Toux

La toux est un acte réflexe au cours duquel se succèdent une inspiration, une fermeture brève de la glotte, puis immédiatement après la mise en pression de la cage thoracique, une ouverture soudaine de la glotte, ce qui conduit à la secousse de toux. Cette secousse de toux correspond en fait à une expiration à débit rapide.

Toux
Toux

Quand les secousses de toux se succèdent, elles réalisent la quinte de toux. Dans cet acte réflexe intervient une voie afférente : ce sont les récepteurs d’irritation présents en grand nombre dans la sphère ORL, la trachée et les grosses bronches, la plèvre et le diaphragme, accessoirement le conduit auditif externe. Le signal est transmis au centre de la toux (bulbe) et/ou au cortex cérébral ce qui explique le caractère souvent réflexe, parfois volontaire de ce symptôme.

La voie efférente est représentée par le nerf phrénique, les nerfs intercostaux et tous les rameaux nerveux des muscles respiratoires accessoires (abdominaux, lombaires). Le point important tient à la grande richesse des terminaisons nerveuses sensitives dans les voies aériennes, supérieures, les bronches et la plèvre, qui contraste avec la pauvreté des informations nociceptives en provenance du tissu pulmonaire lui-même. Une inflammation discrète du pharyngolarynx est tussigène et une volumineuse tumeur parenchymateuse respectant plèvre et médiastin ne l’est pas.

DIAGNOSTIC :

Face au symptôme, toux, le praticien doit en préciser les caractéristiques : chronicité, période et conditions de survenue, caractère productif ou non.

Toux aiguë et toux chronique :

Face à une toux récente survenant dans un contexte clinique évident (infection rhinopharyngée, bronchite, fièvre, exposition à un agent d’irritation), le bilan étiologique est inutile et le médecin est autorisé à recourir à un traitement symptomatique. Face à une toux chronique, une recherche diagnostique systématique est requise : une toux est considérée comme chronique quand sa durée est égale ou supérieure à 6 semaines.

C’est un symptôme fréquent, il représente le 5e motif de consultation en médecine praticienne aux États-Unis (Pratter et al., 1993) et sa prévalence chez l’adulte non-fumeur est de l’ordre de 15 %.

Toux sèche et productive :

Il est classique d’opposer la toux réflexe (toux spasmodique) qui autorise un traitement antitussif et la toux productive ramenant une expectoration muqueuse ou purulente qui exige d’être respectée. Administrer un médicament antitussif chez un insuffisant respiratoire chronique encombré constitue une faute grave.

Condition et horaire de survenue :

Ces éléments ont une valeur indicative, mais s’avèrent en pratique peu fidèles.

Une toux de primodécubitus ou l’association à un pyrosis évoque un reflux gastro-oesophagien.

La toux nocturne est observée dans l’asthme et constitue un élément clé dans l’évaluation du bon contrôle de l’asthme.

La toux d’effort survient dans deux circonstances très différentes : elle constitue un équivalent d’asthme, notamment chez l’enfant. Chez l’adulte hypertendu ou coronarien, elle peut traduire une décompensation cardiaque sous-jacente.

La toux perprandiale évoque des troubles de déglutition ou l’apparition d’une fi stule oesotrachéale.

Plus caractéristique est la quinte coquelucheuse.

Évidente chez le jeune enfant avant l’ère de la vaccination, elle s’observe maintenant plus fréquemment chez l’adulte, mais perd habituellement sa pureté séméiologique.

ÉTIOLOGIE :

Si la toux se prolonge plus de 6 semaines, il est nécessaire et suffisant pour débuter l’enquête étiologique de demander une radiographie de thorax face et profil. Le diagnostic est généralement facile en cas d’anomalies du cliché de thorax.

Plus souvent le cliché de thorax est normal, ce qui conduit à explorer de façon systématique quatre diagnostics principaux.

Toux chronique associée à une anomalie radiologique :

Elle constitue l’éventualité la plus facile pour le médecin.

Cancer bronchique :

Si l’anomalie est localisée, elle peut constituer le premier symptôme d’un cancer bronchique : la toux survenant après 40 ans chez un fumeur survient dans le cadre d’un syndrome d’irritation bronchique faite de toux, d’une expectoration muqueuse, rarement de crachats hémoptoïques (retrouvés dans 15 % des cas seulement à l’étape initiale). Le cancer bronchique touche près de 20 000 patients par an, comprenant un pourcentage grandissant de sujets de sexe féminin.

L’image radiologique est souvent évocatrice. Le cancer peut parfois se cacher sous le couvert de pneumopathies répétées touchant le même territoire. On peut en rapprocher la toux accompagnatrice d’un syndrome de compression du médiastin ( tumeurs du médiastin, adénopathies médiastinales).

Tuberculose :

Quant la toux s’associe à une altération de l’état général, une fébricule, surtout quant existe un contage, la tuberculose doit systématiquement être évoquée, même si elle est devenue plus rare entraînant souvent de nos jours un retard diagnostique en particulier chez le sujet âgé vivant en communauté.

Anomalies localisées :

Parmi les anomalies localisées génératrices de toux, on retrouve les bronchectasies où la toux s’associe à une expectoration matinale régulière, la pathologie pleurale dont les symptômes initiaux ont été ignorés ou chez l’enfant un corps étranger intrabronchique.

La toux des bronchectasies justifie une kinésithérapie respiratoire régulière et en cas d’expectoration purulente, une antibiothérapie (par exemple, Zithromax® en cure de 5 jours).

Le corps étranger intrabronchique du petit enfant doit être enlevé au cours de la fibroscopie diagnostique.

Anomalies diffuses :

Lorsque les anomalies radiologiques sont diffuses la toux fait évoquer plusieurs affections dont cinq méritent particulièrement d’être retenues :

– toux, dyspnée et crépitants sont évocateurs d’une pneumopathie interstitielle fibrosante ;

– toux et manifestations d’insuffisance ventriculaire gauche s’intègrent dans le cadre du poumon cardiaque ;

– certaines infections parenchymateuses sont volontiers tussigènes comme l’infection à Pneumocystis carinii chez l’immunodéprimé mais le contexte est différent ;

– plus récemment la coqueluche est réapparue chez l’adulte. Le diagnostic délicat repose sur la PCR (prélèvement de sécrétions nasopharyngés) et l’ascension des anticorps antitoxines de Bordetella pertussis sur deux échantillons sanguins recueillis à un mois d’intervalle et à distance d’une vaccination récente (6 mois).

Toux chronique à thorax normal :

Le diagnostic est plus difficile lorsque la radiographie de thorax est normale. La toux chronique isolée est souvent très ancienne évoluant depuis des mois ou des années en dépit de traitements multiples, variés, en général mal suivis par le patient qui tolère mal ce symptôme gênant pour lui-même et son entourage d’autant qu’il perturbe gravement sa vie sociale et professionnelle.

La seule façon de résoudre le problème est d’envisager systématiquement les quatre étiologies prédominantes : les toux d’origine ORL, l’asthme et notamment l’asthme allergique, le reflux gastro- oesophagien, les toux iatrogènes.

Ce schéma simple d’intervention (Fig. 1) face à une toux chronique ne doit pas faire méconnaître les difficultés rencontrées par le médecin, face à une affection évoluant depuis plusieurs années. De plus chez un même malade plusieurs étiologies peuvent coexister compliquant l’enquête diagnostique et le traitement. De surcroît, face à une très longue histoire de toux, il est certain que la toux elle-même, génératrice de douleurs basithoraciques, parfois même de fractures de côtes, finit par l’irritation mécanique du larynx et des bronches et évolue pour son propre compte, expliquant certains échecs cuisants même en dehors de toute cause identifiable.

Toux d’origine ORL :

Elle peut être liée à une laryngite chronique, une néoformation des cordes vocales bénigne ou maligne, une affection de l’oreille externe (corps étranger intra-auriculaire). La cause la plus fréquente est l’écoulement nasal postérieur appelé par les Anglo-saxons le post-nasal drip syndrome.

Face à une toux chronique chez un adulte non-fumeur, on est orienté par le caractère matinal de la toux, la notion de rhinite et sinusite concomitante, la notion d’un écoulement de secrétions postérieures rarement objectivées par l’examen du pharynx.

Il est utile de demander un avis ORL et si besoin un scanner de sinus. Si cette hypothèse est retenue un traitement d’épreuve de 2 mois au minimum par un antihistaminique associé à une corticothérapie nasale résout le problème dans plus de 60 % des cas.

Toux chronique et asthme :

Il s’agit souvent d’un asthme allergique, justifiant la recherche d’un terrain atopique et la réalisation d’un bilan allergologique cutané vis-à-vis des pneumallergènes usuels. La toux « spasmodique » est un équivalent d’asthme, en particulier chez l’enfant et plus encore quand l’enfant fait un effort. La toux d’origine asthmatique s’accompagne fréquemment d’une hyperréactivité bronchique non spécifique (HRBN).

Il existe aussi des toux sans asthme mais avec HRBNS dont la preuve n’est apportée que par le test à la métacholine.

Le traitement fait appel dans un premier temps aux bronchodilatateurs et aux corticoïdes inhalés, souvent en association dans le même dispositif (Symbicort® par exemple).

Figure 1. Algorithme décisionnel face à une toux chronique
Figure 1. Algorithme décisionnel face à une toux chronique

Toux chronique et pathologie digestive :

La cause première est le refl ux gastro-oesophagien (RGO). Le diagnostic est aisé quand la toux est associée aux symptômes classiques : pyrosis, régurgitations, douleurs pharyngées ou otalgies, mais elle est souvent isolée et requiert la pHmétrie.

Un élément séméiologique intéressant est la présence d’une zone inflammatoire de la margelle postérieure du larynx évocatrice du RGO.

Bon nombre de toux liées à un RGO ont déjà bénéficié d’un traitement antiacide plus ou moins bien suivi. En cas de doute, mieux vaut suspendre toute médication et reprendre les explorations digestives usuelles.

À côté du RGO d’autres étiologies sont observées : fistule trachéobronchique lors de l’évolution d’un cancer bronchique ou oesophagien, toux lors de fausses routes en relation avec une pathologie neurologique, paralysies sousphréniques.

Récemment ont été rapportées quelques observations de toux chronique après gastroplastie par anneau modulable chez des patients avec obésité morbide.

La toux du RGO est le plus souvent soulagée par un inhibiteur de la pompe à protons (oméprazole par exemple) en deux prises par jour.

Toux iatrogènes :

Elles résultent essentiellement de l’utilisation des inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC). La prévalence est élevée (10 à 15 % des traitements).

La toux disparaît 2 à 15 jours après l’arrêt du traitement. Les IEC seront remplacées par les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine

II qui n’entraînent qu’exceptionnellement une symptomatologie de ce type.

Toux idiopathique :

Douze pour-cent des toux chroniques restent inexpliquées et ne répondent à aucun traitement symptomatique. Il faut patiemment continuer à surveiller ces patients. La toux psychogène trop souvent évoquée reste un diagnostic d’élimination à n’envisager qu’avec une extrême prudence.

Un réexamen du patient, la réalisation d’un nouveau cliché de thorax après 6 mois ou un an, et en dernière instance le recours à une endoscopie systématique permettent de rassurer à la fois le malade et son médecin.

Les antitussifs à base de codéine ou d’oxomémazine ne peuvent être utilisés qu’après s’être assuré que la saturation en oxygène est normale et que le patient n’est pas encombré.