention :

Avant qu’un adolescent ne consomme, parler avec lui des méfaits et des risques de l’alcool, du tabac, du cannabis et/ou d’autres produits psychoactifs illicites est une première approche.

Il est essentiel de prévenir en informant la population reconnue comme étant la plus vulnérable vis-à-vis de l’alcool et son entourage proche notamment des adultes en contact avec des adolescents (éducateurs, instituteurs, professeurs, médecin scolaire, infirmier scolaire).

Repérer les divers signes d’appel de l’adolescent en difficultés et les facteurs de vulnérabilité et de risque favorisant un usage précoce, travailler sur le fait que l’adolescent est parfois en décalage avec ses propres croyances d’une conduite à risque, informer sur les conséquences apparentes et dommageables de l’alcool (plus que l’inventaire des conséquences somatiques) sont des éléments importants à prendre en compte.

Évaluation globale :

En première intention, il faut favoriser l’installation d’une alliance thérapeutique avec l’adolescent et ses parents afin d’instaurer un dialogue le plus souvent rompu, et de reconnaître les difficultés et les souffrances du patient. Il faut garder à l’esprit pendant la prise en charge que l’adolescent construit sa propre identité et reste très sensible au rôle des pairs qui ont une influence sur ses relations et ses consommations.

Une évaluation globale de la situation met en évidence les facteurs de risque individuels, les facteurs environnementaux, le type de consommation (usage que celui-ci soit festif ou occasionnel, abus ou usage nocif, dépendance), les consommations éventuellement associées (cannabis, autres drogues…) et l’importance des risques encourus afin d’adapter la prise en charge thérapeutique. Différents objectifs thérapeutiques seront proposés en fonction de la gravité de la situation (binge drinking, psychopathologie associée, utilisation nocive pour la santé ou polyconsommations).

Chez l’adolescent, il ne faut ni banaliser ni dramatiser les consommations d’alcool et éviter l’affrontement. En fonction de l’histoire clinique, il faut plus ou moins impliquer la famille dans la prise en charge car son rôle est essentiel et renforcer leurs compétences est utile.

Les différents types d’intervention utilisée sont le plus souvent basés sur des techniques validées chez l’adulte, qui s’adaptent aux caractéristiques spécifiques du développement de l’adolescent et de ses problèmes à cette période de la vie. Une orientation en cas de réels problèmes vis-à-vis de l’alcool vers des lieux d’écoute peut faciliter un début de prise en charge.

Différentes techniques thérapeutiques :

Chez un patient en difficulté avec l’alcool et en demande d’aide, le praticien met en place des stratégies pour réduire ou cesser les consommations.

Il est nécessaire d’informer l’adolescent sur le produit et ses dommages à court plus qu’à long terme. Le travail éducatif joue un rôle de repère et d’information face aux risques encourus par l’adolescent pour leur permettre d’y répondre ou de s’y opposer.

Une prise de conscience du risque encouru passe souvent par l’utilisation d’échelles d’autoévaluation associées à l’entretien clinique pour donner lieu à un échange informatif.

Il peut être utile de proposer comme chez l’adulte un temps de sevrage thérapeutique, et de mettre en avant que l’abstinence pourra avoir des conséquences positives sur le fonctionnement global de l’adolescent.

Différentes techniques thérapeutiques peuvent être utilisées.

Les stratégies d’intervention brève ont démontré leur efficacité dans le mésusage d’alcool. Il s’agit d’interventions de courte durée et de durée limitée (12 séances sur un semestre par exemple) qui s’inspirent souvent des techniques motivationnelles.

Elles peuvent être utilisées en ambulatoire ou au cours d’une hospitalisation. Elles comprennent une courte évaluation avec feedback, différents objectifs à atteindre, des références à des techniques de type autoassistance, une évaluation de l’évolution des modes de consommation.

Les entretiens motivationnels, approche centrée sur le patient, invité à parler des aspects positifs et négatifs de sa consommation, ont montré une réduction statistiquement significative des comportements d’alcoolisation chez les adolescents ayant des problèmes avec l’alcool.

Les thérapies cognitive et comportementale avec travail sur les croyances et les attentes, développement des compétences de coping, affirmation de soi.

Les thérapies familiales systémiques : de nombreuses études ont démontré leur efficacité.

Les groupes de parole de familles, le soutien par l’écoute téléphonique.

L’association de ces différentes techniques thérapeutiques à la pharmacothérapie peut s’avérer nécessaire dans certains cas.

Enfin, un travail impliquant les acteurs sociaux couplé à ces différentes techniques est de rigueur.

Conduite à tenir devant une utilisation nocive d’alcool pour la santé chez l’adolescent :

Il ne faut pas seulement informer le patient à ce stade. Le plus souvent, il existe des facteurs de risque à l’origine de difficultés qu’il va falloir repérer. Après avoir établi une relation de confiance, la recherche d’une souffrance psychique, de difficultés relationnelles ou scolaires est une étape essentielle dans la prise en charge du patient.

La prise en charge des troubles psychopathologiques retrouvés se fait par un abord psychothérapeutique et si nécessaire pharmacologique associé à un suivi médical régulier et attentif.

Une prise en charge familiale peut être proposée en plus en cas de conflits.

Il convient de protéger le mineur en repérant et en éliminant les situations à risque et les relations délétères avec un adolescent prêt à les modifier.

Il est préférable en l’absence de critères de gravité de ne pas stigmatiser l’adolescent en l’orientant à ce stade vers une structure spécialisée.

Conduite à tenir en cas de dépendance à l’alcool chez l’adolescent :

La dépendance chez l’adolescent reste un phénomène rare.

Ce type de conduite addictive est caractérisé par un usage quotidien et répété, des excès, des polyconsommations, des problèmes familiaux et sociaux souvent graves. Des mesures thérapeutiques spécifiques seront mises en place dans le cadre d’un réseau institutionnel avec une prise en charge cohérente et rassurante.

Conclusion :

L’initiation à l’alcool, facile d’accès comme le tabac et au statut social particulier en France, est un phénomène marquant de l’adolescence. La dépendance est un phénomène rare à cette époque de la vie, il est plus fréquemment retrouvé une utilisation nocive d’alcool pour la santé voire la notion de mésusage, les particularités de l’adolescence faisant que ces sujets ne remplissent pas entièrement les deux premières catégories diagnostiques sus-citées. Quoi qu’il en soit, la consommation pathologique d’alcool a des effets néfastes, en elle-même en perturbant le fonctionnement psychique et social des individus, et en étant à l’origine d’un risque augmenté de certaines pathologies psychiatriques (dont le suicide) et des accidents de la route. Ces consommations pathologiques d’alcool sont sous l’influence de facteurs de risque individuels, familiaux et environnementaux que le praticien se devra de rechercher.

La formation en addictologie, la prévention et l’utilisation de différentes techniques thérapeutiques en cas de trouble avéré sont indispensables pour prendre en charge ce type de patient.

Enfin, il est nécessaire de développer des études prospectives longitudinales, en France, sur des cohortes de taille statistiquement satisfaisantes afin d’évaluer le retentissement cognitif, psychologique et somatique des consommations pathologiques, débutées à l’adolescence, chez l’adulte.

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