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Traumatismes psychiques dans la première enfance

Traumatismes psychiques dans la première enfance
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Introduction :

L’intérêt pour les syndromes psychotraumatiques du jeune enfant s’est récemment développé, après que cette souffrance ait été longtemps déniée. Les travaux de plusieurs équipes à travers le monde, ainsi que l’intérêt que suscite cette question dans le champ humanitaire ont confirmé l’existence de tels tableaux cliniques qui sont aujourd’hui mieux reconnus et traités. Nous traiterons ici des enfants d’âge préscolaire (0 à 3 ans), en évitant les terme d’«infant » (non-accès au langage), «toddler » (non-accès complet à la marche), de nourrisson ou de bébé (qui doit être nourri). Ces différentes dénominations reflètent cependant bien l’hétérogénéité de cette classe d’âge.

Épidémiologie :

L’état de stress traumatique (EST) du très jeune enfant, tel que défini dans la classification diagnostique de 0 à 3 ans (CD : 0-3) a été décrit dans des contextes très variés : accidents, violences interpersonnelles physiques ou sexuelles, catastrophes, guerres, mais aussi dans des situations de maladie somatique comme des cancers. Les publications disponibles concernent des cas isolés ou de petites séries, mais il n’existe pas pour l’instant de données sur la prévalence du trouble en population générale. Chez les victimes d’événements potentiellement traumatiques, seule une étude a été publiée concernant une population de 300 enfants kosovars de 0 à 6 ans ayant subi des événements traumatiques (déplacement forcé des familles sous des menaces de mort) : 31 % présentaient un EST (selon les critères de la CD : 0-3), 50 % présentaient des symptômes nouveaux aspécifiques, tandis que 19 % étaient asymptomatiques.

Clinique :

CLINIQUE DE L’ÉVÉNEMENT :

Différents types de situations peuvent être à l’origine d’un traumatisme psychique : il peut s’agir d’un événement unique, d’une série d’événements connexes ou d’un stress chronique. Le jeune enfant peut y avoir été directement confronté ou en avoir été le témoin. Il est question de mort réelle ou de menace de mort, de blessure ou d’atteinte à l’intégrité physique ou psychologique de l’enfant ou d’autres personnes. L’événement traumatique est généralement décrit comme faisant encourir au sujet un risque de mort ; mais la notion d’irréversibilité de la mort n’est pas acquise avant 7 ans. Différents facteurs développementaux vont médiatiser l’impact de l’événement, contribuant ou non à lui conférer un effet traumatique : le développement des organes sensoriels (la vision n’est d’abord possible qu’à faible distance), psychomoteur (qui conditionne la capacité à se mouvoir, à fuir, à écarter le danger), le développement du langage dans son versant réceptif (conditionnant la compréhension de ce qui est dit) ou expressif (permettant l’appel, puis la verbalisation). L’impact traumatique d’un événement est donc en partie lié à l’âge, ce qui a conduit certains auteurs à proposer de définir comme traumatique tout événement capable de submerger les capacités défensives de l’enfant. Pour Bailly, un événement peut se révéler traumatogène non seulement en raison de l’effroi perçu par l’enfant mais aussi du fait de la destruction brutale de sa croyance en l’invulnérabilité de ses parents et en l’infaillibilité de leur protection.

Pour Winnicott « le traumatisme est une destruction de la pureté de l’expérience individuelle par une intrusion trop soudaine et trop imprévisible d’un fait réel, et par l’apparition de la haine chez l’individu, haine du bon objet, éprouvée non pas comme de la haine, mais sur le mode délirant d’être haï ». L’environnement empiète sur le nourrisson, mettant à mal sa continuité d’existence, et faisant peser sur lui un risque d’anihilation à l’origine d’angoisses disséquantes primitives.

EXPRESSION CLINIQUE :

Le tableau clinique s’organise le plus fréquemment autour de quatre axes.

Symptômes de reviviscence :

Les symptômes de reviviscence constituent les différentes modalités selon lesquelles l’événement est revécu :

– détresse lors de l’exposition à des indices rappelant l’événement ;

– épisodes de flash-back, de dissociation : l’enfant semble revivre l’événement sans qu’il n’y ait eu de rappel particulier, comme si son comportement était dissocié de sa finalité ou de son intentionnalité ;

– cauchemars : soit liés à l’événement, soit augmentés en fréquence ;

– jeu post-traumatique : un aspect de l’événement traumatique est répété sans cesse, de manière monotone et compulsive, sans élaboration et sans effet apaisant sur l’angoisse ;

– reconstitution (re-enactment) par le jeu : reprenant également un aspect de l’événement mais sans le caractère répétitif ni les autres caractéristiques du jeu post-traumatique ;

– souvenirs récurrents (fascination, propos ou questions répétés, sans que l’angoisse ne soit forcément apparente).

Baisse de la réactivité et émoussement :

Il s’agit de :

– l’accentuation du retrait social ;

– la restriction du champ des affects ;

– la régression développementale ;

– la diminution du jeu « imaginatif » (n’excluant pas l’existence de jeu post- traumatique).

Symptômes d’hyperéveil :

Il s’agit :

– des terreurs nocturnes ;

– du refus d’aller au lit, de protestation au moment de l’endormissement ;

– des réveils nocturnes fréquents en dehors des cauchemars et des terreurs nocturnes ;

– de la diminution des capacités d’attention et de concentration ;

– de l’hypervigilance, de réaction de sursaut exagérée.

Apparition de nouveaux symptômes :

Tout nouveau symptôme peut entrer dans ce cadre mais on observe particulièrement :

– une agressivité envers les pairs, les adultes, les animaux ;

– une angoisse de séparation et réactions d’agrippement ;

– une peur/refus d’aller seul aux toilettes, peur de l’obscurité, autres peurs nouvelles ;

– des modifications relationnelles : attitudes masochistes provocatrices (appelant des réponses violentes ou de rejet), attitudes manipulatrices dans des tentatives de maîtrise ;

– des affects dépressifs, propos et comportements autodépréciatifs ;

– des comportements sexuels inappropriés pour l’âge ;

– des symptômes psychosomatiques, notamment cutanés, algiques.

L’expression clinique de la souffrance des jeunes enfants est cependant liée au niveau du développement psychomoteur et à certains aspects de la dynamique familiale.

EFFETS DU DÉVELOPPEMENT SUR L’EXPRESSION CLINIQUE :

Avant 18 à 24 mois, on observe principalement des troubles du développement psychomoteur, la perte d’acquisitions, des états d’apathie avec passivité, ou bien une agitation avec pleurs et cris incessants, une irritabilité, des peurs, des troubles du sommeil et de l’alimentation, des manifestations psychosomatiques (notamment dermatologiques), des difficultés de séparation.

Autour de 18 mois apparaît l’accès à la pensée et au jeu symbolique. Cette étape évolutive pourrait conditionner la possibilité d’enregistrer, d’exprimer, et de ré-expérimenter des souvenirs traumatiques. Les symptômes de reviviscence sont plus fréquents lorsque le trauma a eu lieu après 18 mois, cependant, la remise en acte et les comportements répétitifs ont été rapportés pour des enfants ayant vécu un événement traumatique avant l’âge de 1 an et ce, en l’absence de toute mémoire verbale, ce qui fait supposer l’existence d’une « mémoire comportementale ».

La proposition de Terr selon laquelle l’enfant n’aurait pas la possibilité de verbaliser pleinement le trauma lorsque celui-ci est survenu avant l’âge de 28 à 36 mois est contredite par certaines observations cliniques puisque des enfants ont pu verbaliser des souvenirs traumatiques pour des événements survenus à l’âge de 1 an. Récemment, Gaensbauer a rapporté une série de cas d’enfants ayant vécus des traumatismes dans la période préverbale, et chez lesquels des souvenirs de ces événements ont pu être mis en évidence ultérieurement. Cela signifie qu’une forme de représentation interne pourrait s’installer et persister pour des événements traumatiques chez des enfants n’ayant pas encore accès au langage, et pose des questions intéressantes tant en termes de thérapeutique, que sur un plan théorique.

TRAUMATISMES ET INTERACTIONS PARENTS-ENFANT :

La question des interactions parents-enfant en situation de traumatisme psychique doit être analysée selon trois axes que nous envisagerons successivement : l’effet du traumatisme d’un parent sur sa fonction parentale, l’effet du traumatisme d’un enfant sur ses parents, les conséquences de cet effet sur l’enfant en retour.

Les effets des troubles post-traumatiques des mères sur leurs bébés commencent à être spécifiquement étudiés. Certains arguments conduisent à penser que ceux-ci pourraient perturber considérablement la relation mère-enfant.

Les modifications comportementales induites par la symptomatologie psychotraumatique chez le bébé (que ce soit à type d’excitation ou, au contraire, d’évitement et de retrait) peuvent contribuer à la mise en place d’interactions dysfonctionnelles dans la dyade mère-bébé pouvant être au premier plan. Dans les contextes de guerre et de catastrophe, où on observe des dyades mère-bébé traumatisées, des troubles graves de l’interaction ont été décrits : il peut s’agir de malnutritions sévères et résistant au traitement médical, de réactions de rejet maternel, etc. Dans notre expérience sur les terrains de conflits graves comme par exemple au Kosovo, nous avons fréquemment observé des tableaux de spasme du sanglot, particulièrement lorsque plusieurs membres de la famille ont été traumatisés. Ce symptôme dramatique, conduisant à une apparence de mort de l’enfant peut devenir un véritable symptôme familial, suscitant une reviviscence collective.

L’expression « état de stress post-traumatique à deux » a été proposée pour qualifier les situations au cours desquelles la réponse traumatique du parent au traumatisme subi par l’enfant crée un système d’interactions complexes qui pérennise les troubles chez les deux partenaires de l’interaction. Pour certains, cela pourrait être lié à la réactivation de traumatismes antérieurs non élaborés chez la mère. Le concept d’« état de stress post-traumatique relationnel » développé par Scheering qualifie les situations de co-occurrence d’une symptomatologie psychotraumatique chez le bébé et l’adulte qui en prend soin, au cours desquelles la symptomatologie de l’un des deux partenaires exacerbe celle du second. Ils précisent que les parents peuvent avoir été absents au moment de l’événement traumatique, et décrivent trois modalités d’état de stress post-traumatique relationnel :

– retrait/non-réceptivité/indisponibilité : les parents sont psychiquement indisponibles pour l’enfant, cette situation est souvent rencontrée lorsque les parents ont eux-même subis des traumas antérieurs ;

– surprotection/constriction : les parents sont préoccupés par la peur de voir un nouveau trauma survenir et par la culpabilité de ne pas avoir su protéger leur enfant du traumatisme ;

– reconstitution de la scène traumatique/mise en danger/effroi : le trauma de l’enfant est réactivé par des questions incessantes sur l’événement ou des allusions répétées à celui-ci, l’enfant est placé dans des situations où de nouveaux traumas peuvent survenir.

Selon ces auteurs, l’effet de la réaction parentale au trauma de l’enfant sur l’enfant lui-même peut prendre différentes formes :

– minimal : l’enfant n’est pas affecté de manière notable par l’événement ;

– médiateur : l’enfant ne ressent pas l’effet direct de l’événement mais plutôt les conséquences de l’impact traumatique de l’événement sur sa mère ;

– modérateur : les réponses de la mère affectent l’évolution de l’état de l’enfant ;

– combiné : les deux partenaires sont traumatisés et leurs manifestations émotionnelles s’exacerbent mutuellement.

Facteurs de protection et de vulnérabilité :

FACTEURS LIÉS À L’ÉVÉNEMENT :

Leur rôle est établi chez l’enfant plus grand : la proximité avec l’événement, le degré de violence, l’origine humaine (surtout s’il s’agit d’une figure protectrice) pourraient être des éléments aggravants.

FACTEURS LIÉS À L’ENFANT :

De nombreux facteurs sont bien documentés chez l’enfant plus grand (sexe, quotient intellectuel, existence de traumas antérieurs) mais n’ont pas été démontrés chez le très jeune enfant. Le niveau de développement conditionne surtout les modalités d’expression symptomatiques mais ne « protège » pas du trauma.

FACTEURS FAMILIAUX :

Anna Freud a souligné très tôt l’importance de la réaction parentale en mettant en évidence que les parents qui manifestaient bruyamment leur angoisse pouvaient transmettre leur terreur à leurs enfants. L’importance de la réaction maternelle a été bien démontrée chez l’enfant plus grand en contexte de guerre : l’état psychologique de la mère et le niveau d’exposition au trauma sont les deux principaux facteurs prédictifs des capacités d’ajustement de l’enfant. Selon Bailly, c’est entre 1 et 3 ans que la terreur des parents serait la plus troublante pour l’enfant : « l’adulte qu’il croyait omnipotent et porteur de sagesse se trouve soudain impuissant et sans ressource ». Scheeringa a montré que le fait que le caregiver ait été lui aussi exposé à l’événement traumatique augmentait la probabilité que le bébé développe un état de stress traumatique ainsi que les phénomènes de reviviscence. Cependant, la présence d’un parent lors de l’événement, en permettant, dans une certaine mesure, la protection physique et par le langage, serait un facteur de protection. Selon une étude réalisée en Macédoine, être aîné de fratrie ou enfant unique représenterait un facteur de vulnérabilité pour le développement d’un état de stress traumatique chez les enfants de 0 à 6 ans dans un contexte de guerre. Winnicott a souligné l’importance majeure de la famille dans la protection de l’enfant ayant vécu un événement traumatique, ainsi que pour le processus thérapeutique chez les enfants affectés.

Diagnostic :

La procédure diagnostique est nécessairement complexe puisqu’elle fait appel à l’observation directe de l’enfant, de la dyade mèreenfant et à l’entretien avec la mère ou le caregiver. La nécessité de passer par une hétéroévaluation pose problème : l’effet de distorsion induit par l’état affectif de la mère sur l’évaluation du comportement de son enfant a été bien démontré en contexte de guerre.

Différents instruments d’évaluation ont été proposés, tous fondés sur les critères du DSM-IV et qui n’ont pas été étudiés spécifiquement chez le petit enfant. Un guide d’interview semistructuré «Post traumatic stress disorder semi structured interview and observational record for infant and young children 0-48 months » a été élaboré par Scheeringa et son équipe, mais n’a pas été publié à ce jour.

Des cas de stress traumatique de durée limitée ont été rapportés faisant discuter l’intérêt d’introduire dans la CD : 0-3 une catégorie qui correspondrait au stress traumatique aigu du DSM-IV, différenciée de l’état de stress traumatique par un critère de durée.

Critères diagnostiques :

En 1995, un groupe d’auteurs démontra que les critères du DSM-IV pour l’état de stress post-traumatique n’étaient pas adaptés au très jeune enfant. La raison principale était l’impossibilité pour ces enfants de rendre compte verbalement de leur expérience subjective, ce qui est nécessaire pour 8 des 18 critères diagnostiques du DSMIV.

Le clinicien se trouve ainsi conduit à inférer les pensées et sentiments de l’enfant, ce qui ouvre la voie à de nombreux biais. Le critère A2 du DSM-IV qui désignait le vécu subjectif de l’événement traumatique est supprimé. Les symptômes sont répartis en quatre clusters correspondant aux trois premiers clusters du DSM-IV (reviviscence, émoussement de la réactivité et hyperéveil) auquel est ajouté un nouveau cluster : « peurs et agressivité nouvelles ». Après un événement traumatique, un symptôme au moins de chaque cluster doit être présent durant plus de 1 mois pour que le diagnostic soit porté. D’autres travaux récents émanant de la même équipe soutiennent la validité de ces critères. Les critères alternatifs proposés furent à la base des critères retenus par la CD : 0-3.

La classification diagnostique de 0 a 3 ans (CD : 0-3) publiée aux États-Unis en 1994 et traduite en français en 1998 propose un système provisoire de classification multiaxiale des troubles de l’enfant de 0 à 3 ans. Le système comporte cinq axes : I : diagnostics primaires ; II : classification de la relation ; III : condition physique ; IV : stress psychosocial ; V : niveau de fonctionnement du développement émotionnel. La CD : 0-3, centrée sur le développement et prenant en compte les processus dynamiques et interactionnels, apparaît particulièrement pertinente à un grand nombre de spécialistes de la petite enfance. Selon la CD : 0-3, lorsque les critères diagnostiques sont présents et qu’un événement traumatique s’est produit, le diagnostic d’EST l’emporte sur les autres diagnostics primaires.

Certains autres diagnostics posent cependant des problèmes particuliers.

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL :

Parmi les troubles de l’affect, le trouble de l’humeur : deuil prolongé/réaction de perte peut être délicat à distinguer de l’EST. La tendance y est moins à la reviviscence anxieuse et compulsive qu’à la dépression, à l’apathie et au détachement, après une phase initiale de protestation.

Autre trouble de l’affect, le trouble de l’attachement réactionnel aux situations de carence ou de maltraitance dans la première enfance (CD : 0-3), très similaire au trouble réactionnel de l’attachement de la première enfance décrit dans le DSM-IV est caractérisé par la survenue chez le bébé de difficultés à mettre en place des interactions sociales harmonieuses. Celles-ci pourront être ambivalentes, contradictoires, inhibées ou inappropriées. Les symptômes s’améliorent en partie avec l’environnement de l’enfant.

Enfin, le trouble de l’ajustement (CD : 0-3), équivalent au trouble de l’adaptation (DSM-IV) est caractérisé par des symptômes émotionnels et/ou comportementaux survenant après une modification nette de l’environnement de manière transitoire (de quelques jours à 4 mois).

L’EST peut être confondu avec le trouble hyperactivité avec déficit de l’attention (THADA), surtout lorsqu’il s’agit de stress chronique ou de traumas répétés. Les symptômes d’hyperéveil, souvent au premier plan, sont à l’origine d’un excès de diagnostics de THADA, surtout lorsque les critères du DSM-IV sont utilisés.

Évolution :

Il n’y a pas d’étude prospective disponible. Les réactions traumatiques pourraient persister en l’absence d’intervention thérapeutique. D’un point de vue neurodéveloppemental, certains auteurs estiment que les réactions initiales qui associent de manière diverse des symptômes d’hyperéveil et de dissociation et qui constituent un « état » pourraient, lorsqu’elles surviennent lors des premières phases du développement cérébral, conduire à l’apparition de « traits » de personnalité. Gaensbauer a insisté sur les conséquences des événements traumatiques sur les étapes du développement de l’enfant. Ainsi les conséquences, qui dépendent de l’âge, seraient majeures sur la mise en place des patterns d’attachement et des processus de régulation psychophysiologiques lors de la première année de vie, puis, lorsque l’événement traumatique survient entre 2 et 3 ans sur les processus de séparation/individuation, de régulation de l’agressivité, de développement de l’identité de genre et des capacités de socialisation. L’achoppement de tels processus précoces est susceptible de conduire à des troubles ultérieurs, lorsque ceux-ci seront remobilisés lors de phases plus tardives du développement, notamment à l’adolescence.

Winnicott a eu l’intuition des conséquences possibles des traumas de la petite enfance sur la vie des adultes, à travers des symptômes comme la crainte de l’effondrement (fear of breakdown), de la mort, du vide. Ces symptômes traduiraient la crainte de la survenue d’un effondrement qui est, en fait, déjà advenu, qui a déjà été éprouvé sous la forme d’angoisses disséquantes primitives.

Traitement :

Les traitements font appel à des interventions psychothérapiques parents-bébés, permettant à la fois un travail direct avec l’enfant et un travail sur les interactions familiales. Le dispositif psychothérapique est cependant à aménager selon les situations.

Lorsque les parents présentent eux-mêmes une pathologie posttraumatique, il faut garder à l’esprit que le rôle protecteur du parent face à la détresse de l’enfant doit être soutenu et étayé. Dans ces cas, le traitement devrait éviter la catharsis et le surgissement de reviviscences traumatiques chez le parent en présence de l’enfant, et il est nécessaire de prévoir un espace de soins individuels pour le parent affecté. À partir de 2 à 3 ans, un espace individuel peut être proposé pour l’enfant. Dans les thérapies de jeunes enfants présentant des troubles liés à un traumatisme psychique, les relations transférentielles et contre-transférentielles apparaissent fréquemment intenses et violentes. Les premières peuvent être marquées par un attachement immédiat et total à un thérapeute tout-puissant ou bien au contraire à l’opposition totale, passive ou active. Les secondes exposent au risque de rejet et à la rage de l’impuissance ou à l’élation de la toute-puissance du thérapeute. En clinique, il importe donc de travailler sur les effets directs des événements traumatiques sur le bébé, sur les conséquences sur lui des syndromes post-traumatiques parentaux et sur les conséquences des ruptures de l’environnement, ruptures qui entraînent un sentiment d’insécurité et de discontinuité pour lui bien au-delà de l’événement traumatique lui-même. En situation transculturelle et dans les situations de violence organisée telles qu’on peut les rencontrer dans le cadre d’interventions humanitaires, ou auprès de familles migrantes en France, une attention particulière doit être portée aux facteurs culturels (la langue, les représentations concernant l’enfant et les troubles qu’il présente, les possibilités d’affiliation à une communauté ou à un groupe, etc.) ainsi qu’à la dimension collective de la violence vécue.

Enfin, se pose actuellement la question des mécanismes de transmission directe et indirecte des événements traumatiques vécus par les parents et en particulier par la mère, sur les enfants ; effets qui s’expriment ici et maintenant et tout au long de la vie de l’enfant. Le traitement doit donc concerner ce qui est observé sur l’enfant et qui s’exprime dans le corps de l’enfant ou dans les interactions et ce qui est projeté.

Peu d’études structurées, en dehors de monographies, sont actuellement disponibles sur l’évaluation de tels traitements. Une équipe a publié récemment les résultats d’un programme de soins psychothérapiques de dyades mères-enfants d’âge préscolaire victimes de violences domestiques. Ceux-ci mettent en évidence une amélioration significative de l’interaction, des performances cognitives de l’enfant, une diminution des troubles du comportement de l’enfant et de la symptomatologie posttraumatique de la mère.

Il n’y a pas d’indication aux traitements pharmacologiques. Dans certains cas extrêmes, un traitement sédatif peut être envisagé de manière très ponctuelle, à visée purement symptomatique et de manière très limitée.

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