Le « gros bras » est le terme familier correspondant au lymphoedème du membre supérieur. Il s’agit d’une pathologie dont l’origine est quasi-exclusivement secondaire au traitement du cancer du sein bien qu’il existe d’autres causes plus rares (biopsie ganglionnaire axillaire à but diagnostique, lymphomes de Hodgkin ou non hodgkiniens traités par irradiation axillaire) [1].
La stase lymphatique prolongée entraîne une augmentation du volume du membre atteint.
Cette maladie chronique peut être invalidante sur le plan fonctionnel, esthétique et psychologique et entraîner un retentissement sur la vie professionnelle, relationnelle et sociale.
DÉFINITION ET ÉPIDÉMIOLOGIE :
Les lymphoedèmes du membre supérieur secondaires au cancer du sein représentent la principale cause des lymphoedèmes en France. La fréquence est estimée actuellement entre 15 et 28 % après curage axillaire classique et entre 2,5 et 6,9 % après technique du ganglion sentinelle.
La variabilité des pourcentages peut être expliquée par des durées d’observation variables et par des définitions du lymphoedème variables, comparant le membre atteint et le membre controlatéral: différences périmétriques de 2 cm ou volumétrique de 200-250 mL.
DÉLAI D’APPARITION :
Le lymphoedème peut apparaître en post-opératoire immédiat ou beaucoup plus tard, jusqu’à plus de 20 ans après le traitement. Le délai médian de survenue est de 2 ans. L’évolution spontanée du lymphoedème se fait vers l’aggravation volumétrique avec augmentation de la composante tissulaire (tissu adipeux, «fibrose»). Dans de très rares situations, le lymphoedème du membre supérieur peut être révélateur du cancer du sein.
FACTEURS DE RISQUE DE DÉVELOPPEMENT D’UN LYMPHOEDÈME :
Les principaux facteurs de risque de développement d’un lymphoedème sont le nombre de ganglions enlevés lors du curage axillaire, la radiothérapie, en particulier sur les aires ganglionnaires axillaires, la mammectomie (vs la tumorectomie), la surcharge pondérale lors du cancer du sein, la prise de poids après le traitement du cancer et la diminution d’activité après la chirurgie du sein. Par ailleurs, la sévérité du lymphoedème est corrélée à l’Index de Masse Corporelle.
EXAMEN CLINIQUE :
Lourdeur, douleurs :
L’impression de lourdeurs est le symptôme le plus fréquent, décrit parfois comme une sensation de pesanteur du membre atteint par le lymphoedème. La douleur est beaucoup moins fréquente, et doit faire évoquer une plexopathie associée soit post-radique soit par envahissement tumoral, une neuropathie toxique, une thrombose veineuse profonde, une pathologie de l’épaule (avec une limitation de la mobilité) ou un syndrome du canal carpien.
Peau et phanères :
La peau peut être souple ou au contraire tendue (non plissable), prendre le godet, ou avoir un aspect éléphantiasique.
Appréciation du volume du lymphoedème :
C’est une étape indispensable qui se pratique avant/après traitement et lors du suivi du lymphoedème.
La technique de référence reste la volumétrie à eau mais, en pratique, on utilise les mesures périmétriques prises à intervalles réguliers (tous les 5 ou 10 cm) qui permettent de calculer un volume en mL par assimilation des segments de membres à des troncs de cônes.
EXAMENS COMPLÉMENTAIRES :
Aucune exploration n’est nécessaire au diagnostic de lymphoedème. Cependant, un écho-Doppler veineux est utile lors de l’apparition ou de l’aggravation d’un lymphoedème. En cas de suspicion de récidive tumorale, un scanner ou une IRM du creux axillaire voire un PET-scan sont nécessaires.
COMPLICATIONS :
La principale complication des lymphoedèmes est l’érysipèle. La plupart du temps, on ne retrouve pas de porte d’entrée infectieuse. Le traitement repose sur une antibiothérapie (amoxicilline, pristinamycine). Parfois les récidives sont fréquentes et nécessitent une antibioprophylaxie prolongée dont les modalités ne sont pas consensuelles. Des complications ostéoarticulaires de l’épaule peuvent survenir lorsque le volume du membre est important. La survenue de lymphangiosarcome (ou syndrome de Stewart Treves) est très rare et de pronostic médiocre.
TRAITEMENT :
Le traitement du lymphoedème repose sur la prévention des infections (érysipèle) en évitant les gestes à risque (coupures, griffures, brûlures).
L’autre versant de la prise en charge est la réduction du volume du lymphoedème. Le traitement appelé physiothérapie complète décongestive est divisé en deux phases : la première intensive est destinée à réduire le volume et la secondaire d’entretien à maintenir le volume réduit.
Le principal élément est l’application quotidienne, 24h/24h, de bandages peu élastiques avec des bandes à allongement court (< 100 %), (Somos®) (Fig. 1) sur un capitonnage de mousse et/ou de coton, éventuellement précédés de drainages lymphatiques manuels. La durée du traitement intensif varie de 1 à 3 semaines.
Lors de la phase d’entretien, après avoir obtenu une réduction de volume, le port, la journée, d’un manchon de compression élastique de classe 3 ou 4 est indispensable [2]. Il est préférable de prescrire un manchon prenant la main (avec mitaine attenante) pour éviter que celle-ci gonfle (Fig. 2). Leur usure nécessite un remplacement régulier tous les 3 à 4 mois. La réalisation de bandages peu élastiques, la nuit, par le patient lui-même après apprentissage avec un kinésithérapeute, à une fréquence inférieure à celle du traitement intensif (3 par semaine) est associée au port diurne du manchon. Les soins de peau avec hydratation régulière le soir est souvent nécessaire. En cas de surcharge pondérale, une perte de poids peut favoriser la réduction de volume du lymphoedème. Les médicaments veinotoniques sont très peu efficaces et les diurétiques interdits.
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