Introduction :
La biopsie rénale marque une étape incontournable dans l’étude des maladies rénales. Elle fournit des arguments histologiques indispensables qui créent les bases de la nosologie des néphropathies, en particulier glomérulaires. Le marquage immunologique et les études de biologie moléculaire ont permis d’éclairer l’individualisation clinique et histologique des maladies rénales et ont offert de nombreuses ouvertures à leur compréhension pathogénique. Les améliorations techniques apportées au cours des dernières décennies ont transformé la biopsie rénale en une technique sûre et informative, lui permettant ainsi de jouer un rôle central dans l’approche diagnostique néphrologique.
Techniques de prélèvement de biopsie rénale :
Biopsie rénale percutanée :
C’est la méthode de biopsie rénale la plus utilisée et la plus ancienne. Elle a l’avantage de la simplicité et d’un coût réduit du fait d’une courte hospitalisation de 24 à 48 heures. Depuis les années 1950, cette technique s’est constamment simplifiée et améliorée. Deux modifications majeures ont augmenté significativement l’efficacité et surtout la sécurité de la technique : l’échoguidage en temps réel et l’utilisation du pistolet automatique.
Les études récentes rapportent un taux de réussite (biopsies diagnostiques) supérieur à 99 % et moins de 0,1 % de complications vitales. Des études rétrospectives ont montré une meilleure efficacité des biopsies rénales guidées par l’échographie par rapport aux techniques sans visualisation directe.
L’utilisation du pistolet automatique a aussi montré sa supériorité par rapport à la technique manuelle « à l’aiguille ». La biopsie rénale percutanée sous contrôle échographique en temps réel avec pistolet automatique est devenue ainsi la technique de référence.
Habituellement, le patient est placé en décubitus ventral sur un plan dur et sur un oreiller roulé servant de billot comprimant l’abdomen et fixant le rein. Le point de ponction est choisi de préférence au pôle inférieur du rein gauche, moins mobile que le rein droit, et avec un risque moindre de blessure de la veine cave inférieure. Le prélèvement est réalisé après une anesthésie locale à la Xylocaïne® des différents plans cutanéomusculo-aponévrotiques sur le trajet de ponction. Le pistolet peut être à usage unique ou utilisant des aiguilles à usage unique. L’utilisation des aiguilles d’un calibre supérieur, de 14 gauges, est préférable pour les reins propres. Leur utilisation ne s’accompagne pas d’une augmentation des complications hémorragiques par rapport aux aiguilles de 16 gauges. La qualité des prélèvements par les aiguilles de 18 gauges est insuffisante avec un mauvais rendement diagnostique.
La durée recommandée de surveillance après la biopsie des reins natifs est de 24 heures. L’étude de Whittier et Korbet montre que plus de 90 % des complications majeures sont identifiées dans les premières 24 heures. Le risque potentiellement encouru par la réduction du temps d’observation ne paraît pas justifié. La surveillance comprend l’examen clinique, l’évaluation de la douleur, de la diurèse et de l’hématurie, et la mesure régulière de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque. Le repos en décubitus dorsal est recommandé dans les premières 24 heures. L’activité physique doit être modérée pendant les 8 à 15 jours suivant la biopsie.
Biopsie rénale transveineuse :
La biopsie rénale transveineuse est une technique alternative de biopsie rénale développée au cours de la dernière décennie.
Elle est réservée aux patients présentant des contre-indications à la biopsie rénale percutanée conventionnelle, car les fragments prélevés sont de petite taille, avec une architecture modifiée.
L’indication la plus fréquente est celle des coagulopathies non corrigibles ou des patients sous traitement anticoagulant. Elle a utilisé l’expérience des biopsies hépatiques réalisées par voie endovasculaire. La technique de biopsie transveineuse utilise les vaisseaux natifs comme voie d’accès au parenchyme rénal : veine jugulaire interne → veine cave → veine rénale droite. Les avantages théoriques de cette technique sont :
• le drainage du saignement se fait principalement par la veine, limitant ainsi l’extravasation extravasculaire ;
• le trajet de l’aiguille s’éloigne des gros vaisseaux ;
• le risque moindre de perforation capsulaire.
Le principal désavantage est représenté par la petite taille des échantillons constitués principalement de médullaire, et par la difficulté de les techniquer, ce qui diminue le rendement diagnostique de la technique. La faisabilité de la technique a été démontrée par Mal et al. en 1990.
Actuellement deux techniques sont utilisées : la PBR transjugulaire utilisant un système d’aspiration de type Colapinto modifié et, plus récemment, le système coupant « Quick-core » . Ce dernier présente un diamètre moins important permettant une cathétérisation plus profonde, sans fragmentation excessive des tissus. Néanmoins, ce système s’accompagne d’une incidence plus élevée de perforation capsulaire, nécessitant un contrôle radiologique systématique lors de l’intervention afin de déceler les saignements actifs et de permettre leur embolisation sélective. Le système de type Colapinto modifié a été utilisé avec succès par plusieurs groupes en France et en République tchèque. Cluzel et al. ont publié la plus large série en date constituée de 400 biopsies rénales par voie transjugulaire réalisées par cette technique. Ils rapportent un nombre très réduit de complications majeures (1 %). Dans d’autres séries utilisant la même technique d’aspiration, le taux de complications symptomatiques est plus important allant jusqu’à 18 % des patients, très probablement influencé par la sélection des patients et la politique locale de contre-indication des biopsies percutanées. La technique « Quick-core » paraît s’accompagner d’un taux plus important de complications symptomatiques (8 %), et surtout d’un nombre important de perforations capsulaires (74 % des biopsies). Dans ce contexte, une précaution supplémentaire s’impose : l’embolisation sélective en cas d’extravasation de produit de contraste après perforation capsulaire.
Biopsie rénale par voie chirurgicale :
Deux techniques chirurgicales sont décrites : la biopsie rénale « à ciel ouvert » et par laparoscopie. Ces procédures sont théoriquement réservées aux patients présentant des contreindications à la biopsie rénale par voie percutanée. Leur utilisation est devenue exceptionnelle tenant compte des progrès techniques de la biopsie percutanée et du succès de la biopsie transveineuse. L’avantage de ces techniques est principalement le contrôle visuel de l’hémostase. Elles nécessitent une anesthésie générale dont le risque doit être pris en compte lors du choix de la technique. Ce risque est évalué par « The American Society of Anesthesiology » (ASA) à trois décès pour 1 000 chez des patients avec une maladie systémique modérée, comme l’hypertension artérielle ou le diabète. De plus, elles augmentent le temps d’hospitalisation et d’interruption des activités, avec un avantage réel en faveur de la laparoscopie.
Complications de la biopsie rénale percutanée :
Les améliorations techniques des 20 dernières années ont permis d’imposer la ponction-biopsie rénale comme une technique sûre, dénuée de complications majeures dans la plupart des cas. Aucune complication nécessitant une néphrectomie ou une intervention chirurgicale n’a été rapportée, et un seul décès lié à une biopsie rénale a été noté ces 20 dernières années, biopsie réalisée par guidage échographique en temps réel et la technique du pistolet automatique. Néanmoins le potentiel de complications sévères reste toujours présent.
Complications hémorragiques :
Les complications hémorragiques restent la principale cause de complication postbiopsie rénale malgré les modifications de technique. Même si leurs incidences et leurs spectres n’ont pas été modifiés dans le temps, nous notons une réduction des complications sévères et une augmentation de leur management par des gestes endovasculaires. L’incidence des complications hémorragiques est différemment évaluée dans la littérature, fonction des techniques utilisées pour leur diagnostic. Elle est de 13 % dans une série récente de 750 biopsies rénales réalisées pendant 20 ans, série au cours de laquelle le diagnostic des complications a été essentiellement clinique (hématurie, douleurs, hypotension, baisse de l’hématocrite), et de 34 % quand la recherche échographique postbiopsie rénale a été systématique. La persistance de cette incidence relativement élevée dans le temps est expliquée au moins en partie par l’élargissement des contre-indications à la réalisation des biopsies rénales chez des patients à risque, à l’exemple des patients présentant une baisse importante du débit de filtration glomérulaire (DFG) estimé.
La plupart des complications se résolvent spontanément.
Toutefois des complications majeures sont rapportées dans 6-7 % de l’ensemble des biopsies. Ce sont des complications cliniquement significatives, nécessitant une intervention thérapeutique (radiologique, chirurgicale ou transfusion de culots globulaires) ou responsables d’une insuffisance rénale aiguë, d’une obstruction, d’une septicémie ou du décès. Plus de 90 % des complications majeures et 89 % de l’ensemble des complications surviennent dans les 24 heures qui suivent la biopsie rénale. Aucun autre élément, clinique ou radiologique, ni le contrôle échographique systématique immédiatement après la biopsie rénale, ni la modification initiale de l’hématocrite ne permet de distinguer les patients à risque de complications sévères. Ainsi, la période d’observation postbiopsie rénale recommandée est de 24 heures.
• L’hématurie macroscopique est la complication la plus fréquente de la biopsie rénale. Le plus souvent, elle justifie seulement d’une surveillance médicale et d’une prescription de boissons en abondance. En cas d’hématurie prolongée ou responsable de déglobulisation, l’artériographie permet d’identifier et d’emboliser sélectivement l’artère à l’origine du saignement. Une hématurie importante peut être responsable d’obstacle urétéral ou vésical. Exceptionnellement, l’obstacle sur un rein unique peut être à l’origine d’une insuffisance rénale aiguë.
• L’hématome périrénal survient dans moins de 6 % des biopsies rénales évaluées prospectivement. La majorité des hématomes sont asymptomatiques et de petite taille. Leur existence justifie la pratique actuelle du repos de 24 heures au lit, contribuant à la diminution de l’incidence des hématomes cliniquement significatifs. Le volume de l’hématome n’est pas un élément décisionnel thérapeutique en soi, même si la plupart des hématomes nécessitant une intervention thérapeutique sont plus volumineux que ceux des patients asymptomatiques.
Le contrôle échographique immédiat postbiopsie rénale n’a aucune valeur prédictive sur le développement des hématomes. Aucune corrélation n’a pu être mise en évidence entre leur volume et les différents facteurs prédictifs de saignement.
• La fistule artérioveineuse a été rapportée dans 10,8 % des reins biopsiés dans les séries avec screening systématique par échodoppler postbiopsie, avec une différence significative entre les reins natifs (4,1 %) et les transplants biopsiés (16,9 %). Plus de 95 % des fistules artérioveineuses se ferment spontanément dans les 2 ans, même si la persistance d’une hématurie a été rapportée 30 ans après la biopsie rénale. La majorité des fistules artérioveineuses sont asymptomatiques et évoluent favorablement, rendant le screening de routine inutile. Exceptionnellement, elles peuvent entraîner une hématurie macroscopique persistante, une hypertension artérielle (HTA) postbiopsie, voire une dégradation de la fonction rénale, imposant dans ces conditions une embolisation artérielle sélective.
Autres complications :
La douleur locale en fin d’effet de l’anesthésie locale est banale et le plus souvent ne nécessite pas de traitement. Parfois, la douleur peut être plus importante, nécessitant même des opiacés, particulièrement en cas d’hématome périrénal de grande taille ou de colique néphrétique due à l’obstruction urétérale par caillots sanguins.
Une grande variété d’autres complications ont été décrites : hémothorax, perforation colique, biopsie hépatique ou splénique et même pancréatique, conduisant à des poussées de pancréatite. Ces complications deviennent exceptionnelles avec la technique d’échoguidage en temps réel.
Facteurs prédictifs de saignement :
Une étude récente identifie comme facteurs associés à des complications hémorragiques des biopsies rénales percutanées échoguidées :
• le sexe : le risque est plus important chez les femmes ;
• l’âge : le risque est plus élevé pour les deux extrêmes d’âge (< 20 ans et > 70 ans), quel que soit le diagnostic histologique ;
• le temps partiel de thromboplastine : le risque de saignement est majoré à chaque augmentation de 10 % du temps partiel de thromboplastine.
Dans cette étude, ni le taux d’hémoglobine, ni le niveau d’insuffisance rénale, ni le temps de saignement ne sont prédictifs de complications hémorragiques.
En effet, l’utilisation du temps de saignement comme test de screening avant la biopsie rénale reste très controversée. Sa valeur prédictive positive de saignement dans une population non sélectionnée est faible et les résultats faux négatifs conféreraient une fausse sécurité. « The College of American Pathologists » et « The American Society of Clinical Pathologists » ne reconnaissent pas le temps de saignement comme un test préopératoire de routine sans antériorité de saignement significatif. Le traitement empirique par desmopressine (DDAVP) de tous les patients avant la biopsie apporte un meilleur rapport coût-efficacité.
Les dernières années ont imposé le test d’agrégation plaquettaire (TAP) comme une technique simple et rapide d’évaluation in vitro de la fonction plaquettaire. Les anomalies du TAP ne sont pas spécifiques d’une atteinte plaquettaire précise, elles doivent être interprétées en conjonction avec d’autres tests. De nombreuses études ont essayé de comparer le TAP au temps de saignement dans la détection des troubles primaires d’hémostases. Une très large et récente étude réalisée avant chirurgie sur 5 649 patients non sélectionnés montrait que le TAP a une valeur prédictive positive de saignement de 82 % et une valeur prédictive négative de 93 %. Les anomalies du TAP combinées aux antécédents de saignement permettent de détecter l’existence d’une anomalie d’hémostase dans la quasitotalité des cas. De plus, les anomalies de TAP ont été corrigées après l’administration de DDAVP dans 90 % des cas, conduisant ainsi à un risque de saignement comparable à celui du groupe contrôle. Même en absence d’étude spécifique évaluant le TAP comme facteur prédictif de saignement de la biopsie rénale, ces résultats justifient son utilisation comme test de screening avant la biopsie rénale. De plus, le TAP peut être utilisé dans le monitoring prébiopsie des patients avec des anomalies de l’hémostase.
Les patients avec une maladie rénale chronique évoluée (DFG < 40 ml/min/1,73m2) ont une augmentation du risque de saignement postopératoire six fois plus importante que ceux dont le DFG est compris entre 60 et 80 ml/min/1,73m2, indépendamment du statut de la coagulation. Le traitement par DDAVP, sous contrôle du TAP, pourrait être utile chez ces patients.
L’hypertension artérielle est classiquement reconnue comme facteur de risque de saignement. Cette affirmation ne s’appuie sur aucune étude. Gault et Muehrcke statuent que les risques sont moindres si la tension artérielle est contrôlée et que la constriction des vaisseaux est diminuée au cours de l’amylose et des vascularites. La pratique courante est d’accepter 140/90 mmHg comme seuil maximal de pression artérielle avant la procédure.
Contre-indications de la biopsie rénale percutanée :
La plupart des contre-indications des biopsies rénales percutanées sont relatives. Les seules contre-indications absolues sont l’absence de consentement et l’incapacité du patient à coopérer pendant la procédure. Pour les patients sous tutelle et les mineurs, le consentement du tuteur ou des parents doit être requis avant la biopsie.
Le risque de saignement doit être minimisé avant et durant les 2 semaines qui suivent la biopsie rénale, imposant la suspension des antiagrégants plaquettaires, des antiinflammatoires non stéroïdiens et des anticoagulants. Un risque de saignement plus élevé persiste jusqu’à 6 semaines après la biopsie, comme pour tout processus de guérison qui passe par la chute d’escarres. L’impossibilité d’écarter les facteurs favorisant le saignement intervient dans le choix de la technique de biopsie rénale. L’existence d’une thrombopénie persistante, l’utilisation des antiagrégants chez les patients porteurs de stent coronarien actif ou des anticoagulants chez les patients porteurs de thrombose veineuse extensive ou d’embolie pulmonaire justifient le choix de la voie transveineuse.
Le rein unique est une contre-indication « relative » à la biopsie percutanée. On peut proposer la voie endoveineuse comme alternative de biopsie d’un rein unique droit. Ces deux techniques ont un faible risque de complications nécessitant une néphrectomie. Ce risque est nettement inférieur au risque de décès par anesthésie générale, ne justifiant pas le choix de la voie chirurgicale.
Le rein en « fer à cheval » a été considéré comme une contreindication de la biopsie rénale sans pouvoir préciser si cela était dû aux anomalies de position ou au caractère unique du rein.
Les revues sur le sujet datent d’avant l’utilisation du guidage échographique. Une bonne visualisation de la vascularisation de ce rein est à proposer.
Indications de la biopsie rénale :
L’apport diagnostique des biopsies rénales est indiscutable pour les quatre indications suivantes : le syndrome néphrotique, les maladies systémiques avec atteinte rénale, l’insuffisance rénale aiguë (IRA) et la dysfonction du greffon rénal. La biopsie rénale peut être également utile du point de vue diagnostique et thérapeutique chez les patients porteurs d’une protéinurie de débit non néphrotique, d’une hématurie ou d’une maladie rénale chronique.
Syndrome néphrotique :
Il existe deux exceptions à la règle de biopsie rénale en cas de syndrome néphrotique :
• les enfants entre 1 an et l’âge de la puberté, chez lesquels nous pouvons retenir en premier lieu le diagnostic de glomérulopathie à « lésions glomérulaires minimes » (LGM), en absence d’éléments atypiques, comme la baisse du C3, l’existence d’une hématurie et/ou d’une insuffisance rénale.
Ces patients reçoivent un protocole de corticothérapie, la biopsie étant seulement réalisée dans les formes corticorésistantes.
Chez les enfants âgés de moins de 1 an chez lesquels la LGM est rare, la biopsie est indiquée d’emblée afin d’identifier d’autres étiologies de syndrome néphrotique pour lesquelles le diagnostic est histologique et génétique ;
• les adultes diabétiques, avec une longue antériorité du diabète, présentant une majoration progressive du débit de la protéinurie, jusqu’au débit néphrotique. La présence d’une macroalbuminurie ou microalbuminurie chez des patients avec une ancienneté du diabète (type I) d’au minimum 10 ans ou présentant une rétinopathie diabétique permet d’affirmer le diagnostic de néphropathie diabétique en absence de biopsie rénale, en accord avec les Guidelines KDOQI. La biopsie rénale devient indiquée en cas d’absence de rétinopathie diabétique, de dégradation accélérée du DFG, de majoration brutale de la protéinurie, de présence de sédiment urinaire actif ou de signes d’autres maladies systémiques, quand d’autres étiologies doivent être considérées.
Maladies systémiques associées à une protéinurie ou une insuffisance rénale :
De multiples maladies systémiques comme l’amylose, le myélome, la sarcoïdose ou les complications liées aux médicaments peuvent être diagnostiquées par biopsie rénale. Pour les vascularites et le lupus érythémateux disséminé (LED), la biopsie rénale permet leur classification : la classification Chapel Hill pour les vascularites systémiques et la classification de l’« International Society of Nephrology » et de la « Renal Pathology Society » pour l’atteinte glomérulaire des patients porteurs de LED. L’objectif de ces classifications est de définir avec plus de précisions l’atteinte rénale afin de mieux orienter les protocoles thérapeutiques et d’affiner leur pronostic. Les biopsies rénales peuvent indiquer le degré d’activité de la maladie, et peuvent-être utilisées ainsi pour évaluer l’efficacité du traitement entrepris.
Insuffisance rénale aiguë :
Le diagnostic des patients avec IRA se porte essentiellement vers la nécrose tubulaire aiguë, en particulier dans un contexte clinique évocateur d’hypoperfusion rénale. Mais la biopsie rénale est indiquée, et dans les plus brefs délais, pour tout patient avec IRA d’étiologie méconnue afin de permettre un diagnostic de certitude et d’initier un traitement approprié. La biopsie rénale au cours de l’IRA est indiquée en cas de :
• absence de cause reconnue ;
• rapport albuminurie/créatinine urinaire > 30 mg/g en faveur d’une atteinte glomérulaire ;
• hématurie significative ;
• HTA récente ;
• oligurie prolongée.
La présence d’une hématurie et d’une albuminurie pathologique accompagnant l’IRA oriente vers une atteinte glomérulaire, à l’exemple des vascularites. En cas de vascularite, qui sont des urgences thérapeutiques, la biopsie rénale retrouve toute sa valeur permettant d’affirmer ou de confirmer le diagnostic et d’établir la sévérité des réactions inflammatoires et l’étendue de la fibrose. Lorsque les signes extrarénaux sont peu évocateurs, la biopsie rénale peut mettre en évidence des lésions spécifiques d’angéite nécrosante. Elles peuvent être rencontrées dans des maladies systémiques telles que le LED, la polyarthrite rhumatoïde et les cryoglobulinémies ; elles peuvent survenir dans le cadre d’infection bactérienne ou virale, après une prise de toxique ou au cours de certaines affections malignes. Cependant la plupart des angéites nécrosantes avec atteinte rénale sont considérées comme primitives : la granulomatose de Wegener, la polyangéite microscopique, le syndrome de Churg et Strauss, étroitement associés aux anticorps anticytoplasme des polynucléaires (ANCA). L’étude en immunofluorescence oriente vers une recherche étiologique permettant de distinguer un purpura rhumatoïde, une endocardite avec glomérulonéphrite postinfectieuse, et surtout un syndrome de Goodpasture. Toutefois, il est concevable de surseoir à la biopsie rénale si la mise en route du traitement a été imposée par les manifestations extrarénales de la vascularite. Néanmoins, le diagnostic se doit d’être un diagnostic de certitude car il est difficile de décider d’un traitement immunosuppresseur lourd sans preuve histologique.
La biopsie rénale peut être aussi utile à distance de la mise en route du traitement afin d’évaluer la réponse thérapeutique et de permettre ainsi de juger de l’opportunité de poursuivre le traitement immunosuppresseur.
Protéinurie d’ordre non néphrotique :
La protéinurie est un marqueur mais aussi un facteur de progression de la maladie rénale. Plusieurs études ont mis en évidence une accélération de la dégradation de la fonction rénale en rapport avec le débit de la protéinurie. La perte de DFG est évaluée à 0,4 ml/min/mois chez les patients dont la protéinurie est comprise entre 1,5 et 3 g/24 heures. Ainsi il paraît important d’établir le diagnostic des néphropathies des patients avec une protéinurie > 1,5 g/24 heures, même si parfois les implications thérapeutiques restent modestes. L’indication de biopsie rénale est renforcée par le contexte clinique, comme par exemple au cours d’une arthrite rhumatoïde avec protéinurie.
Si une amylose AA est mise en évidence, le traitement antiinflammatoire doit être intensifié, alors qu’une glomérulopathie extramembraneuse (GEM) doit faire arrêter les sels d’or ou la pénicillamine.
Hématurie isolée :
L’indication de la biopsie rénale dans cette situation reste controversée. Après élimination des causes urologiques d’hématurie, les diagnostics les plus probables restent la néphropathie à membranes basales fines et la néphropathie à dépôt d’immunoglobulines (Ig) A.
Insuffisance rénale chronique inexpliquée :
La biopsie rénale peut apporter des informations importantes, particulièrement si l’insuffisance rénale s’aggrave de façon accélérée. Dans ce cas, elle peut mettre en évidence des lésions justifiant un traitement spécifique (prolifération extracapillaire surajoutée, emboles de cholestérol, néphropathie interstitielle).
Il peut être également important qu’un diagnostic méconnu soit fait même à un stade avancé de l’insuffisance rénale en vue d’une éventuelle transplantation rénale, ce qui influencera la surveillance et la prise en charge postgreffe : oxalose primitive ou digestive, amylose, etc. Néanmoins, en présence d’une insuffisance rénale chronique à petits reins, la biopsie rénale est dangereuse.
Dysfonction du greffon rénal :
La biopsie est particulièrement utile lors des dysfonctions précoces du greffon ou de reprise retardée de fonction. Elle permet d’affirmer le diagnostic de rejet et aussi de préciser son mécanisme pathologique (rejet aigu médié par anticorps ou rejet aigu cellulaire). C’est une étape indispensable pour la mise en place rapide d’un traitement efficace, à l’exemple des immunoglobulines intraveineuses (IVIG), plasmaphérèse et anti-CD20, pour le traitement du rejet aigu médié par anticorps. Les biopsies tardives apportent également des informations indispensables permettant de différencier un rejet aigu cellulaire ou médié par anticorps, d’une néphrotoxicité aux inhibiteurs de la calcineurine ou d’une néphropathie virale (néphropathie à BK virus), ou d’une lymphoprolifération, ou d’une atteinte du greffon par la maladie rénale initiale, etc. La simplicité du geste technique associée à la richesse des informations diagnostiques et pronostiques rend la biopsie indispensable dans le suivi des greffes rénales. Des équipes ont montré un bénéfice à court et long terme des biopsies systématiques du greffon rénal.