Troubles du comportement

INTRODUCTION :

L’urgence psychiatrique dérange. Le malade confus, réticent, hostile ou violent, n’est jamais là où il devrait être. L’urgence psychiatrique est de ne pas succomber au mimétisme de la violence et de la panique, sachant que celles-ci constituent pour tout l’entourage concerné un stress intense. Or, ce mimétisme affectif est l’un des principaux pièges de l’urgence psychiatrique.

Le médecin peut avoir peur devant la violence d’un patient, ce qui risque de fausser le jugement clinique et conduire à des décisions thérapeutiques inadaptées, voire nocives. Il faut donc savoir parfois conclure et se retirer.

La question fréquente que se pose le médecin intervenant en première ligne est : dois-je m’occuper du malade, l’adresser en psychiatrie ou appeler le SAMU ? Si le malade n’a jamais eu à faire avec la psychiatrie, le recours au médecin généraliste est souvent mieux accepté.

Le travail psychiatrique en urgence comporte presque toujours une dimension sociale, et l’action avec ou sur l’entourage est déterminante.

Troubles du comportement
Agressivité / Violence

Rien n’est décidable sans tenir compte de l’environnement du sujet, surtout, paradoxalement, quand il n’existe pas. Les difficultés économiques et sociales fréquentes des patients nécessitent que la psychiatrie ne soit pas toute seule sur le terrain de l’urgence. L’aménagement parallèle d’un accueil social est souvent nécessaire. Ainsi, l’urgence en psychiatrie ne peut être exclue ou isolée de son contexte, comme peut l’être momentanément un trouble somatique.

L’urgence psychiatrique doit être envisagée par le médecin comme une urgence médicale.

Le rôle du premier intervenant est souvent primordial.

Un patient marqué « du sceau de la folie », c’est-à-dire étiqueté « malade mental », n’est souvent pas examiné sur le plan somatique.

Le risque est alors de négliger l’organicité.

En effet, toute agitation pathologique n’est pas psychiatrique ( crise comitiale, accident vasculaire cérébral, hémorragie méningée, hypoglycémie, déshydratation, etc.). Il faut toujours rechercher une cause organique à l’agitation et ne pas « psychiatriser » toutes les agitations.

Mais l’inverse peut arriver : un pseudo-coma hystérique peut être pris au sérieux et soumis aux agressions d’un protocole de réanimation invasif. Il faut également se méfier d’une médicalisation initiale de certaines situations psychologiques.

Il existe par ailleurs des situations dites « mixtes » où sont intriqués troubles psychiatriques et somatiques, comme par exemple certaines tentatives de suicide, les ivresses pathologiques, les toxicomanies, ou encore les tableaux d’agitation, d’angoisse, de confusion survenant dans une affection organique (hypoglycémie, grossesse extra-utérine, infarctus du myocarde, etc.). Les problèmes d’addiction (alcool, drogues, etc.) aggravent souvent la situation.

La différence entre urgence psychiatrique et urgence médicale tient au fait qu’en psychiatrie, un diagnostic n’entraîne pas systématiquement un protocole précis de gestes, de transfert et de soins. D’autre part, le diagnostic n’est pas l’élément majeur d’un entretien initial en situation d’urgence, les impératifs de l’urgence psychiatrique restant avant tout ceux de la sécurité (du patient, de son entourage et des soignants).

Comme dans toute activité médicale, les médecins intervenant dans le cadre de l’urgence doivent appliquer les règles administratives et déontologiques d’exercice de leur profession, mais la temporisation, chère aux psychiatres, est rarement conseillée en situation de « crise ». Dans le cas de la médecine isolée, en milieu rural par exemple, le médecin généraliste est souvent placé dans les situations qu’il doit assumer jusqu’à leur terme, sans pouvoir faire appel à des intervenants spécialisés.

Il importe de ne pas confondre les différents troubles qui peuvent affecter une personne et de bien distinguer, d’une part, les troubles mentaux liés à une pathologie mentale avérée et, d’autre part les troubles du comportement n’étant pas du ressort de la psychiatrie. Le terme d’urgence psychiatrique regroupe à la fois le travail psychiatrique aux urgences d’un hôpital général et les situations d’urgence à domicile, au travail ou dans un lieu public, relevant de la psychiatrie.

AGITATION-AGRESSIVITÉ- VIOLENCE :

L’urgence psychiatrique est souvent assimilée à l’agitation et à l’agressivité, mais il en existe où ne sont présentes ni agitation, ni agressivité, en particulier chez des sujets suicidaires.

Agitation pathologique :

L’agitation pathologique est une augmentation de l’activité motrice, inadaptée dans sa forme et dans sa force, c’est-à-dire désordonnée et incohérente.

Elle se caractérise surtout par une perte de contrôle des pensées et des actes. C’est la traduction d’une excitation psychique au niveau du comportement. L’agitation n’est pas synonyme de violence. Celle-ci peut succéder à l’agitation ou apparaître brutalement. Parfois, il faut savoir respecter l’agitation qui cédera spontanément.

Les risques de passages à l’acte auto- ou hétéroagressifs sont importants lors des agitations psychiatriques.

Agressivité :

L’agressivité (venant du latin aggredi : attaquer) est une intention agressive, sans acte agressif.

Elle est une réaction à une frustration qui a pour effet de réduire la frustration. Ainsi, plus grande est la frustration et plus importante est l’agressivité.

La violence n’est bien sûr pas spécifique de la maladie mentale, mais elle peut être un symptôme momentané d’une affection psychiatrique. Dans la plupart des cas, plusieurs facteurs s’ajoutent pour déterminer la dangerosité (alcool + personnalité pathologique + jalousie, etc.). Certains indices permettent de reconnaître l’imminence de la violence :

– antécédents de violences à répétition (verbale ou physique) ;

– alcoolisme chronique ou autres addictions ;

– délires paranoïaques et paranoïdes ;

– instabilité ou agitation motrice (refus de s’asseoir, déambulation) ;

– gestes ou paroles de menaces ou de défense ;

– changements brutaux et inexpliqués d’activité ;

– vocabulaire grossier inhabituel ;

– port ou utilisation d’arme ou d’objet pouvant servir à agresser ;

– antécédents judiciaires d’actes de violence.

Sur le plan sociodémographique, la violence survient plus volontiers chez les hommes, âgés entre 15 et 24 ans, de faible niveau socioéconomique et présentant une absence ou une carence de supports sociaux.

ÉVALUATION-MÉTHODES D’EXAMEN :

Il n’existe pas de méthode générale pour mener l’examen d’une personne avec troubles du comportement qui met surtout en jeu l’expérience et la personnalité de l’observateur (médecin, infirmière, policier, etc.). Ainsi, il ne s’agit pas d’appliquer une « technique », mais de faire appel au bon sens et à l’habileté. Chaque situation est abordée différemment. Cet examen est tout de même facilité par quelques règles simples et valables dans tous les cas.

Il est préférable de ne pas prendre de notes durant l’observation et de se consacrer à l’écoute du patient en tentant d’établir un dialogue. Il faut éviter de laisser s’installer le silence, souvent angoissant. Ainsi, l’écoute « pure », chère à certains, aussi bienveillante soit-elle, n’est ici pas souhaitable. Écouter le patient ne veut pas non plus dire de le laisser parler longuement de n’importe quoi. Il faut savoir orienter le dialogue et garder le contrôle. Il faut également éviter les interventions brutales risquant d’engendrer chez le patient réaction négative, mutisme ou fuite.

On peut schématiquement distinguer plusieurs étapes durant cet examen, étapes qui sont souvent menées de façon simultanée.

Circonstances de l’examen :

Le médecin généraliste est souvent en première ligne face à une urgence et peut être désarmé par son manque de soutien, de temps ou d’expérience, par un sentiment d’échec, par son rôle de relais ou encore par une impression d’être « piégé » par l’hostilité du malade. Le rôle du médecin dans ces situations se situe le plus souvent à court terme, devant assurer une sécurité immédiate et devant affronter parfois un pronostic vital.

Nombreuses sont les situations d’urgence traitées par les médecins généralistes sans recourir au psychiatre, et l’aide psychologique que peut apporter le médecin généraliste à un patient qu’il connaît déjà est irremplaçable. Lorsque le médecin se déplace à domicile, le traitement sur place est souvent la meilleure solution, mais il n’est pas toujours possible. Néanmoins, la séparation du milieu peut avoir en elle-même un rôle thérapeutique, et les réactions de l’entourage (fatigue, peur, souffrance, agressivité) doivent être prises en compte. Parfois, l’entourage peut être d’une grande aide en participant à la prise en charge. Dans le cas d’un patient isolé au domicile et inconnu du médecin, et quelle que soit la symptomatologie, le recours à l’hôpital est privilégié.

Lorsque le médecin reçoit un appel téléphonique, il faut d’emblée connaître l’adresse et le numéro de téléphone du patient, nécessaires si l’appel est interrompu et si des secours doivent être envoyés au domicile. Si le patient est seul et que le médecin estime qu’il est en danger, la police ou le SAMU doivent être alertés. Au mieux, le médecin garde le patient au téléphone jusqu’à l’arrivée des secours, en faisant appeler ces derniers par un tiers. Il ne faut pas conseiller au patient de venir seul aux urgences ou au cabinet.

Dans tous les cas :

– il est important de bien connaître les moyens et circuits locaux (SAMU, police, gendarmerie, gardes de psychiatrie, sectorisation, etc.) ;

– un effort de patience et de compréhension s’impose, faut de quoi toute communication est interrompue. Or, le dialogue, même réduit, peut permettre à lui seul d’initier la prise en charge appropriée ;

– le médecin doit toujours se poser les questions suivantes : qui appelle au secours ? Qui demande de l’aide ? Qui doit-il aider, soulager ou soigner ? Car le patient peut être volontaire, demandeur de soins ou au contraire contraint par son entourage.

Observation de l’aspect extérieur :

L’attention portée à l’aspect extérieur du patient est un élément diagnostique qu’il ne faut pas négliger. Sont observés en particulier :

– la tenue vestimentaire : son degré d’excentricité, de négligence, d’adaptation, etc. ;

– le visage : animé, hilare, anxieux, perplexe, fermé, boudeur, triste, etc. ;

– l’attitude : confiante, amicale, soupçonneuse, réticente, hostile, revendicatrice, indifférente, etc. ;

– les mouvements et comportements : vifs, lents, hésitants, comiques, agressifs, stupeur, agitation, hyperactivité, tremblements, tics, compulsions, stéréotypies, maniérisme, etc.

Qualité du contact :

Le contact est un élément méconnu et pourtant essentiel de l’examen qui consiste à analyser sa propre réaction face au sujet. C’est un des moyens d’investigation facilité par l’expérience mais accessible à tout observateur qui accepte de consacrer quelques secondes à son « auto-observation », c’est-à-dire à ce qu’il ressent lors du premier contact avec le patient. Dans la pratique courante, le diagnostic repose bien entendu sur des éléments plus objectifs, mais dans l’urgence, cette prise de conscience de ce que « dégage » le sujet n’est pas superflue.

Ces éléments plus objectifs sont l’évaluation de l’humeur, du degré de vigilance, de lucidité, l’analyse du discours.

Recueil des données anamnestiques :

Cette démarche peut se faire avec le sujet si possible, mais elle s’effectue le plus souvent avec l’entourage. Sont recherchés en particulier :

– éléments de l’état civil ;

– circonstances de l’apparition de la crise : le début (brutal ou progressif), les événements de vie récents ou anciens, les événements précipitants, la situation sociale, l’ordre d’apparition des symptômes ;

– notion d’accès antérieurs ;

– traitements en cours, la prise de psychotropes ou de toxiques ;

– antécédents somatiques et psychiatriques personnels et familiaux.

Examen somatique :

Devant un tableau psychiatrique aigu, l’étiologie ou la participation organique risquent d’être négligées. L’erreur ici peut engager le pronostic vital. Ainsi, la prudence incite à s’orienter d’abord vers une étiologie organique, surtout devant un tableau « d’allure psychiatrique » d’apparition brutale.

Cet examen physique est indispensable au diagnostic mais ne peut se faire que dans un climat apaisé. Dans tous les cas, il faut parvenir à une évaluation sommaire de l’état général du patient, et cet examen est en particulier orienté vers la recherche de signes d’intoxication alcoolique (aiguë ou chronique) ou d’une toxicomanie.

L’examen neurologique est également primordial.

Au moindre doute, l’examen clinique est complété par des examens complémentaires : glycémie, NFS, ionogramme sanguin, urée, créatinine, radio pulmonaire, ECG, recherche de toxiques (sang et urines), voire scanner cérébral, EEG, fond d’oeil, ponction lombaire, etc.

Caractéristiques orientant vers une étiologie organique des troubles mentaux :

Les caractéristiques orientant vers une étiologie organique des troubles mentaux sont les suivantes :

– début brutal ;

– absence d’événement déclenchant ;

– absence d’antécédent psychiatrique connu ;

– personne âgée ;

– sujet ne s’exprimant pas ou mal ;

– antécédents somatiques ou pathologie actuelle ;

– abus de substances illicites ;

– symptômes neurologiques ;

– syndrome confusionnel.

_ Principales causes organiques des troubles du comportement

Causes neurologiques :

Les causes neurologiques concernent :

– encéphalite ;

– hémorragie méningée ;

– épilepsie ;

– lésions d’artériosclérose cérébrale ;

– maladie du lobe temporal ;

– tumeurs cérébrales ;

– démences.

Causes extra-neurologiques :

Les causes extra-neurologiques concernent :

– hypoglycémie ++++ ;

– embolie pulmonaire ;

– phase initiale d’un infarctus du myocarde ;

– arythmies cardiaques ;

– endocardite bactérienne ;

– hémorragie interne ;

– hypertension artérielle ;

– hyperthyroïdie ;

– hyper- ou hypocalcémie ; phéochromocytome.

– Attention aux pathologies mixtes ou associées : organique et psychiatrique.

TABLEAUX CLINIQUES :

Accès maniaque :

L’accès maniaque demande une attention particulière aux débordements comportementaux.

C’est un tableau d’agitation « pure » et « stérile ». Il se caractérise par une hyperactivité psychomotrice (va-et-vient, gesticulations, danse, etc.), un comportement qui amuse par son aspect ludique. Ainsi, le maniaque communique à l’entourage une gaieté inhabituelle mais transitoire. La tenue vestimentaire est souvent extravagante. L’humeur est euphorique, expansive, parfois ironique ou caustique et versatile (passage du rire aux larmes, de la colère aux lamentations, etc.). Le sujet est hilare (mais parfois d’un humour grinçant), hypervigilant (très attentif, rien ne lui échappe). Le discours est rapide, décousu, imaginatif, marqué par une logorrhée, émaillé de plaisanteries, de calembours, de jeux de mots, passe du « coq à l’âne », témoignant d’une fuite des idées. Le sujet exprime parfois des idées délirantes mégalomaniaques ou de grandeur. À un moindre degré, on parle d’hypomanie.

Devant un accès maniaque, on recherche des antécédents personnels et familiaux psychiatriques, à la recherche d’une maladie bipolaire. Ce type de tableau nécessite le plus souvent une hospitalisation en milieu psychiatrique. Mais ces patients peuvent devenir menaçants et violents en s’opposant à toute proposition de soins et, a fortiori, à une hospitalisation.

Accès mélancolique :

L’accès mélancolique doit faire prévenir du risque suicidaire. (cf. chapitre, De la tristesse à la dépression)

Accès confusionnel :

L’accès confusionnel relève d’une urgence médicale.

Un état confusionnel exige un examen clinique approfondi pour rechercher une cause organique.

Les principaux signes sont :

– un aspect négligé, un air égaré, absent, perplexe ;

– un contact qui inspire la pitié et qui donne envie d’assister le sujet ;

– des troubles cognitifs : troubles mnésiques, amnésie de fixation avec oubli à mesure (épreuve des 3 mots), désorientation temporospatiale, dissolution de la conscience ;

– accès confuso-onirique avec hallucinations visuelles et/ou auditives pouvant être à l’origine de gestes de fuite ou de défense potentiellement dangereux ;

– inertie voire stupeur ou agitation désordonnée ;

– maladresse des mouvements, dysarthrie ;

– anxiété paroxystique ;

– vagabondage ;

– examen somatique altéré.

Les formes mineures ou intermittentes de confusion sont plus difficiles à diagnostiquer.

Conduite à tenir devant une confusion :

La conduite à tenir devant une confusion doit permettre un transfert d’urgence à l’hôpital général dans de bonnes conditions :

– présence sécurisante permanente ;

– surveillance étroite : risque de changement brutal de comportement ;

– se présenter au malade et ne pas lui poser de questions trop précises ;

– interrogatoire minutieux de l’entourage ;

– ne pas donner d’emblée de psychotrope risquant d’altérer encore la conscience ;

– prévenir la déshydratation.

Principales étiologies de la confusion :

Alcoolique :

L’étiologie alcoolique est la plus fréquente. Elle comprend :

– ivresses aiguës : état confusionnel transitoire régressif en quelques heures suivi d’amnésie ;

– syndromes de sevrage : délire subaigu de début souvent nocturne, terreur, hallucinations visuelles, zoopsies, onirisme vécu, mobile, kaléidoscopique, anxiété, brefs moments de lucidité, sueurs, tremblements.

Somatique ou iatrogène :

Les étiologies somatique ou iatrogène sont fréquentes chez les personnes âgées. Elles s’observent dans les affections suivantes :

– hémorragie méningée ;

– hypoglycémie ;

– affections endocrinologiques ou métaboliques ;

– intoxications chroniques (barbituriques, lithium, atropine) ;

– fièvre infectieuse ;

– sevrage toxicomaniaque ;

– épilepsie postcritique ;

– encéphalites.

Affections psychiatriques :

Les affections psychiatriques comprennent :

– hystérie : fugues, amnésie, états dissociatifs transitoires ;

– schizophrénie ;

– psychoses puerpérales ;

– troubles psychiatriques du sujet âgé ;

– épisode délirant aigu ;

– accès mélancoliques ou maniaques.

Crise d’angoisse aiguë ou crise d’anxiété généralisée :

Cause très fréquente d’agitation, le plus souvent, le patient lui-même demande une consultation en urgence. Il s’agit généralement d’une crise réactionnelle à un événement traumatisant chez un sujet névrosé. Plus le sujet est névrosé (suggestible, fragile), moins intense peut être l’événement qui déclenche la crise. Après un événement de type catastrophique qui confronte brutalement le sujet à la mort ou à l’idée de celle-ci, n’importe quel individu peut faire une crise d’angoisse. On qualifie souvent ces crises « d’hystériques », terme péjoratif au sens courant et pas toujours adéquat dans ce type de situation.

Ces crises sont caractérisées par les troubles suivants :

– hyperexpressivité du sujet (pleurs, cris, gémissements, etc.) avec une exagération et un théâtralisme dans la présentation et le discours qui altèrent le contact avec lui et inspire le plus souvent de l’irritation. Ainsi, l’intensité des manifestations anxieuses peut « contaminer » l’examinateur. Le sujet est anxieux, hyperémotif mais pas confus, sauf dans le cas rare de réaction confusionnelle après un psychotraumatisme grave ;

– discours en général évasif et répétitif et se caractérisant par l’emploi de superlatifs et une absence d’objectivité ;

– sentiment de danger imminent et indescriptible que le patient à souvent du mal à verbaliser (la peur de devenir fou, de ne plus se contrôler, etc.) ; une impression d’anéantissement, de morcellement de la pensée ; sensations physiques d’étouffement, d’évanouissement, de mort imminente, associées parfois à des plaintes somatiques variées. Dans ces cas, il est fréquent que le patient demande des examens complémentaires.

Lorsque les crises d’angoisse aiguës se répètent, on parle de trouble panique, où s’associe la crainte d’avoir une nouvelle crise (anxiété anticipatoire).

Conduite à tenir :

Une fois les causes organiques écartées, il faut :

– rechercher avec le patient les situations ayant pu être à l’origine de la crise : conflits, surmenage et épuisement, traumatismes physiques, affections somatiques graves ou chroniques entraînant une peur de la mort ou de l’abandon, etc.

– rechercher un sevrage récent « involontaire » d’une benzodiazépine de demi-vie courte ;

– dédramatiser par un entretien réassurant ;

– traiter par sédatif si nécessaire ;

– en cas d’échec de ces mesures simples, le recours à une consultation psychiatrique, voire à une hospitalisation, peut s’avérer nécessaire.

Principales étiologies organiques de la crise d’angoisse aiguë :

Les principales étiologies organiques de la crise d’angoisse aiguë concernent :

– hypoglycémie ;

– alcool, toxiques et iatrogénie (abus ou sevrage) ;

– encéphalites virales ;

– hypertension artérielle maligne ;

– hypertension intracrânienne ;

– syndrome de Ménière ;

– hémorragies internes.

Agitation caractérielle :

L’agitation caractérielle survient chez des sujets présentant un trouble de la personnalité de type borderline, hystérique ou psychopathe.

Le comportement est volontiers théâtral, le discours marqué par des accusations intempestives et inadaptées mettant en jeu la responsabilité du médecin. Dans ce contexte, il faut adopter une attitude neutre et ne pas répondre aux provocations.

La psychopathie est marquée par l’impulsivité, l’intolérance à la frustration, les menaces envers l’entourage, une attitude de ressentiment perpétuel, des actes délictueux. Elle concerne habituellement des sujets jeunes de sexe masculin, présentant souvent des antécédents judiciaires, une instabilité professionnelle et affective. On retrouve fréquemment dans leur histoire des carences affectives ou matérielles précoces et répétées.

Bouffées délirantes aiguës ou épisodes psychotiques aigus :

Dans ces cas, il existe une rupture du contact avec la réalité et le sujet n’est pas conscient du caractère pathologique de son comportement.

Le patient est d’aspect plutôt figé avant que ne survienne brutalement une crise d’agitation apparemment immotivée et inexplicable rationnellement.

Le regard est absent, l’altération de la communication est évidente et c’est pourquoi ces patients font peur, sans raison objective en rapport avec un réel danger. La raison de la peur est de percevoir intuitivement le chaos de la pensée et la discordance du discours et du comportement. Le sujet à l’air indifférent, mais sa vigilance n’est pas altérée. Son discours est difficile à comprendre, ses propos étant souvent hermétiques, bizarres, ou totalement incohérents.

Il peut s’agir soit d’un épisode délirant aigu isolé, soit d’une phase aiguë de décompensation d’une psychose chronique ou « moment fécond », d’où l’importance de l’anamnèse et des antécédents.

Bouffées délirantes ou épisodes psychotiques aigus :

Le début est rapide, en quelques jours maximum, parfois en quelques heures. Il peut être précédé d’un facteur de stress (deuil, traumatisme psychologique, etc.), ou survenir sans élément déclenchant net. Le trouble ne dure pas plus d’un mois. L’épisode survient le plus souvent chez l’adolescent ou l’adulte jeune.

Les troubles varient d’un moment à l’autre et sont : instabilité affective : passage de l’accablement avec angoisse à des phases d’exaltation et de surexcitation ;

– attitudes contradictoires face au médecin : sentiments de sympathie, de méfiance ou d’hostilité ;

– absorption du sujet dans une vie imaginaire, s’exprimant dans un discours désorganisé ;

– délire polymorphe dans ses thèmes et ses mécanismes, non systématisé. L’adhésion au délire est variable : le sujet peut passer d’une conviction

intense à une perplexité interrogative ;

– déni du caractère pathologique des troubles ;

– hallucinations psychiques ou sensorielles fréquentes (attitudes d’écoute lors d’hallucinations auditives) ;

– sentiment de dédoublement ;

– troubles du comportement très variables ;

– risque de suicide élevé, en particulier chez les sujets jeunes.

Chez les sujets jeunes, l’origine toxique de cette bouffée délirante et l’absence d’antécédent psychiatrique sont fréquentes.

Phases aiguës ou décompensations de psychoses chroniques ( schizophrénie) :

Le début est ici plus progressif, faisant souvent suite à un facteur de stress déclenchant (modification du quotidien d’un schizophrène, par exemple).

Le tableau clinique comprend les troubles suivants :

– dissociation nette : troubles du cours de la pensée, sourires immotivés, barrages, etc.

– rupture du contact avec la réalité ;

– incohérence de la pensée et du langage ;

– indifférence affective ;

– discours flou, abstrait, sans signification et sans participation affective ;

– idées délirantes de thèmes et de mécanismes variés ;

– histoire et antécédents du patient révèlent le diagnostic de psychose chronique connue.

Les passages à l’acte intempestifs hétéro-agressifs sont plus fréquents chez les psychotiques chroniques qui « décompensent » (schizophrènes) que dans les bouffées délirantes aiguës.

Parfois inauguraux, ils témoignent de l’ambivalence de ces patients : haine ou attachement intenses et brefs. C’est le caractère brutal, inattendu et insolite de ces passages à l’acte qui font leur dangerosité.

Tout malade discordant peut présenter des changements brusques et aberrants du comportement.

Conduite à tenir devant un épisode psychotique aigu :

La conduite à tenir devant un épisode psychotique aigu doit s’attacher à :

– éliminer une confusion mentale : la bizarrerie du comportement, le manque d’attention, le mutisme intermittent, la latence aux réponses, l’absence de synthèse mentale peuvent rendre difficile la distinction entre délire et confusion.

Cependant, il n’existe pas la plupart du temps dans les épisodes psychotiques de désorientation temporospatiale ;

– poser des questions simples, en termes rassurants ;

– ne pas adopter d’attitudes menaçantes devant le refus de soins quasi systématique de ces patients ;

– ne pas attendre l’apparition de troubles du comportement pour agir : une hospitalisation en milieu psychiatrique s’impose.

_ Principales étiologies organiques d’épisodes délirants aigus

Causes toxiques :

Les causes toxiques sont les suivantes :

– alcool, cannabis, LSD, PCP (phencyclidine ou « cristaux » ou « angel dust »), amphétamines ;

– surdosages médicamenteux (volontaires ou accidentels) : insuline, tricycliques, corticoïdes, isoniazide, Artane® (antiparkinsonien), cimétidine, hormones thyroïdiennes.

Causes neurologiques :

Les causes neurologiques sont les suivantes :

– encéphalites ;

– épilepsie temporale ;

– hémorragies méningées ;

– méningites ;

– hyperthermies graves ;

– hypertension intracrânienne ;

– porphyrie aiguë intermittente ;

– toxiques professionnels.

Paranoïa (personnalité et/ou délire) :

La paranoïa est de dangerosité importante. Le sujet menaçant, au contraire de l’agité, est en mesure de s’expliquer. Un dialogue peut en général être établi, même s’il est parfois volontairement refusé. Le discours est souvent fait de revendications et/ou de menaces, et le patient est dans le déni total de son statut de malade.

La présentation du patient paranoïaque est généralement assez conventionnelle, mais dans la colère, il peut présenter des troubles du comportement agressifs. Par ailleurs, certains moments d’exaltation peuvent être à l’origine de délits variés : scandales publics, menaces de mort, dégradation de biens, etc.

On distingue la personnalité paranoïaque marquée par la psychorigidité, la méfiance, la suspicion, la réticence, la surestimation de soi, et les délires paranoïaques, de jalousie, de persécution, d’injustice ou érotomaniaque. Lorsque le sujet délire, l’agitation survient en fonction de l’intensité et de la nature des convictions délirantes.

Le paranoïaque nous entraîne souvent dans une discussion sans fi n, tout à fait inadaptée dans ce contexte d’urgence, que l’on nomme « raisonnement paralogique ». Son humeur peut être exaltée ou marquée par l’agressivité. La vigilance n’est pas altérée.

La paranoïa, en particulier dans sa forme délirante, peut être dangereuse. Il s’agit en effet d’une des pathologies psychiatriques les plus criminogènes, représentant un danger pour les proches ou les « persécuteurs désignés » du patient.

Cette dangerosité est encore augmentée lorsque le paranoïaque est alcoolique.

Réticence et mutisme :

La réticence et le mutisme imposent la patience.

Mutisme :

Le mutisme est un trouble de la communication d’origine psychique, se traduisant par une absence de réponse ou même de contact, alors que les messages de l’examinateur qui tente d’établir un dialogue sont perçus par le patient. On associe au mutisme la réticence ou la méfiance, qui en sont des formes atténuées. Ces attitudes obligent à un interrogatoire prolongé. Devant ce type de patient, il faut d’abord écarter une confusion, et rechercher une intoxication, puis tenter d’établir une communication avec calme et patience. On peut donner à l’entretien un caractère presque confidentiel en se rapprochant physiquement du patient. Il ne faut pas hésiter à répéter mots ou phrases. Parfois, le patient commence à parler lorsque l’on met fin à l’entretien.

Dans tous les cas, il faut prendre son temps, respecter et supporter le silence, prolonger l’entretien pour tenter de « rompre la glace » et parfois faire appel à un autre interlocuteur.

Lorsque le patient rompt son mutisme avec un autre interlocuteur, on parle de mutisme « sélectif ».

Attention, le mutisme est parfois provoqué par une attitude maladroite, intrusive ou pressée de l’examinateur.

Le mutisme à des étiologies variées : accès mélancolique, hystérie ou autre trouble de la personnalité, délire, en particulier de persécution.

Négativisme :

Le négativisme est une absence de réaction aux ordres et consignes venus de l’extérieur. Le patient oppose une résistance obstinée à toute tentative de mobilisation. Le négativisme s’accompagne parfois d’une rétention urinaire et/ ou fécale.

Catatonie :

La catatonie, forme la plus grave, se caractérise par l’alternance de tableaux cliniques qui se succèdent : phases négativiste, passive et expressive.

Phase négativiste :

La plus souvent observée, elle est d’intensité variable.

Le malade est figé, pétrifié, indifférent, mutique. La mobilisation des membres est impossible, la rétention sphinctérienne et le refus de s’alimenter sont fréquents.

Phase passive :

La phase passive se caractérise par une résistance atténuée à la mobilisation ou « flexibilité cireuse ». Elle provoque une persistance des attitudes provoquées sans fatigue musculaire apparente, parfois un mimétisme de la parole et des gestes de l’interlocuteur. La suggestibilité est intense : exécution des ordres et réponses immédiates aux questions.

Phase expressive :

La phase expressive peut survenir entre les deux phases précédentes. Les signes sont : stéréotypies d’attitude, gestes automatiques, artificiels, décharges psychomotrices pouvant aller jusqu’à des épisodes de fureur avec cris et violence incontrôlée.

Les tableaux catatoniques évoquent avant tout la schizophrénie, mais peuvent s’observer dans des accès mélancoliques (mélancolie stuporeuse).

Dans tous les cas, une hospitalisation s’impose.

Principales étiologies organiques des états d’inhibition :

Les principales étiologies organiques des états d’inhibition concernent :

– intoxication au monoxyde de carbone ;

– maladies infectieuses (brucellose, typhoïde) ;

– hypoglycémie ;

– hypercalcémie ;

– hyperparathyroïdie ;

– hypothyroïdie ;

– syndrome malin des neuroleptiques ;

– hypertension intracrânienne ;

– tumeurs cérébrales ;

– avitaminose B1 (M aladie de Gayet-Wernicke).

Alcool :

L’alcool est la cause la plus fréquente des urgences psychiatriques. Il est en France à l’origine de la majorité des troubles du comportement rencontrée aux urgences, et la dangerosité potentielle d’un patient est toujours majorée par l’ivresse. Il existe trois grands types de tableau : les ivresses aiguës, les syndromes de sevrage et les complications de l’alcoolisme chronique.

Ivresses ou intoxications alcooliques aiguës :

L’intoxication alcoolique aiguë témoigne de l’action d’une forte dose d’alcool sur le système nerveux central. L’effet est d’abord stimulant puis dépresseur et hypnotique. La dangerosité potentielle d’un patient alcoolisé vient du fait que l’alcool désinhibe, efface les interdits et décuple les pulsions. Les manifestations cliniques de l’ivresse dépendent de la dose d’alcool absorbée, de la rapidité de l’absorption et des caractéristiques du sujet (sexe, âge, habitudes antérieures de boissons, médicaments associés, etc.). Les manifestations pathologiques peuvent survenir avec moins d’1 g/L d’alcool dans le sang.

Rappelons par ailleurs la potentialisation réciproque de l’alcool et des psychotropes.

Les trois phases de l’ivresse :

Les trois phases de l’ivresse sont les suivantes :

– excitation psychique : logorrhée, euphorie ou anxiété, irritabilité ;

– ébriété : sémiologie cérébelleuse marquée par une incoordination motrice et gestuelle, des tremblements, une dysarthrie, des gestes et des propos incongrus ;

– sommeil : pouvant aller jusqu’au coma.

Ivresses pathologiques :

Il s’agit d’ivresses associées à d’autres troubles psychiatriques : l’ivresse excitomotrice est la forme la plus dangereuse de l’ivresse qui se traduit par une grande agitation avec des impulsions agressives sans limite et un risque élevé de suicide, d’actes délictueux, voire d’homicide.

On distingue également l’ivresse maniaque (euphorie, expansivité, logorrhée), l’ivresse dépressive (levée des inhibitions et risque suicidaire), l’ivresse délirante (les thèmes les plus fréquents du délire sont la persécution, la mégalomanie, la jalousie ou l’auto-accusation) et l’ivresse confuso-onirique (illusions ou hallucinations visuelles, altération de la conscience).

Conduite à tenir devant une ivresse :

L’ivresse nécessite un examen physique complet.

Une haleine oenolique ne suffi t pas au diagnostic.

Si le diagnostic d’ivresse est souvent évident, il est primordial de rechercher des manifestations organiques associées (hypoglycémie, traumatisme crânien, etc.).

Les règles suivantes sont à observer :

– surveillance médicale permanente (risque de coma) ;

– mesure de l’alcoolémie et de glycémie, bilan

biologique selon le contexte ;

– en cas d’ivresse simple, le repos en milieu médical suffit ;

– en cas d’ivresses pathologiques avec agitation, une sédation s’impose ( Valium® ou Loxapac®), sous surveillance.

Syndromes de sevrage :

Il s’agit des troubles en rapport avec une alcoolo-dépendance, survenant lors d’un arrêt ou d’une nette diminution d’une intoxication alcoolique ancienne. Les troubles traduisent une hyperactivité du système nerveux central auparavant inhibé par l’alcool.

Prédelirium tremens :

Les formes modérées les plus fréquentes sont :

– tremblement fin et distal accentué aux mouvements, touchant également la langue et les lèvres ;

– hypertonie oppositionnelle ;

– anxiété, irritabilité avec parfois agressivité ;

– sueurs, diarrhée, tachycardie ;

– insomnie ;

– symptômes dépressifs.

Cet état disparaît sous traitement en 3 à 5 jours. Le traitement est bien codifié, fonction d’un « score de sevrage », associant : hospitalisation, réhydratation, vitamine B1, B6, PP, Valium® (toutes les heures tant que le score reste élevé).

Delirium tremens :

Le delirium tremens peut être fatal et relève de l’urgence médicale.

Il peut être précédé par une crise comitiale, un pré-DT ou un délire subaigu.

Tableau clinique :

Ses caractéristiques sont :

– tremblements de forte intensité, touchant tout le corps, entraînant des troubles de la marche et du langage ;

– hypertonie oppositionnelle marquée ;

– délire confuso-onirique : agitation désordonnée, agressivité, frayeur ou menaces, hallucinations visuelles et auditives, délire interprétatif, confusion ;

– sueurs, vomissements, diarrhée, à l’origine d’une déshydratation ;

– fièvre ;

– tachycardie ;

– hypernatrémie ;

– hémoconcentration ;

– élévation de la créatininémie ;

– stigmates biologiques de l’alcoolisme chronique : élévation des transaminases, des gamma- GT, du volume globulaire moyen.

Traitement :

Le traitement comprend :

– hospitalisation, en chambre éclairée ;

– réhydratation intraveineuse ;

– Valium® ;

– rééquilibration ionique ;

– vitaminothérapie B1, B6, PP ;

– neuroleptiques en cas de délire.

À ces tableaux classiques de sevrage, peuvent s’associer des crises convulsives et des attaques de panique vespérales chez des alcooliques abstinents.

Complications de l’alcoolisme chronique :

Les complications de l’alcoolisme concernent :

– symptômes de détérioration morale et intellectuelle ;

– indifférence à la dégradation morale et affective ;

– troubles de l’humeur et du caractère ;

– propos incohérents, dysarthrie, persévérations verbales ;

– obnubilation, confusion ;

– crises comitiales ;

– encéphalopathie alcoolique aiguë ou syndrome de Gayet-Wernicke : complication de l’alcoolisme secondaire à une carence vitaminique associant un trouble de l’oculomotricité, une ataxie cérébelleuse et une confusion ;

– démence alcoolique ou Syndrome de Korsakoff : amnésie et fabulation.

Troubles du comportement liés à d’autres toxiques :

Tous les toxiques peuvent donner des troubles du comportement et représenter des urgences médicales et psychiatriques. La grande variété des produits utilisés explique la diversité des tableaux cliniques. Par ailleurs, les associations de toxiques sont fréquentes, aggravant les risques.

On distingue :

– hallucinogènes : cannabis, LSD, PCP ;

– euphorisants : opiacés, cocaïne ;

– excitants : amphétamines et dérivés ;

– tranquillisants : benzodiazépines, barbituriques ;

– solvants organiques : éther, trichloréthylène.

Ces produits peuvent donner, par intoxication ou par sevrage :

– bouffées délirantes aiguës (hallucinations, dépersonnalisation, syndrome de persécution, etc.) ;

– tableaux confusionnels ;

– états d’agitation ;

– syndromes dépressifs.

PATHOLOGIES SPÉCIFIQUES :

Urgences psychiatriques chez le sujet âgé :

Les urgences psychiatriques chez le sujet âgé se caractérisent par la fréquence des troubles organiques associés et des troubles iatrogènes.

Les risques de déshydratation puis de dénutrition imposent l’hospitalisation.

Agitation sénile et démentielle :

Le tableau clinique de l’agitation sénile et démentielle concerne :

– état confusionnel d’intensité variable ;

– amnésie antérograde ;

– diminution de l’activité verbale ;

– activité psychomotrice stéréotypée ;

– conduites négativistes ou agressives.

Raptus anxieux :

Le tableau clinique du raptus anxieux concerne une agitation intense. La cause déclenchante est parfois banale ou minime. L’entretien rassurant est parfois suffisant.

États dépressifs :

Le tableau clinique des états dépressifs concerne :

– immobilité, alitement ;

– mutisme, bouderie ;

– refus alimentaire ;

– amnésie postcritique.

Urgences psychiatriques et puerpéralité :

Elles sont plus fréquentes chez les femmes primipares et s’expliquent en partie par le facteur hormonal.

Pendant la grossesse :

Les troubles psychiatriques sont rares car la grossesse exercerait une action protectrice vis-à-vis des affections psychiatriques sévères.

En revanche, les troubles anxieux sont fréquents, surtout lors du 1er trimestre. Le rôle du médecin généraliste est primordial quand il connaît la femme et qu’il existe une relation de confiance.

Le recours à la chimiothérapie doit être réduit au minimum. Les dépressions mélancoliques sont rares et surviennent en général après le 5e mois, parfois accompagnées de confusion ou de délire. Une hospitalisation s’impose.

Au cours du post-partum :

On distingue 3 tableaux de gravité croissante :

– baby-blues ou post-partum blues qui n’est pas une urgence : les symptômes sont bénins et transitoires ;

– dépressions du post-partum ;

– psychoses du post-partum : risque vital pour le nouveau-né et risque maximal au cours du 1er mois. Elles imposent une hospitalisation immédiate en milieu spécialisé.

CONDUITES À TENIR :

Attitude générale :

L’attitude de celui qui intervient, quelle que soit sa fonction, est censée avoir une valeur thérapeutique dès le premier contact : parfois, la simple persuasion ferme, sans agressivité, suffit à calmer le sujet, mais parfois, le recours à des méthodes plus « violentes » s’impose. Dans toute urgence psychiatrique, la qualité du contact du médecin, son empathie et son savoir-faire sont primordiaux.

L’agité agite l’entourage : il s’agit d’un phénomène de contamination bien connu qui s’explique par une faillite momentanée de la communication verbale. Dans tous les cas, on essaie d’éviter de montrer sa propre peur ou son angoisse.

Le but principal est de parvenir à rétablir un minimum de communication avec ces patients tout en préservant sa propre sécurité (Encadré 1).

Encadré 1. Règles de sécurité à observer en urgence psychiatrique
Se protéger soi-même : rester vigilant devant le risque d’une violence imminente et ne pas tenter seul de maîtriser physiquement un malade agité
S’assurer des conditions de sécurité de l’environnement : se mettre dans un espace calme, mais ouvert
Ne pas imposer au patient d’être immobile, d’être assis ou encore moins couché
Procéder à l’entretien debout, sans tourner le dos au sujet
Garder une distance d’au moins la longueur d’un bras
Retirer lunettes, stylos, objets tranchants, etc., afin d’empêcher un acte auto- ou hétéro-agressif
Écarter l’entourage
Si le sujet porte une arme, ne pas chercher à la récupérer à tout prix, car elle est parfois la seule défense du sujet contre son angoisse
Se présenter sans subterfuge, en précisant sa fonction de médecin et son intention d’apaisement
Poser des questions courtes, concises et directes : comment puis-je vous aider ?, raconter moi ce qui se passe ou ce qui s’est passé
Éviter les questions stéréotypées genre « enquête policière »
Commencer par aborder des sujets non conflictuels et savoir changer de sujet si le thème choisi provoque des réactions violentes
Ne jamais parler plus fort que le patient
Ne pas faire part de son incompréhension
Savoir parfois se faire aider par un membre de l’entourage rassurant
Offrir au patient de la nourriture ou une boisson
Établir une surveillance étroite
Avertir l’entourage en cas de dangerosité
Ne pas hésiter à faire appel aux forces de l’ordre (police ou gendarmerie)
Ne jamais répondre d’emblée à l’agitation par la force
Éviter de laisser le patient seul ou seul avec un intervenant isolé

Médicaments :

Le recours à un traitement médicamenteux est souvent nécessaire, au mieux par voie orale lorsque le patient est consentant, sinon par voie injectable.

Il n’est en effet pas question de laisser se développer l’angoisse jusqu’à la fureur, mais il faut faire comprendre, si possible au patient et à l’entourage, que le traitement n’est que le début de la prise en charge, qu’il va permettre de renouer le dialogue, et qu’il n’est pas une fin en soi. Un traitement symptomatique est administré à visée sédative, ce qui permet ensuite de pouvoir conduire l’examen psychiatrique dans les meilleures conditions.

Les principales indications d’un traitement médicamenteux en urgence comprennent les comportements violents ou agressifs, l’anxiété massive ou les troubles du comportement d’origine psychotique.

Quelle que soit la cause (en dehors des causes organiques dont le traitement est spécifique), toute agitation intense nécessite un traitement injectable, rapide et efficace. On utilise actuellement le plus souvent un neuroleptique, Loxapac® (amp. 50 mg), médicament d’action rapide et sans interaction avec une prise éventuelle de toxique. Les antipsychotiques peuvent être administrés à intervalle de 30 à 60 minutes.

Après la prise de neuroleptique, il existe toujours un risque de syndrome extrapyramidal dans les 24 heures.

Dans les formes mineures d’agitation ou d’anxiété, un traitement anxiolytique suffi t souvent, soit par benzodiazépines : Valium® (diazépam), Tranxene® (chlorazépate) ; soit par Atarax®, n’entraînant ni dépendance, ni accoutumance, et préconisé chez les femmes enceintes.

Les posologies sont adaptées à l’âge, aux antécédents et à l’état clinique du patient. Attention aux insuffisants respiratoires et aux sujets âgés.

Avant toute administration médicamenteuse :

– informer le patient ;

– contrôler les constantes ;

– utiliser la médiation d’une infirmière ou d’un proche pour faire accepter le traitement ;

– montrer au patient qu’on a les moyens et la détermination de s’opposer à la réalisation de ses menaces ;

– éviter les associations médicamenteuses sédatives ainsi que les doses faibles et inutiles.

Contention physique :

Elle est une mesure d’urgence à laquelle on doit parfois recourir. Si elle est injustifiée et pathogène dans certaines situations, elle peut être thérapeutique dans d’autres. C’est une décision qui n’est pas facile à prendre et dont il faut mesurer les conséquences psychologiques, et surtout en apprécier les avantages immédiats.

Cette contention n’a pas pour but la pure répression, mais bien la sécurité.

Elle doit toujours s’accompagner d’un traitement médicamenteux sédatif. Elle permet un retour au calme relatif, le rétablissement de limites en mettant un terme aux troubles du comportement, ainsi que de contrôler l’agitation et l’agressivité devenues intolérables et source de souffrance pour le patient. Elle est utilisée pour des patients dangereux pour eux-mêmes ou pour autrui incontrôlables autrement. Elle est toujours temporaire.

Le plus souvent, les patients ainsi « contenus » s’apaisent rapidement.

Il faut laisser effectuer cette procédure à ceux qui en ont l’habitude.

Ceux qui par humanisme et inconscience s’y opposent systématiquement peuvent provoquer des conséquences parfois dramatiques.

Lorsque le médecin décide d’une contention, il doit respecter certaines règles dont les plus importantes sont d’ordre éthique :

– le médecin doit agir en toute connaissance de cause et non se soumettre au jugement exclusif ou à la pression de certains membres de l’entourage ;

– il doit s’assurer que les personnes appelées à l’aide agissent avec humanité et respect envers le malade ;

– il doit tenter d’expliquer au patient les raisons et le bien-fondé d’une telle mesure.

La pratique doit observer les règles suivantes :

– en cas de danger imminent et de manque de personnel, il vaut mieux laisser partir le patient et appeler immédiatement la police ;

– il ne faut pas tenter de « marchander » : une fois la décision prise, elle doit être appliquée rapidement ;

– au mieux, cinq personnes sont nécessaires pour mettre en place la contention : une pour superviser et une pour chaque membre. Dans tous les cas, jamais moins de deux ;

– un patient attaché doit être sous surveillance constante et ne jamais être laissé seul ;

– une voie d’abord intraveineuse doit toujours être accessible ;

– la tête du patient doit être légèrement relevée pour diminuer le sentiment de vulnérabilité et diminuer le risque d’inhalation ;

– les contentions doivent être vérifiées régulièrement pour la sécurité et le confort (circulation au niveau des membres) ;

– toujours inscrire dans le dossier du patient le motif et la durée de la contention, le traitement, la réponse du patient ;

– aussi injustifiée ou maladroite soit-elle, le risque principal d’une contention est celui de sa levée intempestive. Avant toute manoeuvre de libération, la prudence impose d’analyser la situation et d’apprécier les risques d’explosion secondaires à l’immobilité imposée au patient.

Hospitalisation :

Il faut se poser trois questions :

– est-il nécessaire ou pas d’hospitaliser le patient ?

– si oui, dans quel type de structure : service de médecine ou de psychiatrie ? En cas de soupçon d’organicité, la direction à prendre est celle de l’hôpital général ;

– si une hospitalisation en psychiatrie s’impose, sous quel mode : libre (HL), à la demande d’un tiers (HDT), ou d’office (HO) ?

La décision d’hospitalisation est prise en fonction du degré d’agitation, de sa durée, des possibilités de la réduire sur place. Elle dépend aussi de la pathologie en cause et des risques ultérieurs prévisibles : passages à l’acte auto ou hétéro-agressifs.

En ce qui concerne l’accord du malade pour cette hospitalisation, il dépend essentiellement de sa capacité à consentir aux soins. Les procédures d’hospitalisation en psychiatrie sont prévues par la loi du 27 juin 1990. Il faut trois conditions pour appliquer cette loi et hospitaliser un patient contre son gré :

– existence d’un danger ;

– existence d’un trouble psychiatrique ;

– lien direct entre les deux.

Le cadre légal de ces hospitalisations sans consentement prend en compte non seulement la protection de la société mais aussi, et surtout, celle du patient, ce que ne réalise guère un grand nombre de défenseurs des libertés individuelles.

La psychiatrie publique en France est sectorisée.

Le secteur est défi ni par un territoire et une population.

Cette population doit théoriquement pouvoir compter sur une équipe spécialisée pour assurer : tous les soins psychiatriques extra- et intra-hospitaliers ;

– la continuité des prises en charge ;

– la gratuité des soins.

Une HDT nécessite une demande de tiers et deux certificats médicaux. Une HO est justifiée quand le trouble psychiatrique risque de compromettre l’ordre public ou la sûreté des personnes et nécessite alors un arrêté préfectoral (ou municipal en urgence) pris au vu d’un certificat médical. Le médecin doit connaître les ressources locales en matière d’hospitalisation (hôpital psychiatrique de secteur, centre médico-psychologique, etc.).

Si le médecin décide d’une hospitalisation, il doit y préparer (dans la mesure du possible) le patient et l’entourage. L’hospitalisation en milieu psychiatrique est souvent mal accueillie. Le séjour en psychiatrie marque encore d’une « tache indélébile » le malade et son entourage.

D’autre part, les hôpitaux psychiatriques sont souvent éloignés ce qui complique le rôle de la famille.

Parfois, le patient lui-même demande son hospitalisation.

Il tente de justifier celle-ci par des symptômes, une revendication, un recours ou un droit. Dans ces cas, l’hospitalisation est souvent plus sociale que sanitaire. Hospitaliser un patient en rupture d’environnement est une décision dont les conséquences doivent être envisagées : elle coûte cher et surtout, lorsqu’elle est inutile, elle peut entretenir ou aggraver un handicap psychologique, voire créer une invalidité.

Transport :

L’ambulancier chargé du transport d’un malade participe à l’action thérapeutique. Son savoir faire conditionne la qualité des soins. Il ne doit être ni trop froid ni trop chaleureux. Le transport doit être au mieux assuré sur des malades éveillés, car il est dangereux de faire voyager un sujet comateux en ambulance simple. Le transport doit être assuré par deux personnes. Il est parfois utile de faire accompagner le patient par un membre de son entourage.

CONCLUSION :

Le nombre des urgences psychiatriques est en augmentation en raison de plusieurs facteurs : augmentation de la violence et de la consommation de substances illicites, diminution de la tolérance aux difficultés économiques et sociales et moindre résistance aux « accidents de la vie » (solitude, logement, chômage, etc.). Ceci nécessite que la psychiatrie ne soit pas toute seule sur le terrain de l’urgence.

Le rôle du médecin généraliste est souvent essentiel dans les premiers temps de l’urgence, d’autant qu’il partage souvent, avec les malades et leur famille des réalités que les psychiatres ignorent. Malheureusement, l’urgence rapportée par le médecin se résume souvent en solitude, manque de temps, incompréhension, sensation d’être désarmé, etc.

On observe parfois une dramatisation des situations d’urgence, alors que la survenue de certaines d’entre elles pourrait être évitée si se met tait en place une collaboration plus affirmée entre les médecins généralistes et les psychiatres.

Les impératifs de l’urgence, qui sont souvent en psychiatrie ceux de la sécurité, devraient passer avant les règles administratives.

Malheureusement, la fréquente rigidité du système de sectorisation en psychiatrie s’oppose souvent à cette réalité.