Insuffisance rénale chronique

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L’insuffisance rénale chronique (IRC) se définit par une diminution chronique du débit de filtration glomérulaire. En France, environ 2 millions de personnes ont une IRC. Les sujets à risque sont les hypertendus, les diabétiques et les personnes de 70 ans ou plus (où la fréquence de l’IRC est plus forte chez les hommes que chez les femmes ; chez les hommes de cet âge, la fréquence de l’IRC est 5 à 7 fois supérieure à celle observée chez les hommes de 30 à 50 ans).

Insuffisance rénale chronique
Insuffisance rénale chronique

DIAGNOSTIC :

Selon les recommandations de l’Anaes, la fonction rénale (c’est-à-dire le débit de filtration glomérulaire : DFG) doit être appréciée non seulement à partir de la créatininémie, mais également à partir de la clairance estimée ou calculée à l’aide de la formule de Cockcroft et Gault :

Clairance = (140 – âge) × poids × K/créatininémie

L’âge est en années, le poids en kg, la créatininémie en μmol/L, et K est environ 1 chez la femme et 1,25 chez l’homme.

D’autres formules ont été proposées pour évaluer la fonction rénale (MDRD par exemple). La formule de Cockcroft et Gault reste la plus simple.

Cependant, elle ne s’applique pas à l’enfant, à la femme enceinte, aux sujets très maigres ou très obèses ; elle n’a pas été bien validée chez les sujets de plus de 75-80 ans. Sa performance peut être améliorée en corrigeant la clairance selon la surface corporelle (calculée à partir du poids et de la taille), c’est-à-dire en rapportant la clairance à 1,73 m2.

La clairance calculée est plus simple et souvent plus fiable que la clairance mesurée (qui nécessite un recueil urinaire sur une période de temps bien définie et expose à des erreurs). La clairance calculée est supérieure au dosage isolé de la créatininémie qui dépend à la fois de la production de créatinine par le muscle (et donc de la masse musculaire) et de son excrétion rénale. Ainsi une créatininémie de 110 μmol/L témoigne d’une fonction rénale normale chez un homme musclé de 30 ans qui pèse 80 kg et mesure 1,90 m (clairance > 100 mL/min pour 1,73 m2), mais d’une fonction rénale diminuée de moitié chez une femme de 70 ans, de 55 kg pour 1,60 m (clairance d’environ 40 mL/min pour 1,73 m2).

On peut proposer une classification simple des maladies rénales :

– stade 1 : maladie rénale chronique avec clairance supérieure à 90 mL/min pour 1,73 m2 (DFG normal) ;

– stade 2 : maladie rénale chronique avec clairance entre 60 et 89 (fonction rénale diminuée chez le sujet jeune ou d’âge moyen, mais plus difficile à apprécier chez le sujet âgé du fait d’une diminution « physiologique » du DFG avec l’âge, inégale d’un sujet à l’autre) ;

– stade 3 : clairance entre 30 et 59 (insuffi sance rénale chronique modérée) ;

– stade 4 : clairance entre 15 et 29 (insuffisance rénale sévère) ;

– stade 5 : clairance inférieure à 15 (insuffisance rénale très avancée ou terminale, nécessitant un traitement de suppléance rénale).

CONDUITE À TENIR :

Déterminer la cause :

Il faut s’assurer tout d’abord qu’il ne s’agit pas d’une insuffisance rénale aiguë (où les reins sont de taille normale ou augmentée, la tension artérielle normale, etc.). S’assurer également que l’IRC n’a pas été passagèrement aggravée par une déshydratation, une baisse excessive de la tension artérielle, une infection, un médicament, etc. Supprimer ce facteur d’aggravation pour revenir à l’état de base.

Déterminer la cause de l’IRC car il est des IRC curables ou améliorables. Outre l’examen clinique, quelles explorations simples demander ? Mesurer la tension artérielle, examiner l’urine fraîche à l’aide d’une bandelette réactive (protéinurie, hématurie ou infection), doser les électrolytes plasmatiques, dont le calcium, et demander une échographie des reins et de l’appareil urinaire.

Dans un second temps, selon les résultats, il pourra être nécessaire de solliciter l’avis d’un spécialiste et de faire d’autres explorations.

Ainsi, ne pas méconnaître par exemple un obstacle prostatique ou autre à l’origine d’une distension chronique de l’appareil urinaire, une hypertension artérielle sévère, une hypercalcémie, la prise prolongée d’un médicament potentiellement néphrotoxique (comme le lithium), une glomérulonéphrite proliférative extracapillaire ou à croissants, conséquence d’une vascularite à poussées successives, constituant « sournoisement » une IRC, toujours accompagnée d’une hématurie microscopique abondante ou macroscopique.

Ralentir la progression :

Outre le traitement propre de la maladie rénale sous-jacente, on dispose aujourd’hui de deux moyens :

– normaliser strictement la tension artérielle ; il existe une protéinurie supérieure à 1 g/24 heures, ramener la tension en dessous de 125/75 mmHg grâce à un traitement adéquat.

Si la protéinurie est moins abondante, viser en dessous de 130/80. Chez le sujet de 70 ans et plus, chez le diabétique ou chez le sujet « vasculaire », prendre des précautions pour éviter toute hypotension orthostatique excessive ;

– réduire au maximum la protéinurie (< 1 ou 0,50 g/24 heures). C’est pourquoi les inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou les antagonistes de l’angiotensine II sont recommandés.

Prévenir les complications :

Les complications cardiovasculaires sont au premier plan, causes principales de mortalité ; d’où l’intérêt du traitement antihypertenseur, du sevrage du tabac, de l’équilibration du diabète sucré, de la correction de l’hypercholestérolémie et de l’anémie. L’IRC est en elle-même un facteur de risque cardiovasculaire, indépendant des facteurs précédents.

Les anomalies phosphocalciques de l’IRC (hypocalcémie et hyperphosphorémie) doivent être prévenues, souvent à l’aide de carbonate de calcium, parfois d’un dérivé de la vitamine D. Ce traitement vise à éviter l’hyperparathyroïdie secondaire et les complications osseuses de l’IRC.

L’administration d’érythropoïétine par voie sous-cutanée, en association avec des suppléments martiaux, corrige l’anémie de l’IRC et est indiquée quand l’hémoglobine sanguine est inférieure à 10,5-11 g/dL ; il en résulte une amélioration de l’adaptation à l’effort et une meilleure qualité de vie.

La vaccination contre l’hépatite B reste utile chez les insuffisants rénaux pour prévenir cette infection ; penser à l’effectuer assez tôt dans l’évolution et à contrôler la concentration plasmatique des anticorps anti-HBs.

Éviter les effets indésirables de beaucoup de médicaments, en adaptant les doses selon les recommandations du dictionnaire Vidal ou d’une base de données comme ICAR. Pour tout nouveau médicament comme pour tout médicament dont nous ignorons, ou avons oublié, les précautions d’emploi, consultons ces recommandations. La toxicité peut résulter d’un défaut d’élimination rénale mais également d’une sensibilité tissulaire accrue ; elle peut toucher le rein ou d’autres organes. Évaluons bien la fonction rénale pour éviter ces accidents toxiques.

L’injection d’un produit de contraste radiologique iodé comporte le risque d’aggravation de l’IRC ; le risque est le plus élevé chez le diabétique en IRC. Prendre les précautions suivantes : s’assurer qu’il n’y a pas d’alternative ; suspendre les diurétiques et la metformine 24 à 48 heures auparavant ; on recommande d’administrer de l’acétylcystéine (Mucomyst®) 200 mg/x3/j la veille et le jour de l’examen ; utiliser la quantité la plus limitée possible d’un produit de faible osmolalité, les moins néphrotoxiques ; surtout administrer du soluté salé isotonique par voie intraveineuse 5 à 12 heures avant, pendant et 5 à 12 heures après l’injection (environ 1 000 à 1 500 mL au total, selon la tolérance).

Enfin, il faut adapter le régime alimentaire au niveau de l’IRC : restreindre les aliments riches en K, modérer les apports de NaCl, corriger l’acidose, restreindre les apports protidiques (environ 0,8 g/kg/j), tout en maintenant un apport calorique suffisant (environ 35 kcal/kg/j), et surtout en évitant toute dénutrition.

Pour atteindre ces objectifs, une surveillance conjointe et bien synchronisée par le médecin généraliste et le néphrologue est nécessaire (voir les recommandations de l’Anaes).

Préparer le patient à l’épuration extrarénale :

La progression de l’IRC est plus ou moins rapide selon les maladies rénales, selon les malades et la qualité de leur suivi ; ce stade avancé (clairance ≤ 15-20 mL/min) peut être atteint en quelques mois ou en 20 à 30 ans, et parfois jamais si les mesures thérapeutiques précédentes sont bien appliquées et efficaces. Les IRC stables pendant longtemps, ou très lentement évolutives, sont d’observation courante.

L’information progressive du malade et de son entourage est nécessaire quand l’IRC devient importante pour préparer calmement le traitement de suppléance rénale : dialyse périodique et/ou transplantation rénale. Les modalités du traitement doivent être expliquées pour guider le choix du malade. Les modes de traitement autonome, à domicile (dialyse péritonéale ou hémodialyse) ou dans une unité d’autodialyse, doivent être privilégiés chaque fois que cela est possible. La fistule artérioveineuse pour l’hémodialyse doit être créée plusieurs mois avant le stade terminal ; rappeler que dans cette perspective les veines d’un avant-bras doivent être préservées de toute ponction. La mise en place du cathéter de dialyse péritonéale doit également être bien programmée. De même, les informations sur la transplantation rénale (à partir d’un donneur vivant ou d’un sujet décédé) et les explorations nécessaires doivent être intégrées dans la préparation au traitement de suppléance.

La qualité de l’adaptation au traitement de suppléance, la prévention des complications cardiovasculaires et l’espérance de vie dépendent en grande partie de la qualité des soins délivrés avant la dialyse ou la transplantation.

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