Troubles psychomoteurs chez l’enfant

Introduction :

La présence de troubles psychomoteurs dans un grand nombre d’affections psychiatriques ou neurologiques est mentionnée depuis la fin du XIXe siècle (Wernicke, Kleist puis Dupré, Baruk parmi d’autres) et constitue toujours un sujet d’actualité. Ainsi, Hymas et al ont étudié la présence de troubles psychomoteurs (lenteur, incoordinations motrices, stéréotypies motrices, dystonies, échopraxie, syncinésies) dans un sous-groupe de patients présentant un trouble obsessionnel compulsif (TOC). Il en va de même dans un nombre croissant de troubles neurodéveloppementaux. La nécessité de détecter, reconnaître et traiter précocement ces manifestations s’impose donc, bien que les relations causales soient loin d’être évidentes et systématiques.

Troubles psychomoteurs chez l’enfantLa coexistence fréquente de troubles psychomoteurs et de symptômes psychiatriques a, en effet, longtemps accrédité l’idée, encore vivace, que les premiers n’étaient qu’une manifestation ou une conséquence des seconds. Cette hypothèse, vérifiée dans certains cas, ne doit pas nous faire oublier que l’inverse, troubles psychopathologiques réactionnels à la présence de difficultés psychomotrices, est fréquemment observé. De plus, ces troubles peuvent coexister sans qu’un quelconque rapport de causalité puisse être établi entre eux ou, encore, dépendre d’un même facteur originel (souffrance cérébrale, substances toxiques).

Les troubles psychomoteurs, tels qu’ils apparaissent chez l’enfant, sont souvent discrets et nécessitent, en plus d’une connaissance approfondie du développement normal, des investigations spécifiques et le recours à l’examen psychomoteur. Un certain nombre de signes d’appel amènent ainsi médecins et membres des équipes de soin à se préoccuper de manifestations qui, même si elles ne sont parfois que situationnelles, n’en constituent pas moins une source de désadaptation et de souffrance pour l’enfant et sa famille.

Développement psychomoteur précoce :

ASPECTS THÉORIQUES :

Le développement psychomoteur est un processus continu qui débute à la fécondation. La motricité intentionnelle se construit dès les premiers moments de la vie et résulte d’une relation réciproque et complémentaire entre perception et action.

Différentes théories ont sous-tendu et sous-tendent encore les conceptions du développement psychomoteur : maturationniste, cognitive et, plus récemment, dynamique et écologique.

Ces théories rendent compte, chacune, d’un ensemble de faits et de processus, constituent des facettes différentes d’un même objet et apportent des points de vue complémentaires. Dans l’hypothèse maturationniste, le développement moteur se fait à partir d’une structure totale qui s’individualise peu à peu, au fur et à mesure de la différenciation anatomique et de la maturation du système nerveux central (SNC). Cette progression se fait dans le sens céphalocaudal pour l’axe du corps, proximodistal pour les membres  et dorsoventral pour le tronc. Ces trois lois se retrouvent dans le développement moteur postnatal, la loi de motricité endogène dans les stéréotypies, la loi de structure totale dans le caractère impulsif de la motricité spontanée et la progression céphalocaudale dans l’évolution de la motricité et du tonus musculaire. Ce point de vue se retrouve chez Gesell et reste à la base des principales échelles de développement actuelles dont le Brunet-Lézine.

Les approches cognitives considèrent le développement comme la construction de structures cognitives, appelées selon les auteurs schèmes, programmes moteurs ou représentations, qui vont diriger la sélection, la préparation et l’exécution de patrons de mouvement de complexité croissante. L’individu est considéré comme un système qui traite les informations présentes dans le milieu, les recherche de façon active et les confronte aux informations déjà acquises en fonction d’un but fixé au préalable. Ces capacités de traitement s’améliorent avec la maturation neurobiologique, la pratique du sujet ainsi que la modification des stratégies utilisées, conduisant à une augmentation de la vitesse et de la précision des mouvements du sujet et à une diversification et une complexification du répertoire moteur. La mise en place progressive des comportements d’inhibition à l’égard des stimuli non pertinents est une caractéristique essentielle du développement des processus cognitifs.

Pour l’approche dynamique, le comportement émerge spontanément, par un phénomène appelé auto-organisation, de l’interaction d’un ensemble de sous-systèmes qui sont fonction des exigences de la tâche et qui définissent la dynamique qui régit l’apparition et le changement de comportement. Ces sous-systèmes comprennent, entre autres, l’organisation neuronale, la force musculaire, les aspects biomécaniques, le niveau d’éveil, les processus motivationnels, les caractéristiques de la tâche et de l’environnement dans lequel elle se déroule. Les patrons de comportement ne sont pas représentés, au préalable, dans le cerveau pas plus qu’ils ne sont la simple résultante de la maturation du SNC.

On dit de ce système qu’il est non linéaire parce qu’il a tendance à rejoindre, soudainement et de manière abrupte, un ou plusieurs de ces états stables, appelés également attracteurs. L’activité motrice spontanée du nourrisson n’est plus considérée comme la production de mouvements aléatoires et indifférenciés, mais comme l’exploration de la dynamique de l’action qui va conduire progressivement à la découverte de zones de comportements stables, les attracteurs justement.

Cette approche trouve son origine dans les travaux de Bernstein sur les degrés de liberté et la coordination du mouvement et dans la théorie de la perception « directe » de Gibson (cf Zanone in). La complexité de l’organisme en mouvement est liée au contrôle des nombreux degrés de liberté en présence qui interagissent selon des modalités multiples, même si des synergies existent entre eux pour en réduire le nombre. Gibson met l’accent, au niveau perceptif, sur ce qu’il appelle une « affordance », à savoir le couplage entre les caractéristiques du milieu et les capacités du sujet à agir. Les travaux sur la locomotion indiquent, par exemple, que le nourrisson adopte un comportement différent lorsqu’il est mis en présence de différentes surfaces (surface inclinée, falaise visuelle, matelas d’eau) en fonction de ses capacités locomotrices (marcher ou ramper). En fonction de l’adéquation entre ce qu’il peut faire avec la surface présentée et ses capacités psychomotrices, il privilégie un certain type de comportement.

ÉLÉMENTS DESCRIPTIFS :

Réflexes et motricité spontanée :

L’activité motrice foetale est extrêmement variée, les mouvements passent rapidement de mouvements peu discernables vers sept semaines de gestation à des mouvements isolés des membres (9 semaines) ou des yeux (16-23 semaines). L’étude des aspects qualitatifs de ces mouvements peut fournir des indices d’éventuels troubles neurologiques.

À la naissance, le contrôle de la motricité du nouveau-né se situe à un niveau sous-cortical. Elle se caractérise par une hypertonie des fléchisseurs des membres, une hypotonie des muscles du tronc, associées à des activités réflexes archaïques provoquées par le toucher ou la manipulation d’une partie du corps et des stimulations visuelles et auditives. Plus de 70 réflexes ont été décrits, ils constituent un vaste réservoir de schèmes élémentaires qui, avec la corticalisation progressive, joueront un rôle essentiel dans la mise en place des mouvements coordonnés ultérieurs, même si les relations exactes entre ces deux composants de la motricité ne sont pas totalement élucidées. Cependant, les travaux de Streri mettent l’accent sur la grande diversité des réponses de prise et de tenue de l’objet en termes de complexité et de variabilité, ce qui va à l’encontre de la conception figée des conduites motrices du nouveau-né que véhicule le terme de réflexe.

Les principaux réflexes sont les réflexes buccaux (succion, déglutition, refoulement de la langue, fouissement, hoquet, bâillement), les réflexes de redressement (réflexe de Moro, redressement statique, marche automatique, enjambement du pied), les réflexes d’évitement (incurvation du tronc, retrait, allongement croisé, réflexes nociceptifs), le réflexe de Landau et les réflexes définitifs tendineux (achilléen, rotulien et des membres supérieurs) et cutanés (plantaire et abdominaux). Une perturbation dans leur apparition, leur intensité ou leur persistance, malgré les difficultés d’appréciation et/ou de mise en évidence, est bien souvent le signe d’une perturbation neurologique. Peu à peu, ces réflexes disparaissant pour la plupart entre 3 et 6 mois, les mouvements actifs les remplacent avec la possibilité de synergie entre muscles agonistes et antagonistes.

La motricité spontanée du nouveau-né est constituée de mouvements massifs, diffus qui peuvent intéresser l’ensemble de la musculature mais prédominent au niveau des membres. Ils apparaissent dès la naissance et se retrouvent, bien que plus lents, chez les prématurés. Ils sont présents, le plus souvent, au réveil : mouvements de pédalage par exemple. Les variations interindividuelles qualitatives et quantitatives sont considérables. Ils disparaissent entre 5 et 8 mois et leur durée de vie est moindre chez les filles. Selon les auteurs et les postulats théoriques, les significations que peut revêtir cette motricité ont considérablement varié : vestiges inutiles de l’évolution, sans fonction adaptative pour les uns ou, à l’opposé, prémices indispensables de l’activité future ou encore décharge impérieuse d’une énergie musculaire emmagasinée pour d’autres.

Des stéréotypies sont également rencontrées dans le cours du développement normal ; elles apparaissent vers 6 mois à 1 an et ne persistent pas au-delà de la troisième année. Les mouvements sont parfois rythmés, impliquant la tête ou le corps entier ; ils peuvent concerner la bouche (succion inlassable, bruxisme) ou le revêtement  cutané (attouchements parfois accompagnés d’automutilations). Là aussi, les significations attribuées sont multiples : rôle dans le développement moteur, dans la connaissance du corps et de ses limites, fonction hédoniste, expression d’un plaisir, mécanisme compensatoire ou bien homéostasique, modification du niveau de vigilance.

Tonus axial, locomotion et préhension :

D’un point de vue maturationniste, à partir du moment où les centres supérieurs du cerveau prennent le relais, les réflexes sont progressivement inhibés et trois catégories de mouvements doivent être maîtrisées par l’enfant pour une adaptation optimale au milieu : le contrôle tonique axial, la locomotion et la préhension. La flexion qui dominait le corps cède graduellement la place à l’extension.

L’évolution du tonus axial permet d’établir un contrôle de la musculature pour s’opposer à la force de la gravité selon une séquence systématique dans laquelle on assiste aux redressements successifs de la tête vers 4 mois, du tronc vers 7 ou 8 mois, qui permettent la position assise sans soutien, et des membres inférieurs vers 10 mois autorisant la station debout. Enfin, vers 12 mois, l’enfant se met debout seul.

Les déplacements de l’enfant sont sous la dépendance du développement du tonus axial et la distinction peut être faite entre les habiletés locomotrices, constituées par des mouvements horizontaux culminant avec la quadrupédie, et celles qui accompagnent la verticalisation, aboutissant à la marche définitive.

Avec le contrôle progressif des muscles de la tête, du cou et du tronc, l’enfant se déplace par reptation en utilisant essentiellement les membres supérieurs, alors que l’abdomen et les membres inférieurs sont traînés. Le déplacement est de durée variable, dépendant beaucoup du but et de la motivation de l’enfant, de la nature du sol et de la constitution de l’enfant. La reptation apparaît vers 6 mois.

Lui succède, vers 9 mois, la marche quadrupède, l’enfant se déplaçant sur les mains et les genoux avec une coordination des quatre membres. Quelquefois, vers 11 mois, l’enfant marche en utilisant la plante des pieds et la paume des mains. Enfin, certains se déplacent sur les mains et le postérieur, une fois la station assise maîtrisée.

La marche le long d’un support ou tenue par les deux mains apparaît vers 9 mois, la marche seule vers 12 mois. Elle nécessite une propulsion alternative des membres inférieurs. Le polygone de sustentation est, dans un premier temps, élargi. Peu à peu, la rapidité augmente, la longueur des pas s’accroît, leur rythme se régularise, les bras, en position haute à l’apparition de la marche seule, s’abaissent et se synchronisent avec les membres inférieurs.

La préhension se développe autour de trois activités : l’approche (reaching), la prise de l’objet ou agrippement (grasping) et le lâchage (releasing). Avant 4 mois, l’enfant ne présente pas de mouvement d’approche vers l’objet, même si l’on assiste à une localisation visuelle qui déclenche parfois des mouvements de « marionnette » (alternance de pronation et supination). Peu à peu, l’enfant dirige ses bras vers l’objet en un mouvement de balayage ou d’enveloppement dans lequel la dysmétrie prédomine, puis l’approche directe s’ébauche. Pendant cette période, il peut saisir un objet placé au contact de la paume de la main et jouer avec. Après 5 mois, l’enfant attrape les objets présentés dans son champ visuel et la synchronisation entre les inspections visuelle et manuelle de l’objet, tenant compte de ses caractéristiques (forme, texture), est effective. La préhension est d’abord cubitopalmaire avec prise de l’objet entre l’éminence hypothénar et les deux derniers doigts de la main. Vers 7 ou 8 mois, la préhension devient radiopalmaire, le pouce et la face latérale de l’index sont utilisés préférentiellement.

Enfin, vers 9 mois, la prise de l’objet s’effectue à l’aide de la pince pouce-index, c’est la préhension radiodigitale. Les objets fins peuvent être saisis entre ces deux doigts. Vers 10 mois, approche et saisie de l’objet sont coordonnées en un mouvement continu. La prise de l’objet est totalement contrôlée aux alentours de 14 mois. Le lâchage nécessite la maturation des muscles fléchisseurs des doigts pour permettre de les relâcher à la demande pour tourner les pages d’un livre ou mettre des pastilles dans un flacon par exemple. Vers 12 à 14 mois, les premiers rudiments apparaissent et à 18 mois, les trois aspects de la préhension sont bien coordonnés ; l’enfant peut alors construire une tour de trois à quatre cubes.

Les variations interindividuelles sont importantes et dépendent d’une multitude de facteurs qui tiennent aux contraintes de l’environnement (surface inclinée, par exemple), de l’organisme (dimensions des segments corporels, force) et de la tâche (dimensions de l’objet). On peut par exemple classer les enfants en fonction de leur degré d’extensibilité et distinguer aux deux extrêmes : les enfants peu extensibles qui atteignent précocement la station debout puis la marche, avec une mobilité importante, des stéréotypies de type violent, mais dont la préhension est plus tardive ; à l’opposé, les enfants très extensibles ont une préhension précoce, peu de mobilité, des stéréotypies d’exploration du corps et parviennent à la station debout et à la marche plus tard.

Une fois acquis les mécanismes de base que sont le tonus axial, la locomotion et la préhension, la deuxième étape est une diversification et un perfectionnement de ceux-ci. Durant cette deuxième phase qui se déroule de 18-24 mois à 7 ans, le sujet améliore précision et vitesse d’exécution, affine sa motricité et intègre la dimension spatiale de nouveaux mouvements, augmente son adaptation à des situations variées et combine ces différents éléments. La course, les différents types de sauts (pieds joints, hauteur, longueur, par-dessus un obstacle, du haut d’un banc), les déplacements latéraux, le sautiller, le grimper constituent les principales acquisitions au niveau de la locomotion.

Les manipulations et utilisations d’objets se multiplient : lancer avec la main ou à l’aide d’un autre objet, attraper avec la main ou le pied, jongler, dribbler, faire rouler un ballon. Le meilleur contrôle de la musculature antigravitaire permet de nouvelles possibilités d’équilibre, mouvements de tout ou partie du tronc et des membres supérieurs en restant au même endroit, équilibre sur un pied, marche sur une poutre, chandelle et roulade.

La troisième et dernière phase, à partir de 6 ou 7 ans, correspond à la pratique d’activités de plus en plus diversifiées et spécialisées qui fondent les différentes aptitudes sportives. Les performances individuelles sont évidemment fonction de la qualité du contrôle moteur et de l’utilisation optimale des rétroactions visuelles et proprioceptives, de l’anticipation qui autorise un mouvement fluide et de l’actualisation des programmes moteurs.

Développement perceptif :

Sous-estimés pendant longtemps du fait de la primauté accordée à l’action motrice, les facteurs perceptifs sont désormais considérés comme un élément fondamental du développement de l’intelligence. Les différentes modalités sensorielles du nouveau-né sont opérationnelles à la naissance et, pour certaines, depuis plusieurs semaines. La perception du nourrisson possède certaines caractéristiques regroupées par Gibson. La perception est un processus actif d’exploration qui résulte d’une motivation.

Elle est dirigée vers les sources externes de stimulation même éloignées. Elle utilise et dépend des informations données par le mouvement. L’espace perçu est un monde en trois dimensions. La constance perceptive de la forme et de la taille de l’objet existe avant toute approche ou prise de l’objet. La perception est cohérente et s’intéresse aux structures. Enfin, elle présente des capacités précoces de transfert entre les diverses modalités, toucher-vision à 2 mois à partir, semble-t-il, d’une amodalité initiale. Les actions guidées par la perception sont organisées et flexibles et ne s’effectuent pas uniquement au hasard ou selon un schéma stimulus-réponse.

Le nouveau-né (travaux de Fantz et de Bower dans les années 1960-1970) voit et préfère, dès les premières semaines de vie, les images variées, nouvelles mais en rapport avec ce qui est déjà connu (optimum de nouveauté), les traits curvilignes, irréguliers, contrastés. Les informations concernant le relief sont différenciées après 2 mois.

La permanence de l’objet immobile est présente dès 4-5 mois, précédée de diverses manifestations indiquant un processus de maturation. La permanence de l’objet mobile est plus tardive, vers 6 mois.

La constance de grandeur apparaîtrait, selon les expérimentations, entre 18 semaines et 6 mois ; celle de la forme a été retrouvée à 2 ou 3 mois. La profondeur est détectée vers 4 mois. Les couleurs sont discriminées dès 3 mois avec une préférence, inverse de celle de l’adulte, pour les couleurs chaudes : rouge et jaune.

L’audition est fonctionnelle avant terme, mais, compte tenu des obstacles physiques, l’intégration des sons extérieurs au corps de la mère impose des fréquences relativement basses et des pressions acoustiques telles que les récepteurs cutanés, voire viscéraux, sont sans doute davantage concernés par de telles vibrations sonores.

L’intégration des sons intérieurs, notamment la voix de la mère, est beaucoup plus claire et permettrait au foetus de 7 à 9 mois de s’imprégner de cette expérience puis, dès les premières heures, de reconnaître celle-ci, voire de préférer à d’autres une comptine à laquelle il a été exposé avant la naissance. Quoi qu’il en soit, dès les premiers jours, la sensibilité nominale est de 65 dB (celle d’une conversation audible à 3 m) et ses compétences auditives sont telles qu’il peut, mieux que des adultes, différencier entre eux la majorité des phonèmes existants, y compris ceux auxquels il n’a jamais été exposé depuis la fécondation et qui n’existent pas dans le langage maternel.

Préférant des sons harmoniques et naturels à des bruits artificiels, il peut, dès la naissance, s’orienter correctement vers les sources sonores qu’il localisera ensuite aussi bien qu’un adulte dès 18 mois.

Le développement du sens tactile se fait, aussi, précocement. À 2 mois, un disque plein est préféré à un disque troué, à 4 ou 5 mois la distinction entre carré plein et troué ou encore entre étoile et fleur peut être observée. À 1 an, pas moins de neuf formes différentes peuvent être distinguées tactilement.

Une question demeure en suspens, celle des rapports entre perception et motricité aux différents âges du développement précoce et, notamment, au cours des premières semaines de la vie.

Notion de trouble psychomoteur :

DÉFINITION :

Les troubles psychomoteurs sont des troubles neurodéveloppementaux qui affectent l’adaptation du sujet dans sa dimension perceptivomotrice. Leurs étiologies sont plurifactorielles et transactionnelles associant des facteurs génétiques, neurobiologiques et psychosociaux qui agissent à différents niveaux de complémentarité et d’expression. Ils sont souvent situationnels et discrets, entravant en priorité les mécanismes d’adaptation, constituant une source de désagrément et de souffrance pour le porteur et le milieu social.

ÉLÉMENTS HISTORIQUES :

La notion de trouble psychomoteur n’a cessé d’évoluer depuis son apparition au début du siècle. D’un côté, avec Baruk notamment, les troubles psychomoteurs sont étudiés dans le cadre de la psychiatrie de l’adulte. Il les définit comme des troubles de la motricité supérieure, « volontaire », ne répondant pas à une lésion en « foyer » et qu’un sujet sain peut parfaitement imiter. Il considère que l’association avec une pathologie psychiatrique est indiscutable mais la psychogenèse du trouble est rejetée car le SNC joue un rôle primordial. Les rapports entre trouble psychomoteur, trouble neurologique et trouble psychiatrique sont envisagés mais une certaine équivoque demeure qui sera à l’origine de nombreuses méprises ultérieures.

Par ailleurs, l’observation, dans les années 1920, des séquelles postencéphalitiques chez l’enfant suscite l’intérêt pour des manifestations qui seront reprises, pour certaines d’entre elles, sous la dénomination de troubles psychomoteurs : hyperactivité, troubles de l’attention, troubles des apprentissages, troubles affectifs et comportements agressifs. En France, Wallon met en place une typologie psychomotrice en sept niveaux, transposition à l’enfant de la pathologie neurologique adulte qui sera critiquée à plusieurs reprises (par Koupernik ou encore de Ajuriaguerra et Stambak) et sera, par la suite, abandonnée. Les auteurs de langue anglaise tomberont dans le travers inverse consistant, en raisonnant par analogie, à ne voir dans ces manifestations qu’une seule entité pathologique qui est connue sous la dénomination de syndrome de Strauss et qui peut être rencontrée chez des enfants ayant souffert d’atteintes neurologiques diverses mais aussi auprès d’enfants indemnes, apparemment, de telles affections. Ainsi, le terme de « lésion cérébrale a minima », utilisé au départ, est progressivement délaissé car la preuve d’une lésion cérébrale ne peut être administrée, la diversité des tableaux cliniques commence à être soulignée et l’impact de ce terme sur les parents est pour le moins négatif. Cette notion est alors remplacée par celle de « dysfonctionnement cérébral a minima » (DCM). Longtemps synonyme de syndrome hyperkinétique, le DCM recouvre en fait un champ plus vaste et ne se cantonne pas à la pathologie infantile.

DYSFONCTIONNEMENT CÉRÉBRAL A MINIMA :

La notion de DCM est indissociable de celle de troubles psychomoteurs. Ces derniers comportent trois caractères : l’existence de symptômes d’un dysfonctionnement cérébral, un complexe psychopathologique et une pluralité étiologique que nous retrouvons dans les différents troubles étudiés.

Les signes doux (soft signs), qui suggèrent cette neuropathie, peuvent être différenciés en plusieurs groupes :

– les signes spécifiques, appelés équivoques car ils peuvent résulter ou non d’une atteinte neurologique : nystagmus ou déviation des index par exemple ;

– les déviations légères par rapport à la normalité, difficiles à détecter : asymétrie du tonus, réflexes légèrement anormaux ;

– les indices d’un retard de développement qui posent le problème de leur interprétation : incoordination motrice, retard de langage.

Leur existence a été mise en doute et les divergences quant à leur signification et leur étiologie persistent dans la mesure où ils renvoient à des facteurs hétérogènes (atteinte cérébrale précoce, phénomène transitoire lié à la maturation, origine génétique). Il n’en demeure pas moins qu’ils constituent une série d’indices de désordres comportementaux ou cognitifs futurs dont la présence est relativement stable dans le temps, signalant une sorte de vulnérabilité aux troubles psychiatriques. Ils sont d’ailleurs plus fréquemment retrouvés dans les difficultés d’apprentissage scolaire, les désordres psychiatriques et les troubles cognitifs. La majorité de ces signes correspond à des symptômes classiquement mis en évidence par l’examen psychomoteur : mouvements anormaux, troubles du tonus (syncinésies, dysdiadococinésie) et de l’équilibre, incoordination motrice, agnosie digitale, confusion droite-gauche, troubles perceptivomoteurs.

Trouble déficit de l’attention/hyperactivité :

Le trouble déficit de l’attention/hyperactivité (TDA/H) touche, selon les études, de 2 à 3% des filles et de 6 à 9% des garçons dans la tranche d’âge des 6-12 ans, chiffres qui passent respectivement de 1 à 2 % et de 3 à 4,5 % durant l’adolescence et principalement les garçons avec un sex-ratio qui varie de 9/1 dans les échantillons cliniques à 4/1 dans les études épidémiologiques. Souvent spectaculaire dans ses manifestations motrices, difficilement supporté par le milieu, il comporte aussi une composante moins visible mais tout aussi déstabilisatrice pour l’individu lui-même : le déficit de l’attention.

Le DSM III distinguait d’ailleurs un TDA/H et un trouble sans hyperactivité, alors que le DSM III-R insistait plus sur l’hyperactivité en raison du caractère perturbateur du comportement tout en maintenant cette distinction. Il décrit en effet un trouble de l’hyperactivité avec déficit de l’attention, dans le cadre des comportements perturbateurs, dont l’âge de survenue se situe dans la moitié des cas avant 4 ans et un trouble déficitaire de l’attention non différencié. Dans la version la plus récente du DSM, le TDA/H s’organise autour de deux dimensions : le déficit de l’attention d’un côté et l’hyperactivité-impulsivité de l’autre.

La CIM 10 distingue la catégorie des troubles hyperkinétiques répondant à la présence d’une inattention (six symptômes sur neuf), d’une hyperactivité (trois symptômes sur cinq) et d’une impulsivité (un symptôme sur quatre) qui sont envahissantes, persistantes et présentes dans plusieurs situations et qui ne sont pas dues à un autre trouble (par exemple autisme ou trouble de l’humeur). Les symptômes sont pratiquement superposables à ceux du DSM IV.

Ce trouble comporte trois ensembles de signes qui sont : le déficit de l’attention, l’impulsivité et l’agitation motrice ou hyperactivité.

DÉFICIT DE L’ATTENTION :

Le sujet n’écoute pas, n’arrive pas à se concentrer et à persévérer dans la réalisation de son travail scolaire ou dans ses jeux. Tout effort d’attention lui est difficile et le moindre élément parasite le détourne rapidement de la tâche en cours. Il peut ainsi s’attacher à des éléments non pertinents du travail qu’il est en train d’accomplir et perd de vue l’objectif principal. Il égare ses affaires qu’il s’agisse de vêtements, de matériel scolaire ou de jouets. Il existe différents degrés de gravité depuis la tendance à la distraction épisodique jusqu’à l’impossibilité de poursuivre plus de quelques minutes une même activité. La motivation du sujet à l’égard de l’activité peut aussi jouer un rôle et les manifestations peuvent être situationnelles.

Douglas parle de leur incapacité de « s’arrêter, regarder et écouter » (stop, look and listen). Les troubles de l’attention restent relativement stables au cours du développement alors que les autres manifestations ont tendance à diminuer.

IMPULSIVITÉ :

Il s’agit d’une réponse trop rapide devant une situation sans tenir compte des informations disponibles qui pourraient amener l’enfant à modifier son comportement. Elle intervient aussi bien au niveau moteur que social ou cognitif. Ainsi, sauter dans une piscine profonde sans même savoir nager ou absorber le contenu d’un flacon de produits ménagers constituent les types d’accidents auxquels sont souvent exposés les enfants hyperactifs. Ils font fréquemment des interventions intempestives ou dépourvues de tact à l’école ou dans le milieu familial et supportent difficilement d’attendre leur tour dans un jeu de société. Ils ne prennent pas le temps de réfléchir avant de répondre et ne parviennent pas à inhiber leurs réponses motrices ou verbales.

HYPERACTIVITÉ :

Moins fréquente dans la population féminine, l’hyperactivité constitue le grief principal de l’instituteur ou des parents et motive la consultation. L’enfant est en perpétuel mouvement et ne peut s’arrêter. Cette activité motrice incessante apparaît même dans un milieu nouveau contrairement à l’enfant non hyperkinétique qui a tendance à se calmer devant un environnement inconnu. Tout ce qui est à la portée de l’enfant est manipulé, porté à la bouche et tout aussi rapidement rejeté. L’usure anormale des vêtements, en particulier des chaussures, est mentionnée par les parents.

L’évaluation quantitative par actigraphe indique que les enfants TDA/H présentent peu de périodes de réduction de l’activité au cours de la journée, contrairement aux autres enfants, y compris ceux qui sont porteurs d’un trouble bipolaire maniaque, caractéristique qui persiste chez les sujets adultes avec une symptomatologie résiduelle.

Ces divers comportements entraînent souvent des conflits avec l’entourage, des troubles des apprentissages scolaires qui peuvent amener le rejet, voire l’éviction du milieu scolaire, s’accompagnant parfois d’un sentiment de dévalorisation ou d’une perte de l’estime de soi réactionnels.

ÉVOLUTION DES MANIFESTATIONS :

Au cours du développement, le sujet hyperactif se présente sous des aspects divers. Dès le plus jeune âge, l’enfant manifeste un certain nombre de perturbations lors des premiers apprentissages, il dort apparemment peu et mal, a des problèmes alimentaires, cherche à éviter les contacts et les caresses. Les accidents et blessures sont fréquents ainsi que les cris qui s’avèrent difficilement apaisables. Les manifestations externalisées sont alors au premier plan.

Vers 3 ou 4 ans, il est décrit comme obstiné, autoritaire, coléreux, tolérant mal les frustrations même les plus élémentaires. À l’école maternelle, il est bruyant, rarement sur sa chaise, se promène dans la classe, perturbe les activités des autres enfants. L’adulte, en particulier la mère, est l’objet de véritables harcèlements et peut difficilement se consacrer à une autre personne en présence de l’enfant. La socialisation est extrêmement délicate.

À 6 ans, l’entrée à l’école primaire entraîne souvent la première consultation car le niveau de tolérance du milieu scolaire n’est pas le même que dans la famille et des comportements acceptés jusqu’alors par les parents sont considérés comme inadaptés dans le cadre de la classe. L’enfant se fait remarquer par son indiscipline, ses bavardages, ses rêveries. Ses comportements dérangent, voire déstabilisent la classe et les autres enfants. Les troubles de l’attention surviennent vers cet âge-là. L’enfant a des difficultés à finir ses devoirs et à tenir ses engagements, aussi bien envers les adultes qu’envers ses pairs, à organiser son travail. Les oublis, tant sur le plan matériel que social, sont fréquents. Rejeté du milieu scolaire, ayant peu de relations avec ses pairs, l’enfant a tendance à se dévaloriser et à perdre l’estime de soi. De nombreuses manifestations réactionnelles peuvent ainsi apparaître.

Les symptômes persistent à l’adolescence d’autant plus que le niveau d’hyperactivité-impulsivité est élevé, que des troubles de conduites ou des comportements agressifs sont associés, que les conflits familiaux sont importants. À l’âge adulte, on considère que 30 à 50 % des sujets présentent encore des manifestations nettes.

ÉVALUATION DU TROUBLE :

Devant un syndrome déficitaire de l’attention, l’évaluation psychomotrice comporte trois axes : l’étude du comportement, des tests spécifiques et des tests complémentaires.

Étude du comportement :

Elle associe :

– le recueil des données au cours d’un entretien dirigé permettant de préciser les circonstances d’apparition des symptômes (caractère intermittent ou continu, aspect discret ou envahissant, durée, fréquence, présence d’éléments déclenchants, réactions du milieu), l’anamnèse du sujet et l’histoire du trouble, les stratégies et traitements déjà mis en place avant la consultation ;

– des échelles de comportement, comme celles de Conners, de Barkley ou l’échelle de Brown pour adolescent qui amènent une dimension quantitative et permettent le suivi du traitement ;

– une prise de contact avec les autres intervenants que sont le médecin traitant, les enseignants et les thérapeutes de l’enfant (orthophoniste et quelquefois psychiatre ou neuropédiatre) qui apporte des informations sur la survenue des manifestations hyperkinétiques dans différents milieux et sur les réponses de l’enfant aux interventions thérapeutiques en place.

Utilisation de tests spécifiques :

Ils mettent en évidence et permettent d’apprécier l’intensité des symptômes et leur retentissement sur un certain nombre d’activités psychomotrices.

– L’évaluation du déficit attentionnel se fait, pour l’attention soutenue, à l’aide des tests de barrages dans lesquels le sujet doit repérer et biffer à l’aide d’un crayon un élément particulier au sein d’un ensemble de signes similaires : le test de Corkum et al, le test des deux barrages de Zazzo, le test d’attention d2. Pour l’attention sélective, le test de Stroop met en évidence une sensibilité importante des sujets lors de la condition d’interférence (nommer la couleur d’impression d’un mot correspondant à un nom de couleur différent, rouge écrit en vert par exemple). L’enfant TDA/H est plus lent et fait plus d’erreurs que les sujets contrôles dans cette situation.

Les labyrinthes de Porteus mesurent à la fois l’attention que le sujet porte au matériel pour trouver la sortie et l’impulsivité puisque toute incursion dans une partie du labyrinthe se terminant en culde- sac est prise en compte et amène un nouvel essai.

– Pour l’impulsivité, le test d’appariement d’images permet de différencier nettement les sujets TDA/H des sujets contrôles. Il s’agit de choisir parmi un groupe d’images celle qui correspond au modèle. Les sujets répondent plus rapidement, donnent moins souvent une première réponse correcte et fournissent un plus grand nombre de réponses erronées. Il est souvent difficile de séparer, dans les résultats des examens pratiqués, les effets liés à l’impulsivité et ceux qui ont pour origine un déficit d’attention. D’une part, les épreuves mesurant l’impulsivité font partie d’un ensemble de tâches qui demandent également un degré d’attention élevé pour une réalisation optimale. De plus, les tests d’attention continue montrent que les erreurs par substitution sont significatives des enfants considérés comme impulsifs.

– Le niveau d’agitation de l’enfant en situation structurée est évalué au cours de la passation des différentes échelles de développement psychomoteur (LOMDS, WACS, Brunet-Lezine) qui nous informent sur la façon dont l’enfant réagit à une consigne et devant une mise en situation concrète ; l’apparition de séquences motrices parasites plus ou moins importantes ponctue la réalisation des items. Ces épreuves montrent également la capacité à maintenir ou non son attention sur une tâche pendant un certain laps de temps.

Tests complémentaires :

Ils ne mesurent pas de façon explicite les troubles mentionnés mais certaines manifestations rencontrées lors de leur passation sont caractéristiques du syndrome hyperkinétique. C’est le cas pour le reversal test, test de maturité pour la lecture qui comporte des discriminations perceptives visuelles opérées parmi des paires de signes orientés de façon identique ou différente. L’enfant parvient rarement à suivre l’ordre de présentation des figures et son regard « papillonne » d’une extrémité à l’autre de la feuille, ce qui entraîne de nombreux oublis. Il en est de même dans certains subtests du test de développement de la perception visuelle de Frostig, la reproduction des structures rythmiques de Stambak ou encore le test des formes identiques de Thurstone. Des détails sont oubliés dans les épreuves visuoconstructives comme la figure complexe de Rey.

COMORBIDITÉS :

Un certain nombre d’associations morbides, dont la fréquence n’est pas due au seul hasard, fait l’objet d’études depuis 10 à 15 ans.

Les comorbidités les plus fréquentes sont le trouble des conduites et le trouble oppositionnel avec provocation, les troubles anxieux, les troubles de l’humeur, les troubles des apprentissages, le syndrome de Gilles de la Tourette et les tics chroniques. Les pourcentages varient selon le mode de recrutement des échantillons de population considérés et la nature de l’étude. La présence de comorbidités complexifie l’établissement du diagnostic, nécessite de prendre un certain nombre de précautions au cours de l’évaluation ainsi que pour la mise en place du traitement. Ainsi, la comorbidité TDA/H et état dépressif augmente le risque de suicide et, de plus, répond moins bien aux traitements par psychostimulants.

FACTEURS ÉTIOLOGIQUES :

L’étiologie du TDA/H n’est pas connue. Un ensemble de facteurs joue un rôle à des degrés divers.

Les facteurs génétiques sont envisagés devant les études sur les groupes de jumeaux et les enfants adoptés, la répartition familiale avec une héritabilité estimée de 70 %.

Sur le plan neuroanatomique, les études par imagerie par résonance magnétique (IRM) indiquent certaines anomalies : volume réduit du lobe frontal et des ganglions de la base principalement, altération du vermis cérébelleux. Un développement atypique du cerveau est invoqué comme facteur étiologique devant l’association fréquente du TDA/H avec la dyslexie et le trouble de l’acquisition de la coordination, développement atypique qui s’exprimerait sous des formes multiples selon la localisation, le moment d’apparition au cours du développement et la sévérité de l’atteinte.

Les données neurochimiques sont issues des effets positifs des psychostimulants dans le traitement du trouble. Les psychostimulants augmentent le niveau de dopamine extracellulaire, en bloquant le transporteur de la dopamine et en inhibant son recaptage, ce qui a pour effet de prolonger les effets du neurotransmetteur au niveau de la synapse. Une action sur la neurotransmission noradrénergique est également mentionnée.

Les facteurs neurophysiologiques les plus probants sont ceux fournis par le recueil des potentiels évoqués cognitifs. Les latences des composantes P3a et P3b, composantes auxquelles on associe des étapes du traitement de l’information comme l’évaluation des stimulus et l’actualisation en mémoire, sont plus longues chez les TDA/H que chez les contrôles, différence qui disparaît lors d’un traitement par méthylphénidate. D’autres études indiquent une diminution du débit sanguin cérébral et du métabolisme du glucose de certaines régions antérieures du cerveau chez les sujets TDA/H.

Les facteurs psychosociaux apparaissent plus comme des facteurs favorisants que comme des facteurs déterminants. De plus, ils ne sont pas spécifiques au TDA/H. Biederman et al montrent ainsi que le pourcentage de TDA/H augmente avec le nombre de facteurs de risque, passant de 7,4 % avec un facteur à 41,7 % avec quatre facteurs parmi les six suivants : désaccord conjugal important, niveau socioéconomique faible, famille nombreuse, criminalité paternelle, trouble mental maternel, placement familial. La même augmentation est retrouvée pour un ensemble de troubles mentaux.

Certaines conditions du milieu jouent cependant un rôle dans la réduction ou l’aggravation de la symptomatologie. Les identifier permet d’ailleurs d’agir sur elles au cours du traitement.

Sur le plan neuropsychologique, le modèle proposé par Barkley met l’accent sur le déficit des capacités d’autocontrôle et d’inhibition comportementale, le trouble de l’attention étant secondaire. Ce déficit de l’inhibition constitue le premier niveau et a des répercussions sur quatre capacités neuropsychologiques considérées comme étant des fonctions exécutives, à savoir des activités mentales qui se produisent au cours du délai précédant la réponse. Ces fonctions (deuxième niveau) entraînent des effets observables au troisième niveau qui est comportemental et concerne notamment le contrôle moteur. Les systèmes ou fonctions exécutives sont les suivants : mémoire de travail, autorégulation des motivations et de l’éveil, internalisation du langage et reconstitution. Les difficultés rencontrées au niveau de la mémoire de travail sont l’intrusion d’une information non pertinente qui détourne le sujet de la tâche principale, ou le maintien d’un matériel qui n’est plus pertinent pouvant aboutir à un phénomène de persévération. Un défaut de l’autorégulation des motivations et de l’éveil aboutit par exemple à une dépendance extrême aux renforcements externes par opposition à une motivation interne devant une tâche considérée comme contraignante. L’internalisation du langage renvoie aux observations faites sur l’enfant qui utilise spontanément le langage pour planifier, réguler ses comportements et surmonter les difficultés qu’il rencontre dans la résolution d’un problème avec une fonction d’autoguidage. L’atteinte de la reconstitution renvoie à un manque de créativité et de flexibilité devant un problème nouveau, aussi bien au niveau de la motricité que du langage. Ces différentes fonctions permettent à l’individu de contrôler des comportements finalisés, de pouvoir s’adapter aux conditions changeantes du milieu et de mettre en oeuvre des réponses motrices coordonnées, complexes et variées. Les différentes manifestations et les symptômes du TDA/H sont la conséquence d’un dysfonctionnement, d’un retard de maturation ou d’une atteinte de l’un de ces modules. Le modèle de Barkley insiste sur le fait que le TDA/H est plus un déficit d’inhibition comportementale qu’un défaut d’attention et propose même d’y substituer un terme comme celui de « trouble de l’inhibition comportementale ».

Le trouble hyperactivité avec déficit de l’attention est un trouble psychomoteur hautement perturbateur dont les répercussions sur l’adaptation scolaire et sociale sont parfois désastreuses. L’excès de mouvements entraîne de nombreux conflits avec l’environnement et joue un rôle important dans l’échec scolaire de par sa fréquence dans la population générale. Tout cela nécessite impérativement une intervention thérapeutique plurimodale qui conjugue, idéalement, rééducation psychomotrice, étude et modification des interactions familiales, aménagement de l’environnement scolaire, sans mésestimer l’utilité de la chimiothérapie. Associé aux autres approches, le méthylphénidate (Ritalinet) est, aujourd’hui, le traitement pharmacologique de choix. Une revue portant sur 155 études contrôlées regroupant 5 768 sujets (enfants, adolescents et adultes) au total, conclut à l’efficacité des psychostimulants dans 70 % des cas. Les effets bénéfiques portent sur une large gamme de comportements : diminution de l’activité motrice, notamment celle qui est extérieure à la tâche, augmentation de l’attention générale et de l’implication à l’égard des activités, diminution de l’agressivité, amélioration des interactions parents-enfants et des relations avec la fratrie et les pairs. Les effets secondaires sont limités (diminution de l’appétit, insomnie, céphalées, gastralgies). Le risque d’une toxicomanie ultérieure engendrée par la prise de psychostimulants est à ranger au rayon des mythes si l’on en croit les études longitudinales, celle de Weiss ayant une durée d’au moins 30 ans.

Cette prescription doit s’accompagner de deux précautions essentielles : s’assurer du maintien ou mettre en place des interventions non médicamenteuses (cf supra) et prendre en compte les comorbidités qui, il faut le rappeler, sont fréquentes. Des fenêtres thérapeutiques permettent enfin d’apprécier, à intervalles réguliers, le bien-fondé du maintien ou de l’arrêt du traitement.

Les études sur le devenir de l’enfant hyperactif indiquent que les manifestations, ayant subi quelques modifications, persistent souvent à l’adolescence et à l’âge adulte. S’y ajoute parfois une composante sociopathique. Les difficultés cognitives, émotionnelles et comportementales se rencontrent encore chez nombre d’adultes avec leur cortège de désadaptations.

Troubles du mouvement intentionnel et de la coordination motrice :

Point cardinal de la psychomotricité, le mouvement intentionnel peut être affecté de multiples manières au cours du développement de l’enfant. Simple retard ou trouble, les difficultés de coordination motrice chez l’enfant ont été décrites depuis fort longtemps sous des terminologies diverses regroupant des réalités cliniques variables. Parmi les différentes appellations, nous retenons le trouble de l’acquisition de la coordination dans lequel on peut isoler les dyspraxies de développement, et les dysgraphies.

Le terme, souvent employé, d’enfant « maladroit » suggère, à tort, l’existence d’un concept unitaire de maladresse qui ne correspond en rien à la multiplicité des tableaux cliniques et à l’hétérogénéité de la population regroupée sous ce vocable. De plus, à la suite des travaux de Fleishman, les analyses factorielles ont démontré l’absence d’un facteur général de psychomotricité, éclairant les variations observées sur le plan clinique. Ainsi, un individu peut présenter une incoordination motrice dans un domaine particulier et être totalement adapté dans d’autres. Ces constatations ont suscité une modification des outils d’évaluation et des méthodes thérapeutiques qui mettent désormais l’accent sur le caractère spécifique de l’intervention au détriment des méthodes globales prônées jusqu’alors.

TROUBLES DE L’ACQUISITION DE LA COORDINATION ET DYSPRAXIES :

Les disparités observées peuvent se situer sur quatre plans. Un premier élément de variation est rencontré dans l’étendue des difficultés de coordination : certains enfants sont incapables de réaliser une quelconque action motrice, renvoyant peut-être au tableau, par ailleurs discutable, décrit par Dupré sous le nom de « débilité motrice », le langage pouvant également manquer de clarté alors que pour d’autres, le déficit ne se manifeste que dans certaines activités quotidiennes ou sur le seul plan manuel. Le deuxième niveau est celui posé par le degré de gravité du problème, allant de la simple lenteur dans les activités motrices qui entrave la scolarité, à l’incapacité totale d’apprendre certains gestes ou de réaliser certains apprentissages. Troisièmement, l’apparition des troubles peut se situer dès les premiers gestes du nouveau-né ou, au contraire, n’apparaître qu’au moment de l’entrée à l’école primaire, lorsque le degré d’exigence augmente. Enfin, les incoordinations motrices peuvent être isolées ou être associées à d’autres troubles comme le TDA/H ou la dyslexie.

Signes d’appel :

Sont retrouvés :

– des difficultés dans les activités quotidiennes telles que s’habiller, faire sa toilette, utiliser les couverts et un retard dans le développement psychomoteur (marche, course, saut, lancer ou attraper une balle, etc). Pour les plus grands, le désordre visuoconstructif est souvent au premier plan : puzzle, figures géométriques, maquettes sont difficiles, voire impossibles, à réaliser ;

– une lenteur importante dans les différentes activités motrices.

L’enfant se signale, en classe, par son incapacité à rendre un travail achevé dans le temps imparti. Si une augmentation de la vitesse est imposée, elle contribue à favoriser la maladresse. Certains ont vu dans cette manifestation une tentative de contrôle de l’incoordination motrice par diminution du temps d’exécution ;

– un trouble des apprentissages scolaires avec une dysgraphie, des difficultés en arithmétique, en géométrie, dans l’apprentissage de la lecture et, de façon générale, une scolarité perturbée malgré une intelligence le plus souvent moyenne.

Les critères diagnostiques du DSM IV insistent sur le retard dans la réalisation des coordinations motrices nécessaires aux activités quotidiennes, perturbation gênant la réussite scolaire ou les activités de la vie courante et non due à une affection médicale générale.

La CIM 10 distingue un trouble spécifique du développement moteur dont « la caractéristique essentielle (…) est une altération du développement de la coordination motrice, non imputable entièrement à un retard intellectuel global ou à une affection neurologique spécifique, congénitale ou acquise (…). La maladresse motrice s’accompagne habituellement d’un certain degré d’altération des performances cognitives dans le domaine visuospatial ».

L’altération est variable en intensité, les manifestations diffèrent selon l’âge. Sous ce terme sont incluses les appellations de débilité motrice, dyspraxie de développement et trouble de l’acquisition de la coordination.

On estime la prévalence du trouble d’acquisition de la coordination à 5 à 10% selon les études et les critères de gravité retenus. Le sex-ratio varie de 2/1 à 7/1 selon les études. Les troubles persistent à l’adolescence et à l’âge adulte comme le montrent les études longitudinales.

Sur le plan clinique, les signes se retrouvent à divers niveaux : psychomoteur, neurologique, intellectuel.

Les signes neurologiques sont fréquents, il s’agit souvent de signes légers qu’un examen spécifique met en évidence. Mouvements choréiques, athétosiques, tremblements unilatéraux, troubles du tonus et de l’équilibre, anomalies de l’électroencéphalogramme (EEG) sont également mentionnés.

Sur le plan intellectuel, une différence au WISC est retrouvée entre les différents scores. Le quotient intellectuel de performance (QIP) est inférieur de 20 points au quotient intellectuel verbal (QIV) et certains subtests de l’échelle de performance qui mesurent une dimension visuospatiale sont particulièrement touchés : cubes et assemblage d’objets. Cette différence ne semble pas systématique.

Elle n’est retrouvée que chez 48 % des 82 sujets dans l’étude d’Albaret et n’apparaît pas dans certaines études ou s’inverse.

Examen clinique :

L’examen psychomoteur porte en premier lieu sur l’exploration des troubles des coordinations motrices qui intéressent notamment la motricité manuelle. Pour les sujets âgés de 6 à 14 ans, l’échelle de développement psychomoteur de Lincoln-Oseretsky est utilisée ; elle comporte 36 items regroupés en six facteurs (contrôle-précision au niveau manuel, coordinations globales, activité alternative des deux membres, vitesse doigt-poignet, équilibre et coordinations manuelles) qui sont atteints à des degrés divers chez l’enfant dyspraxique ; les épreuves chronométrées font apparaître la lenteur dans l’exécution des tâches. Pour les plus jeunes, de 3 ans et 6 mois à 6 ans, l’échelle de Charlop-Atwell permet d’apprécier quatre catégories de coordinations motrices :

– 1. coordination entre membres supérieurs et membres inférieurs regroupant le « pantin » et l’« animal préhistorique » ;

– 2. coordination de deux actions simultanées avec « saut avec demi-tour » et « tournoiement » ;

– 3. équilibre dynamique représenté par des « sauts successifs sur un pied » ;

– 4. équilibre statique, sur la pointe des pieds.

La durée de passation est d’environ 15 minutes. Les critères objectifs (score objectif) déterminent la réussite et le niveau de précision de la performance. Ils prennent en considération le nombre d’essais nécessaires et le temps. Les critères qualitatifs (score subjectif) permettent de préciser le niveau de maturation et la façon dont est réalisée la performance, éléments qui peuvent varier pour un score objectif identique. Le score subjectif offre ainsi des renseignements permettant d’approcher de façon moins évasive la régulation tonique du geste, la planification des séquences d’une action complexe, éléments qui rendent compte de l’incoordination motrice.

Les troubles des praxies constructives et gestuelles (idéomotrice et idéatoire), constitutives des dyspraxies de développement, sont des anomalies proches des apraxies de l’adulte. Elles sont appréciées respectivement par la copie de la figure de Rey ou des formes de Bender-Santucci et par le test d’imitation de gestes de Bergès-Lezine associé à la réalisation de mouvements symboliques et complexes comportant une succession de mouvements simples. La dyspraxie constructive est très fréquente (17 cas sur 21 sujets chez Gubbay), avec difficulté ou incapacité totale à reproduire, avec un crayon ou à l’aide de bâtonnets, des figures géométriques simples ou complexes habituellement copiées à l’âge considéré, et peut expliquer la gêne éprouvée par certains enfants devant un problème de géométrie. Le dessin du bonhomme comporte également des anomalies : le dessin est pauvre, de dimension plus réduite, irrégulier avec parfois l’observation d’un tremblement ; les formes sont incomplètes, les lignes ne s’arrêtent pas clairement aux points de jonction et la pression est irrégulière. La dyspraxie de l’habillage est surtout manifeste dans les activités de boutonnage et de laçage. Certains parents remédient d’ailleurs spontanément à cette difficulté en habillant leurs enfants avec survêtements et chaussures dépourvues de lacets.

Les dyspraxies faciales sont également mises en relation avec des troubles des coordinations. Aspect figé du faciès, difficultés d’imitation des mouvements de la face, troubles des systèmes phonatoire, articulatoire et respiratoire peuvent être retrouvés.

L’épreuve de motricité faciale peut être utilisée et un examen orthophonique recommandé.

Les difficultés d’écriture sont fréquentes, liées à la fois aux troubles visuoconstructifs et aux difficultés de coordination motrice.

Les gnosies digitales et la connaissance verbale des parties du corps sont quelquefois imparfaites. L’examen de la dominance latérale peut mettre en évidence une ambilatéralité.

Formes cliniques et étiologie :

Plusieurs formes cliniques ont été décrites. Ces classifications mettent l’accent sur la variété des présentations cliniques avec prédominance de l’un ou l’autre des symptômes, association de troubles neurologiques, neuropsychologiques ou de désordres de la personnalité, mais ces regroupements ont actuellement peu d’implications thérapeutiques. Il apparaît, en fait, que le trouble d’acquisition de la coordination est un ensemble très vaste comportant plusieurs sous-groupes dont les dyspraxies de développement qui sont elles-mêmes hétérogènes.

Les facteurs étiologiques mentionnés sont divers : trouble du développement cérébral, facteurs héréditaires, absence de stimulation et limitation des occasions d’apprentissage, motivation de l’enfant. Comme pour la majorité des troubles psychomoteurs, la pluralité étiologique doit donc être, là aussi, envisagée. La prématurité est un facteur de risque, notamment pour les troubles visuoconstructifs. Les facteurs pré-, péri- ou néonataux sont présents chez un grand nombre d’enfants dyspraxiques, jusqu’à 51 % pour Gubbay. À l’aide du CT-scan, un taux élevé d’anomalies cérébrales non spécifiques, dilatation ventriculaire, atrophie corticale ou démyélinisation, a été signalé ainsi que des anomalies EEG. Des signes doux sont fréquemment retrouvés ; ils peuvent être en faveur d’un dysfonctionnement du cervelet ou des ganglions de la base.

Le défaut d’utilisation des rétroactions au cours de l’apprentissage psychomoteur a été mentionné chez l’enfant dyspraxique. Ce dernier semble accorder une importance excessive aux rétroactions visuelles, ce qui est utile en début d’apprentissage, mais hypothèque la phase d’automatisation et pourrait expliquer la lenteur d’exécution.

L’enfant dyspraxique serait ainsi contraint à la lenteur par nécessité d’utiliser son attention à vérifier de manière incessante des mouvements qui demeurent désordonnés. Cependant, l’incoordination est toujours présente, même chez les sujets lents comme le montre l’étude d’une coordination bimanuelle (mouvements de pronation-supination des deux avant-bras) dans le cadre de la théorie des systèmes dynamiques avec une incapacité à conserver un patron de coordination en antiphase. Des déficits perceptifs ont aussi été incriminés : auditif, visuel, transfert intermodal.

Facteurs associés :

Le TDA/H est souvent associé au trouble de l’acquisition de la coordination, ce qui a conduit certains auteurs à utiliser le terme de déficit en attention, contrôle moteur et perception (DAMP). Des troubles d’apprentissages scolaires sont également retrouvés, notamment concernant la lecture, ainsi que des troubles du langage.

Par ailleurs, plusieurs manifestations qui semblent réactionnelles à la prise de conscience des troubles sont notées : faible estime de soi, perte de la motivation, isolement social, voire dépression.

Traitement :

Les modalités de prise en charge des enfants et adolescents présentant un trouble de l’acquisition de la coordination sont nombreuses et variées. Elles insistent sur la spécificité de l’approche thérapeutique qui s’appuie, ici, sur les problèmes graphomoteurs, là, sur la préparation posturale au mouvement, là encore sur le déliement digital, ou l’augmentation de la vitesse d’exécution du mouvement. Selon l’importance des troubles visuoconstructifs ou des troubles du tonus par exemple, les mises en situation sont différentes. Les troubles graphiques sont à examiner de près pour essayer de déterminer leur lien éventuel avec un déficit praxique plus large éventuellement associé à des difficultés visuoconstructives ou bien avec des troubles du tonus. Il y a encore beaucoup à faire pour systématiser les prises en charge psychomotrices de ce type de trouble dont les répercussions sur l’individu peuvent être désastreuses. Il est donc nécessaire d’évaluer avec soin les différents secteurs qui peuvent être déficitaires, compte tenu de l’hétérogénéité du trouble, sans oublier de faire de même pour les thérapies mises en place.

DYSGRAPHIES :

Les classifications actuelles font peu de cas des troubles de l’écriture.

Le DSM IV mentionne un « trouble de l’expression écrite » parmi les « troubles des apprentissages » qui concerne le versant orthographique et syntaxique et renvoie l’écriture illisible au « trouble de l’acquisition de la coordination » sans plus de précision.

La CIM 10 mentionne une malhabileté pour l’écriture dans la description du trouble spécifique du développement moteur. Les travaux de de Ajuriaguerra et al ont pourtant mis l’accent sur la dysgraphie définie comme une atteinte de la qualité de l’écriture sans que cette déficience puisse être expliquée par un déficit neurologique ou intellectuel. L’écriture est lente, fatigante, non conforme aux possibilités de tenue instrumentale de l’enfant et à l’âge. Ils distinguaient cinq types de dysgraphie, peu individualisés : lents et précis, raides, mous, impulsifs, maladroits.

L’écriture se développe de façon non monotone : à une amélioration des performances succède momentanément une détérioration. Cette caractéristique du développement est liée au fait que le sujet substitue une nouvelle stratégie à l’ancienne, nouvelle stratégie qui, avant de s’avérer plus efficace à long terme, entraîne une perturbation passagère. On a ainsi, vers 5-6 ans, une prédominance de mouvements balistiques rapides, de courte durée avec des pics de vitesse élevés. Entre 7 et 8 ans, on assiste à une période d’instabilité au niveau graphique avec des mouvements décomposés en plusieurs sous-mouvements. À partir de 9-10 ans et jusque vers 15 ans, des mouvements balistiques de vitesse moyenne, correspondant à la maturité des habiletés d’écriture, apparaissent et se développent ; les mouvements sont alors plus fluides et l’on n’observe plus, dans les courbes de vitesse, des phases d’accélération et de décélération aussi prononcées que dans les étapes précédentes.

En revanche, ces modifications de stratégie selon l’âge ne s’accompagnent pas de différences significatives dans la durée, la longueur et les vitesses des traits.

Les perturbations de l’écriture vont de la simple erreur de substitution de lettres jusqu’à l’incapacité totale d’écrire. Elles peuvent être regroupées en quatre rubriques :

– l’altération de l’écriture (tremblements, lettres mal formées, télescopages ou absence de liaison, absence de boucles, traits repassés, micrographie par exemple) ;

– les troubles spatiaux (mauvais alignement des lettres, mots serrés, absence de marge, lignes ascendantes ou descendantes) ;

– les troubles syntaxiques (difficulté à écrire des réponses grammaticalement correctes en réponse à une question alors que l’expression orale ne souffre pas d’une telle difficulté) ;

– la répugnance à écrire.

Altération graphomotrice et troubles spatiaux constituent l’aspect psychomoteur. Il est d’ailleurs courant de distinguer les dysgraphies linguistiques des dysgraphies motrices, ce qui renvoie à la distinction que l’on peut faire entre processus déclaratifs et procéduraux. Il n’en demeure pas moins qu’une certaine confusion règne encore dans ce que l’on appelle troubles de l’écriture chez l’enfant.

La modélisation de l’écriture telle que l’on peut la rencontrer en neuropsychologie cognitive suggère, à la suite d’études faites sur des patients adultes atteints de lésion cérébrale, l’existence d’une succession de composantes impliquées dans l’écriture. Trois systèmes sont distingués parmi les modules moteurs : le système graphémique s’intéresse à la structure orthographique et dirige le choix des lettres, le système allographique gère les différentes façons dont une même lettre peut être écrite (minuscule ou majuscule, script ou cursive), le système graphomoteur précède l’exécution de l’écriture sur un plan neuromusculaire et concerne les données spatiales, la direction et l’organisation des traits ainsi que leur taille.

Ces différents systèmes peuvent être atteints indépendamment. Il est encore difficile de savoir si, chez l’enfant, une atteinte de l’un ou l’autre de ces systèmes peut rendre compte des différentes formes de dysgraphie. Certains émettent l’hypothèse d’une altération du système graphémique lorsque les lettres sont correctement formées mais mal placées à l’intérieur du mot comme on peut le voir chez l’enfant TDA/H par exemple, ou lorsque des lettres sont ajoutées.

L’altération du stockage allographique se manifeste par des erreurs dans le choix du type des lettres, lettres d’imprimerie insérées au milieu d’une écriture cursive par exemple, ce que l’on rencontre dans les troubles des apprentissages. La copie d’un texte imprimé favorise ce type d’erreurs. Le dysfonctionnement ou le défaut d’utilisation du système graphomoteur pourrait correspondre à ce que l’on appelle habituellement dysgraphie dans la littérature française.

Les principaux signes sont une mauvaise organisation de la page, la maladresse du tracé et des erreurs de formes et de proportion dans le traçage des lettres. La page donne l’impression d’un travail négligé, sale, les espaces entre les lettres et les mots ne sont pas respectés, l’enfant ne suit pas la ligne. Les lignes se rapprochent et s’éloignent les unes des autres donnant ainsi un aspect sinusoïdal.

Ces manifestations sont certainement liées aux difficultés d’orientation spatiale que présentent certains de ces enfants. Le mouvement est heurté, saccadé, manquant de fluidité, le trait est irrégulier, les liaisons entre les lettres sont souvent absentes. Les lettres sont mal proportionnées, trop larges ou trop hautes ou, au contraire, atrophiées et déformées. Le geste graphique est très variable, avec une mauvaise régulation du geste au niveau spatial, temporel et cinématique.

Les dysgraphiques présentent souvent des difficultés de position de la main et des doigts, des crispations de tout ou partie du membre scripteur, une absence de mouvements digitaux et des phénomènes douloureux qui font discuter l’association d’une ébauche de crampes. Mais ces aspects apparaissent comme peu significatifs ou secondaires. La vision augmente le caractère discontinu des mouvements du poignet, alors qu’elle améliore, au contraire, la fluidité de mouvement des doigts et participe au maintien d’une tenue du crayon appropriée. Au cours de l’écriture, des syncinésies apparaissent ainsi que divers mouvements anormaux (tremblements, secousses, saccades), une hyperhidrose palmaire.

L’étude de Cornhill et Case-Smith compare les performances de 48 sujets, âgés de 7 ans en moyenne et répartis en deux groupes selon la qualité de l’écriture, à différentes épreuves qui mesurent la kinesthésie, le développement moteur, la coordination visuomanuelle, les praxies visuoconstructives et la manipulation unimanuelle. Les différences sont significatives pour l’ensemble des épreuves. Les sujets considérés comme ayant une écriture de moindre qualité ont ainsi des habiletés de translation et de rotation d’objets à l’intérieur de la main significativement diminuées par rapport aux sujets dont l’écriture est de bonne qualité. Les auteurs estiment qu’un travail portant sur ces habiletés de manipulation d’objets à l’intérieur de la main est un élément qui devrait favoriser l’amélioration de l’écriture.

L’évaluation s’intéresse à différents aspects : position du sujet face à la table ; automatisation du mouvement graphique (décomposé ou tracé lettre à lettre, hésitant – deux à trois lettres, semi-automatisé, automatisé) ; qualité de la trace graphique ; pression exercée sur la feuille ; vitesse d’écriture. La lisibilité est observée dans plusieurs situations : écriture spontanée, copie d’écriture cursive, copie d’un texte imprimé en écriture cursive, dictée de mots et de phrases simples, pour situer le ou les niveaux de dysfonctionnement.

L’utilisation de tablettes digitales devrait permettre de préciser les données spatiales (trajectoire, hauteur et largeur des lettres, régularité des courbures), temporelles (temps de réaction, durée de mouvement, durée des pauses), cinématiques (vitesse, caractère continu ou discontinu de la production graphique), dynamiques (accélération) ainsi que l’importance de la pression exercée sur la feuille.

Des troubles de l’écriture peuvent être observés dans la dyslexie. Un manque de soin dans la calligraphie est mentionné, l’écriture est brouillonne, voire illisible, les liaisons entre les lettres sont trop longues ou trop courtes et des télescopages entre deux lettres produisant une forme « bizarre » sont retrouvés.

Chez l’enfant dyspraxique, se rencontrent aussi des perturbations de l’écriture : lettres irrégulières en forme et dimension, espace variable entre les lettres, les mots et les lignes, aspect souvent illisible de l’ensemble. Par rapport à un groupe contrôle, l’écriture est significativement de moins bonne qualité.

Troubles du tonus musculaire :

DYSTONIES :

La dystonie est une contraction musculaire anormale et inadaptée qui apparaît au cours d’un mouvement (crampe professionnelle) ou dans le maintien d’une attitude (torticolis) et peut s’accompagner de spasmes engendrés par une série de contractures.

Les dystonies disparaissent lors du sommeil, sont sensibles aux influences sociales et émotionnelles ainsi qu’à la fatigue, se présentent dans des actes très précis et peuvent ne pas apparaître dans un autre acte faisant intervenir les mêmes groupes musculaires.

Les dystonies peuvent débuter dans l’enfance vers 6 à 10 ans et progressent très lentement. Elles aboutissent parfois à des postures singulières : antérocolie, rétrocolie, tronc en lordose ou en scoliose.

Plus la dystonie est d’apparition précoce, plus le risque de généralisation à d’autres régions corporelles est grand. Lorsque la dystonie survient à l’âge adulte, elle tend à rester isolée.

Chez l’enfant, de Ajuriaguerra et al décrivent un tableau d’ébauches de crampes dont les signes communs sont une crispation intense intéressant à la fois l’épaule, l’avant-bras et les doigts ou encore des variations toniques importantes, des phénomènes douloureux permanents au cours de l’activité graphique ou survenant lors d’une consigne de rapidité, un arrêt forcé de l’activité graphique durant lequel le sujet se frotte le poignet ou secoue sa main. Peuvent s’y ajouter une lenteur de l’écriture, une incoordination des mouvements, des syncinésies, une hyperhidrose palmaire, une mauvaise tenue de l’instrument qui subit des modifications au cours de l’écriture et des changements dans l’attitude du sujet qui cherche à compenser l’apparition de la symptomatologie.

Des crampes de l’écrivain sont retrouvées chez l’enfant, les troubles débutent avant 19 ans pour huit patients sur 29 dans l’étude de Sheehy et Marsden et peuvent, dans un premier temps, être intermittents. Le trouble peut se manifester dès la préhension du crayon qui se fait à l’aide du poing fermé ou avec des postures dystoniques de la main et du poignet.

SYNCINÉSIES :

Les syncinésies, troubles du tonus induit, sont des contractions ou des mouvements intéressant un ou plusieurs groupes musculaires alors que des mouvements actifs ou réflexes ont lieu dans une autre partie du corps. Cette activité musculaire et/ou motrice apparaît dans des régions non concernées par l’exécution du mouvement premier.

Elles peuvent être définies selon la région du corps qui subit le mouvement parasite, elles sont alors homolatérales lorsqu’elles apparaissent dans des muscles voisins du muscle inducteur ou dans l’autre membre du même côté, controlatérales lorsqu’il s’agit de muscles symétriques ou encore généralisées quand la diffusion intéresse la totalité du corps.

La classification peut se faire en fonction de la localisation du mouvement inducteur. Elles sont périphériques comme dans l’épreuve des « marionnettes », ou axiales, recherchées par l’ouverture progressive puis maximale de la bouche accompagnée parfois par le fait de tirer la langue comme dans la recherche des syncinésies orochirales de Becher consistant en un écartement avec extension des doigts de la main. Les syncinésies axiales n’évoluent pas avec l’âge et il y aurait, selon Stambak, un lien entre le côté où la première réponse est observée et la dominance latérale spontanée.

Mais c’est surtout la forme que prennent les syncinésies qui est généralement retenue. De Ajuriaguerra distingue les syncinésies  d’imitation appelées aussi tonicocinétiques ou encore de reproduction et les syncinésies toniques ou de diffusion tonique. Les premières sont des mouvements ou des ébauches de mouvement du membre opposé passif. Ce mouvement peut imiter exactement le mouvement inducteur ou s’en différencier. Elles sont liées à la maturation et à l’évolution ontogénétique. Importantes vers 6 à 8 ans, elles s’atténuent fortement vers 9 à 10 ans pour disparaître normalement à 12 ans. Les secondes consistent en un raidissement du membre passif avec augmentation du tonus musculaire. Sans signification sur le plan de l’évolution génétique, elles peuvent se retrouver, selon les individus, à tous les âges. À 10 ans, 84 % des enfants en présentent contre 52 % pour les syncinésies d’imitation.

À 12 ans, on retrouve respectivement 64 et 44 %. Jusqu’à 9 ans, les filles sont plus syncinétiques que les garçons et, à partir de 10 ans, l’inverse se produit.

Elles sont provoquées principalement par l’épreuve de diadococinésie consistant en des mouvements successifs de pronation et supination de l’avant-bras (mouvement des « marionnettes »). En plus des syncinésies, l’épreuve permet la mise en évidence de dysdiadococinésie ou encore d’adiadococinésie qui nécessitent un examen neurologique. D’autres épreuves comme le test de motricité faciale de Kwint ou l’épreuve du lever digital sont également utilisées.

Les syncinésies sont fréquemment rencontrées en association avec différents troubles psychomoteurs, notamment dyspraxies et mouvements anormaux, le bégaiement ainsi que dans les troubles des apprentissages scolaires. Parain et Moscato signalent l’existence de syncinésies d’imitation appelées mouvements en « miroir » qui persistent tout au long de la vie et peuvent correspondre ou non à un processus héréditaire ou résulter d’une pathologie neurologique (hémiplégie congénitale).

PARATONIES :

La paratonie est une anomalie du tonus de fond. Elle consiste en une impossibilité à réaliser sur commande la résolution musculaire.

À la place du relâchement désiré, s’installe une contracture d’autant plus irréductible que le sujet fait plus d’efforts pour parvenir à la vaincre. Dès le neuvième mois, le ballant des membres est possible chez le jeune enfant.

La manoeuvre classique de mise en évidence est l’épreuve du ballant dans laquelle on demande au sujet de « laisser les bras mous comme une poupée de chiffon » et où l’on observe les résistances opposées au mouvement passif imprimé au bras. Lorsque le bras est élevé à l’horizontale et privé de tout support, il ne tombe pas immédiatement ou bien la chute est freinée. L’examen de l’extensibilité des membres peut aussi être utilisé.

De Ajuriaguerra en décrit plusieurs types qui vont de la paratonie normale à celle qui indique un trouble du développement moteur en passant par les paratonies subnormales de situation et de prestance. D’autres différencient les paratonies de fond et celles d’action. D’un point de vue clinique, ces phénomènes présentent peu de caractères distinctifs et dépendent de la situation du sujet lors de la mise en évidence.

La présence de paratonies a été mentionnée chez le tiqueur, elle peut être associée à des retards du développement psychomoteur, d’autres troubles du tonus (syncinésies et crampes) ou encore des manifestations somatiques de l’angoisse. Sans grande signification sur le plan pathologique, ne perturbant que très rarement le sujet, elle constitue cependant un élément indicateur d’une mauvaise régulation tonique qui peut intervenir dans le maintien des symptômes associés.

HYPERTONIES :

Certaines modifications de la tonicité musculaire peuvent être associées à des facteurs psychologiques d’ordre affectif. Les céphalées de tension et certaines dorsalgies rentrent dans ce cadre. Une observation précise de la symptomatologie portant sur la topographie de la contraction, les douleurs et signes associés, leurs caractéristiques, le moment de survenue, les facteurs déclenchants et l’intensité des symptômes, la fréquence des accès permettra d’une part, en association avec les examens complémentaires classiques, de porter un diagnostic différentiel et, d’autre part, de discuter l’opportunité d’une thérapie psychomotrice (relaxation, biofeedback EMG ou de la conductance cutanée).

Les mécanismes des anomalies du tonus de type dystonie ou hypertonie apparaissent comme complexes et ne peuvent, en aucun cas, se satisfaire de la conception psychogénétique qui, dans la lignée de Reich et de sa notion d’ « armure caractérielle », a longtemps prévalu.

Mouvements psychomoteurs anormaux : tics et stéréotypies motrices

TICS :

Le tic est une vocalisation ou un mouvement soudain, rapide, récurrent, non rythmique et stéréotypé (DSM IV). Une fois initié, le tic ne peut être interrompu. Il a quelquefois, mais pas systématiquement, l’apparence d’un mouvement actif qui serait dirigé vers un but, expressif ou défensif, en réaction à une blessure physique ou un traumatisme psychologique, caractère qu’il ne possède plus du fait de son automatisation. Il a, pour certains, valeur de communication avec autrui mais cet aspect ne survient que secondairement lorsque, le milieu ayant répondu d’une certaine manière à l’apparition des tics, ceux-ci deviennent un moyen d’engendrer des comportements dans l’entourage. Les tics forment un continuum qui va des tics transitoires simples à la maladie de Gilles de la Tourette.

Les tics moteurs simples peuvent intéresser la tête (clignement, déviation oculaire, blépharospasme, grimaces de la face, secousse de la tête, protrusion de la langue, mouvements des lèvres), le cou, les épaules (haussement). Les mouvements anormaux apparaissant dans les membres supérieurs et inférieurs sont, pour la plupart, à considérer comme des stéréotypies motrices et la notion de tics moteurs complexes est parfois utilisée sans grand discernement.

Le DSM IV indique comme exemple de tic moteur complexe des comportements comme tirer sur ses vêtements, sauter, toucher, piétiner, flairer un objet.

Les tics vocaux simples sont nombreux : raclement, grognement, reniflement, toux, ronflement, aboiement, cris aigus, bruits à l’expiration, sifflement, rire, soupir, sons gutturaux, succion, crachement, grondement, clappement, glapissement, régurgitations et vomissements. Les tics vocaux complexes comprennent la répétition de mots ou de phrases hors contexte, la coprolalie (émission de mots obscènes), la répétition de mots ou de sons émis par le sujet (palilalie) ou entendus (écholalie).

Un certain nombre de facteurs aggravent les tics, tels que l’anxiété, la fatigue, l’ennui, alors qu’à l’opposé le sommeil, la relaxation, la fièvre, la concentration sur une activité agréable, la pratique d’un sport ou d’un instrument de musique ont l’effet inverse.

Les troubles du sommeil (parasomnies), associés à la présence des tics durant la nuit, sont nombreux : énurésie, somnambulisme, somniloquie, cauchemars ; réveils soudains durant la phase IV du sommeil avec désorientation, confusion et stéréotypies motrices.

Les tics peuvent être transitoires ou chroniques, isolés ou multiples, se succédant ou se manifestant simultanément. Environ 15 % des enfants ont des manifestations qui disparaissent spontanément après quelques semaines ou quelques mois. Ils sont parfois d’apparition précoce, dès l’âge de 2 ans, et débutent généralement dans l’enfance ou la préadolescence. Le tic est deux à trois fois plus fréquent chez les garçons.

Les tics, compte tenu des implications thérapeutiques, doivent être différenciés, malgré les difficultés apparentes, d’un certain nombre de mouvements anormaux : mouvements choréiformes et athétosiques, mouvements hémiballiques, myoclonies, spasmes et tremblements cérébelleux.

Leur étiologie est plurifactorielle, comme dans la majorité des troubles psychomoteurs et ne considérer que le point de vue psychodynamique ou le seul versant neurologique est, à l’heure actuelle, une position désuète. Les facteurs organiques (ganglions de la base, présence d’anomalies EEG), parfois post-traumatiques, héréditaires, psychologiques ou le rôle du milieu dans le maintien du trouble, sont mentionnés et interagissent fréquemment. Le modèle pathogénique du syndrome de Gilles de la Tourette proposé par Leckman et al est une tentative de synthèse des données connues, il met en relation : une prédisposition génétique ; des facteurs environnementaux qui influencent l’expression du phénotype, comme l’imprégnation hormonale, la présence de facteurs stressants au cours de la grossesse, ainsi qu’après la naissance ; un substratum neurobiologique avec le rôle des systèmes dopaminergiques, l’altération des ganglions de la base et du corps calleux ; un phénotype clinique et son influence réciproque avec les facteurs de risques et de protection.

La personnalité du tiqueur a fait l’objet de plusieurs analyses qui apportent très peu d’éléments pertinents et spécifiques, restant bien souvent dans le cadre de généralités qui rejoignent le « sens commun » sans apporter d’arguments décisifs. Les tics peuvent se rencontrer dans tous les tableaux psychopathologiques. L’association de tics ou du syndrome de Gilles de la Tourette au TDA/H est souvent mentionnée sans que l’on puisse mettre en évidence une relation étiologique entre ces deux affections. Les troubles des apprentissages sont d’autant plus fréquents que le TDA/H est associé. Tout comme pour le TDA/H, la comorbidité avec le TOC rend parfois difficiles le diagnostic et la délimitation des deux entités. Parmi les sujets affectés du syndrome de Gilles de la Tourette, 30 à 40 % présenteraient un TOC. Les deux troubles pourraient renvoyer à une même vulnérabilité génétique qui s’actualiserait comme un tic, plus souvent chez l’homme, ou comme une obsession, plus souvent chez la femme. Comparée à un TOC isolé, l’association de ces troubles s’accompagne de différences dans le contenu des pensées obsédantes, qui porterait sur des thèmes sexuels, religieux et de violence, ainsi que dans la présence de compulsions non précédées de pensées et dépourvues d’affects pénibles.

Durant l’examen clinique, la recherche des circonstances d’apparition du trouble, les réactions de l’entourage, l’attribution éventuelle d’une signification par l’enfant ou la famille, les symptômes associés permettent de définir un schéma thérapeutique qui ne saurait, en aucun cas, être univoque. Il convient de préciser les caractéristiques du tic : localisation ou contenu verbal, fréquence, complexité. L’examen psychomoteur peut retrouver des troubles du tonus à type de syncinésies et de paratonies ainsi que des éléments d’une dyspraxie de développement ou d’un TDA/H.

SYNDROME DE GILLES DE LA TOURETTE :

Le syndrome de Gilles de la Tourette, appelé aussi maladie des tics, se caractérise par l’association de mouvements anormaux, d’imitation de mots (écholalie, palilalie) ou de mouvements (échopraxie), ainsi que de vocalisations. Le DSM IV retient les critères cliniques suivants : présence de tics moteurs multiples et d’un ou plusieurs tics vocaux dont la survenue n’est pas nécessairement simultanée et dont les caractéristiques peuvent varier dans le temps, survenue quotidienne ou presque depuis plus de 1 an, sans intervalle libre de plus de 3 mois consécutifs, ayant débuté avant l’âge de 18 ans, la perturbation n’étant pas due aux effets directs d’une substance ou à une affection médicale générale.

Itard, en 1825, rapportait la première description médicale précise avec le cas de la marquise de Dampierre qui, du fait du caractère socialement inacceptable de ses vocalisations (coprolalie), vécut recluse jusqu’à sa mort à 85 ans après un début des troubles à l’âge de 7 ans, qui est l’âge moyen d’apparition.

Un certain nombre de tableaux ont été, dans un premier temps, rapprochés de la maladie des tics, mais considérés comme des syndromes fortement liés à une culture : jumping Frenchmen dans le Maine, « myriachit », « ikota », « amurakh », « olon » en Russie, « latah » en Malaisie, « bah-tsche » en Thaïlande, « mali-mali » aux Philippines, « imubacco » au Japon, « Lap panic » en Laponie, « yaun » en Birmanie. Ils sont actuellement regroupés sous le terme de pathologie du sursaut qui consiste en une exagération de la réaction de sursaut en réponse à un stimulus inattendu.

La prévalence de la maladie dans la population générale oscillerait entre 0,03 et 1,6 % mais la proportion exacte est malaisée à établir de par les variations considérables dans l’intensité et la survenue des manifestations qui n’entraînent pas forcément une consultation en milieu médical. La répartition entre les sexes est de trois garçons pour une fille. Le premier symptôme présenté est, dans la moitié des cas, un tic isolé de clignement des yeux, fréquemment un tic au niveau de la face ou du cou, plus rarement un tic vocal (raclement de gorge).

La coprolalie est présente de façon très variable (de 4 à 60% selon les cultures, le milieu socioculturel et l’âge des patients). Elle est mentionnée chez moins de 10 % des cas dans le DSM IV alors même qu’elle a constitué l’élément certainement le plus notoire de la maladie des tics et un symptôme primordial pour Gilles de la

Tourette. Elle peut être masquée par un autre tic vocal ou ne comporter que l’émission partielle du mot ordurier.

Les mouvements anormaux qui affectent les membres supérieurs ou inférieurs et le tronc sont divers : mouvements des doigts, secousses de la main, projection des bras, voire ébauche de coups, mouvements du tronc, avancée du pelvis, sauts, accroupissement brusque, génuflexion accompagnée de grands mouvements des bras, tournoiement, gestes obscènes (copropraxie), parfois apparaissent des automutilations. D’autres manifestations sont moins fréquentes.

L’échopraxie est retrouvée dans 11 à 35 % des cas, l’écholalie chez 20 à 44 % des patients et la palilalie pour 6 à 15%. La coprolalie mentale est mentionnée dans 5 % des cas et consiste en une intrusion soudaine de phrases ou de mots grossiers au niveau de la pensée.

Kurlan insiste sur les « tics sensoriels » qu’il définit comme des « sensations somatiques décrites de façon variable par les patients en termes d’impression de pression, de démangeaison, de chaleur, de froid ou toute autre sensation anormale de la peau, des os, des muscles et des articulations ». Le patient cherche alors à faire disparaître ces sensations à tonalité dysphorique par des mouvements qui doivent être répétés car la sédation provoquée dure peu. Les vocalisations répondraient ainsi à des impressions désagréables de la zone oropharyngée. Ces sensations apparaissent généralement vers 9-10 ans. Si l’on y inclut les symptômes prodromiques, ces sensations seraient présentes dans 50 à 80 % des sujets porteurs d’un syndrome de Gilles de la Tourette.

Les études neuropsychologiques indiquent des déficits au niveau de la dextérité manuelle, des praxies visuoconstructives et des fonctions exécutives.

En première intention, les traitements psychomoteurs, incluant la relaxation, et psychothérapiques, permettant de faire face aux troubles émotionnels et comportementaux secondaires à la présence des tics et de réduire les éventuels bénéfices secondaires de la maladie, peuvent permettre une réduction de l’intensité des tics. Une approche du milieu familial peut être utile, notamment pour modifier les attitudes à l’égard du porteur. Devant des tics persistants et invalidants, l’association d’une médication peut être envisagée avec les précautions d’usage. Les molécules les plus utilisées sont l’halopéridol (Haldolt), parmi les antagonistes de la dopamine, et la clonidine (Catapressant), cette dernière lorsqu’il y a association avec un TDA/H.

STÉRÉOTYPIES MOTRICES :

Il s’agit de mouvements complexes, répétitifs, dépourvus de finalité malgré leur apparence possible de mouvements adaptés, faisant intervenir un nombre de groupes musculaires coordonnés plus importants que dans le cas des tics, échappant généralement au contrôle du sujet. Le DSM IV, comme la CIM 10, parle de « trouble mouvements stéréotypés » lorsque ces mouvements sont à l’origine de blessures physiques ou constituent une gêne pour le sujet et s’il n’existe pas de trouble envahissant du développement, de compulsion ou de tic.

Les stéréotypies motrices comprennent des manipulations du corps du sujet : succion du pouce, torsion des cheveux à l’aide des doigts ou de la bouche (titillomanie), arrachage des poils (trichotillomanie), morsure des peaux, des ongles (onychophagie), grincement des dents (bruxisme), insertion des doigts dans les orifices (nez, oreille, oeil, anus) et grattage (excoriations). D’autres sont constituées par des mouvements du corps généralement rythmés : balancement de la tête accompagné parfois d’un choc contre une surface (crouomanie), agitation rythmique d’une partie du corps ou du corps entier. Enfin, les manipulations peuvent intéresser des objets (clefs, stylo) ou une partie du vêtement (bouton, cravate).

Décrite pour la première fois en 1889 par Hallopeau, dermatologue français, la trichotillomanie est aujourd’hui individualisée comme un trouble du contrôle des impulsions. Le sujet est dans l’impossibilité de résister aux impulsions d’arrachage des cheveux ce qui amène une alopécie. Une sensation de tension précède l’avulsion du poil et fait place à un sentiment de soulagement après.

La fréquence du trouble n’est pas connue avec certitude ni sa répartition selon les sexes. Le trouble débute dans l’enfance (7 enfants pour un adulte) même si l’âge de début est variable, et peut se retrouver dès 13 mois. Les perturbations de la relation mèreenfant sont fréquentes avec hyperprotection et agressivité. Le déni du trouble est important. Son association avec la succion du pouce et l’onychophagie est souvent rapportée. L’ingestion du cheveu peut entraîner un trichobézoard avec son cortège de complications gastro-intestinales.

Ces mouvements anormaux occasionnent une diminution de la vigilance que l’on a rapprochée des comportements d’attachement de l’enfant au corps de la mère qui ont cette fonction lorsque l’éveil est augmenté par les comportements d’exploration. Ils apparaissent dans des situations où l’éveil est stimulé (émotion, anxiété, privation sensorielle, ennui). À l’inverse, Young et Clements considèrent que certaines stéréotypies, chez les arriérés mentaux, surviennent lors d’une réduction de l’éveil et aboutissent à une augmentation de la vigilance par autostimulation.

Les stéréotypies motrices peuvent se rencontrer dans les différentes maladies mentales, chez les sujets atteints de retard mental d’autant plus que ce retard est profond, en association avec des handicaps sensoriels ou des troubles neurologiques comme l’autisme.

Leur présence au cours du développement normal de l’enfant a été mentionnée même si certains auteurs considèrent que ces deux comportements, stéréotypies motrices normales et pathologiques, doivent être distingués, eu égard, notamment, à la topographie des mouvements.

Incapacités d’apprentissage non verbal (IANV) :

Les IANV ont été décrites comme l’association de troubles de l’apprentissage des mathématiques ou dyscalculie, de troubles psycho-perceptivo-moteurs et de troubles de la compétence sociale, concernant notamment la capacité à décoder et à utiliser les communications non verbales. L’aspect non verbal inclut à la fois des mécanismes perceptifs et des systèmes de communication qui sont, tous deux, désorganisés. Il s’agit donc d’un sous-groupe des incapacités d’apprentissage.

Les difficultés en arithmétique sont étroitement liées à des troubles visuospatiaux qui précéderaient d’ailleurs les premières. On trouve une mauvaise organisation spatiale et une mauvaise écriture des nombres, des omissions (unités, virgules, retenues) et des erreurs de procédures, de la persévération, des troubles du jugement mathématique. On peut y rajouter les défauts de rétention ou de placement en mémoire verbale immédiate.

Les troubles psycho-perceptivo-moteurs sont variés : mauvaise discrimination tactile plus prononcée du côté gauche, incoordination manuelle (planchette à trous, labyrinthes), déficit visuoconstructif s’accompagnant d’un QIP inférieur au QIV au WISC. Chez certains, les difficultés dans les habiletés motrices générales et les activités sportives sont importantes sans que l’on puisse généraliser. Les difficultés graphomotrices sont présentes dès le début de l’apprentissage de l’écriture avec lenteur à l’inscription, crispations, mauvaise tenue du crayon, hésitations, variabilité des formes et des espacements, mais elles s’améliorent au cours de la scolarité.

Les troubles de la compétence sociale portent sur les composantes suivantes :

– perceptives, avec un décodage incorrect des communications non verbales, surtout lorsqu’il s’agit de l’expression d’émotions ;

– cognitives, avec une mauvaise anticipation du comportement d’autrui et de ses motivations ;

– expressives, avec des anomalies du contact visuel qui est diminué ou évité, des mimiques émotionnelles pauvres, une mauvaise régulation de l’espace social et une aprosodie, dans les premières années, d’autant plus déconcertante que la production verbale est abondante.

Les sujets IANV sont souvent décrits comme immatures, recherchant la compagnie d’enfants plus jeunes, ils manquent de motivation et sont fréquemment désorientés par la nouveauté d’une tâche à laquelle ils répondent de façon stéréotypée et inadaptée, aussi bien au niveau cognitif que psychomoteur. Ils éprouvent de la difficulté à catégoriser et à manipuler des concepts. Les études portant sur la symptomatologie psychopathologique indiquent que peu de sujets en sont dépourvus. Les manifestations sont nombreuses : anxiété, dépression, conduites d’évitement, retrait social, traits psychotiques.

La prévalence est estimée à 1 % de la population. Le diagnostic est rarement fait et la confusion est fréquente avec les troubles envahissants du développement ou les dyspraxies de développement. On peut d’ailleurs se demander si le groupe de sept enfants appelé « dyspraxies avec troubles graves de la personnalité » de type psychotique dans l’étude de Stambak et al ne renvoie pas à cette pathologie. La comorbidité avec le TDA/H est également signalée en début de scolarité, mais la symptomatologie est plutôt internalisée par la suite.

Le sex-ratio est estimé à 1/1 contrairement à ce que l’on rencontre dans la majorité des troubles psychomoteurs et des troubles des apprentissages.

Les différentes données vont dans le sens d’un dysfonctionnement de l’hémisphère droit et notamment de la substance blanche.

L’IANV est retrouvée dans un ensemble d’atteintes et de syndromes : traumatisme crânien, effets de l’irradiation utilisée pour traiter une leucémie aiguë, hydrocéphalie, agénésie du corps calleux, syndrome de Turner, syndrome du X fragile, syndrome d’Asperger.

Troubles de la dominance latérale :

À côté des sujets présentant une dominance latérale des membres supérieurs homogène à droite ou à gauche, deux cas de figure peuvent se présenter : les ambidextres qui utilisent de façon indifférenciée l’une ou l’autre main pour une même activité et les ambilatéralisés qui, selon l’activité, changent de main. Ces deux catégories qui représentent environ 25 % de la population sont généralement confondues dans les différents travaux traitant de ce sujet, limitant l’interprétation et l’utilisation des résultats, ou regroupées sous les termes les plus divers : latéralisation ou dominance mixte ou mélangée, prédominance incomplète, ambivalence, dyslatéralité, enfants mal latéralisés. Certains auteurs font également la distinction entre droitiers ou gauchers forts et faibles, différencient les latéralités neurologique, spontanée et usuelle ou encore distinguent la latéralité graphique de la latéralité usuelle. Auzias trouve une discordance entre ces deux derniers types de latéralité chez 16 % des enfants examinés.

Hécaen considère que la préférence manuelle est, en général, bien établie dès 3 ans même si le degré d’habileté de la main dominante s’accroît avec la maturation. Mais des fluctuations dans l’établissement de cette dominance peuvent apparaître jusque vers 6-8 ans, surtout dans les cas de senestralité, ce qui nécessite une certaine prudence de diagnostic dans les cas de dominance ambiguë.

C’est aux alentours de 6 ans, au moment des premiers apprentissages scolaires et de l’entrée en primaire, que le choix de la main pour l’écriture s’avère primordial.

ÉVALUATION DE LA DOMINANCE LATÉRALE :

L’évaluation de la dominance latérale peut se faire à l’aide de plusieurs méthodes : les questionnaires, la réalisation de praxies usuelles, l’exécution de tâches nécessitant une certaine dextérité ou encore par l’observation de certains éléments indirects (discrimination proprioceptive, mesure de l’extensibilité ou sens des syncinésies à l’épreuve des « marionnettes »).

Questionnaires :

Ils sont multiples, leurs tailles également, certains allant jusqu’à plus de 50 questions. Les plus utilisés sont ceux d’Oldfield et d’Annett, le plus récent celui de Dellatolas et al. Ce dernier comporte, dans sa forme définitive, dix questions qui sont : lancer, dessiner, raquette, rasoir/maquillage, peigne, brosse à dents, couteau sans fourchette, marteau, tournevis et allumette. Les réponses sont codées 0 pour la main droite, 1 pour les deux mains et 2 pour la main gauche. La répartition en quatre classes (droitiers, droitiers ambidextres, gauchers ambidextres, gauchers), si elle est pratique d’utilisation, conserve l’ambiguïté soulignée plus haut.

Le système de cotation d’Oldfield permet d’obtenir un quotient de latéralité dont la formule est :

QL = (réponses main D – réponses main G/réponses main D + réponses main G) X 100

Il met ainsi en évidence un continuum entre les droitiers (+ 100) et les gauchers homogènes (- 100).

Réalisation de praxies usuelles :

Elle est utilisée dans l’épreuve d’Auzias. Elle comporte 20 items, dont dix fortement différenciateurs, que l’enfant doit exécuter à l’aide du matériel fourni (allumette, piquage, cirer les chaussures, transvaser, planter une épingle sur bouchon, tapping, gommer, se brosser, compte-gouttes, cuillère, clochette). Dans le test de latéralité de Harris qui comporte, en outre, des épreuves de dextérité ainsi qu’une appréciation de la dominance oculaire et de celle du pied, dix actions doivent être mimées.

Épreuves de dextérité :

Elles sont multiples : vitesse d’écriture, écriture simultanée de chiffres, tapping ou pointillage pendant des périodes variées, lancer de fléchettes, découpages, utilisation de pinces pour manipuler des petites tiges de métal. L’objectif est de comparer les performances respectives des deux mains en fonction d’indices de vitesse et de précision.

Éléments indirects :

Ils sont extrêmement variés. On trouve ainsi un certain nombre de travaux montrant une corrélation entre dominance latérale et diverses mesures dont les conclusions ont ultérieurement été infirmées : taille des pieds, sens d’implantation des cheveux, réseau vasculaire du dessus des mains ou de la matrice des ongles, temps de réaction. Les études portant sur le tonus musculaire montreraient une relation entre le degré d’extensibilité, le sens des syncinésies à l’épreuve des « marionnettes et la latéralité ». Chez un sujet droitier, le degré d’extensibilité serait ainsi plus important dans le bras gauche et ce dernier entraînerait plus de syncinésies dans le bras droit. Ces éléments constituent un indice de latéralité sans qu’il y ait une corrélation totale avec la dominance usuelle. La sensibilité discriminative de poids accrochés à l’index, la force de la prise manuelle, l’irradiation motrice dans un muscle symétrique lors d’une contraction musculaire ont aussi été étudiées.

DOMINANCE DES MEMBRES INFÉRIEURS :

Elle est explorée par diverses tâches : taper dans un ballon, pousser un palet le long d’une ligne à cloche-pied, écraser ou saisir un objet avec le pied, monter sur une chaise ou marcher en partant dos au mur avec observation du pied qui initie le mouvement, vitesse de tapping. Des discordances peuvent être retrouvées entre deux activités, ainsi Crichtley signale des enfants qui, de façon préférentielle, donnent un coup de pied du côté droit et sautent du pied gauche. Se pose alors la question de savoir si le pied dominant est celui qui réalise le mouvement (préférence dynamique) ou celui qui maintient l’équilibre du corps (préférence statique). Les relations entre préférence latérale de la main et du pied ont donné lieu à des résultats divers parfois contradictoires du fait des épreuves retenues.

La corrélation est plus importante chez les droitiers que chez les gauchers, certains auteurs trouvant même une préférence pour le pied droit chez des sujets gauchers adultes dans une épreuve de tapping.

DOMINANCE OCULAIRE :

Elle peut revêtir plusieurs sens mettant en jeu des mécanismes divers faiblement corrélés entre eux et sans relation avec la dominance manuelle. Trois facteurs ont été retrouvés par analyse factorielle. La dominance de visée ou de vision monoculaire permet d’apprécier la plus grande capacité d’un oeil à se diriger vers un point particulier de l’espace. Elle est évaluée par des épreuves comme celles du kaléidoscope ou du télescope (Harris), ou encore regarder à travers un carton percé d’un trou en son centre ou à l’intérieur d’un flacon (Galifret-Granjon) ou à l’aide d’un cône.

Ce sont les épreuves les plus utilisées dans les batteries de latéralité et celles qui correspondent le plus, dans leur forme, aux épreuves de dominance latérale manuelle. La dominance sensorielle est retrouvée dans des épreuves de rivalité binoculaire. Il s’agit d’une dominance de perception des formes. Enfin, la dominance d’acuité concerne l’oeil qui obtient les meilleurs résultats aux tests d’acuité visuelle, dans la capacité à différencier un angle par exemple. Seule une asymétrie importante entre les deux yeux peut interférer avec la dominance de la vision. Contrairement à ce qui se passe pour la main, la dominance oculaire ne correspond pas à une dominance hémisphérique.

DOMINANCE LATÉRALE ET PSYCHOPATHOLOGIE :

Une latéralité croisée main-oeil a été retrouvée en plus grand nombre chez certains sujets présentant des anomalies comportementales ou psychiatriques particulières : psychopathes hospitalisés, schizophrènes, enfants présentant des troubles affectifs ainsi que des troubles des apprentissages. Mais certains travaux sont contradictoires, notamment ceux concernant les difficultés en lecture.

L’ambilatéralité est plus fréquemment retrouvée chez les enfants présentant des retards de développement. Elle est également associée à divers troubles : bégaiement, difficultés au niveau du langage et de la lecture, troubles temporospatiaux et difficultés visuoconstructives.

DÉTERMINISME DE LA LATÉRALITÉ :

Les fréquences respectives de gauchers (environ 8 %) et de droitiers dans les diverses populations étudiées, avec parfois des variations rendant compte de la méthode d’évaluation et de l’existence de plusieurs facteurs, posent le problème des éléments pouvant influencer, chez un individu donné, l’établissement de la dominance latérale. Les déterminants de la latéralisation manuelle sont à rechercher dans deux domaines qui ne s’excluent pas : l’influence du milieu et le déterminisme génétique. Le rôle joué par le milieu a donné lieu à de multiples théories où l’accent a pu être mis sur la nécessité de s’adapter à des objets dont la technologie croissante ne permet plus un usage manuel indifférencié, l’obligation de protéger le coeur avec un bouclier lors d’un combat à l’épée, l’apprentissage intrafamilial ou scolaire par imitation, la performance antérieure, ou encore les influences religieuses et sociales par la signification attribuée aux côtés droit et gauche.

Les théories génétiques se sont référées à un modèle de type mendélien, modèle à un gène possédant deux allèles différents (D et g), modèle à deux gènes dialléliques dont l’un déterminerait le contrôle du langage et l’autre le contrôle moteur. Mais ces modèles ne rendent pas compte de tous les faits observés (latéralisation différente chez des jumeaux monozygotes, corrélations parentsdescendants, collatéraux). Certains ont aussi parlé de l’influence des gènes sur une asymétrie potentielle. Le taux de corrélation significativement plus élevé entre dominance latérale des parents et des enfants dans les familles biologiques comparées à des familles d’adoption ne permet pas d’exclure un tel facteur. La stabilité du nombre de gauchers, quel que soit l’âge, indique aussi que la pression du milieu n’est pas suffisante à expliquer la latéralisation.

LATÉRALISATION MANUELLE GAUCHE :

La gaucherie manuelle a été associée avec un certain nombre de déficits et de troubles. Les travaux d’Orton (1928 à 1937) ont mis l’accent sur le nombre élevé de gauchers parmi les dyslexiques, les dysphasiques ou les bègues. Mais les recherches ultérieures ont donné des résultats contradictoires qui ne permettent aucune conclusion définitive. Des pourcentages de gauchers supérieurs à ceux de la population générale sont retrouvés dans l’épilepsie, l’arriération mentale, la trisomie 21, l’autisme, l’infirmité motrice cérébrale, la surdité, le strabisme, la schizophrénie, la migraine.

La gaucherie contrariée pourrait, en revanche, jouer un rôle dans certains désordres des apprentissages scolaires. L’écriture en « miroir » n’est pas, non plus, l’apanage des gauchers et ne se retrouve qu’avec une fréquence très légèrement supérieure à celle des droitiers dans des groupes d’enfants de même âge. Il convient avant tout de différencier les gauchers avec et sans gaucherie familiale dont l’organisation cérébrale différerait, ce qui permettrait peut-être d’expliquer certains résultats contradictoires.

Enfin, un faible degré de latéralisation, plus que le fait d’être gaucher, serait associé avec des performances moins bonnes dans des épreuves de raisonnement spatial.

Confusion droite-gauche :

La discrimination droite-gauche se fait progressivement chez l’enfant et se situe à plusieurs niveaux. Elle débute sur soi vers 6 ans, sur autrui, avec la notion de réversibilité, vers 8 ans puis sur trois objets, alignés en face du sujet, les uns par rapport aux autres, vers 10 ou 12 ans et enfin par rapport à des objets placés en face d’autrui. Le test de Piaget-Head permet d’évaluer le développement de ces notions. Les épreuves de Piaget portent sur l’orientation droite-gauche sur soi, autrui, par rapport à trois objets.

Les épreuves de Head consistent à produire des mouvements d’une main vers un oeil ou une oreille par imitation de l’observateur, puis d’un dessin ainsi que sur consigne orale.

La différenciation spatiale doit aussi se faire pour des signes à symétrie horizontale (u et n par exemple) et verticale (b et d). La difficulté essentielle consiste à faire admettre à l’enfant que, pour le symbole graphique, l’identité est liée à l’orientation dans l’espace alors que les objets conservent, habituellement, les mêmes propriétés quelle qu’en soit l’orientation. Jusque vers 5 ans, l’enfant est familiarisé avec la constance de l’objet : une chaise demeure une chaise, que son dossier se trouve du côté droit ou du côté gauche, qu’il soit en haut ou en bas. À partir du moment où l’apprentissage de la lecture commence, il n’en est plus de même, « b », « p », « d », « q » ne sont pas des éléments interchangeables. Ces prérequis pour la lecture sont appréciés à l’aide du test de Reversal qui comporte 84 paires de figures dont 41 identiques et 43 différentes. Parmi les figures différentes, huit ne possèdent aucun élément de symétrie, cinq présentent une symétrie à la fois gauche-droite et haut-bas (d et p), cinq une symétrie horizontale et 22 une symétrie verticale.

Des confusions droite-gauche sont mentionnées dans les troubles des apprentissages scolaires, les dyspraxies, les retards de développement.

Les problèmes liés à l’orientation géographique, aux phénomènes de rotation mentale, au raisonnement spatial sont retrouvés chez certains enfants mais leur intégration nosographique est encore à venir.