Développementaux et Neurocognitifs des Enfants Surdoués

Introduction :

Depuis le XIXe siècle, les enfants à « hautes potentialités », dits « surdoués », ont intéressé différents auteurs comme Lombroso sur le plan des rapports du génie et de la folie et Galton sur le plan de la psychologie différentielle.

Dès 1909, Alfred Binet, inventeur de la notion d’âge mental, avait remarqué des écoliers « trop intelligents » qui ne profitaient pas de l’enseignement.

Développementaux et Neurocognitifs des Enfants SurdouésAinsi au XXe siècle, différents psychiatres et psychologues se sont intéressés particulièrement à ces enfants surdoués, notamment Lewis Madison Terman qui a mené une étude longitudinale sur 35 ans, débutée en 1922. Il étudia 1528 sujets (671 filles et 857 garçons) dont le quotient intellectuel (QI) moyen de l’échantillon était de 150 (QI de 135 à 200) avec un âge moyen de 11 ans au début de l’étude. Il a pu identifier des caractéristiques communes à ces sujets. L’objectif était de définir de meilleures connaissances de cette population dans la perspective de mesures éducatives. Depuis cette époque, l’identification des enfants à « hautes potentialités » ouvre différents champs de recherche autour de l’intelligence supérieure.

Cependant, peu de travaux prennent en compte le développement neuropsychomoteur, des études plus nombreuses tentent de comprendre le fonctionnement cognitif de ces enfants à l’âge scolaire. Plus récemment, les recherches en neuropsychologie développementale qui rendent compte des activations cérébrales en jeu lors de tâches intellectuelles ouvrent un champ intéressant.

Terminologie :

Différents termes sont utilisés pour évoquer l’enfant « surdoué » qui est traduit par les Anglo-Saxons par « gifted » : « enfants bien doués », « enfants précoces », « enfants intellectuellement précoces », « à haut potentiel », « à haut potentiel intellectuel », enfants talentueux, prodiges et génies.

Tous ces termes ne sont pas forcément synonymes et font appel à des connotations et des conceptions théoriques différentes.

En effet, « précoce », qui en outre impose une datation développementale dès le début de la vie, réserve cette notion à l’enfant en excluant la prise en compte chez l’adulte. Quant aux termes « haut potentiel », ou « haut potentiel intellectuel » et « intellectuellement précoce », ils ne mettent en valeur que le secteur intellectuel au détriment des autres fonctions corporelles, praxiques et affectives. L’appellation « surdoué » donne l’image de celui qui a réponse à tout, de « surhomme » ou de « superman » auquel on ne laisse aucune chance d’avoir droit à l’erreur ou de ne pas réussir, et encore moins être porteur de difficultés d’apprentissage. Ce terme « surdoué » peut référer aussi à une certaine idéologie assez dangereuse et susciter des polémiques ou des passions. C’est pourquoi, nous préférons employer le terme d’enfants à « hautes potentialités ». En effet, l’enfant étant doté d’aptitudes naturelles, elles ne sont pas liées à l’apprentissage ou à l’éducation et elles différencient nettement l’enfant à « hautes potentialités », sur un plan quantitatif et qualitatif de la moyenne des enfants du même âge. Ainsi, les potentialités renvoient à une diversité de dispositions en puissance, susceptibles de recevoir dans certaines conditions d’exercices et de motivations, les impulsions nécessaires à leurs développements.

Identification des enfants à « hautes potentialités » :

Quotient intellectuel :

Si diverses approches sont utilisées pour repérer des indices de précocité intellectuelle (observations des parents sur le développement et le comportement de leur enfant, performances scolaires, constat des enseignants…), le seul outil communément admis pour délimiter ce groupe d’enfants est le quotient intellectuel (QI) déterminé à partir de batteries de tests tels que le WPPSI (Wechsler Preschool and Primary School Scale Intelligence) ou le WISC (Wechsler Intelligence Scale for Children).

Aucun autre critère objectif n’est utilisé de manière suffisamment large pour servir de référence. Un enfant est donc considéré comme appartenant à la population « surdouée », si son quotient intellectuel a été reconnu exceptionnellement élevé à l’issue d’une évaluation rigoureuse conduite par un psychologue clinicien.

Les premiers tests d’intelligence ont été mis au point en 1905 par deux psychologues français, Binet et Simon, avec la création de la première « échelle métrique de l’intelligence ».

Cette échelle fut adaptée en 1916 par Terman, psychologue californien à qui l’on doit, dès 1922, la plus grande étude longitudinale sur les enfants surdoués. En 1911 Stern, psychologue allemand, introduit la notion de QI qui est le rapport d’un âge mental sur un âge chronologique multiplié par 100. Or, pour l’enfant se pose le problème d’âge mental ; c’est ainsi qu’en 1930, Wechsler, un psychologue américain, a eu recours à une méthode et une normalisation statistique permettant de classer les résultats d’un individu non pas en âge mental mais à un rang donné par rapport aux résultats de la population générale du même âge ; il a créé ainsi le QI standard (moyenne = 100 ; écart-type = 15) pour différents tests WPPSI, WISC, WAIS (Wechsler Intelligence Scale for Adults).

Ces échelles ont été récemment réactualisées en France avec le WPPSI-III (2 ans 6 mois à 7 ans 3 mois) en 2004, le WISC-IV (6 ans à 16 ans 11 mois) en 2005 et la WAIS-III (16 ans à 99 ans) en 2000. Le classement par le « QI » constitue, en France, la seule échelle acceptée par l’ensemble des partenaires (médicaux, paramédicaux, psychologues, enseignants) ; les avis sont plus partagés pour fixer le seuil au-delà duquel il sera possible de parler de « précocité » ou de « surdoué » : le niveau pris en compte pour établir ce seuil varie, selon les points de vue, de 120 à 140, voire au-delà. Il est, par exemple, fixé à 135 par Terman (International Encyclopaedia of Education, p. 2492), à 120 dans certains états américains (cf. Encyclopaedia Britannica), ou encore à 125 par le psychologue Jean-Charles Terrassier (1991/1999), fondateur de l’ANPEIP (Association nationale pour les enfants intellectuellement précoces). Selon Ajuriaguerra, on appelle enfant « surdoué », celui qui possède des aptitudes supérieures qui dépassent nettement la moyenne des capacités des enfants de son âge ; est « surdoué » celui qui obtient un quotient intellectuel supérieur à 140 (notions quantitatives) et qui présente des traits de personnalité exceptionnels du point de vue qualitatif (talent créateur dans un ou plusieurs domaines). Il est évident que selon le niveau considéré, la population de référence n’est pas du tout la même.

Selon le rapport récent de Delaubier, à la demande du Ministère de l’éducation nationale française, si l’on adopte le seuil de 120, on prend en compte un grand nombre d’élèves (un ou deux par classe). Au-delà de 145 (0,13 % de la population avec environ 1 enfant sur 1000), il s’agit véritablement de sujets d’exception, trop rares pour constituer un « groupe » susceptible d’une description statistique ou de modalités de scolarisation communes. Le seuil de 130 (ce qui représenterait autour de 2,28 % de la population, soit 1 enfant repéré sur 40) est le repère le plus communément admis pour considérer qu’un enfant est surdoué. Sur cette base, toujours selon le rapport Delaubier, on peut estimer l’effectif concerné à environ 200 000 élèves entre 6 et 16 ans, période de la scolarité obligatoire.

Cependant, la mesure de l’intelligence ne peut à elle seule servir pleinement à prédire une réussite sociale ou intellectuelle ultérieure, ou l’élaboration d’une oeuvre créatrice.

Intelligences :

Sternberg propose une théorie triangulaire de l’intelligence de l’enfant « surdoué » définie par trois aspects de l’intelligence : l’intelligence analytique (mesurée par le QI), l’intelligence pratique (capter des règles implicites par rapport à une situation) et l’intelligence créative (réaliser des productions originales).

Ainsi, la limitation du terme « surdoué » aux enfants qui obtiennent une notation déterminée par le QI apparaît très arbitraire et réductrice.

En complément de l’utilisation d’une batterie de tests d’intelligence de Wechsler, des tests plus ciblés de facteur « g » sont utilisés afin d’éliminer le registre culturel, tel que le test des matrices progressives de Raven, le test des dominos d’Antsey.

Certaines définitions sur la précocité intellectuelle, comme celles du rapport Marland aux États-Unis, mettent en évidence les aptitudes reflétant des traits qui peuvent être isolés ou associés, telles que l’aptitude intellectuelle générale, l’aptitude à commander, l’aptitude psychomotrice, etc. D’après ce rapport, les enfants doués et talentueux sont ceux qui sont reconnus par des personnes professionnellement qualifiées, et, en vertu d’aptitudes hors pair, capables de grandes performances.

Alors que les tests classiques, comme le Wechsler (exemple du Wisc III) ne mesurent que trois types d’intelligence : langagière, spatiale, logicomathématique, Gardner dans sa théorie des intelligences multiples a décrit sept types d’intelligences indépendantes les unes des autres : langagière, logicomathématique, visuospatiale, musicale, somatokinesthésique, interindividuelle, introspective. Cependant, cette approche modulaire découle d’études portant sur des patients cérébrolésés. De plus, il a élaboré de façon non quantifiable le concept de quotient émotionnel (QE). Le QE représente la prise en compte de la vie émotionnelle et affective de l’individu à travers des tests spécifiques.

Bien que la méthodologie employée par Gardner soit critiquable, sa démarche est assez récente et encourage à ne pas isoler le seul QI mais à le confronter à la mesure d’autres tests abordant la sphère psychoaffective. Ainsi, des investigations complémentaires systématiques devraient inclure des tests de personnalité, et, en fonction des difficultés à certains subtests, des évaluations neuropsychologiques plus fines. En effet, des déficits de certaines fonctions peuvent entraîner l’individu à surinvestir les fonctions indemnes par surcompensation, voire par surstimulation.

Une autre dimension apparaît dans la littérature scientifique consacrée à la précocité et au talent, c’est la créativité avec quelques tests qui existent. Cette créativité peut être définie comme la capacité de réaliser des productions originales et adaptées aux contraintes d’une situation, d’une tâche ou d’un problème.

Variabilité intra-individuelle et évaluations complémentaires :

Outre les tests d’intelligence et de performance couramment utilisés pour identifier les enfants à « hautes potentialités », l’entretien et des questionnaires sont souvent utilisés mais n’ont fait l’objet que d’une validation empirique en France, alors qu’il existe aux États-Unis des échelles standardisées dont notamment une des plus connues est la SRBCS (Scale for Rating the Behavioural Characteristics of Superior Students).

Il a été souvent observé dans les recherches intra-individuelles sur les enfants à « hautes potentialités » à partir des scores obtenus aux échelles de Wechsler, des différences entre le quotient intellectuel verbal (QIV) et le quotient intellectuel performance (QIP) (12 points), sans pour autant que l’écart soit significatif avec une variabilité interindividuelle qui est retrouvée à travers différentes études où le QIV peut être significativement supérieur au QIP ou inversement. Vaivre-Douret s’interroge sur l’hétérogénéité entre QIV et QIP, qui selon elle, ne doit pas être considéré comme une caractéristique propre à ces enfants. En effet, cette différence significative en faveur du QIV est d’autant plus marquée par les hautes performances verbales (vite saturées) de ces enfants lorsqu’ils sont plus en difficulté sur les épreuves de performance. Chez un enfant moyen, la différence est moins marquée entre QIV et QIP en cas de difficulté à l’échelle de performance car le QIV n’atteint pas une note aussi élevée que celle des enfants à « hautes potentialités ». Ainsi, il existe des différences de biais méthodologiques entre les études qui recrutent leurs populations d’enfants à « hautes potentialités » essentiellement dans des cabinets de psychologues et non dans une population générale. Il y a dans ce dernier cas, moins de risque de trouver quantitativement des enfants en difficulté et donc de signifier de grandes différences entre QIV et QIP.

Seules des évaluations complémentaires neuropsychologiques encore trop rares permettront de comprendre cette différence qui affecte certains subtests. À travers la littérature, il apparaît donc que les critères diagnostiques retenus pour l’identification ne sont pas consensuels avec un seuil de QI qui peut être variable. De plus, hormis la mesure du QI, il existe une grande variabilité dans l’utilisation des évaluations complémentaires. Il est aussi important de prendre en compte « l’effet Flynn » qui affecte aussi des enfants à « hautes potentialités », « l’effet Flynn » étant une augmentation régulière annuelle d’un tiers de point de QI séparant la date de construction de l’étalonnage de la date de l’examen.

Si d’après la littérature scientifique différents facteurs interviennent dans l’émergence du « haut potentiel » ou du « talent », il est mis en évidence que la performance est sensible aux caractéristiques du milieu socioéconomique, notamment au contexte environnemental apporté par le soutien des parents. Ces enfants sont plus rarement repérés dans les milieux défavorisés. Selon les différentes études, les autres facteurs sont liés à des variables à la fois cognitives, conatives ainsi qu’à des aspects de la créativité.

Aspects développementaux :

Avant-propos :

Dès la naissance, une activité biologique et maturative existe de façon continue. Dans le milieu intra-utérin, la vitesse de maturation physiologique des systèmes nerveux et neuromusculaires peut se modifier sous l’influence de l’environnement, du milieu interne et externe, des facteurs génétiques et environnementaux extracellulaires pouvant interagir. Ces processus se prolongent à partir de la naissance, en fonction de l’expérience propre qui s’exerce à l’intérieur d’un environnement donné, des contraintes du milieu, ainsi que des attitudes éducatives de l’entourage.

Dès la naissance, les systèmes sensoriels et moteurs sont fonctionnels à différents degrés, avec un certain ordre de mise en jeu (sensibilités cutanée, vestibulaire, gustative, olfactive, auditive, visuelle) avant même que la maturation du système nerveux ne soit terminée. De même, l’origine des comportements moteurs du nouveau-né s’inscrit dans une continuité depuis l’ovulation. Pendant la période de gestation sont déjà mis en oeuvre des séquences de mouvements neuromoteurs et sensitivosensoriels tout à fait opérationnels. Ceux-ci permettent chez le nouveau-né et le nourrisson la mise en place de boucles ou de schémas sensorimoteurs plus finalisés qui s’intégreront progressivement en fonction de l’évolution de la myélinisation des voies motrices, la motricité se développant en interdépendance avec l’affectivité en interaction avec l’environnement.

L’intégration sensorimotrice se construit ainsi dès le début de la vie in utero et de façon graduelle et exponentielle, à tous les niveaux des fonctions cérébrales, en réseaux neuronaux, constituant un enrichissement et aussi une réorganisation du répertoire des compétences de l’humain.

La notion de plasticité fonctionnelle cérébrale prend dès le début de la vie toute son importance : il existe une plasticité fonctionnelle individuelle, garante de capacités d’adaptation et de régulation, rendant unique chaque individu. À cet égard, s’ouvrirait pour l’enfant à « hautes potentialités » tout un champ de potentialités qui pourrait s’avérer directement lié à l’organisation de ces réseaux neuronaux et à la vitesse de conduction.

Données développementales :

Les données développementales psychomotrices restent très rares car les enfants à « hautes potentialités » sont souvent dépistés vers la fin de leur scolarité primaire par la mesure du QI (quotient intellectuel). Nos recherches récentes longitudinales rétrospectives apportent des données néonatales concernant le développement psychomoteur du jeune enfant à « hautes potentialités ». Il résulte de ces données qu’il existe un développement maturatif propre aux enfants à « hautes potentialités » qui ne présentent dès la naissance aucun souci de santé ni de pathologie avérée. En effet, leur maturation spécifique neuromotrice et neurosensorielle et du tonus actif, permet des émergences précoces des acquisitions posturolocomotrices et de la coordination visuomanuelle, celles du langage et des processus cognitifs, ce qui ne préjuge d’ailleurs aucunement du devenir de ces fonctions à l’âge scolaire. Une des plus anciennes études longitudinales a mis en évidence un pourcentage supérieur de garçons, une fréquence élevée d’aînés, un milieu socioculturel supérieur des familles, un poids corporel moyen très nettement supérieur à la moyenne, un allaitement au sein plus fréquent que dans les familles d’enfants à niveau moyen, un développement psychomoteur avancé (dont l’acquisition de la marche qui est de 1 mois à l’avance par rapport à la moyenne, apprentissage du langage qui est de 3 mois et demi en avance par rapport à la moyenne et apprentissage précoce de la lecture).

Les données d’autres études récentes découlant d’enquêtes rétrospectives retrouvent, pour certaines d’entre elles, l’avance de l’acquisition de la marche et du langage , alors que dans l’étude de Louis et al., il n’existerait pas de différence significative entre un échantillon d’enfants précoces et une population témoin. Cependant, il semble exister des biais méthodologiques de recueil des données dans cette étude.

Nos propres données longitudinales mettent en évidence un rythme spécifique des acquisitions développementales de ces enfants à « hautes potentialités ». Nous relevons, dès la naissance, une possibilité d’éveil calme durable (supérieur à 8 minutes) comparée à une durée moyenne d’enfants nouveaunés tout-venant qui est autour de 4 à 5 minutes. La réponse à la fixation du regard est rapide et la poursuite oculaire est performante sur 90 degrés de chaque côté s’apparentant déjà à une poursuite continue entraînant à la fois les yeux et la tête.

Cette mobilité d’exploration très active par le regard confère à ces nouveau-nés « un état d’alerte » qui s’associe à une certaine sensibilité de toutes les perceptions sensorielles dans leur environnement (auditif, visuel, olfactif, etc.). Lorsque le regard est recherché par l’observateur, il existe une sorte d’aimantation du regard particulièrement soutenue, qui semble suggérer de hautes capacités d’éveil et de focalisation attentionnelle (sollicitant la substance réticulée).

Développement neuro-posturo-locomoteur :

Les réponses posturales néonatales obtenues montrent une maturité neuromotrice affirmée sur le plan de la synergie entre muscles extenseurs (sous contrôle sous-cortical) et fléchisseurs (sous contrôle cortical) du tonus de l’axe, permettant d’emblée à l’enfant de tenir sa tête au moins 2 secondes dans l’axe à la naissance et très rapidement par la suite autour du premier mois. Cette maturation notable des voies de la motricité volontaire en cours de myélinisation est attestée par d’autres indicateurs néonatals au cours des premiers mois de vie, comme le relâchement des membres supérieurs selon la loi de développement proximodistal, une réponse active aux premières sollicitations de retournement (coordination des membres), la disparition précoce des réflexes archaïques (réflexes de Moro, marche automatique autour de 1 mois) et du réflexe de Babinski (autour de 12 mois). Cette avance de maturation neuromotrice axiale céphalocaudale et de la maturation proximodistale continue au cours des premières années de vie de l’enfant, lui permettant rapidement d’acquérir des niveaux de coordination qui lui donneront une certaine autonomie de mouvements. De façon générale, sur le plan posturolocomoteur, nous notons une avance d’au moins 1 à 2 mois, ou d’un à deux écarts-types au-dessus de la moyenne, résultats que nous retrouvons dans une enquête nationale récente sur plus de 700 enfants à « hautes potentialités ». Cependant, il peut exister une variabilité autour de la moyenne qui n’exclut pas des cas particuliers de déviations du développement liées à des anomalies sensorielles ou motrices associées.

L’interprétation de ces avances de maturation motrice chez ces enfants nécessite de prendre en compte à la fois la motivation propre de l’enfant, son désir de se mouvoir, de se déplacer, d’acquérir une autonomie ou un pouvoir sur l’environnement et l’environnement de l’enfant qui peut encourager, inciter ou au contraire mettre des contraintes.

Cette avance développementale neuro-posturo-locomotrice est à distinguer de l’avance sensorimotrice des enfants africains, celle-ci concernant seulement quelques items valorisés par le contexte et les pratiques culturelles de soins et d’apprentissages moteurs spécifiques en fonction des normes culturelles attendues.

Développement cognitif :

Avant 4 ans :

Sur le plan cognitif, la précocité du langage est notable avec un babillage en moyenne vers 4 mois et l’imitation de bruits d’animaux autour de 22 mois soulignant des capacités praxiques buccales. La première phrase apparaît autour de 18 mois (association de deux mots). Ils éprouvent visiblement une jouissance à préciser des mots par des séries de synonymes, ou des contraires, ou à créer plus tard des formes transitoires de néologismes, par exemple, par analogie ou par jeu à l’intérieur d’un concept. La maîtrise du langage s’exprime par une aisance d’utilisation des mots tout à fait ajustée donc recherchée, impliquant l’acquisition des notions de structuration spatiale (dedans/dehors, dessus/dessous, etc.) et des notions de structuration temporelle (vite/doucement, hier/demain, etc.) amenant précisément à utiliser à bon escient les adverbes, la conjugaison des temps (entre passé, futur, présent). Par la suite, ces mêmes enfants accèdent à la curiosité et au désir d’identifier des lettres précocement dans leur environnement. Ils les reconnaissent à l’écrit sur des affiches, journaux… Ils sont d’emblée intéressés par le sens du mot et l’envie de reproduire des lettres pour déjà produire vers 34 mois, des simulacres d’écriture élaborés spontanément sans pour autant connaître les lettres.

La latéralité est précocement mise en place en moyenne autour de 30 à 46 mois avec une prédominance tonique et fonctionnelle de l’hémicorps droit. Il semble y avoir un lien étroit entre prédominance hémisphérique gauche de cette mise en place de la latéralité à droite et la précocité du langage.

Les résultats concernant des épreuves cognitives telles que le Casati-Lézine montrent que les enfants atteignent les stades maximum de l’intelligence sensorimotrice (0-24 mois) précocement, avec au moins 2 mois d’avance en moyenne. De même, les activités visuospatiales perceptives (loto d’images, encastrement…) sont très performantes chez ces enfants.

Au niveau des fonctions exécutives, il existe aussi une avance de 1 à 2 années d’âge en moyenne sur les capacités de planification.

Il est frappant que, sur le plan perceptif et cognitif, toutes les sensorialités et perceptions (épidermiques, tactiles, gustatives, olfactives, auditives et visuelles) apparaissent à fleur de peau, et iraient dans le sens de mécanismes endogènes très développés et d’une réceptivité importante, alimentant la réactivité sensitive, émotionnelle et affective, ainsi qu’un sens de l’intuition fonctionnant comme sixième sens.

Du point de vue de leur fonctionnement cognitif, on peut remarquer de hautes capacités de traitement de l’information (détection, discrimination perceptive, stockage et rappel). Les processus analytiques sont puissants (comparaisons et mises en relation de traits, configurations mentales). Ces capacités entraînent une facilité et une rapidité de compréhension qui facilitent la mémoire de travail, la mémoire immédiate étant importante et utilisée au quotidien dans ce qu’ils observent (marques de voitures…). Tout cela leur confère une « mémoire d’éléphant » et un « oeil de lynx ».

De notre point de vue, ces enfants recherchent très tôt des stratégies pour comprendre les situations, sorte d’autoémulation fonctionnant à l’intérieur de leur processus de traitement de l’information et nécessaire à leur investissement personnel qui lui-même permet ou facilite la réalisation du fonctionnement orienté vers un but. C’est ainsi, qu’en bas âge, au cours de leur développement psychomoteur, ils passent par les acquisitions transitoires de niveau de coordination en découvrant par euxmêmes les stratégies pour y arriver, sans même que l’entourage ne s’en aperçoive, et accédant très rapidement au redressement et à la marche.

Ils peuvent alors très tôt apparaître comme des touche-àtout, avides, curieux, allant par exemple jusqu’à démonter tout objet et épuisant leur entourage, d’autant plus qu’ils se désintéressent des activités routinières, recherchant plutôt les jeux compliqués et plus tard les défis intellectuels, « aimant se prendre la tête ». Toujours prêts à expérimenter et à innover, ils ont des facilités pour la créativité dans les jeux de construction notamment. Ils s’intéressent aussi dès 2 ans aux sciences de la vie, de la terre, à l’astronomie, aux questions de métaphysique (vie et mort) et portent de plus un grand intérêt aux livres.

Après 4 ans :

Si les étapes de l’intelligence sensorimotrice semblent suivre un développement rapide, l’accès aux épreuves opératoires et formelles de type piagétiennes (de conservation, de classification, de sériation et de représentation spatiale) demanderait un rythme de développement plus proche de l’âge chronologique que de l’âge mental des enfants à « hautes potentialités », d’après des recherches menées autour des années 1980.

Ainsi, il apparaît que le rythme d’acquisition de différentes étapes nécessaires à l’acquisition d’un stade peut être accéléré pour les enfants à « hautes potentialités » par des capacités d’apprentissage et par une réorganisation structurale, sans pour autant que l’accès au stade suivant soit chronologiquement accéléré. Les néopiagétiens évoquent d’autres processus mentaux au niveau du contrôle de l’activité cognitive. Ceci apparaît évident lorsqu’il faut prendre en compte des critères perceptifs non familiers nécessitant des processus d’élaboration des rapports à l’espace en partant de l’expérience vécue. Selon Lautrey, il peut exister une variabilité interindividuelle dans les processus cognitifs utilisés au cours d’une tâche piagétienne, variabilité qui semblerait liée à l’environnement culturel socioéconomique et éducatif.

Ceci nous amène à nous interroger sur cette possible discontinuité entre des stades sensorimoteurs acquis assez rapidement pour ces enfants et la nécessité d’atteindre un âge chronologique pour accéder à un niveau opératoire. C’est autour de 5-6 ans que semble se jouer cette hétérogénéité qui peut être liée à des surinvestissements de type intellectuel, au détriment de sollicitations corporelles ou d’activités manuelles dans l’environnement physique notamment ; ceci étant renforcé par le fait que l’enfant se trouve à un âge scolaire où le milieu familial peut être plus préoccupé par des investissements intellectuels (lecture…).

De plus, d’après nos données développementales, nous constatons, en bas âge, une synchronie relative des fonctions du développement psychomoteur et psychologique (motricité, langage, socioaffectif, cognitif). C’est sur cette base que nous mettons en question la notion de « dyssynchronie » de développement en tant que fait de développement chez l’enfant surdoué (dyssynchronie/intelligence/psychomotricité/affectivité/ sociabilité). En effet, si une dyssynchronie peut être décrite, elle n’apparaîtrait que plus tardivement à l’âge scolaire alors qu’antérieurement le développement psychomoteur a été constaté sans retard. Elle révélerait alors plutôt une dégradation ou une détérioration des fonctions non exercées et non reconnues (socialement par la famille ou/et par l’école ou/et par les pairs) ou bien elle serait le résultat d’une focalisation du fonctionnement sur un seul domaine hyperinvesti comme le domaine cognitif, au détriment du domaine moteur et corporel. Des périodes critiques ou bien fertiles aux désirs d’apprentissage peuvent alors plus ou moins être masquées. Ainsi les fonctions non utilisées risquent de se développer insuffisamment sur le plan neurophysio-psycho-social et induire des dysfonctionnements avec d’éventuels retentissements sur l’efficience intellectuelle et sur le comportement social et émotionnel de l’enfant. D’après nos études sur les enfants à « hautes potentialités », lorsque le QI de performance (subtests en rapport avec schéma corporel, perception et structuration de l’espace, motricité fine, latéralisation) ne montre pas de différence significative avec le quotient verbal, ces enfants montrent de meilleures capacités d’adaptation scolaire et sociale. L’homogénéité du quotient de performance avec le verbal apparaîtrait comme un indicateur de « facteur protecteur ».

Développement psychoaffectif et comportement :

Chez les enfants à « hautes potentialités », les premières étapes du développement psychoaffectif, si nous nous référons aux principaux repères freudiens, vont se succéder rapidement avec une certaine avance en fonction des réponses et attitudes du milieu. Il existe une prise de conscience précoce de la différence des sexes et de la différence des générations autour de 30 mois. Si l’enfant se trouve seul, face à ses questionnements, il risque d’être envahi au niveau de sa pensée par un désarroi allant jusqu’à l’anxiété, qui peut engendrer un aspect dépressif ou un déni de ses propres sentiments. Du fait de leur fonctionnement cognitif, ces enfants dès l’âge de 3 ans ont un sens critique et autocritique pertinent pouvant même gêner ou les faire passer pour impertinents. De plus, ils ont un sens de l’humour, significatif d’un plaisir intellectuel. Ils développent aussi une certaine générosité envers l’autre, fondée sur l’empathie et sur leur désir d’être acceptés en faisant partager.

Sur le plan du sommeil, nous n’avons pas relevé de troubles significatifs d’altérations du cycle éveil-sommeil. Cependant, lorsqu’il y a un lien avec des troubles d’apprentissage d’origine attentionnelle ou de type psychoaffectif d’anxiété, nous avons noté chez ces enfants des difficultés d’endormissement, de réveil nocturne, etc. Dans une enquête nationale que nous avons en cours de traitement, nous mettons de façon très significative en évidence un lien statistique entre troubles de l’attention et troubles du sommeil. Des auteurs ont relevé des troubles du sommeil dans un échantillon d’enfants précoces pouvant être mis en relation avec des troubles scolaires d’après leurs données.

Il est important de souligner que ces enfants à « hautes potentialités » ont un imaginaire grandiose qui peut devenir vite source d’angoisse s’ils ne sont pas rassurés par l’entourage et si des limites ne sont pas posées.

Si le milieu familial et/ou scolaire, ou bien une personne extérieure n’est pas réceptive aux attentes personnelles de l’enfant, qui peuvent être tout à fait en décalage avec les demandes « standards », ce dernier manifeste son mal-être ou ses angoisses par des troubles du comportement ou des troubles psychosomatiques ainsi qu’un désintérêt pour l’apprentissage allant parfois jusqu’à l’inhibition intellectuelle et la perte du goût de l’effort. Tout cela induit une souffrance psychique d’ordre psychoaffective suscitée par l’impossibilité de se réaliser et de produire. Si le milieu ne retient que l’avance de l’enfant sur le plan intellectuel, dans une sorte de sublimation, l’entraînant en ce sens et l’alimentant exclusivement sur ce plan, l’enfant devient d’autant plus « boulimique » que ses capacités peuvent répondre à cette stimulation qui intervient alors avec un plaisir de fonctionnement, lui-même renforcé par la fascination ainsi que par l’image positive du plaisir éprouvé par l’entourage. Ceci au détriment de préserver ses capacités psychomotrices et ses capacités de réalisations créatives, ce qui l’amène à s’isoler dans sa bulle intellectuelle, laissant la place royale à son imaginaire en toute-puissance dans une sorte de dysharmonie cognitive, terme utilisé par Gibello.

L’ensemble des données avancées d’un point de vue développemental souligne l’intérêt de mener une guidance prophylactique du développement des enfants à « hautes potentialités » sur un plan psychomoteur et psychologique. En effet, la guidance précoce peut éviter un repli narcissique, des déviations de comportement, voire de la personnalité (troubles des conduites) ou des décompensations ultérieures, notamment à l’adolescence, avec un mode agressif vers la délinquance ou dépressif avec une attitude suicidaire.

L’enfant porte un moi idéalisé à partir des images parentales, mais l’enfant à « hautes potentialités », très empathique, peut être poussé à hypertrophier son « idéal du moi » pour ne pas décevoir son entourage, et à sublimer dans l’intellectualisation.

Cette sublimation devient un mécanisme de défense contre l’angoisse de l’échec, face à une négligence parentale consciente ou inconsciente. Ainsi, l’enfant va renoncer à ses pulsions émotionnelles (colère, angoisse) et à ses plaisirs et ses fantasmes en une sorte de sacrifice. Il se réfugie dans l’échec ou dans l’ennui, le conduisant éventuellement vers la dépression.

Certains enfants s’installent dans une sorte de renoncement ou d’inhibition au jeu (activité ludique) développant chez eux une culpabilité entraînant des angoisses insurmontables. C’est ainsi que l’enfant peut organiser sa propre névrose pour se défendre, ce que nous retracent les épreuves projectives (Rorschach).

Lebovici et Braunschweig mentionnant l’accumulation d’un savoir encyclopédique stérile chez certains de ces enfants, étaient surpris de trouver chez eux des mécanismes obsessionnels déjà très structurés et sans angoisse réelle. L’étude de Revol et al. met en évidence des troubles anxieux importants dans une population d’enfants intellectuellement précoces, consultant en pédopsychiatrie, en observant des phobies et jusqu’à des troubles obsessionnels et compulsifs (TOC).

Troubles d’apprentissage :

Les capacités cognitives peuvent aussi masquer des troubles d’apprentissage d’origine neuropsychologique ou psychopathologique, les garçons étant plus touchés que les filles, rendant cependant plus vulnérable leur précocité mais avec un atout considérable qui concernerait leur plasticité cérébrale avec des capacités de traitement de l’information leur permettant d’utiliser des moyens de compensation ou des stratégies de récupération de façon efficace.

Il n’a d’ailleurs pas été démontré de prévalence de troubles neuropsychologiques ou psychopathologiques chez les enfants à « hautes potentialités ». Mais toute la difficulté est d’évaluer les limites du normal et du pathologique, étant donné les hautes capacités de fonctionnement cognitif (traitement) avec les stratégies mises en oeuvre qui peuvent masquer la réalité des troubles existants.

Fonctionnement de l’enfant à « hautes potentialités » et aspects neurocognitifs :

Nous nous appuyons sur un certain nombre de travaux neurophysiologiques, neuropsychologiques et anatomiques qui nous permettent de mieux comprendre le fonctionnement neurocognitif des enfants à « hautes potentialités ».

La vitesse de conduction de l’influx nerveux a été étudiée à l’aide de potentiels évoqués auditifs et il a été mis en évidence une transmission plus rapide pour les enfants précoces comparés à des témoins.

D’après des travaux, le taux et la durée de sommeil paradoxal seraient plus élevés chez les enfants à « hautes potentialités » que chez des témoins. De plus, il a été démontré une fréquence plus élevée d’activités oculomotrices pendant le sommeil paradoxal. L’ensemble de ces données sur le sommeil paradoxal souligne une grande plasticité cérébrale et une facilitation de la mémoire. Par ailleurs, une grande capacité de mémoire de travail a été mise en évidence à travers les études.

Un lien a été démontré entre le quotient intellectuel et le facteur « g » de l’intelligence. Cependant, plusieurs études sur la vitesse des opérations mentales, en lien avec l’intelligence, suggèrent que la performance liée à une tâche de temps de réaction met en jeu des capacités cognitives, telles que les capacités attentionnelles et la mémoire de travail. L’utilisation optimale de ces capacités permet de meilleures performances en ce qui concerne le raisonnement. Des études sur l’activité cérébrale à l’aide de l’électroencéphalogramme suggèrent une maturation physiologique plus avancée avec un rythme alpha moins élevé.

Un certain nombre d’études en neuropsychologie appuyées d’études en imagerie cérébrale permettent de mieux comprendre la spécificité du fonctionnement cognitif de ces enfants à « hautes potentialités » : les réponses aux tâches d’habituation sont plus rapides. De plus, ils présentent des capacités attentionnelles spécifiques avec des compétences pour inhiber l’information inadéquate afin d’éviter une perturbation par des distracteurs perceptifs. Il en résulte dans un certain nombre de travaux que les enfants à « hautes potentialités » utiliseraient un mode de traitement de l’information de type analogique permettant d’établir des liens entre les situations. Ainsi, ces enfants ont un fonctionnement qualitativement différent de celui des enfants moyens avec une vitesse de traitement plus rapide sur les tâches cognitives de résolution de problème, ainsi que des capacités d’apprentissage et de transfert d’une méthode de résolution à une nouvelle situation hautement supérieures.

De plus, cela soulignerait des capacités métacognitives (connaissance de son fonctionnement mental) au niveau de la mémoire à long terme (métamémoire) qui permettraient une base de connaissances plus riche que celle des enfants moyens en facilitant l’encodage.

Certains auteurs avancent une supériorité de la vitesse de traitement qui semble cependant liée aux facteurs qualitatifs mis en oeuvre dans le traitement de l’information (répertoire langagier riche, capacités attentionnelles, mémoire, mobilité cognitive, stratégie de raisonnement). Le cortex préfrontal (fonctions exécutives) est en partie responsable de la mise en oeuvre de ces fonctions qui sont matures comme le montrent les capacités élevées des enfants à « hautes potentialités » dans les tâches de planification, au test de classement du Wisconsin et à la réalisation des tâches de la tour de Hanoi. Cette mise en jeu du cortex préfrontal est valorisée par des travaux de tomographie par émission de positons (TEP). Ainsi l’étude de Duncan et al., montre dans des tâches verbales et non verbales d’un test de QI (saturées en facteur « g » non verbal) l’activation de l’aire frontale latérale dans les deux hémisphères cérébraux. De même certains montrent l’activation du cortex préfrontal inférieur gauche en TEP lors de la mise en relation de capacités linguistiques et de déduction logique. De plus, des études récentes sur la spécialisation hémisphérique (écoute dichotique, rotation mentale et imagerie par résonance magnétique [IRM] fonctionnelle avec stimuli hiérarchiques verbaux) ont montré une certaine équipotentialité hémisphérique du traitement de l’information des enfants à « hautes potentialités » par rapport à des sujets contrôles, bien que d’autres travaux tendent à montrer une implication plus importante de l’hémisphère droit chez des sujets surdoués en mathématiques. Par ailleurs, il existerait une influence génétique déterminant le taux de matière grise corrélé au QI, voire au taux de substance blanche d’après Posthuma et al.. Des mesures de volume cérébral en IRM anatomique confirment cette corrélation entre QI et volume de substance grise.

D’autres études en imagerie fonctionnelle cérébrale de TEP mettent en évidence une consommation de glucose plus faible lors de la réalisation de tâches verbales et non verbales.

Nous pouvons faire l’hypothèse qu’il en résulterait moins d’énergie dépensée, moins d’activation des circuits neuronaux, et ainsi moins d’effort dans la réalisation de tâches cognitives.

Conclusion :

L’apport des données développementales met en évidence l’avance de la maturation neurosensorimotrice des enfants à « hautes potentialités » à la fois sur le plan posturomoteur et locomoteur et sur l’organisation oculomotrice et les capacités attentionnelles. Ces résultats soulignent d’une part une substance réticulée opérante précocement sur le plan de l’éveil attentionnel, et d’autre part une vitesse de transmission rapide de l’influx nerveux, attestée par différents travaux, entraînant certaines vitesses de traitement. La vitesse de conduction de l’influx nerveux pourrait être liée à une conductance spécifique s’expliquant à la fois par des caractéristiques temporelles des charges neuronales, liées à des propriétés membranaires neuronales au niveau des canaux membranaires et au niveau de la synapse, et par la myéline qui entoure les axones, favorisant ainsi la vitesse de propagation du signal électrique.

On peut faire l’hypothèse que ces propriétés temporelles spécifiques jouent un rôle important dans l’encodage pour la mémoire (« mémoire d’éléphant » chez ces enfants) et permettent ainsi des capacités spécifiques d’apprentissage et de plasticité cérébrale. Ces capacités d’apprentissage étant en lien avec les processus d’intégrations sensorielles, comme le soulignent les travaux de Planche et de Geary et Brown.

La gaine de myéline est un excellent isolant pour la conduction, évitant les déperditions de l’influx nerveux, et permettant ainsi de concentrer les dépenses énergétiques, ce qui expliquerait une consommation de glucose plus faible. L’activité cérébrale serait alors plus ciblée, ne sollicitant que les régions  zécessaires au traitement de la tâche, diminuant ainsi la dépense énergétique au niveau du métabolisme cérébral d’après Neubauer. Cette spécificité de conductance rend compte des hautes performances perceptives de ces enfants (notamment « l’oeil de lynx » ou écoute fine) dans le fait que cela active des connexions plus nombreuses entre les neurones (opérations neuronales) sur les deux hémisphères cérébraux qui eux-mêmes font appel à des réseaux de neurones spécifiques configurés en populations de neurones (architecture fonctionnelle) selon le modèle des travaux en neuroscience.

L’enfant à « hautes potentialités » disposerait donc d’un fonctionnement cérébral spécifique avec de hautes capacités de traitement de l’information à son service, ce qui lui donne une grande flexibilité et des atouts considérables sur le plan des capacités d’apprentissage avec une plus grande plasticité cérébrale que chez l’enfant moyen. D’ailleurs nos travaux de recherche en cours montrent une avance de la croissance néonatale (poids, taille, PC) des enfants à « hautes potentialités » nés prématurés quel que soit l’âge gestationnel (ils sont majoritairement hypertrophiques).

L’apport de l’ensemble de ces travaux que nous avons exposé conduit à la nécessité d’analyser finement les profils cognitifs hétérogènes des enfants à « hautes potentialités » dès le plus jeune âge et à s’interroger sur l’importance de préserver une continuité développementale des différentes fonctions, qui peuvent être très vulnérables avec le risque de se dissocier ultérieurement, du fait même d’une plasticité spécifique et des conditions d’environnements favorables ou défavorables (famille, pairs, école) ou du fait de troubles neuropsychologiques ou psychopathologiques avérés. Cependant, il est important de tenir compte, pour un bon épanouissement, des hautes potentialités, et de veiller à ce que les conditions d’investissement de la connaissance de la part de l’enfant soient réalisées avec une utilisation pulsionnelle adéquate et avec des identifications à un autre Moi que celui idéalisé par les images parentales.

Si une supériorité biologique apparaît chez les enfants à « hautes potentialités », de bonnes conditions de milieu (socioculturel, éducatif, socioaffectif…) et une bonne santé physique et mentale sont favorables pour faire fructifier les « hautes potentialités », avec un épanouissement de la personnalité. Un environnement socioprofessionnel parental élevé est largement souligné dans les études sur les hauts QI. En effet, la supériorité intellectuelle, comme le disait Ajuriaguerra, n’entraîne pas nécessairement la réussite. Réussite dont on peut attendre qu’elle s’étende au niveau social, scolaire ou professionnel et affectif.