Exploration des fonctions tubulaires rénales

Exploration des fonctions tubulaires rénales
Introduction :

Le rôle vital des reins est intimement lié à leur fonction dans l’homéostasie du milieu intérieur, permettant de protéger les cellules vis-à-vis des conséquences des variations environnementales de l’organisme. Les reins éliminent les produits métaboliques terminaux (urée, protons, acide urique, créatinine, bilirubine, etc.), un grand nombre de substances exogènes comme certains médicaments et additifs alimentaires, et une quantité ajustée d’eau et d’électrolytes. Les fonctions tubulaires jouent un rôle central dans cet ajustement au jour le jour de la composition de l’urine finale, ajustement dont elles constituent, à quelques exceptions près, l’étape limitante.

Ce n’est qu’à un stade tardif de l’insuffisance rénale que la diminution du débit de filtration glomérulaire (DFG) devient suffisante pour altérer par elle-même les capacités d’homéostasie hydroélectrolytiques. Cependant, les fonctions tubulaires sont fréquemment altérées à un stade précoce des néphropathies glomérulaires et ces altérations présentent un intérêt prédictif sur l’évolution vers l’insuffisance rénale chronique.

En effet, il a pu être montré que la vitesse de décroissance du DFG au cours des néphropathies glomérulaires était mieux corrélée à l’importance des lésions fonctionnelles et morphologiques tubulo-interstitielles (fibrose tubulo-interstitielle ou atrophie tubulaire) qu’aux lésions glomérulaires ellesmêmes.

L’étude des fonctions tubulaires trouve donc deux grandes indications :

• la recherche et la caractérisation d’un déficit primitif d’une ou plusieurs fonctions tubulaires ;

• la détection des altérations précoces des fonctions tubulaires au cours des maladies rénales glomérulaires.

Un déficit tubulaire primitif congénital ou acquis doit être distingué des atteintes tubulaires non spécifiques d’une néphropathie tubulo-interstitielle. En présence d’une insuffisance rénale, l’exploration des fonctions tubulaires doit donc déterminer si les anomalies observées sont en rapport avec le degré d’insuffisance rénale ou si elles sont disproportionnées au degré d’insuffisance rénale, suggérant alors une atteinte tubulaire primitive.

Rappel physiologique :

Segmentation fonctionnelle du tubule rénal :

Avant d’envisager l’étude des fonctions tubulaires, il convient d’effectuer quelques rappels de physiologie rénale, que le lecteur pourra compléter par la lecture d’ouvrages spécifiques en langue française ou anglaise.

Très schématiquement, le tubule se subdivise en trois parties fonctionnelles : le tubule proximal, l’anse de Henle et le néphron distal, qui s’étend du tubule contourné distal au canal collecteur, inclus.

Le tubule proximal réabsorbe la quasi-totalité des acides aminés et du glucose, 70 % de l’eau, du sodium, du phosphate et 80 % du bicarbonate filtré par les glomérules. Il est également le site principal de réabsorption du calcium, de réabsorption/sécrétion des anions et cations organiques, et participe à la réabsorption du magnésium. Finalement, le tube proximal est le siège d’une activité d’endocytose et de dégradation lysosomale intense. Généralement, une altération proximale partielle ou totale (syndrome de Fanconi) des fonctions tubulaires altère de manière importante la capacité maximale de réabsorption (Tm) d’un ou plusieurs électrolytes et s’accompagne d’une protéinurie tubulaire.

La branche fine descendante ainsi que la branche fine et large ascendante de l’anse de Henle réabsorbent de 20 à 30 % du sodium, de 15 à 20 % du bicarbonate, 30 % du calcium et 70 % du magnésium filtrés par le glomérule. L’anse de Henle est le site initiant la constitution du gradient corticopapillaire, qui repose sur l’accumulation interstitielle dans la médullaire externe et interne d’osmoles (urée, sodium et potassium) et de NH3/NH4+. La réabsorption de chlorure de sodium (NaCl) dans la macula densa, localisée à la fin de l’anse de Henle, est l’étape initiale du feed-back tubuloglomérulaire qui permet d’ajuster le DFG pour maintenir constant le débit de fluide et de NaCl délivré au néphron distal. L’anse de Henle détermine donc l’environnement des cellules des segments plus distaux en ajustant non seulement la composition et le débit du fluide délivré à ces segments, mais également la composition du fluide interstitiel qui les entoure. Une altération des transports tubulaires à ce site a une répercussion importante sur l’état hydroélectrolytique en altérant qualitativement et quantitativement les capacités tubulaires de réabsorption, comme illustré par la perte hydroélectrolytique majeure du syndrome de Bartter.

Le néphron distal réabsorbe moins de 10 % de la charge filtrée en eau et électrolytes, mais est le site de l’ajustement des bilans. Une altération à ce site, illustrée par le syndrome de Gitelman ou par les pseudohypoaldostéronismes de type 1, a des conséquences moins quantitatives que qualitatives, et peut entraîner des désordres électrolytiques sévères sans altérer de manière significative les capacités maximales de réabsorption tubulaire de sodium et de bicarbonate, ou le pouvoir de concentration des urines.

Fonctions tubulaires rénales :

Endocytose proximale et distale :

L’endo/exocytose est un processus complexe qui permet aux cellules de capter des macromolécules exogènes pour les dégrader dans les lysosomes ou au contraire de délivrer des protéines néosynthétisées à la membrane plasmique ou dans les milieux extracellulaires. Dans le tubule rénal, l’endocytose apparaît comme une des multiples facettes de la, ou plutôt des, fonctions tubulaires épithéliales. Dans le tubule proximal, l’endocytose des protéines filtrées permet indirectement de préserver le capital en acides aminés essentiels de l’organisme et d’épurer le fluide tubulaire de peptides biologiquement actifs issus de la filtration glomérulaire. Tout au long du néphron, les mécanismes d’endo/exocytose seraient impliqués dans la régulation de l’expression des protéines de transport à la membrane plasmique. Dans les cellules intercalaires du canal collecteur, ils pourraient jouer un rôle protecteur vis-à-vis des microcalcifications et des invasions bactériennes. Il n’existe pas d’exploration spécifique de cette fonction, dont le déficit proximal est indirectement apprécié par l’analyse quantitative et surtout qualitative de l’excrétion urinaire des protéines, avec une excrétion préférentielle des protéines de bas poids moléculaire (a1et b2 microglobulines) par rapport à l’albumine.

Réabsorptions et sécrétions tubulaires :

L’excrétion urinaire de chaque substance est la résultante de trois processus : sa filtration glomérulaire ; sa réabsorption et sa sécrétion tubulaires. La formation de l’urine commence par la filtration d’un volume proche de 170 l/24 heures, dont la composition est très proche de celle du liquide plasmatique. La plupart des substances qui doivent être éliminées de l’organisme ne sont pas réabsorbées (comme la créatinine) ou peu réabsorbées et sécrétées (comme certains médicaments) et, par conséquent, sont éliminées en grande quantité dans l’urine.

Inversement, les électrolytes comme les ions sodium, chlore et bicarbonate sont très fortement réabsorbés et leur excrétion fractionnelle est très faible. Si la réabsorption est en règle générale quantitativement plus importante que la sécrétion tubulaire, cette dernière peut jouer un rôle déterminant dans l’ajustement de la quantité finale excrétée dans l’urine. Ainsi, l’adaptation rénale à des apports potassiques élevés consiste en une stimulation de la sécrétion distale de potassium et non en une inhibition partielle de sa réabsorption proximale.

Régulation de la volémie :

Les reins d’un sujet sain filtrent quotidiennement plus de 25 000 mmol de NaCl par 24 heures. L’excrétion urinaire de sodium dans l’urine définitive ne représente qu’environ 150 mmol/jour, soit moins de 1 % de la charge filtrée, et reflète, à l’état stable, l’apport alimentaire de sodium.

La valeur régulée du bilan de sodium est la volémie efficace, définie par le volume sanguin artériel. La baisse de la volémie efficace (qu’elle soit liée à une hypovolémie vraie, à une diminution du débit cardiaque ou à une baisse des résistances périphériques) entraîne une stimulation des facteurs antinatriurétiques (système sympathique, axe rénine-angiotensinealdostérone) qui stimulent la réabsorption tubulaire rénale de NaCl et diminuent l’excrétion sodée.

Régulation de l’état acide/base :

Chez le sujet normal, le pH extracellulaire est maintenu sensiblement constant (entre 7,37 et 7,43), de même que le pH cellulaire dont la valeur, généralement inférieure, varie selon le tissu considéré de 6,8 à 7,2. Le rein élimine, sous forme de NH4+ et d’acidité titrable, la charge en acides fixes d’origine alimentaire. Il filtre quotidiennement plus de 4 500 mmoles de bicarbonate qu’il doit réabsorber totalement, sous peine d’induire une acidose métabolique par perte rénale de bicarbonate.

Enfin, en cas de perte extrarénale de bicarbonate ou d’apport exogène d’acides, le rein est capable de générer du NH4+ et du bicarbonate, permettant de restaurer le stock de tampons de l’organisme ayant permis transitoirement de tamponner la charge acide et d’excréter la charge acide sous forme d’ammoniurie essentiellement.

Régulation du bilan de l’eau :

La prise de boisson physiologique et l’alimentation exposent l’organisme à des altérations importantes du contenu hydrique et osmotique de l’organisme. Le rôle du rein est d’éliminer la quantité d’eau et d’osmoles appropriée pour maintenir un contenu hydrique et osmotique de l’organisme. Les sorties rénales d’eau sont la cible majeure de la régulation des sorties hydriques de l’organisme, principalement sous le contrôle de l’hormone antidiurétique. À l’état stable, la diurèse est équivalente aux apports d’eau exogènes qu’elle reflète. L’intégrité de la régulation du bilan d’eau repose sur trois éléments qui doivent être évalués parallèlement :

• la sécrétion d’hormone antidiurétique et la soif, qui doivent être stimulées par l’hyperosmolarité et inhibées par l’hypoosmolarité ;

• les capacités rénales de concentration/dilution de l’urine intrinsèques du rein ;

• les apports osmotiques, qui modulent les capacités d’excrétion hydrique minimales et maximales.

Explorations tubulaires rénales :

Principes d’exploration :

Le plus souvent, les explorations tubulaires sont motivées par un désordre hydroélectrolytique faisant suspecter une perte (ou plus rarement une rétention) rénale primitive sélective ou non sélective d’eau ou d’électrolytes (pertes rénales de bicarbonate, glucose, phosphate, sodium, potassium, calcium ou magnésium).

Des tests simples réalisés en ambulatoire peuvent donner des indications sur les altérations de certaines fonctions tubulaires. Cette analyse suppose de connaître la réponse normale à une diminution ou, au contraire, à une augmentation brutale des apports en eau, minéraux et électrolytes.

L’étude du comportement tubulaire d’un soluté consiste à mesurer la quantité filtrée (produit de la concentration ultrafiltrable du soluté et du DFG) et celle excrétée dans l’urine au cours de l’administration aiguë de cette substance. Ce type d’épreuve permet par exemple de déterminer le Tm du glucose ou du bicarbonate au cours de l’analyse des fonctions tubulaires proximales ou de caractériser le comportement tubulaire d’autres solutés comme le calcium, le magnésium.

Pour détecter et/ou caractériser une anomalie d’adaptation tubulaire rénale, en particulier lorsqu’il n’existe pas de désordre hydroélectrolytique à l’état basal, il est souvent nécessaire de tester la réponse rénale à un « stress métabolique ». Les trois épreuves les plus couramment utilisées sont :

• le test de charge acide, qui apprécie la fonction d’acidification distale de l’urine ;

• l’épreuve de restriction hydrique avec administration de 1-désamino-8-D-arginine vasopressine (dDAVP), qui estime le pouvoir de concentration des urines ;

• le test de charge aqueuse, qui estime le pouvoir de dilution.

Ces épreuves peuvent être complétées par des tests pharmacologiques afin de localiser la ou les anomalies tubulaires et d’en déterminer les mécanismes. Cet aspect est illustré par exemple par l’étude de la réponse natriurétique à différents diurétiques comme outil de localisation du défaut de réabsorption de NaCl au cours des syndromes de Bartter/Gitelman ou du défaut de réabsorption des cations divalents caractérisant certaines tubulopathies héréditaires.

Analyse des désordres hydroélectrolytiques et/ou du métabolisme minéral :

Pertes rénales de potassium et/ou de chlorure de sodium :

Une perte rénale de sodium peut facilement être mise en évidence en confrontant l’excrétion rénale de sodium mesurée sur un échantillon d’urines ou dans les urines de 24 heures à l’état du volume extracellulaire. En présence d’un tableau de contraction du volume extracellulaire d’origine extrarénale, la réponse normale du rein, sous l’influence de l’hyperaldostéronisme secondaire essentiellement, est de réabsorber la quasitotalité du sodium filtré par le glomérule. Dans ce cas, l’excrétion urinaire de sodium est effondrée, inférieure à 10 mmol/l dans un échantillon ou à 20 mmol/24 heures.

Pertes rénales de chlorure de sodium hypokaliémiques :

La présence simultanée d’une hypovolémie clinique et/ou d’un hyperaldostéronisme secondaire (élévation de la rénine et de l’aldostérone en dehors de tout traitement capable d’influer sur leur sécrétion) et d’une natriurèse supérieure à 30 mmol par 24 heures permet d’affirmer l’existence d’une perte rénale de NaCl. Dans les situations intermédiaires (excrétion urinaire de sodium entre 20 et 30 mmol/24 heures), on peut d’abord corriger la déshydratation extracellulaire en apportant du NaCl, puis imposer ensuite une restriction des apports de NaCl pendant quelques jours (apports de moins de 20 mmol par 24 heures). Le rein normal adapte son excrétion urinaire de sodium aux apports (natriurèse inférieure à 20 mmol par 24 heures) en 2 à 4 jours, ce qui n’est pas le cas d’une situation de perte rénale de sodium où le rein s’adapte sur une période beaucoup plus longue, expliquant l’apparition d’une déshydratation extracellulaire. C’est le cas des atteintes spécifiques médullaires (polykystoses rénales, pyélonéphrite chronique, uropathie obstructive, etc.), mais aussi de l’insuffisance rénale chronique, en particulier dans le cadre du syndrome d’hyporéninémie-hypoaldostéronisme.

Une kaliurèse inférieure à 20 mmol/24 heures contemporaine d’une hypokaliémie signe l’origine extrarénale de cette hypokaliémie.

Inversement, une kaliurèse supérieure à 40 mmol par 24 heures signe l’origine rénale de cette hypokaliémie. À noter qu’il existe une zone d’incertitude qui justifie de répéter cette exploration après administration orale ou intraveineuse de potassium, mais avant correction totale de cette hypokaliémie.

Une fois la perte rénale établie, il convient d’en analyser les mécanismes et en particulier de rechercher si cette hypokaliémie s’associe à une perte rénale ou extrarénale de NaCl. Si la kaliurèse est évaluée sur un échantillon, il est préférable de calculer le gradient transtubulaire de potassium (GTTK ; abréviation anglo-saxonne : TTKG), qui tient compte de l’état d’antidiurèse des patients et donc de l’élévation de la concentration urinaire du potassium liée à la concentration des urines.

L’association d’une perte rénale de NaCl à une alcalose hypokaliémique d’origine rénale évoque une diminution de la réabsorption de sodium dans un segment localisé en amont du canal collecteur : branche ascendante large ou tubule contourné distal. Cette perte de NaCl peut être liée à l’utilisation de diurétiques capables d’inhiber spécifiquement la réabsorption de sodium dans ces segments : diurétiques de l’anse de type furosémide pour la branche ascendante large ou diurétiques thiazidiques pour le tube contourné distal. Des tableaux similaires sont observés dans des pathologies héréditaires congénitales : les syndromes de Bartter et de Gitelman. Les cinq sous-types de syndrome de Bartter décrits à ce jour correspondent à des défauts génétiques portant sur des protéines directement ou indirectement impliquées dans le transport cellulaire de NaCl dans la branche ascendante large de l’anse de Henle, tandis que le syndrome de Gitelman est généralement secondaire à une inactivation génique du cotransport NaCl thiazidesensible ou, plus exceptionnellement, du canal chlore basolatéral ClCKb. Ces syndromes peuvent être différenciés entre eux par la précocité des signes, la présence d’un hydramnios anténatal, d’un défaut de concentration des urines, d’une néphrocalcinose et/ou d’une hypercalciurie (caractéristiques du syndrome de Bartter) ou d’une hypomagnésémie qui est plus sévère dans le syndrome de Gitelman.

La chlorurie est conservée au cours des prises de diurétiques hypokaliémiants et dans les syndromes de Bartter/Gitelman. Elle permet de différencier ces états de la perte de sodium et de potassium induite par des vomissements profus qui s’associent à une chlorurie inférieure à 10 mmol/l. Dans cette dernière situation, la perte extrarénale d’acide chlorhydrique correspond pour l’organisme à une perte de chlore associée à un apport brutal de bicarbonate, que le rein élimine en association avec du sodium et du potassium. La déplétion chlorée stimule la réabsorption rénale de chlore, dont témoigne la chlorurie effondrée (inférieure à 10 mmol par 24 heures) alors que la natriurèse est conservée et le pH urinaire alcalin supérieur à 7.

À l’arrêt des vomissements, l’hypovolémie précédemment constituée stimule la réabsorption rénale de sodium et la natriurèse devient adaptée à l’hypovolémie (natriurèse inférieure à 10 mmol/l ou 20 mmol par 24 heures). En revanche, l’hyperaldostéronisme secondaire qui stimule la sécrétion distale de potassium explique que la kaliurèse demeure inappropriée à l’hypokaliémie qui s’est antérieurement constituée tant que la volémie n’est pas corrigée.

La répétition des mesures de la natriurèse et de la chlorurie est donc un élément important dans le diagnostic étiologique d’une hypokaliémie rénale. La natriurèse reste constamment inappropriée à l’hypovolémie dans les syndromes de Bartter et de Gitelman. Au contraire, la prise de diurétiques et les vomissements intermittents entraînent des périodes de perte rénale de sodium espacées par des périodes au cours desquelles l’arrêt des diurétiques ou des vomissements permet l’adaptation rénale à l’hypovolémie dont témoignent les natriurèses périodiquement adaptées.

Pertes rénales de chlorure de sodium hyperkaliémiques :

Une perte de NaCl associée à une hyperkaliémie ainsi qu’à une acidose métabolique doit faire évoquer en priorité un défaut primitif (insuffisance minéralocorticoïde) ou secondaire de sécrétion d’aldostérone dans le cadre d’un hyporéninémiehypoaldostéronisme. Dans ce contexte, la présence exceptionnelle de concentrations élevées de rénine et d’aldostérone évoque un pseudohypoaldostéronisme de type 1. Dans le pseudohypoaldostéronisme de type 1, la perte rénale de NaCl et l’acidose hyperkaliémique s’associent à des concentrations plasmatiques élevées de rénine et d’aldostérone, témoins de la résistance rénale à l’action de l’aldostérone. Ces états rares peuvent être secondaires à des mutations inactivatrices du gène du récepteur aux minéralocorticoïdes ou de celui du canal EnaC responsable de la réabsorption de sodium dans le canal collecteur.

Réponse rénale à une acidose métabolique :

L’analyse de la réponse rénale à une acidose métabolique est plus complexe. La première étape consiste à calculer le trou anionique plasmatique (TAP = [Na]p [K]p – [CI]p [HCO3] p, normale : 17-21 mmol/l). En présence d’une acidose hyperchlorémique (TAP normal), l’analyse de la réponse rénale permet de différencier la surcharge acide avec fonction rénale normale de la diminution primitive de la capacité d’excrétion des ions H+, définissant l’acidose tubulaire. Dans l’acidose extrarénale, le rein normal adapte au maximum sa capacité d’excrétion rénaled’ions H+ et l’excrétion urinaire de NH4+ est donc

toujours élevée, supérieure à 70 mmol/24 heures, ce qui témoigne d’une réponse appropriée du rein. Dans l’acidose rénale, l’excrétion de NH4 + est inférieure ou égale à 40 mmol d’ions H+ par 24 heures. La mesure du NH4+ urinaire n’étant pas encore de pratique courante, il a été proposé d’estimer l’ammoniurie par le calcul du trou anionique urinaire (TAU). Le TAU est égal à la différence entre anions et cations indosés de l’urine (TAU : Na + K – Cl, la quantité de HCO3 urinaire étant considérée comme quantitativement négligeable lorsque le pH urinaire reste inférieur à 6,5). Le principe est que l’augmentation de l’excrétion de NH4 se traduit par l’augmentation de l’excrétion de cations indosés et de chlore. Plus l’ammoniurie est importante, plus le TAU diminue, jusqu’à se négativer. Chez un sujet à fonction rénale normale, sans acidose et soumis à une alimentation occidentale, l’excrétion urinaire de NH4+ est voisine de 40 mmol/24 heures et le TAU physiologique est positif (environ 30 mmol/24 heures). En cas d’acidose métabolique extrarénale, l’augmentation progressive du NH4 urinaire à une valeur supérieure à 70 mmol/24 heures (les autres anions et cations indosés ne variant pas significativement) explique que le trou anionique urinaire diminue et devienne négatif. Lors d’une acidose rénale, il n’y a pas d’augmentation de l’excrétion urinaire de NH4 et le TAU urinaire reste positif. La limite de cette approche est que la mesure de la chlorurie est parfois plus difficile à obtenir en routine que celle de l’ammoniurie.

L’analyse physiopathologique d’une acidose tubulaire requiert la réalisation de tests dynamiques : en pratique, un test de charge en bicarbonate, complété éventuellement d’un test au furosémide. Finalement, l’absence d’acidose métabolique à l’état basal n’exclut pas un défaut d’excrétion acide distal (acidose distale partielle) qui nécessite, pour être objectivé (ou exclu) la réalisation d’un test de charge acide.

L’insuffisance rénale chronique s’associe à l’apparition progressive d’une acidose métabolique à trou anionique plasmatique augmenté, reflet de l’accumulation plasmatique d’anions partiellement dissociés au pH plasmatique. En présence d’une insuffisance rénale, l’apparition d’une acidose métabolique sans élévation parallèle du trou anionique plasmatique doit faire évoquer une acidose d’origine extrarénale ou la présence d’une acidose tubulaire proximale surajoutée.

Réponse rénale à une variation de l’osmolarité plasmatique (régulation rénale du bilan hydrique) :

Toute analyse du bilan de l’eau doit commencer par l’analyse de l’état d’hydratation intra- et extracellulaire. La natrémie est le reflet de l’osmolalité efficace, sauf lorsqu’il existe en quantité notable des substances osmotiques autres que le sodium. La mesure de l’osmolarité plasmatique et le calcul du « trou osmotique », différence entre l’osmolarité plasmatique mesurée et celle calculée (natrémie Å~ 2) peut révéler alors un trou osmotique augmenté (supérieur à 10 mOsm/kg d’eau). Il convient alors de mesurer l’urée et la glycémie, et d’évaluer la notion de chronicité d’une éventuelle hyperglycémie afin de mieux préciser si l’osmole en cause est ou non osmotiquement active. Ainsi, une élévation du trou osmotique par élévation de l’urée non osmotiquement active est banale au cours de l’insuffisance rénale chronique.

Une hyponatrémie hypotonique correspond nécessairement à une hyperhydratation intracellulaire, qui doit entraîner un état de dilution. Dans cette situation, une osmolarité urinaire supérieure à 150 mOsm/kg d’eau signe un état d’antidiurèse inappropriée, tandis qu’une osmolarité inférieure à 150 mOsm/kg d’eau signe un apport hydrique dépassant des capacités d’excrétion hydrique normales ou altérées par des apports osmotiques faibles. Inversement, une hyperosmolarité efficace témoigne d’une déshydratation intracellulaire, qui doit entraîner une rétention hydrique. Une osmolarité urinaire inférieure à 850 mOsm/kg contemporaine d’une hypernatrémie signe une altération du pouvoir de concentration des urines tandis qu’une osmolarité urinaire supérieure à 850 mOsm/kg contemporaine d’une hypernatrémie signe une perte hydrique extrarénale ou un apport hypertonique dépassant des capacités d’adaptation rénales normales. Ce dernier critère de jugement doit cependant être ajusté au degré de la polyurie éventuellement associée, qui altère en soi le pouvoir de concentration.

Exploration du comportement tubulaire d’un ou plusieurs solutés :

Certaines substances comme le glucose et le bicarbonate sont physiologiquement complètement réabsorbées puisque les transporteurs spécifiques de ces substances ne sont pas saturés. Lorsqu’une telle substance est administrée en aigu, son excrétion urinaire apparaît dès que la concentration plasmatique atteint une valeur critique qui définit le seuil rénal de cette substance. Au-dessus de ce seuil, les transporteurs sont progressivement saturés et l’excrétion urinaire de la substance augmente parallèlement à la charge filtrée, permettant de calculer la capacité maximale de réabsorption ou Tm de la substance.

Pour certains solutés cependant, la réabsorption tubulaire est plus complexe et la capacité de réabsorption tubulaire ne peut pas être appréciée par un Tm mesuré ou estimé. L’exemple le plus représentatif est probablement celui du calcium, dont la réabsorption est progressivement inhibée avec l’élévation de la calcémie. L’étude de la relation entre la concentration plasmatique et l’excrétion urinaire permet de comparer l’excrétion urinaire de calcium avec celle obtenue chez des sujets sains, à calcémie et charge filtrée identiques, et de documenter une éventuellement modification de la réabsorption tubulaire de calcium.

Exploration des fonctions tubulaires proximales :

Un certain nombre de constituants du filtrat glomérulaire sont quasi totalement réabsorbés (glucose et acides aminés) ou de manière prédominante (phosphates, 70 % ; bicarbonate, 85 %) dans le tubule proximal. Une diminution de leur capacité de réabsorption dans le tubule proximal s’accompagne d’une excrétion urinaire anormalement élevée sans variation de la concentration plasmatique (glucose, acide aminé) ou d’une baisse de la concentration plasmatique (phosphore, bicarbonate) avec une excrétion urinaire conservée et donc inappropriée.

Une altération globale de toutes les réabsorptions tubulaires proximales définit le syndrome de Fanconi rénal, parmi lesquelles on notera les nombreuses causes médicamenteuses.

Réabsorption tubulaire du phosphate :

La concentration plasmatique de phosphates chez le sujet normal (voisine de 1 mmol/l) est supérieure au seuil réel plasmatique. Il existe donc une excrétion urinaire physiologique notable de phosphates qui représente environ 30 % des phosphates filtrés. La valeur du Tm rapporté au DFG (TmPi/DFG) mesure la capacité de réabsorption maximale de phosphates indépendamment des variations de la charge filtrée, résultant soit d’une variation de la phosphatémie, soit d’une variation du DFG. Sa valeur est comprise, chez les sujets normaux, entre 0,77 et 1,45 mmol/l de filtrat glomérulaire.

L’excrétion fractionnelle et la réabsorption fractionnelle du phosphate (connue sous le terme de TRP) ne devraient plus être directement interprétées car elles sont influencées par la charge filtrée, et donc par la concentration plasmatique du phosphate et le DFG. Ainsi, lorsque la phosphatémie diminue, l’excrétion fractionnelle diminue et la réabsorption fractionnelle augmente, et inversement. Leur calcul à partir des mesures de concentrations plasmatiques et urinaires de phosphate et de créatinine chez un sujet à jeun permet cependant de déduire le TmPi/DFG à partir d’un nomogramme.

La diminution primitive du TmPi/DFG est généralement associée à une diminution de la phosphatémie et ne doit pas être confondue avec la diminution du TmPi/DFG à phosphatémie normale observée en réponse à des apports de phosphates élevés ou au cours de la réduction néphronique. Dans ces situations, la baisse du TmPi/DFG représente une adaptation par rapport à l’augmentation des apports ou à la charge filtrée de phosphate augmentée par néphron résiduel, et ne doit pas être interprétée comme une anomalie primitive de la réabsorption tubulaire rénale de phosphates.

Réabsorption tubulaire du glucose :

La valeur plasmatique normale du glucose étant bien inférieure à son seuil rénal, le sujet normal n’élimine pas de glucose dans les urines. Ainsi, la présence d’une glycosurie à jeun contemporaine d’une glycémie normale démontre une glycosurie rénale. Devant une glycosurie sur un recueil urinaire de 24 heures, il faut s’assurer que le sujet n’a pas une intolérance aux glucides en faisant simplement une épreuve d’hyperglycémie provoquée orale pour vérifier que, lors de cette épreuve, le glucose plasmatique ne s’élève pas largement au-dessus du seuil, pouvant alors expliquer la glycosurie. La glycosurie rénale peut rester isolée sans conséquence pour le patient ; elle peut également s’intégrer dans un syndrome de Fanconi.

Finalement, une glucosurie précédant l’apparition du diabète a été décrite dans les diabètes de type MODY III en rapport avec une mutation du gène HNF1a. La quantification de cette perte rénale de glucose nécessite alors la mesure du Tm/DFG du glucose au cours d’une perfusion de glucose hypertonique. La valeur normale du seuil rénal du glucose est de 1,4 à 2 g par litre (8 à 11 mmol/l), celle du Tm/DFG du glucose de 3 g/l (16 mmol/l).

Réabsorption tubulaire de l’acide urique :

L’acide urique est le produit final de la dégradation des purines libres. Sa production quotidienne est comprise entre 600 et 800 mg, éliminée pour deux tiers dans l’urine, et pour un tiers dans la bile, l’estomac et principalement l’intestin, où il est dégradé par l’uricase des bactéries coliques. La clairance urinaire de l’acide urique est de 9 ± 3 ml/min, soit un dixième de la clairance de la créatinine.

La présence d’une hypo-uricémie relève de deux mécanismes physiopathologiques qui sont distincts mais non exclusifs : la diminution de formation de l’acide urique due à un défaut primaire ou secondaire de l’activité xanthineoxydase ; l’augmentation de la clairance rénale de l’acide urique.

En l’absence de phénomène de saturation apparente de la réabsorption de l’acide urique, son altération est évaluée à l’aide de l’excrétion fractionnelle. Ces deux cadres physiopathologiques peuvent être distingués par la mesure de l’uricurie qui est effondrée dans le premier cas, conservée dans le deuxième avec une excrétion fractionnelle supérieure à 10 %.

La voie de transport d’urate étant commune à plusieurs anions organiques, de nombreuses substances généralement exogènes peuvent entrer en compétition avec l’acide urique sur ses sites de transport (tels que les salicylates à faibles doses) et exercer en pratique clinique un effet hypo- ou hyperuricémiant.

Après filtration glomérulaire, l’urate subit un transport complexe bidirectionnel, essentiellement dans le tubule proximal où il est le siège à la fois d’une réabsorption et d’une sécrétion. La portion la plus proximale du tubule proximal (S1) est le siège d’une réabsorption nette ; la deuxième portion (S2) est le siège d’un flux net de sécrétion, suivie d’une faible réabsorption nette dans les segments plus distaux (réabsorption dite « postsécrétoire »). Des tests pharmacologiques ont permis de définir des modifications « présécrétoires », « sécrétoires » et « postsécrétoires ». Ils consistent à analyser les réponses uricosuriques induites par la combinaison d’administrations aiguës de pyrazinamide (supposé inhiber sélectivement la sécrétion d’acide urique) et de benzbromarone (commercialisé en France jusqu’en 2003 sous le nom de Desuric®, qui inhiberait préférentiellement la réabsorption « postsécrétoire »).

Réabsorption tubulaire du bicarbonate :

Chez le sujet normal, 85 % de la charge filtrée de bicarbonate est réabsorbée dans le tubule proximal. Le seuil réel plasmatique du bicarbonate est légèrement supérieur à la concentration normale de bicarbonate plasmatique, l’excrétion urinaire est donc physiologiquement négligeable. En cas d’acidose tubulaire proximale, la diminution de la capacité de réabsorption de bicarbonate entraîne la diminution de la concentration plasmatique, jusqu’à ce que la baisse de charge filtrée soit suffisante pour contrebalancer la baisse de réabsorption tubulaire. La perte urinaire de bicarbonate s’arrête alors et un état stable s’instaure, caractérisé par une acidose métabolique profonde mais un bilan acide équilibré. En effet, l’excrétion nette acide est égale à la production quotidienne d’acides fixes, puisque la fonction distale d’acidification des urines est intacte. Le pH urinaire peut théoriquement être acide. Cependant, les patients sont souvent explorés alors que leur acidose est partiellement corrigée par un apport exogène de bicarbonate. Ce traitement, qui maintient artificiellement leur concentration plasmatique de bicarbonate au-dessus de son seuil de réabsorption, explique que le pH urinaire observé soit fréquemment supérieur ou égal à 7, pouvant faire conclure abusivement à une acidose tubulaire distale. Le diagnostic d’une acidose tubulaire proximale repose sur la mesure du Tm du bicarbonate dans une situation de charge filtrée normalisée. L’épreuve consiste à corriger la concentration plasmatique de bicarbonate (valeur supérieure à 24 mmol/l), généralement à l’aide d’une perfusion de NaHCO3 hypertonique. Une excrétion fractionnelle du bicarbonate supérieure à 15 % contemporaine d’une bicarbonatémie normale (24-26 mmol/l) ou mieux un TmHCO3-/DFG inférieur à

20 mmol/l de filtrat glomérulaire permettent d’affirmer l’acidose tubulaire proximale. À noter que dans l’insuffisance rénale chronique la diminution de la capacité de réabsorption de bicarbonate garde toute sa valeur spécifique d’une atteinte tubulaire proximale car, en dehors de cette situation, l’insuffisance rénale s’accompagne plutôt d’une augmentation du TmHCO3-/DFG, reflet de la réabsorption augmentée par néphron résiduel.

Réabsorption tubulaire des acides aminés :

Chez le sujet normal, la concentration plasmatique d’acides aminés est également au-dessous de leur seuil de réabsorption.

Plus de 98 % des acides aminés filtrés sont réabsorbés dans le tubule proximal et l’amino-acidurie physiologique est très faible.

On détecte facilement une amino-acidurie pathologique avec une chromatographie des urines. Une amino-acidurie pathologique et non sélective implique toujours une anomalie de la réabsorption tubulaire proximale. En présence d’une aminoacidurie sélective d’acides aminés dibasiques (cystine par exemple), neutres (méthionine, tryptophane, histidine) ou diacides (acides aspartique, glutamique, et aminoglycinurie), il devient absolument nécessaire de vérifier l’absence d’élévation dans le plasma des acides aminés correspondants. Cette mesure permet de distinguer une aminoacidurie prérénale par augmentation de la concentration circulante et de la quantité filtrée, d’un déficit spécifique tubulaire proximal du transport d’un groupe d’acides aminés.

Tests de localisation des défauts tubulaires de réabsorption de chlorure de sodium :

Lorsque le contexte clinique et biologique est fortement compatible avec un syndrome de Bartter ou de Gitelman, il est possible, par des épreuves appropriées, de mieux documenter la diminution de NaCl dans le segment de dilution (qui inclut la branche ascendante large de Henle et le tubule contourné distal). Les tests peuvent consister en l’étude de la réponse natriurétique aux diurétiques (réponse natriurétique au furosémide diminuée dans le syndrome de Bartter, réponse natriurétique aux diurétiques thiazidiques diminuée dans le syndrome de Gitelman) ou à estimer indirectement la réabsorption de NaCl dans le segment de dilution. Cette dernière épreuve consiste à mesurer la clairance de l’eau libre et la clairance du chlore au cours d’une perfusion de NaCl hypotonique. Le principe du test est que la réabsorption de NaCl dans le segment de dilution permet de soustraire des osmoles du fluide tubulaire et d’excréter en situation de charge aqueuse un grand volume d’eau sans osmole, volume qu’il est possible de quantifier par le calcul de la clairance de l’eau libre (CH2O). Le débit de NaCl délivré au segment de dilution est indirectement estimé par la somme de la clairance du chlore (reflet de la quantité de NaCl délivrée, non réabsorbée et excrétée dans l’urine) et de la clairance de l’eau libre (reflet du NaCl délivré au segment de dilution et réabsorbé à ce site). Le rapport CH2O/(CH2O + CCl) est utilisé pour estimer la réabsorption fractionnelle de NaCl dans le segment de dilution. Ce rapport est fortement affecté au cours du syndrome de Bartter et, à un moindre degré, dans le syndrome de Gitelman. La clairance du lithium, proposée comme reflet de la réabsorption de NaCl dans le tubule proximal, s’avère peu spécifique en pratique.

Exploration des fonctions tubulaires distales :

Étude du pouvoir d’acidification des urines :

Épreuve de charge acide :

Cette épreuve est inutile et néfaste chez un patient présentant une acidose métabolique spontanée. En revanche, dans les anomalies partielles d’acidification des urines, le défaut d’excrétion peut être compensé par la mobilisation des tampons osseux. Dans ce cas, la pathologie peut être révélée par une déminéralisation osseuse ou par des calculs rénaux. Biologiquement, il n’existe pas d’acidose mais une hypocitraturie qui témoignerait de l’acidose intracellulaire associée à une hypercalciurie.

Une anomalie d’acidification en l’absence d’acidose métabolique spontanée (acidose distale partielle) peut être recherchée par un test de charge acide, consistant à administrer 2 mmol/kg de NH4Cl en solution aqueuse. La réponse est jugée dans les 6 à 8 heures qui suivent sur deux critères : l’acidification urinaire (le pH urinaire doit s’abaisser au-dessous de 5,5) et le débit d’excrétion acide, qui doit augmenter.

Caractérisation du défaut d’acidification des urines :

L’acidification des urines nécessite le fonctionnement couplé des cellules principales et intercalaires du canal collecteur. Selon le schéma classique, la réabsorption électrogénique de sodium par les cellules principales est indirectement liée à la génération d’une différence de potentiel négative dans la lumière qui stimule la réabsorption de Cl paracellulaire (qui tendrait elle même à dissiper la différence de potentiel transépithéliale), la sécrétion de potassium par la cellule principale et de protons par la pompe à protons apicale des cellules intercalaires (H+ ATPase). L’acidification de l’urine crée un gradient de pH entre l’urine et l’interstitium favorable à la diffusion de NH3 qui est piégé et excrété dans l’urine sous forme de NH4+.

Défaut sécrétoire :

Dans le secretory defect, la sécrétion acide par les cellules intercalaires est primitivement altérée. Ces défauts peuvent être acquis ou secondaires à l’inactivation génique d’un transporteur impliqué dans la sécrétion acide distale. Il existe deux formes d’acidoses tubulaires distales héréditaires. La forme autosomique dominante est liée à des mutations hétérozygotes du gène qui code l’échangeur Cl/HCO3AE1. Les formes autosomiques récessives sont liées dans 80 % des cas à des mutations homozygotes ou hétérozygotes composites du gène qui code les sous-unités B1et A4 de la H+-ATPase.

Défaut de voltage :

Dans le voltage defect, la sécrétion acide par les cellules intercalaires n’est pas primitivement altérée mais insuffisamment stimulée, parce que la réabsorption de sodium est inhibée (exemple : prise d’amiloride) ou non stimulée (exemple : hypoaldostéronisme). Ce défaut est corrigé par les manoeuvres qui augmentent la différence de potentiel transépithéliale lumière négative (charge en bicarbonate, test au furosémide). Il s’associe généralement à une tendance hyperkaliémique qui inhibe la production et l’accumulation interstitielle de NH3/NH4+. La faible disponibilité en tampons interstitiels dans les acidoses distales hyperkaliémiques fait que le pH urinaire peut de manière trompeuse s’abaisser de manière appropriée en réponse à la charge acide, alors que l’excrétion acide n’est pas stimulée de manière appropriée.

Un sous-type de voltage defect est le « shunt au chlore » décrit dans le syndrome de Gordon, aussi nommé improprement pseudohypoaldostéronisme de type 2, caractérisé par une rétention rénale primitive de NaCl avec freination secondaire de l’axe rénine-angiotensine. On sait maintenant que cette acidose est liée à l’hypoaldostéronisme, associée à une stimulation de la réabsorption de NaCl dans le tubule contourné distal qui diminue la charge de NaCl délivré au canal collecteur. L’anomalie primitive est liée au déficit d’une protéine régulatrice du cotransporteur NaCl thiazide-sensible du tube distal. La particularité de ce syndrome est d’être extrêmement sensible aux diurétiques thiazidiques dont de faibles doses corrigent l’hypertension artérielle, l’acidose et l’hyperkaliémie.

Défaut de gradient :

Dans le gradient defect, la sécrétion acide par les cellules intercalaires est conservée, mais il existe une incapacité tubulaire à maintenir le gradient de pH. Le modèle physiopathologique de ce type de défaut est l’acidose tubulaire induite par l’amphotéricine B.

Tests dynamiques :

Ces défauts sont caractérisés à l’aide de tests dynamiques.

Charge en bicarbonate. Elle permet de tester la sécrétion acide en mesurant l’élévation de la pression en gaz carbonique (PCO2) urinaire par rapport à la PCO2 plasmatique, reflet de la PCO2 du liquide interstitiel cortical. Le principe de ce test est d’utiliser le bicarbonate urinaire comme un réactif qui génère du CO2 en quantité proportionnelle au débit de sécrétion acide.

L’épreuve n’est interprétable que s’il n’existe pas de néphropathie interstitielle avancée (ce dont peut attester une capacité conservée de concentration des urines) et si la bicarbonaturie est suffisamment élevée en cours d’exploration. Une élévation insuffisante de la PCO2 urinaire (PCO2 urinaire – PCO2 plasmatique inférieure à 20 mmHg) témoigne d’un défaut primitif de sécrétion acide.

Test au furosémide. Il consiste à stimuler la réabsorption distale de NaCl par l’administration combinée de minéralocorticoïde et de furosémide qui entraîne chez le sujet sain une acidification des urines et une stimulation de l’excrétion acide.

Une réponse anormale signe un défaut primitif de sécrétion acide.

Relation entre ammoniurie et pH urinaire. Elle permet finalement de détecter une acidose tubulaire distale par faible disponibilité interstitielle de NH3/NH4+.

Étude du pouvoir de concentration/dilution des urines :

Étude du pouvoir de concentration des urines : tests de restriction hydrique et d’administration de dDAVP :

Une altération primitive de la capacité de concentration des urines entraîne une déshydratation intracellulaire habituellement limitée par une stimulation de la soif. Le signe plus précoce d’un défaut de concentration des urines est donc généralement une polyurie, définie par un volume d’urines supérieur à 3 l/24 heures.

Pour tester la capacité de concentration des urines, il faut interpréter l’osmolarité urinaire en période d’hypernatrémie, que celle-ci soit spontanée ou provoquée par une épreuve de restriction hydrique. L’épreuve de restriction hydrique habituelle dure de 12 à 16 heures et commence la veille au soir, en dehors des cas de polyuries majeures supérieures à 6 l/24 heures où une surveillance médicale permanente est nécessaire. La restriction hydrique est poursuivie jusqu’à ce que l’osmolarité plasmatique dépasse 290 mOsm/kg d’eau (en l’absence de trou osmotique) et que l’osmolarité urinaire se stabilise sur trois recueils urinaires successifs de 1 heure chacun. Chez un sujet sain non polyurique, l’osmolarité urinaire s’élève au-dessus du 850 mOsm/kg d’eau et le débit urinaire est inférieur à 0,5 ml/min. Le bilan d’osmoles, en particulier de sodium, n’est pas modifié ; la perte de poids modérée correspond à la perte d’eau, environ 500 g. À la fin du test (ou d’emblée chez un patient spontanément hypernatrémique), l’administration dDAVP par voie nasale est utile pour tester l’origine neurogénique (défaut de sécrétion d’hormone antidiurétique [ADH]) ou néphrogénique (défaut de concentration des urines secondaire à l’absence de réponse rénale à l’hormone).

Dans leurs formes complètes, il est facile de différencier un diabète insipide néphrogénique d’un diabète insipide neurogénique.

Chez les patients dont la polyurie est secondaire à une polydipsie primitive, les urines deviennent franchement hypertoniques après la seule restriction hydrique contrôlée. Chez les patients avec un diabète insipide complet, l’osmolarité urinaire ne dépasse pas 200 à 300 mOsm/kg d’eau. L’administration dDAVP entraîne une réduction brutale du débit urinaire et une augmentation très significative de l’osmolarité urinaire dans le cas du diabète insipide neurogénique, mais ne permet pas d’élever de manière significative l’osmolarité urinaire en cas de diabète insipide néphrogénique.

Dans les tableaux modérés, plus courants, le diagnostic étiologique d’une polyurie est souvent beaucoup plus difficile puisque les sujets conservent alors une certaine capacité de concentration des urines en restriction hydrique et peuvent répondre de manière partielle à l’administration de dDAVP. Il est alors difficile de savoir si l’anomalie primitive en cause est un défaut partiel de sécrétion d’ADH ou une résistance partielle à l’effet rénal de l’hormone (diabètes insipides neurogéniques ou néphrogéniques partiels). Il est également parfois difficile d’exclure une polydipsie primaire, même lorsque l’osmolarité maximale en restriction hydrique ou après dDAVP se stabilise à une valeur inférieure à 850 mOsm/kg d’eau. L’interprétation doit alors tenir compte de l’effet propre de la polyurie chronique qui altère considérablement le pouvoir de concentration des urines. On comprend donc la difficulté de différencier sur ce test une polyurie liée à des apports d’eau primitivement excessifs (polydipsie) d’une polyurie liée à un diabète insipide néphrogénique ou neurogénique partiel.

Intérêt du dosage de l’hormone antidiurétique et de l’évaluation de la soif :

La sensation de soif peut être mesurée à l’aide d’une échelle d’autoévaluation. La concentration circulante d’ADH est mesurée par technique radio-immunologique, dans des conditions qui permettent de limiter sa dégradation. Dans les situations de diabète insipide partiel, il est particulièrement important de mesurer la concentration circulante d’ADH : l’osmolarité urinaire maximale est obtenue au prix d’une sécrétion d’ADH très élevée en cas de diabète insipide néphrogénique ou au contraire basse dans les diabètes insipides neurogéniques qui s’associent à une sensibilisation périphérique à l’hormone. Il est parfois utile de caractériser la réponse de la sécrétion d’ADH et de la soif en réponse à une hyperosmolarité induite par une perfusion de NaCl hypertonique. Chez un patient avec un diabète insipide néphrogénique ou une polydipsie primaire, la concentration plasmatique d’ADH s’élève normalement alors que les valeurs d’ADH restent basses et inappropriées chez un sujet atteint de diabète insipide neurogénique.

Étude du pouvoir de dilution par le test de charge aqueuse :

L’organisme possède une capacité d’élimination hydrique impressionnante, puisque les reins sont théoriquement capables d’excréter près de 20 % du DFG, ce qui amène la capacité d’excrétion hydrique théorique à plus de 20 l par 24 heures comme en témoignent les diurèses extrêmement élevées exceptionnellement observées en pathologie clinique.

Cette capacité d’excrétion hydrique dépend de trois éléments : le DFG, la capacité de dilution et les apports osmotiques du sujet, qui doivent être tous trois évalués parallèlement. Une insuffisance rénale ne peut expliquer par elle-même l’apparition d’une hyponatrémie que si elle est sévère (DFG inférieur à 20 ml/min).

La capacité de dilution est appréciée chez un sujet dont l’osmolarité plasmatique est inférieure ou égale à 280 mOsm/kg d’eau, qui entraîne chez un sujet sain une augmentation de la diurèse et une diminution de l’osmolarité urinaire à une valeur minimale inférieure ou égale à 100 mOsm/kg d’eau, ce qui définit la capacité intrinsèque de dilution des urines du sujet.

Une osmolarité urinaire supérieure à 100 mOsm/kg d’eau (150 chez la personne âgée) contemporaine d’une hyponatrémie hypotonique signe une altération de la capacité de dilution. En l’absence d’hyponatrémie spontanée, l’état de dilution peut être induit par un test de charge aqueuse. L’administration orale d’une quantité d’eau équivalente à 20 ml/kg de poids corporel en l’espace d’une demi-heure provoque une diminution attendue de l’osmolarité plasmatique de l’ordre de 10 mOsm/kg d’eau et de la natrémie de l’ordre de 5 mmol/l. Cette épreuve permet d’apprécier la capacité rénale d’excrétion hydrique, qui permet normalement d’éliminer 70 % de la charge hydrique en moins de 4 heures.

Le défaut de dilution est lié à la stimulation de la sécrétion d’ADH par une hypovolémie vraie ou efficace (stimulus volémique de l’ADH), ou en rapport avec un tableau de SIADH.

Les apports osmotiques sont évalués par la quantité d’osmoles excrétées dans un recueil urinaire de 24 heures. Des apports osmotiques faibles limitent les capacités d’excrétion hydrique et prennent une importance particulière chez des sujets ayant une petite altération de la capacité de dilution. C’est ainsi qu’une personne âgée ayant une légère altération (physiologique) de sa capacité de dilution (osmolarité urinaire minimale 150 mOsm/kg d’eau) a une diurèse maximale de 6 litres si ses apports osmotiques sont de 900 mmoles par 24 heures (900/150 = 6), mais ne peut excréter que 2 litres d’eau dans les urines si ses apports osmotiques sont faibles, à 300 mmol par 24 heures (300/150 = 2). Cette personne a alors une propension à développer une hyponatrémie, pour peu que son alimentation soit essentiellement basée sur des apports liquidiens (soupes, thé, tisanes etc.). Ce tableau est décrit sous le terme de tea and toast syndrome.

Diagnostic génétique des tubulopathies héréditaires :

Un grand nombre de tubulopathies héréditaires sont maintenanté lucidées à l’échelle moléculaire. Les renseignements concernant ces maladies orphelines, leurs présentations cliniques, les centres de soins ou de diagnostiques spécialisés dans ces pathologies sont consultables sur le site ORPHANET.