Morsures et piqûres venimeuses

Morsure de serpent et envenimation :

– Dans 50% des cas, aucun venin n’est inoculé lors d’une morsure de serpent. En cas d’inoculation de venin, la sévérité de l’envenimation varie selon l’espèce, la quantité injectée, la localisation (les morsures de la tête et du cou sont les plus dangereuses), le poids, l’état général et l’âge du sujet (plus grave chez l’enfant).

– Il est rare de pouvoir identifier le serpent en cause. L’observation du patient permet toutefois d’orienter le diagnostic et la conduite à tenir. On distingue 2 grands syndromes d’envenimation :

• des troubles neurologiques, évoluant vers une paralysie des muscles respiratoires et un coma, orientent vers une envenimation par un élapidé (cobra, mamba, etc.) ;

• des lésions locales extensives (douleur intense, syndrome inflammatoire avec oedème puis nécrose) et des troubles de la coagulation orientent vers une envenimation par un vipéridé ou un crotalidé (serpent à sonnette).

– Le diagnostic précoce et la surveillance des troubles de la coagulation reposent sur la mesure du temps de coagulation sur tube sec (à l’arrivée du patient puis toutes les 4 à 6 heures le premier jour).

Prélever 2 à 5 ml de sang, attendre 30 minutes et examiner le tube :

• Coagulation complète : pas de syndrome hémorragique

• Coagulation incomplète ou absence de coagulation : syndrome hémorragique 1

S’il existe des troubles de la coagulation, poursuivre la surveillance une fois/jour, jusqu’à normalisation.

– Le traitement étiologique repose sur l’administration de sérums antivenimeux, uniquement s’il existe des signes cliniques d’envenimation ou une anomalie de la coagulation.

Les sérums sont efficaces (s’informer localement de leur disponibilité) mais difficiles à conserver. Leur administration se fait le plus précocement possible par perfusion (dans du chlorure de sodium à 0,9%) pour les sérums faiblement purifiés ou par voie IV directe lente en cas d’envenimation sévère, à condition d’utiliser un sérum correctement purifié. Renouveler le sérum 4 à 6 heures plus tard si les symptômes d’envenimation persistent.

Dans tous les cas, prévoir l’éventualité d’une réaction anaphylactique qui, malgré sa sévérité potentielle (choc), est en général plus facile à contrôler qu’un trouble de la coagulation ou une atteinte neurologique grave.

– Chez un patient asymptomatique (morsure sans signes d’envenimation et sans troubles de la coagulation), la surveillance médicale dure au moins 12 heures (au mieux, 24 heures).

1* Il existe un décalage parfois important entre l’effondrement des facteurs de coagulation (< 30 min après la morsure) et les premiers saignements (en dehors du saignement au point de morsure et/ou l’apparition de phlyctènes séro-sanglantes), qui peuvent survenir jusqu’à 3 jours après la morsure. A l’inverse, l’arrêt des saignements précède la normalisation biologique de la coagulation.

Signes cliniques et conduite à tenir
Signes cliniques et conduite à tenir

– En cas d’infection patente uniquement : drainage en cas d’abcès ; amoxicilline/acide clavulanique (co-amoxiclav) pendant 7 à 10 jours en cas de cellulite.

Les infections sont relativement rares et surtout liées aux traitements traditionnels ou à une infection nosocomiale après une chirurgie inutile ou trop précoce.

2* La pose de garrot, l’incision-succion et la cautérisation sont inutiles, voire dangereux.

3* Ne pas utiliser d’acide acétylsalicylique (aspirine).

 Piqûre de scorpions et envenimation :

– L’envenimation se traduit dans la majorité des cas par des signes locaux : douleur, oedème, érythème. Le traitement se limite à un repos complet, un nettoyage de la plaie, l’administration d’un antalgique PO et une prophylaxie antitétanique. En cas de douleur intense, anesthésie locale à la lidocaïne 1% en infiltration autour du point de piqûre. Observation pendant 12 heures.

– Des signes généraux apparaissent en cas d’envenimation sévère : hypertension, hypersudation, hypersialorrhée, hyperthermie, vomissements, diarrhée, douleurs musculaires, difficultés respiratoires, convulsions ; rarement, état de choc.

– Traitement étiologique :

L’utilisation du sérum antivenimeux est controversée (faible efficacité de la plupart d’entre eux, mauvaise tolérance due à une purification insuffisante).

En pratique, dans les pays où les envenimations scorpioniques sont sévères (Maghreb, Moyen-Orient, Amérique centrale et Amazonie), s’informer de la disponibilité locale des sérums et se conformer aux recommandations nationales.

A titre indicatif, les critères d’administration sont la sévérité de l’envenimation, l’âge du patient (sévérité accrue chez l’enfant) et le temps écoulé depuis la piqûre. Celui-ci ne doit pas excéder 2 à 3 heures. Au-delà de ce délai (contrairement aux envenimations par les serpents), le bénéfice du sérum antiscorpionique est insuffisant en regard du risque anaphylactique.

– Traitement symptomatique :

• En cas de vomissements, diarrhée, hypersudation : prévention d’une déshydratation (sels de réhydratation orale), en particulier chez l’enfant.

• En cas de douleurs musculaires : gluconate de calcium 10% en IV lente (enfant : 5 ml/injection, adulte : 10 ml/injection, à administrer en 10 à 20 minutes).

• En cas de convulsions : le diazépam doit être utilisé avec précaution, le risque de dépression respiratoire est majoré chez les patients envenimés.

Morsure d’araignées et envenimation :

– Le traitement se limite en général à un repos complet, un nettoyage de la plaie, l’administration d’un antalgique PO et une prophylaxie antitétanique.

– Les envenimations sévères sont rares. On distingue surtout deux grands syndromes :

• Syndrome neurologique (veuve noire) : douleurs musculaires intenses, tachycardie, hypertension, nausées, vomissements, céphalées, hypersudation. Les signes évoluent pendant environ 24 heures puis disparaissent spontanément en quelques jours.

• Syndrome nécrotique (araignée recluse) : lésions tissulaires locales, nécrose et ulcération possibles ; signes généraux bénins (fièvre, frissons, malaises et vomissements) disparaissant le plus souvent en quelques jours. Parfois ictère hémolytique pouvant mettre en jeu le pronostic vital.

En plus des mesures générales ci-dessus, utiliser du gluconate de calcium 10% IV lente (enfant : 5 ml/injection, adulte : 10 ml/injection, à administrer en 10 à 20 minutes) en cas de spasmes musculaires.

Le débridement ou l’incision des nécroses sont déconseillés (inutile, délabrant).

Piqûres d’hyménoptères (abeilles, guêpes, frelons) :

– Soins locaux : ablation du dard (abeille), nettoyage à l’eau et au savon, lotion à la

calamine si prurit important.

– Antalgiques PO si besoin (paracetamol PO).

– En cas de réaction anaphylactique :

épinéphrine (adrénaline) IM

Utiliser la solution d’épinéphrine non diluée (1 mg/ml) et une seringue de 1 ml graduée en 100e chez l’enfant :

Enfant de 6 mois à 6 ans : 0,12 ml

Enfant de 6 à 12 ans : 0,25 ml

Enfant de plus de 12 ans et adulte : 0,5 ml

Chez l’enfant, en l’absence de seringue de 1 ml, utiliser une solution diluée à 0,1 mg d’épinéphrine par ml (1 mg d’épinéphrine dans 9 ml de chlorure de sodium à 0,9%) :

Enfant de 6 mois à 6 ans : 1,2 ml

Enfant de 6 à 12 ans : 2,5 ml

En l’absence d’amélioration, répéter l’injection après 5 minutes.

Poser une voie veineuse et utiliser l’épinéphrine IV en cas de collapsus circulatoire ou de non-réponse au traitement IM.